Synthèse Assises filière pêche et pdm
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Synthèse Assises filière pêche et pdm
MIEUX VALORISER LA PRODUCTION, MIEUX COMMUNIQUER Campagnes environnementalistes, image de la profession et des produits : Comment se défendre collectivement ? Thomas MARKO, Président, Groupe Thomas Marko & Associés Céline ASTRUC, rédactrice en chef, PdM : Ce matin, on a évoqué l’environnement, les ONG, l’image du poisson. Aujourd’hui, on constate que les enseignes françaises et les transformateurs échappent peu ou prou au classement de Greenpeace sur leurs actions pour préserver les ressources halieutiques. Mais, le secteur de la pêche est quand même touché par les actions des ONG environnementalistes dont les messages peuvent être simplifiés ou caricaturaux. Et l’image de certains pêcheurs, surtout hauturiers, se dégrade dans l’opinion publique, avec certains consommateurs qui ont tendance à se détourner du poisson. Alors, comment se défendre alors que le message est complexe, Thomas MARKO ? Thomas MARKO, Président, Groupe Thomas Marko & Associés : La filière de la pêche et des produits de la mer n’est pas la plus affectée par les critiques. Mais, dans l’avenir, il est clair cependant que cette filière sera l’objet de remises en cause de plus en plus importantes dans le débat public. C’est pour cela qu’il faut se préparer, de manière urgente, à se défendre et à valoriser les produits de vos filières ! Mon activité est celle de conseil en communication sur des problématiques sensibles de « risque opinion ». Nous travaillons sur les stratégies d’influence, sur les campagnes grand public, mais aussi sur des domaines plus souterrains comme les affaires publiques, le lobbying ou la veille. Il est très important d’avoir des oreilles et des yeux pour voir où se créent les rumeurs (souvent négatives) et comment elles sont reprises et orchestrées par des petits groupes d’individus très efficaces et dangereux pour des filières entières. Aujourd’hui, on en parle tous les jours dans les médias, il y a des problématiques de plus en plus sensibles comme les biocarburants, les pesticides, le bien-être animal. On rencontre également l’écoterrorisme. Nos autorités françaises en charge de la sécurité nationale le considèrent comme la 2ème cause d’inquiétude, après le terrorisme islamiste… Nous sommes davantage habitués aux problématiques agricoles, mais c’est la même chose pour les problématiques en mer. Nous sommes également des spécialistes de la distribution, avec Carrefour, Casino et des marques connues de l’agro-alimentaire. Le contexte sociétal actuel est celui d’une montée en puissance d’une conscience environnementale, sanitaire et éthique. Nous sommes dans un monde en recherche, quasiment en quête spirituelle. Certaines organisations trouvent dans ces combats-là un substitut à d’autres combats d’autrefois. Ces combats sont d’ailleurs souvent appelés des croisades : initiatives d’Al Gore, dénigrement des pesticides, actions d’organisations planétaires avec Greenpeace, fauchage d’OGM, etc. On voit une défiance croissante à l’égard de l’expert. Dans le monde agro-alimentaire, on a sans doute trop utilisé les experts pour faire passer des messages à caractère plus marketing que scientifique ! Aujourd’hui, les choses se retournent sans doute contre ces experts, car leurs messages sont parfois l’objet de défiance. Par ailleurs, des éléments ont déclenché cette réaction : sang contaminé, vache folle, pandémies, vraies ou fausses, qui ont jeté un trouble considérable sur les experts. Avec ce principe de précaution inscrit dans notre constitution, on a dorénavant des comportements de prudence, parfois excessives. La crédibilité et la confiance ne sont plus vraiment du côté des scientifiques mais plutôt du côté d’acteurs qui prennent part, sans être experts, à ces causes environnementales, porteuses d’images et qui font vendre… (cf. notre photographe héliporté !). L’impact sur une filière peut être dévastateur. Prenons la filière du bœuf : c’est une filière assez puissante en France, mais qui est l’objet d’attaques fortes ; d’abord des attaques par rapport au climat : « manger moins de viande est bon pour le climat », le cheptel étant émetteur de gaz à effet de serre, et la viande pouvant être remplacée par d’autres produits, dont le poisson, éventuellement ! Ensuite, les attaques contre la filière viande viennent d’associations qui disent que « manger moins de viande est bon pour la santé » : cancer colorectal dû à l’excès de viande, journées sans viande, courants végétariens, végétaliens et véganistes… Enfin, une idée est actuellement surexploitée, l’animal est un être sensible, victime de nos choix alimentaires. Certains courants considèrent que toutes les espèces animales, dont l’homme, sont égales les unes aux autres ! Assises de la filière Pêche et Produits de la Mer – 23 juin 2010 - Paris Ce courant progresse et inspire notamment des actions dans les grandes surfaces : un personnage avec une cape noire et une faux qui déambule dans les rayons de viande des supermarchés et qui interpelle les consommateurs ! Dans votre filière pêche et produits de la mer, vous souffrez sans doute de ce contexte, mais vous considérez aussi que vos activités ont beaucoup d’atouts ! Mais il est difficile de gérer le paradoxe qui fait que les agriculteurs comme les pêcheurs, on les aime et on les soutient, mais la population a également en tête les problèmes climatiques, de bien-être animal ou sanitaire. Le poisson, longtemps considéré comme une alimentation de substitution à une alimentation animale terrienne est aujourd’hui accusé de certains maux ! Notamment dans le livre » Le vrai régime anti-cancer » du Professeur Khayat qui a conduit pendant plusieurs années toute la politique sur le cancer en France : le poisson représente un sixième du livre en volume avec des attaques très féroces à l’égard du poisson. Il s’agit d’une autorité scientifique, d’un expert, mais en fait, les experts sont souvent remis en cause lorsqu’ils disent du bien mais pas forcément quand ils disent du mal… On parle donc davantage de pollution, de métaux lourds, de PCB, de pesticides, de changement climatique, de surpêche, de techniques de pêche et d’élevage, d’urbanisation et de stations d’épuration, d’assèchement des zones humides, etc. Vous serez de plus en plus confrontés à ces sujets, avec des actions de plus en plus visibles et théâtralisées de la part d’acteurs qui ont un savoir-faire que vous n’avez pas… En communication, ils ont quelques années d’avance sur vous, il faut le savoir ! Comment pourriez-vous vous défendre collectivement et assez rapidement ? D’abord, et je sais que vous y pensez déjà, il faut avoir un émetteur unique. Vous êtes une filière très « mosaïque » ; il serait bon que, vite, vous trouviez une organisation à la fois représentative de votre diversité et en capacité de dégager des budgets car, hélas, la communication coûte cher ! Je pense qu’il faut avoir des démarches de communication complémentaires, les unes visibles, les autres moins visibles. Les plus visibles sont les grandes campagnes média grand public, avec la TV, la radio, la presse écrite, le cinéma, etc., pour marteler une campagne pendant quelque temps. Mais, ce n’est pas une offensive pérenne et cela coûte très cher. Il faut donc accompagner cette offensive ! Il n’est pas possible d’ignorer le Web, là où se crée la rumeur et se répandent les fausses informations et les attaques de vos adversaires. Il faut donc travailler avec les mêmes armes qu’eux ! Le Web est très important pour exposer ses positions dans une stratégie d’« assumation » et de fierté des filières ! Même sur les composantes moins vertueuses de vos métiers, sur lesquelles il convient d’apporter des correctifs, vous devez toujours jouer la transparence ! De nombreux exemples montrent que, sans la transparence, c’est pire que tout et c’est la curée… En même temps que le Web, il y a les points de vente. En dehors des milliers de poissonneries, il y a les restaurants et les activités de pêche sur le terrain, ce qui donne un fort maillage sur le territoire pour agir en réseau. Vous pouvez vraiment peser de tout votre poids pour agir si vous êtes bien rassemblés et en nombre. Vous êtes aussi capables d’organiser des actions positives très visibles sur le terrain, avec les médias locaux. Il existe également des actions non visibles, en se dotant d’oreilles et d’yeux pour détecter ce qui arrive et prendre rapidement les décisions qui s’imposent. Le mode de gouvernance de la filière doit permettre de la souplesse et de la rapidité d’action. De manière encore plus invisible, on doit pouvoir travailler sur de l’intelligence stratégique : voir arriver l’ennemi et le connaître ! Savoir quelles sont les associations qui vous tendent des pièges, qui préparent des mauvais coups, quels sont les individus, leurs parcours et leurs financements ? Par exemple, à la SPA, sur la question du bien-être animal, il existe un bras armé : le L 214 ! Dans leur logo, il y a 3 animaux dont le 1er est un poisson. Ils font du mal à la filière cunicole (les lapins), aux poules pondeuses, à la viande bovine et ils commencent à s’intéresser au bien-être des poissons. Il faut donc être vigilant. Je pense aussi qu’il faut aussi travailler sur une riposte juridique, car la France n’a pas un arsenal législatif suffisant contre l’écoterrorisme. Ensuite, il faut un travail de relais auprès des élus pour que vos représentants aux parlements (Européen, Sénat et Assemblée nationale) soient mobilisés et accompagnent les modifications éventuelles de textes. Enfin, cerise sur le gâteau, il faut un développement de mouvements militants pour faire face aux mouvements militants de vos adversaires. Dans la filière bœuf, c’est ce que nous prônons : organiser des groupes de gens aimant la viande de bœuf, leur donner la parole et orchestrer des actions. Vous êtes capables d’en faire autant ! Mes propos, ici, n’ont pas l’objectif d’assombrir nos Assises, mais d’attirer votre attention sur l’urgence d’une défense collective et organisée, car une telle démarche prend du temps pour se mettre en place… Assises de la filière Pêche et Produits de la Mer – 23 juin 2010 - Paris