Le suffrage universel et ses apprentissages, de 1848 à 1913
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Le suffrage universel et ses apprentissages, de 1848 à 1913
Le suffrage universel et ses apprentissages, de 1848 à 1913 Scrutin du 23 avril 1848 Extrait de Alexis de Tocqueville, Souvenirs, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 2003, pp. 825-826. La population m’avait toujours été bienveillante, mais je la retrouvai cette fois affectueuse et jamais je ne fus entouré de plus de respect que depuis que l’égalité brutale était affichée sur tous les murs. Nous devions aller voter ensemble au bourg de Saint Pierre, éloigné d’une lieue de notre village1. Le matin de l’élection, tous les électeurs, c’est-à-dire toute la population mâle au-dessus de vingt ans, se réunirent devant l’église. Tous ces hommes se mirent à la file deux par deux suivant l’ordre alphabétique ; je voulus marcher au rang que m’assignait mon nom ; car je savais que dans [les] pays et dans les temps démocratiques, il faut se faire mettre à la tête du peuple et ne pas s’y mettre soi-même. Au bout de la longue file venaient sur des chevaux de bât ou dans des charrettes, des infirmes ou des malades qui avaient voulu nous suivre. Nous ne laissions derrière nous que les enfants et les femmes ; nous étions en tout cent soixante-dix. Arrivés au haut de la colline qui domine Tocqueville, on Le vote au village, G. Gostiauf, 1848 s’arrêta un moment. Je sus qu’on désirait que je parlasse. Je grimpai donc sur le revers d’un fossé, on fit cercle autour de moi et je dis quelques mots que la circonstance m’inspira. Je rappelai à ces braves gens la gravité et l’importance de l’acte qu’ils allaient faire ; je leur recommandai de ne point se laisser accoster ni détourner par les gens, qui, à notre arrivée au bourg, pourraient chercher à les tromper ; mais de marcher sans se désunir et de rester ensemble, chacun à son rang, jusqu’à ce qu’on eût voté. « Que personne, dis-je, n’entre dans une maison pour prendre de la nourriture ou pour se sécher (il pleuvait ce jour-là) avant d’avoir accompli son devoir. » Ils crièrent qu’ainsi ils feraient et ainsi ils firent. Tous les votes furent donnés en même temps et j’ai lieu de penser qu’ils le furent presque tous au même candidat. Aussitôt après avoir voté moi-même, je leur dis adieu, et, montant en voiture, je partis pour Paris. 1 Saint-Pierre-Église se trouve entre Cherbourg et le château de Tocqueville, éloigné de cinq kilomètres à l’est de cette localité. Le vote se déroulait au chef-lieu de canton et les communes étaient admises à tour de rôle dans la salle de vote. Les commissaires avaient donné l’ordre de se ranger par ordre alphabétique. Le grande nombre d’électeurs avait conduit à organiser le scrutin sur deux jours, le demande de Pâques 23 avril et le lundi. La commune de Tocqueville alla voter le lundi 24 avril. Décret du 5 mars 1848 relatif au suffrage universel Le gouvernement provisoire de la République, Voulant remettre le plus tôt possible aux mains d’un gouvernement définitif les pouvoirs qu’il exerce dans l’intérêt et par le commandement du peuple, Chaque bulletin contiendra autant de noms qu’il y aura de représentants à élire dans le département. Le dépouillement des suffrages se fera au chef-lieu de canton et le recensement au département. Décrète : Article 1er. Les assemblées électorales de canton seront convoquées au 9 avril prochain pour élire les représentants du peuple à l’assemblée nationale qui doit décréter la constitution. Nul ne pourra être nommé représentant du peuple s’il ne réunit pas deux mille suffrages. Article 10. Chaque représentant du peuple recevra une indemnité de 25 f. par jour, pendant la durée de la session. Article2. L’élection aura pour base la population. Article 3. Le nombre total de représentants du peuple sera de 900 y compris l’Algérie et les colonies Françaises. Article 11. Une instruction du gouvernement provisoire règlera dans les détails l’exécution du présent décret. Article 12. L’assemblée nationale constituante s’ouvrira le 20 avril. Article 4. Ils seront répartis entre les départements dans la proportion indiquée au tableau ci-joint. Article 13. Le présent décret sera immédiatement envoyé dans les départements et publié et affiché dans toutes les communes de la République. Article 5. Le suffrage sera direct et universel. Fait à Paris, en Conseil de Gouvernement, le 5 mars 1848 Article 6. Sont électeurs tous les Français âgés de 21 ans résidant dans la commune depuis six mois et non judiciairement privés ou suspendus de l’exercice des droits civiques. Article 7. Sont éligibles tous les Français âgés de 23 ans et non privés ou suspendus de l’exercice des droits civiques. Article 8. Le scrutin sera secret. Article 9. Tous les électeurs voteront au chef-lieu de leur canton par scrutin de liste. Les membres du gouvernement provisoire Armand Marrast, Garnier-Pagès, Arago, Albert, Marie, Crémieux, Dupont (de l’Eure), Louis Blanc, Ledru-Rollin, Flocon, Lamartine. Le secrétaire général du Gouvernement provisoire, Pagnerre