Etats-Unis : ma maison écolo est plus grosse que la tienne

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Etats-Unis : ma maison écolo est plus grosse que la tienne
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Publié sur Rue89 (http://www.rue89.com)
Etats-Unis : ma maison écolo est plus grosse
que la tienne
Par Hélène Crié-Wiesner
Créé 12/19/2008 - 10:18
Les riches Américains se piquent de conso verte et craquent pour des bâtisses grand luxe
étiquetées développement durable.
Quand les super riches Américains font assaut de bonne volonté écologique, on ricane. Quand
le reste de la société s’y met, parce que c’est "cool", rentable, et même bon pour
l’environnement, ça devient plus dur de se contenter de dédaigner.
C’est devenu une tarte à la crème: le vert fait vendre. Encore plus aux Etats-Unis qu’ailleurs,
parce qu’il y a plus d’argent en circulation, et que cette société est basée sur le consumérisme
(et qu’on ne dise pas que c’est mieux chez nous). La crise? Tout le monde n’est pas encore à la
rue.
Une étude menée en juillet [1] par la Yale School of Forestry and Environmental Studies [2] le
montre: même ceux qui tirent la langue assurent qu’ils payent volontiers un peu plus pour des
produits verts quotidiens, comme des détergents, des ampoules ou du papier.
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Un cran au dessus des lessives et des légumes bios, on passe au vrai superflu: les cabines UV et
les yachts fonctionnant à l’électricité solaire [3], ou encore le caviar "durable". Hermès propose
pour 960 dollars un sac en soie "réutilisable" [4] pour faire ses courses au supermarché. Et les
chiens frileux peuvent s’habiller en cachemire recyclé. A chacun son geste écolo, selon ses
besoins et ses moyens.
"Le consumérisme vert, ultime réducteur de culpabilité"
La revue E [5] explique même, dans un dossier sur "l’éco-luxe":
"Le consumérisme vert est devenu l’ultime réducteur de culpabilité, une manière de
jouir des facilités et des douceurs de la vie sans ressentir cet horrible sentiment d’en
faire trop peu pour les mériter."
Le fait est que, pour dormir tranquille, certains dépensent vraiment beaucoup. Les propriétaires
de ce qu’on appelle ici les "mega mansions" ("immenses demeures"), dont la superficie dépasse
les 1&nbsp000 mètres carrés, ont parfois une conscience écologique aiguë.
Ils ont les moyens de s’offrir le top des énergies renouvelables, des pompes à chaleur
géothermiques aux toits de panneaux solaires, le tout couplé à des systèmes de pointe capables
de rentabiliser l’ensemble au maximum.
En 2007, Laura Turner Seidel, fille du mogul écolo Ted Turner, a achevé l’équipement de son
modeste "EcoManor" [6] de 575 mètres carrés à Atlanta. Cette maison a été la première aux
Etats-Unis à recevoir la norme LEED
Avec 27 panneaux solaires sur le toit, la récupération complète des eaux de pluie, de la
géothermie partout, une isolation en mousse de soja, et des portes en aggloméré de paille de blé,
la baraque Turner Seidel consomme de 80 à 90% moins d’énergie qu’une maison de la même
taille dans la région.
Toits solaires, planchers en bambou, récupération des eaux usées
Al Gore, pour sa part, a retapé dans le Tennessee une vieille maison de 1 000 m2, et décroché le
label LEED. Idem pour le promoteur milliardaire Franck McKinney, qui s’est fait construire un
palais de 1 400 m2 en Floride, avec onze salles de bain, deux ascenseurs, des caves à vin
séparées pour le vin blanc et le vin rouge: grâce aux toits solaires de 120 000 dollars, aux
planchers en bambou, et au système de récupération des eaux usées pour l’arrosage du parc, il a
gagné la couronne LEED.
La contribution à l’effet de serre de ces mirifiques demeures est-elle inférieure à celle de la
maison moyenne américaine? (La superficie de celle-ci est de 220 m2, soit le double de la
superficie moyenne dans les années 50)
Non, quand même pas, déclare à "E" le boss de Westport Solar Consultants [7], un cabinet du
Connecticut qui travaille avec les architectes de riches écolos:
"Je pense qu’une famille de quatre personne qui vit dans une maison de 1 000 m2
ne peut pas se revendiquer d’un mode de vie durable. Les plus grosses économies
d’énergie dans l’habitat sont à chercher d’abord dans la superficie.
Le recours à l’énergie solaire est la dernière des choses à envisager, après la taille
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du lieu, son niveau d’isolation, et les matériaux de construction employés."
Tant d’hypocrisie fait-elle du mal à la planète?
N’empêche: même quand on est riche, on n’a pas envie de gaspiller son argent. L’architecture
verte, quand elle a les moyens de la mise de départ, offre un bon retour sur investissement. Et
comme le geste est bien vu sur le plan éthique, l’argument environnemental destiné au grand
public est tartiné à longueur de pubs et de promos.
Les promoteurs immobiliers américains l’ont si bien compris que le discours vert, si ténu soient
ses arguments (souvent il ne s’agit de rien d’autre que la seule piscine du lotissement chauffée
au solaire), est désormais servi pour la plupart des projets.
Est-ce que tant d’hypocrisie fait du mal à la planète? Oui, si l’alibi pousse à accroître ses
possessions. Non, si l’on se dit que tant qu’à produire et à consommer, autant le faire avec un
impact écologique et éthique réduit. C’est exactement, à mon avis, le sens des grands raouts
mondiaux sur le climat, du Grenelle de l’environnement, et même de la révolution morale en
cours aux Etats-Unis.
Car il n’y a pas d’illusion à avoir: les Américains, pas plus que les Européens, les Chinois ou les
Indiens courant après le rêve des premiers, n’ont l’intention de réduire leur train de vie. Mieux:
ils espèrent atteindre un jour celui des ultra riches.
Faut-il déplorer que quelques uns, parmi ces derniers, se soucient de minimiser un brin l’impact
de leur mode de vie irresponsable?
Un livre passionnant à lire sur sur le sujet: "Comment les riches détruisent la planète" [8], de
Hervé Kempf, sorti en 2007 au Seuil, d’une actualité brûlante.
Photos : L' 'Ecomanor', bâtisse grand luxe mais écolo (EcoManor)
URL source: http://www.rue89.com/american-ecolo/2008/12/19/etats-unis-ma-maison-ecoloest-plus-grosse-que-la-tienne
Liens:
[1] http://environment.yale.edu/news/5720/americans-willing-to-pay-more-for/
[2] http://environment.yale.edu/
[3] http://www.independencegreenyachts.com/
[4] http://images.google.com/images?hl=fr&q=hermès reusable silk grocery bag&btnG=Recherche
d'images&gbv=2
[5] http://www.emagazine.com/
[6] http://www.ecomanor.com/press.html
[7] http://www.usgbc.org/DisplayPage.aspx?CategoryID=19
[8] http://livre.fnac.com/a1910954/Herve-Kempf-Comment-les-riches-detruisent-la-planete?Mn=-1&Ra=1&To=0&Nu=1&Fr=0
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