La Lettre # 44

Transcription

La Lettre # 44
La lettre d’Archimède
L’actualité de l’Eldo vue par un spectateur
Sommaire
No 44 — 23 janvier 2016
Les Premiers, les Derniers
Birdman — Trois souvenirs de ma jeunesse
Comme un avion — Much Loved
Le film mystère
En bref — Prochains rendez-vous à l’Eldo… et ailleurs
LES PREMIERS, LES DERNIERS
un film de Bouli Lanners
sortie à l’Eldorado le mercredi 27 janvier 2016
L’action se situe dans une plaine infinie balayée par un vent glacial, et éclairée faiblement par le ciel
plombé. Craignant la fin du monde, Esther et Willy fuient le long de la ligne d’aérotrain où, en chemin, ils
rencontrent Jésus. À leurs trousses, deux bikers sans motos — Cochise et Gilou, le dernier toujours flanqué
de son fidèle Gibus —, deux chasseurs de prime qui ont pour mission de retrouver le téléphone dérobé
par Willy. Ce dernier a le don de s’attirer les ennuis : un groupe d’habitants le recherche aussi pour le
punir d’avoir bousculé la femme de l’un, d’avoir volé de la nourriture chez l’autre…
Il y a du western crépusculaire dans Les Premiers, les Derniers : l’utilisation du scope, l’immensité du lieu,
la dispersion de la population, la désespérance qui habite les êtres… Dans cet univers finissant, les bons
sont ceux qui cultivent la relation à l’autre, qui lui porte attention, qu’il soit un ami malade, une femme
aimée, ou un cadavre momifié. Les méchants sont ceux qui ne voient en l’autre qu’un allié de circonstance
ou une victime potentielle sur qui se défouler. Entre les deux, Cochise et Gilou sont à un tournant de leur
vie, cette vie d’hommes de main qui maintenant leur pèse. Les circonstances et les rencontres, en particulier celle avec deux patriarches interprétés magnifiquement par Michael Lonsdale et Max von Sidow,
vont les aider à décider de la nouvelle orientation de leur vie.
Ce qu’il y a de plus frappant dans Les Premiers, les Derniers, c’est son évidence. Pas besoin de longs discours pour planter le décor, présenter les personnages ou expliquer l’intrigue. Il y a tout de suite une
atmosphère, un enjeu dramatique. Le choix des interprètes est lui aussi déterminant : le physique traduit
immédiatement l’âme — l’angoisse de Cochise, la douceur de Jésus, l’innocence de Willy, la sagesse du
patron de la maison d’hôte… sont visibles dans leurs corps, avant de l’être dans les actes. Avec Les Premiers, les Derniers, Bouli Lanners signe une œuvre sensible et grave, dénuée d’ironie, l’arme des désespérés, mais non d’humour et de merveilleux. Un film réussi à découvrir dès mercredi.
Les Premiers, les Derniers (France, Belgique ; 2016 ; 98’ ; couleur, 2.39:1 ; 5.1), écrit et réalisé par Bouli Lanners, produit par Catherine Bozorgan, Jacques-Henri et Olivier Bronckart ; musique de Pascal Humbert, image de Jean-Paul de Zaetijd, montage d’Ewin Ryckaert ; avec Albert
Dupontel (Cochise), Bouli Lanners (Gilou), Suzanne Clément (Clara), Michael Lonsdale (Jean Berchmans), David Murgia (Willy). Distribué par
Wild Bunch Distribution.
Festival cinéma Télérama 2016
du mercredi 20 au mardi 26 janvier 2016
BIRDMAN
TROIS SOUVENIRS DE MA JEUNESSE
COMME UN AVION — MUCH LOVED
Birdman
Trois souvenirs de ma jeunesse
Que me reste-t-il de Birdman onze mois après sa sortie ? Quelques images, une caméra virtuose filmant
Michael Keaton en slip lévitant dans sa loge ou courant dans la rue, un portrait assassin du monde du
spectacle… Au final, assez peu de choses de l’histoire de Riggan Thomson (Michael Keaton), star dont la
carrière a été vampirisée par son rôle de Birdman, super-héros ailé. Juste avant la première d’une pièce
de théâtre dont il espère qu’elle relancera sa carrière, le comédien se débat contre des problèmes familiaux et professionnels, et surtout contre lui-même. Alejandro G. Iñárritu emporte le spectateur dans un
long plan séquence effréné où images et idées se succèdent sans la moindre pause, Birdman étant une
performance qui joue sur la confusion entre la réalité et la fiction, un moment de plaisir immédiat qui ne
laisse aucune place à la nuance, une attaque du factice qui n’hésite pas à utiliser les artifices habituels.
