La restructuration globale des dettes privées désormais applicable

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La restructuration globale des dettes privées désormais applicable
La restructuration globale des dettes privées
désormais applicable au Liban
LIBAN - FINANCE
La Banque du Liban a émis récemment une circulaire
permettant aux sociétés en difficulté de paiement de voir leur
dette restructurée sans passer par une liquidation judiciaire.
Céline HADDAD | OLJ
04/12/2015
L'activité économique continue de montrer des signes d'essoufflement, de plus
en plus d'entreprises peuvent se retrouver dans la situation où elles ne sont plus
en mesure d'honorer leurs dettes. Or, au Liban, débiteurs et créanciers doivent
composer avec une législation vétuste et peu protectrice en matière
d'insolvabilité.
Le Liban a ainsi été classé 134e sur 189 pays sur ce point dans le dernier rapport
Doing Business de la Banque mondiale (BM), avec un taux de recouvrement des
dettes de seulement 32 % contre 72,3 % pour les pays de l'OCDE. Pour y
remédier, la Banque centrale (BDL) a émis fin octobre une circulaire (n° 135)
introduisant la possibilité d'une restructuration globale des dettes contractées
auprès des banques par un agent privé – particulier ou entreprise – se retrouvant
dans l'incapacité de rembourser.
Améliorer le recouvrement
« Selon la loi de 1943, lorsqu'une société est en incapacité de régler ses dettes
commerciales, elle est déclarée en faillite et une action en justice est intentée
contre elle devant le tribunal de commerce à Beyrouth. Une procédure de
liquidation de la société est mise en place après la déclaration des dettes de
l'entreprise par ses créanciers », explique une avocate sous le couvert de
l'anonymat.
C'est justement pour éviter ce cas de figure que cette circulaire a été mise en
place : « Elle permet un accord extrajudiciaire grâce auquel les compagnies
endettées peuvent être redressées si on leur permet de trouver un accord à
l'amiable avec leurs créanciers, s'ils considèrent que la société est viable. Le ratio
de recouvrement de la dette via une procédure judiciaire est de seulement 20 %,
avec de surcroît un lourd préjudice porté à la réputation du chef d'entreprise,
alors qu'avec un processus de restructuration, ce ratio est trois fois plus élevé »,
explique le directeur du département bancaire au sein de la BDL, Najib Anwar
Choucair.
« Cette circulaire s'adresse surtout aux sociétés ayant un problème de liquidité,
non pas de solvabilité, car la société peut avoir beaucoup d'actifs mais plus
assez de liquidité pour payer ses dettes, notamment du fait de la situation
politico-sécuritaire, comme dans les secteurs du luxe ou de l'hôtellerie par
exemple », poursuit-il.
Car limiter l'endettement du secteur privé reste le cheval de bataille de la BDL, et
ce même si le taux de créances douteuses plafonne à moins de 4 %, contre 24 %
en 1993 : « Ce taux reste plus qu'acceptable, et est même inférieur à ceux de
nombreux pays. Mais le degré de risque de ces créances s'accentue, les dettes
restructurées à travers le mécanisme prévu par la circulaire devraient donc être
moins risquées », explique M. Choucair.
Procédé incitatif
Concrètement, un particulier endetté auprès de plusieurs institutions financières
peut désormais obtenir l'approbation des deux tiers des banques – et possédant
au moins 60 % de la dette totale – pour renégocier ses prêts non remboursés.
Dans ce cas, il sera impossible d'attaquer en justice le client pendant les trois
mois des négociations, renouvelables une fois.
La Banque centrale met donc en avant un procédé incitatif : « Cette circulaire n'a
pas l'effet d'une loi, c'est pourquoi elle met l'accent sur le consentement des
banques dans le processus de restructuration, car si les deux tiers des banques
se mettent d'accord, le tiers restant aura d'autant plus intérêt à donner sa chance
au client », avance M. Choucair. « Nous procédions déjà à la restructuration de la
dette de nos clients à la banque de détail, mais il s'agissait d'une procédure
strictement interne et prêt par prêt. Cette circulaire élargit donc le champ de la
restructuration », confirme Antoine Rif, directeur du département de la banque
de détail et du risque à la Fransabank.
Dans le cadre de cette restructuration, les banques peuvent aussi accorder de
nouveaux prêts à court terme à l'entreprise en difficulté voire annuler ou réduire
le montant de certaines créances. Et, pour pousser les banques à mettre en place
de telles procédures, « la Banque centrale pourra financer chaque banque de
50 % du montant prêté au client, ou du nouveau prêt qui lui est accordé lors de
la restructuration de sa dette, si ce montant ne dépasse pas les 50 % du prêt
initial. Ce sous plusieurs conditions, par exemple que la durée du nouveau prêt
ne dépasse pas les 7 ans », explique Antoine Rif.
Reste que plusieurs banquiers ont confié à L'Orient-Le Jour éprouver des
difficultés à comprendre certains mécanismes prévus par la circulaire, comme
par exemple les modalités d'octroi du financement assuré par la BDL ; ou celles
relatives au recouvrement de tout ou partie de la dette à travers l'acquisition des
biens mobiliers et immobiliers du débiteur, et notamment le montant des
provisions obligatoires à effectuer dans ce cadre. « Nous avons prévu un atelier
avec les banques pour traduire cette circulaire en guide pratique détaillé le mois
prochain. Il faudra peut-être élaborer une autre circulaire pour expliquer cette
circulaire », ironise M. Choucair.