Le travail en photo. Mais quel travail ? ! | On est là pour voir | Rue89

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05/06/13 14:44
ON EST LÀ POUR VOIR
des photos de toutes les couleurs, et aussi des vertes et des pas mûres
Le travail en photo. Mais quel travail ? !
Louis Mesplé
Rue89
Publié le 03/06/2013 à 12h16
« The Thing », Luis Hernandez de l’Etat de Veracruz. Il travaille comme manoeuvre sur des chantiers de démolition à New York. Il envoie 200 dollars par semaine à sa famille (Dulce Pinzòn)
Photographier le travail, ok, mais quel travail ? Plusieurs expositions en France essaient de cerner ce monstre de notions, d’activités,
d’exercices, d’opérations, d’occupations appelé « travail ».
En premier lieu, l’exposition « Quel travail ? ! », au Centre photographique d’Ile de France (CPIF), où quatorze photographes et vidéastes font
le point sur tous les états du travail, ses apparitions physiques dans nos sociétés occidentales, anciennement très avancées dans ce domaine.
Le point est bien fait. Il est à mettre en parallèle avec les chiffres du chômage, le constat de la désindustrialisation, la crise économique
lancinante.
Malaise dans l’image
On devine néanmoins un malaise de l’image à ne pas « accrocher » à quelque-chose de plus solide. En fait, montrer l’organisation et dénoncer
les méfaits sur le genre humain de l’art mécanique qu’est la photographie, née avec la révolution industrielle, qui a accompagné le travail pour
en glorifier les productions, se trouve déphasé dans l’immatérialité et l’instabilité des situations.
Le malaise vient de cette difficulté à saisir le tangible. Car rien n’est sûr. Ni l’atelier traditionnel et ses machines, ni l’univers high-tech
informatisé. Ce qui l’est, c’est ce qui est perdu ou résiste bon an mal an à l’anéantissement.
L’ourdisseuse, tirée de la série « Les dentellières de Calais », 2010 (Olivia Gay)
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L’ourdisseuse, tirée de la série « Les dentellières de Calais », 2010 (Olivia Gay)
Les opérateurs se placent dans cet intervalle obligé « d’un monde qui meurt et d’un autre qui tarde à apparaître ». Cette situation provoque
des réflexions d’images qui n’entrent dans aucune catégorie, sinon celle d’introspection et de qualité très personnelles.
En fait, le photographe se trouve, métaphoriquement, lui aussi en recherche du travail. Et à l’instar des demandeurs d’emploi, les artistes ne
peuvent que constater, avec les nuances de leur sensibilité, le champ des naufrages et des détresses.
Les « Outils morts » - outils pour une grève -, 2011, fonte de fer, établi en bois (Antoine Nessi)
C’est le cas des « Outils morts », figuration d’Antoine Nessi, ou de la série « 13h42 à Bataville » de Caroline Bach, qui montre, en ambiance
blafarde, la désertification inexorable d’une cité ouvrière en Lorraine, construite pour abriter les travailleurs de l’usine Bata fermée en 2001.
Les prises de vues de Bruno Serralongue sur et dans l’usine de Florange (ArcelorMittal) ont cette retenue
lucide devant la résistance toujours en cours des hommes et du site.
On pourrait définir ces travaux sur le travail à la pointe d’une tendance « réaliste critique », dont Allan
Sekula photographe, critique et historien, serait le chef de file.
Dans cette exposition, il est présent avec des variations d’une série ancienne, « Titanic’s Wake » (1998),
sur le monde hautement symbolique de la globalisation qu’est l’univers maritime, de ses chantiers de
dépeçages à ses flux de tankers géants.
« Le sillage du Titanic »... remis au goût des jours sarkozystes par un photomontage (2008) un peu
caricatural intitulé « travailler plus pour gagner plus ».
Tout ça, c’est peut-être de « l’ancien monde ». L’hypothèse d’une nouvelle donne sur le travail est
Local syndical de l’entreprise ArcelorMittal,
démontrée par Julien Prévieux (connu pour ses célèbres lettres de non-motivation) dans sa vidéo
salle de la CFDT, Florange, 10 décembre
« Anomalies construites, 2011 ».
2012 (Bruno Serralongue, Courtesy Air de
Paris)
« Anomalies construites », 2011, vidéo HD, 8 min. environ (Julien Prévieux, Courtesy Galerie Jousse Entreprise, Paris © Marc Domage)
Descriptif de la vidéo : « Anomalies construites » est constituée d’un lent travelling sur les écrans d’une salle d’ordinateurs. En voix off, deux
utilisateurs du logiciel gratuit de modélisation Google Sketchup – qui permet notamment de réaliser des monuments en 3D dans Google Earth
– témoignent, l’un, d’une approche de passionné tirant satisfaction de la reconnaissance de son talent par le géant de l’informatique, l’autre,
plus critique, décelant une forme de travail déguisé :
« Je crois que cette fois on s’est vraiment bien fait avoir. Tout était tellement bien foutu, c’est ça, tellement bien foutu, qu’on ne savait même plus qu’on travaillait
quand on travaillait. »
Worker class super-heros
Second lieu, le Bleu du Ciel, à Lyon, où la Mexicaine Dulce Pinzón expose sa suite « Super-héros », déjà remarquée à Arles en 2011. C’est une
autre histoire, mise en scène, à l’opposé des représentations précédentes.
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« Superman » Bernabe Mendez, originaire de Guerrero, nettoyeur de vitres sur les gratte-ciels de New York. Il envoie 500 dollars par mois à sa famille (Dulce Pinzòn)
Pinzón veut nous parler de ses compatriotes invisibles, travailleurs immigrés à New York, leur rendre une apparence : soit 19 photographies
couleurs d’hommes et de femmes vêtus de costumes de super-héros américains ou de Mexicains célèbres.
« Chaque image représente le travailleur/super-héros sur son lieu de travail et est accompagnée d’une légende constituée de son nom, sa ville natale, le travail qu’il
assume et la somme d’argent qu’il envoie à sa famille par semaine ou par mois. »
No comment.
On peut se réjouir qu’une tendance marquante de la photographie située dans l’art contemporain se préoccupe du problème planétaire crucial
qu’est le travail de l’homme, pour l’homme, contre lui. Mais quid du reportage qui pourrait nous montrer plus crûment les réalités les plus
brutales ?
On a beau chercher des photos d’ateliers pourris du Bangladesh où s’échinent, survivent et meurent, sur leurs machines à coudre, des milliers
de femmes, on n’en trouve pas. Est-il plus difficile et dangereux pour les reporters photographes de pénétrer là que sous le feu des rues de
Syrie ?
P.S. : Saluons ici la mémoire du grand photojournaliste Benoît Gysembergh, décédé le 3 mai, qui, en 1978, a ramené de Colombie un reportage
sur « les enfants taupes », dénonçant ainsi l’exploitation des enfants dans les mines de charbon.
INFOS PRATIQUES
"Quel Travail ?! Manières de faire, manières de voir" et "Pinzón/Delacour"
« Quel Travail ? ! Manières de faire, manières de voir », jusqu'au 30 juin.Exposition collective au CPIF, 107 avenue de la République,
77340 Pontault-Combault - Tél : 01 70 05 49 80 ; « Pinzòn/Delacour », jusqu'au 13 juilletLe Bleu du Ciel, 12, rue des Fantasques
69001 Lyon - Tél : 04 72 07 84 31.
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