C’est peut-être la plus grande qualité du film : ne pas s’extraire de la mêlée, ne pas s’arroger une transcendance qui le distinguerait du monde jugé.
Après Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle) (1996) et Un conte de Noël (2008), Arnaud Desplechin reprend dans Trois souvenirs de ma jeunesse le personnage de Paul Dédalus, joué ici par trois acteurs :
l’enfant Antoine Bui, l’adolescent Quentin Dolmaire et l’adulte Mathieu Amalric. Les trois films ne forment
pas réellement une suite qui composerait une biographie imaginaire, mais sont comme trois lectures
d’une même vie. Dans Trois souvenirs de ma jeunesse, Paul Dédalus quitte sa jeune et divine amante pour
retourner en France après un long séjour à l’étranger. Il se souvient de trois épisodes de sa vie qui l’ont
construit : le départ du domicile parental pour se réfugier chez sa grand-mère, son voyage scolaire à Minsk
où il aide courageusement des refuzniks, et la conquête amoureuse d’Esther. Cette nouvelle Odyssée, le
film s’inspirant indéniablement de la construction du poème d’Homère, est sans doute l’une des œuvres
les plus riches et les plus émouvantes d’Arnaud Desplechin. À voir ou à revoir absolument.
Comme un avion est aux antipodes de Trois souvenirs de ma jeunesse. La comédie burlesque de Bruno
Podalydès est simple, légère et poétique. Michel, un infographiste cinquantenaire passionné par l’Aéropostale depuis l’enfance, se met au kayak car le bateau ressemble à un fuselage d’avion et qu’en plus le
mot est un palindrome. Avec les encouragements de sa femme, le néophyte se lance vaillamment à la
descente d’une rivière, et, pendant son expédition, croise un pêcheur qui ressemble à Pierre Arditi, un
vigile compatissant, des buveurs d’absinthe, et surtout une île qui exerce sur lui une attraction étrange.
Pour son malheur, Michel prend au sérieux tout ce qu’il entreprend, et les petits bijoux de technologie
dont il raffole le trahissent inévitablement. La morale de l’histoire : il faut prendre la vie comme elle vient,
profiter des plaisirs minuscules qui se présentent. C’est un peu simpliste, mais l’humour de Bruno Podalydès, sa fantaisie et sa poésie, nous la font accepter sans discuter.
Il n’est pas facile de traiter de la sexualité au Maroc, surtout lorsque la prostitution, l’homosexualité, la
pédophilie et le tourisme sexuel sont évoqués, et il a fallu un réel courage pour tourner Much Loved. Le
Comme un avion
Much Loved
film a d’ailleurs été interdit au Maroc et des menaces de mort ont été émises contre le réalisateur Nabil
Ayouch et contre les actrices qui y ont participé. Much Loved décrit le quotidien de trois prostituées de
Marrakech, de l’appartement partagé aux soirées chaudes, sans voyeurisme, ni angélisme. Si le discours
de Nabil Ayouch est le plus souvent juste et modéré, le trait est parfois un peu insistant et certains épisodes inutiles ou artificiels. Un peu trop souvent à mon goût, la fiction prend le pas sur le documentaire,
et le film perd alors en vie et en vérité. La grande force de Much Loved reste néanmoins les actrices, non
professionnelles, qui insufflent dans le film une énergie que l’intelligence et la beauté de la mise en scène
renforcent. Un film à voir pour lui-même et aussi contre les censeurs.
Birdman (Birdman or (The Unexpected Virtue of Ignorance) ; États-Unis ; 2014 ; 119’ ; couleur, 1.85:1), réalisé par Alejandro G. Iñarritu, écrit par Alejandro G. Iñarritu,
Nicolás Giacobone, Alexander Dinelaris Jr. et Armando Bo, produit par John Lesher, Arnon Milchan et James W. Skotchdopole ; musique d’Antonio Sanchez, image
d’Emmanuel Lubezki, montage de Douglas Crise et Stephen Mirrione ; avec Michael Keaton (Riggan), Zach Galifianakis (Jake), Edward Norton (Mike), Andrea Riseborough (Laura), Amy Ryan (Sylvia), Emma Stone (Sam). Distribué par Twentieth Century Fox France. Oscars du meilleur film, du meilleur réalisateur, du meilleur
scénario original et de la meilleure photographie 2015, Golden Globes du meilleur acteur dans une comédie (Michael Keaton) et meilleur scénario 2015…
Trois souvenirs de ma jeunesse (France ; 2015 ; 120’ ; couleur, 2.35:1 ; 5.1), réalisé par Arnaud Desplechin, écrit par Arnaud Desplechin et Julie Peyr, produit
par Pascal Caucheteux ; musique de Grégoire Hetzel, image d’Irina Lubtchansky, montage de Laurence Briaud, décors de Toma Baqueni ; avec Quentin Dolmaire (Paul Dédalus), Lou Roy-Lecollinet (Esther), Mathieu Amalric (Paul adulte). Distribué par Le Pacte. Prix SCAD au Festival de Cannes 2015, Silver Plaque
de la meilleure direction artistique au Festival international du film de Chicago 2015.
Comme un avion (France ; 2015 ; 105’ ; couleur, 1.85:1), écrit et réalisé par Bruno Podalydès, produit par Pascal Caucheteux ; image de Claire Mathon, montage
de Christel Dewynter ; avec Bruno Podalydès (Michel), Sandrine Kiberlain (Rachelle), Agnès Jaoui (Laetitia), Vimala Pons (Mila), Denis Podalydès (Rémi), Michel
Vuillermoz (Christophe), Jean-Noël Brouté (Damien). Distribué par UGC Distribution.
Much Loved (France, Maroc ; 2015 ; 104’ ; couleur), écrit et réalisé par Nabil Ayouch, produit par Eric Poulet, Saïd Hamich et Nabil Ayouch ; musique de Mike
Kourtzer, image de Virginie Surdej, montage de Damien Keyeux ; avec Loubna Abidar (Noha), Asmaa Lazrak (Randa), Halima Karaouane (Soukaina), Sara
Elmhadi-Elalaoui (Hlima). Distribué par Pyramide Distribution. Meilleure actrice (Loubna Abidar) au Festival international du film de Gijón 2015.
Pour obtenir le pass Télérama, il faut vous procurer le numéro de Télérama d’une des deux dernières semaines (13 et 20 janvier). Le pass donne droit à
deux entrées au tarif préférentiel de 3,50 € l’une pour toutes les séances du festival. Tarifs habituels pour les films du festival sans pass Télérama et les
films hors festival.
Le film mystère
Au début des Huit Salopards de Quentin Tarantino (toujours à l’Eldo), un ancien soldat qui a perdu sa monture,
mais qui est toujours en possession de la selle, se met sur le chemin pour arrêter une diligence qui l’acceptera, à
condition toutefois de se désarmer. L’épisode m’évoque inévitablement un western, dont le photogramme ci-après
est extrait. Et vous, reconnaissez-vous le film mystère ?
Pour jouer, il suffit d’envoyer le titre du film mystère et le nom de son réalisateur par mail à l’adresse [email protected] ou déposez la réponse avec le numéro de la Lettre, votre nom et des coordonnées
(de préférence une adresse électronique) dans l’urne située dans le hall de l’Eldorado avant le vendredi 29 janvier
minuit. Le gagnant sera tiré au sort parmi les bonnes réponses et remportera deux places gratuites. Bonne chance !
Le film mystère précédent
Félicitations à Frédérique M. qui a été la seule à reconnaître dans Opening Night (1977) de John Cassavetes et qui
remporte donc les deux places gratuites en jeu.
Opening Night se situe dans les quelques jours qui précèdent la première new-yorkaise de The Second Woman, une
pièce où la célèbre actrice Myrtle Gordon (Gena Rowlands) tient le premier rôle. La comédienne quadragénaire est
angoissée, saisissant difficilement le rôle d’une femme vieillissante qu’elle ne comprend pas, et hantée par le fantôme d’une jeune admiratrice décédée sous ses yeux. Lors d’une répétition, au moment d’un échange de gifle avec
Maurice Adams (John Cassavetes), Myrtle s’effondre et reste à terre de longues minutes (le photogramme). Opening Night est sans doute l’un des meilleurs films de John Cassavetes. Comédien, acteur pour la télévision — connu
entre autres pour la série Johnny Staccato (1959–1960) — et de cinéma — Les Douze Salopards (1967) de Robert
Aldrich, Rosemary’s Baby (1968) de Roman Polanski… —, John Cassavetes (1929–1989) est surtout l’une des figures
marquantes du cinéma indépendant américain. Si vous ne le connaissez pas, il vous faut absolument découvrir,
outre Opening Night, Faces (1968), Une femme sous influence (1974) et Love Streams (1984), qui offrent trois magnifiques rôles à son épouse Gena Rowlands.
Attention ! Derniers jours pour la souscription
Au vendredi 22 janvier,
601 spectateurs ont donné 46 717 €.
Et vous ?
Informations et modalités de la souscription sur le site web de l’Eldorado
En bref
Il est encore possible de s’inscrire à l’atelier consacré à Jean-Pierre Melville du samedi 30 janvier (9 h – 12 h). Comme d’habitude, Aurelio Savini présentera ce qui fait la spécificité du réalisateur avec des extraits de son œuvre, puis les participants
retourneront une scène d’un de ses films. Ouvert aux adolescents et aux adultes ; tarif unique : 10 €. Inscription obligatoire à
l’accueil de l’Eldorado ou par téléphone au 03 80 66 51 89.
Prochains rendez-vous à l’Eldo…
Janvier
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Jusqu’au mardi 26 : 19e Festival cinéma Télérama.
Vendredi 29 : Ciné-dîner japonais autour du film Les Délices de Tokyo (formules à 9 € et 18 €).
Samedi 30, 9 h : Atelier cinéma spécial Jean-Pierre Melville, animé par Aurelio Savini (10 €).
Février
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Mercredi 3, 16 h : Séance ciné-jeux Mini et les Voleurs de miel.
Vendredi 5, 13 h 45 : Projection de C’est quoi ce travail ?, suivie d’une rencontre avec le réalisateur Sébastien Jousse.
Samedi 13, 10 h : Avant-première de Les Nouvelles Aventures de Pat et Mat, suivie d’un atelier jeux (5 €).
Samedi 13, 16 h : Avant-première de La Chouette, entre veille et sommeil, avec lecture en salle (5 €).
Dimanche 14, 10 h : Avant-première de Les Nouvelles Aventures de Pat et Mat, suivie d’un atelier jeux (5 €).
Dimanche 14, 16 h : Projection de Les Espiègles, suivie d’un atelier jeux (5 €).
Lundi 22, 14 h : Ciné-atelier Le Voleur de Bagdad.
Mardi 23, 20 h 15 : Projection de En quête de sens, suivie d’un débat.
… et ailleurs
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Samedi 30 janvier, 21 h : Boum Yourself Vol. 2 au Point d’eau, 71, rue Jeannin (entrée libre).
Dimanche 7 février, 16 h : Concert de musique baroque animé par Patrick Heilmann et Claire Bournez, dans le cadre
de l’exposition Dentelle et Soleils noirs proposée par Itinéraires singuliers au centre hospitalier La Chartreuse, 1, boulevard Chanoine Kir (entrée libre).
Cinéma Eldorado
21, rue Alfred de Musset / 21 000 DIJON
Divia : liane 5 et ligne 12 — Station Vélodi à proximité
Site web : http://www.cinema-eldorado.fr — Courriel : [email protected]
Twitter : @CinmaEldorado — Facebook : CinemaEldorado
La lettre d’Archimède
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