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Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens Eu r o p e a n B a r H u m a n R i g h t s In s t i t u t e EXPRESS – INFO n °0 9 / 2 0 10 SEPTEMBRE 2010 D DA AN NSS C CEE N NU UM MEER RO O :: LIBERTE D’EXPRESSION LIBERTE D’EXPRESSION L’article 10 de la Convention Article 10 SANOMA UITGEVERS B.V. C. PAYS-BAS ………..1 DROIT A UN RECOURS EFFECTIF Article 13 MCFARLANE C. IRLANDE …………………………4 DROIT A LA VIE Grande Chambre LA SAISIE DE MATÉRIAUX PROVENANT DE SOURCES CONFIDENTIELLES DE JOURNALISTES JUGÉE ILLÉGALE Article 2 BEKIRSKI C. BULGARIE…………………..……….6 INTERDICTION DES TRAITEMENTS INHUMANS ET DEGRADANTS SANOMA UITGEVERS B.V. C. PAYS-BAS 14.09.2010 Violation de l’article 10 Article 3 Y.P ET L.P. C. FRANCE …………………………..8 ISKANDAROV C. RUSSIE……………………...….10 9 DROIT A UN PROCES EQUITABLE Article 6 RUMPF C. ALLEMAGNE .……………………………11 DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVEE ET FAMILIALE Article 8 UZUN C. ALLEMAGNE …..……………………… 13 DROIT A LA LIBERTE ET A LA SURETE Article 5 SHOPOV C. BULGARIE………………………………15 ALERTE URGENTE AVOCATS……………………16 VIENT DE PARAITRE………………………...…….20 . L’affaire concerne des photographies, devant accompagner un article au sujet de courses automobiles illégales, que la société requérante fut contrainte de remettre à la police qui enquêtait sur une autre infraction, bien que les journalistes se fussent fortement élevés contre l’obligation de livrer des informations propres à permettre l’identification de leurs sources. Le 12 janvier 2002, une course de voitures illégale eut lieu dans une zone industrielle à la périphérie de la ville de Hoorn. La société requérante affirme que des journalistes travaillant pour son magazine Autoweek – et qui avaient l’intention de publier un article au sujet des courses automobiles illégales – se virent offrir la possibilité de prendre des photos de la course à condition de donner l’assurance que l’identité des participants ne serait pas divulguée. Les photographies devaient être retouchées de 2 manière à ce que les voitures et les spectateurs ne pussent être identifiés, puis sauvegardées sur un CDROM. Finalement, la course fut interrompue par la police, qui était sur place. Il ne fut procédé à aucune arrestation. La police fut par la suite amenée à penser que l’un des véhicules (une Audi RS4) qui avait participé à la course de rue avait été utilisée pour s’enfuir par les auteurs d’un casse bélier qui avait eu lieu le 1er février 2001 au cours duquel un distributeur de billets avait été dérobé et un passant menacé à l’aide d’une arme à feu. Plus tard dans la même journée, la police tenta de se faire remettre le CD-Rom où se trouvaient contenues les photographies en question. La société requérante s’y refusa afin de protéger l’anonymat de ses sources journalistiques. Le procureur d’Amsterdam délivra alors à la société requérante une injonction au titre de l’article 96a du code de procédure pénale lui ordonnant de remettre les photographies ainsi que toutes pièces connexes concernant la course. Le rédacteur en chef du magazine refusa de remettre les photographies, invoquant à nouveau l’engagement que les journalistes avaient pris envers les participants quant à la protection de leur anonymat. Le 1er février 2002 à 18 h 01, le rédacteur en chef fut arrêté et fut présenté au procureur d’Amsterdam. Il fut libéré à 22 heures. L’avocat de Sanoma Uitgevers B.V. invita les procureurs, qui y consentirent, à solliciter l’intervention du juge d’instruction de garde du tribunal d’arrondissement d’Amsterdam qui, tout en reconnaissant d’emblée que la loi ne lui donnait aucune compétence en la matière, exprima l’avis que les nécessités de l’enquête pénale l’emportaient sur le privilège journalistique de la société requérante. Le 2 février 2002 à 1 h 20 du matin, la société requérante remit, non sans protester, le CD-ROM au procureur, qui le plaça formellement sous main de justice. Le 15 avril 2002, la société requérante forma une plainte devant le tribunal régional, sollicitant la mainlevée de la saisie et la restitution du CD-ROM, la délivrance à la police et au parquet d’une injonction leur ordonnant de détruire les éventuelles copies des données enregistrées sur le CD-ROM et d’une autre leur interdisant de prendre connaissance ou de faire usage des informations contenues dans le CD-ROM. Le 19 septembre 2002, le tribunal d’arrondissement fit droit uniquement à la demande de mainlevée de la saisie et de restitution du CDROM à la société requérante. Invoquant l’article 10, la société requérante se plaignait d’avoir été contrainte de livrer à la police des informations propres à permettre l’identification des sources de ses journalistes. Décision de la Cour LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME Article 10 Comme la chambre, la Cour n’aperçoit aucune raison de mettre en doute l’affirmation de Sanoma Uitgevers B.V. selon laquelle ses journalistes s’étaient engagés à ne pas révéler l’identité des participants à la course automobile illégale en question. L’affaire concerne une injonction de remise de matériaux journalistiques renfermant des informations propres à permettre d’identifier les sources journalistiques. Cela suffit pour que la Cour estime que l’injonction constituait en soi une ingérence dans la liberté de la société de recevoir et de communiquer des informations garantie par l’article 10 § 1. Contrairement à la chambre, la Grande Chambre estime toutefois que l’ingérence n’était pas « prévue par la loi ». Il n’est pas contesté que l’ingérence litigieuse avait une base légale (l’article 96a § 3 du code de procédure pénale). La discussion porte sur la qualité de la loi (en particulier sur les garanties procédurales requises). La Cour relève qu’une injonction de divulgation des sources peut avoir un impact préjudiciable non seulement sur les sources, dont l’identité peut être révélée, mais également sur le journal ou toute autre publication visée par l’injonction, dont la réputation auprès des sources potentielles futures peut être affectée négativement par la divulgation, et sur les membres du public, qui ont un intérêt à recevoir les informations communiquées par des sources anonymes. Au premier rang des garanties exigées doit figurer la possibilité de faire contrôler la mesure par un juge ou tout autre organe décisionnel indépendant et impartial. Le contrôle requis doit être mené par un organe, distinct de l’exécutif et des autres parties intéressées, investi du pouvoir de dire, avant la remise des éléments réclamés, s’il existe un impératif d’intérêt public l’emportant sur le principe de protection des sources des journalistes et, dans le cas contraire, d’empêcher tout accès non indispensable aux informations susceptibles de conduire à la divulgation de l’identité des sources. Dans les cas urgents, un contrôle indépendant mené à tout le moins avant que les éléments obtenus ne soient consultés et exploités devrait être suffisant pour permettre de déterminer si une question de confidentialité se pose et de peser les divers intérêts en jeu. Un contrôle indépendant pratiqué seulement après la remise d’éléments susceptibles de conduire à l’identification de sources est inapte à préserver l’essence même du droit à la confidentialité. Le juge ou autre organe indépendant et impartial doit donc être en mesure d’effectuer avant toute divulgation cette mise en balance des risques potentiels et des intérêts respectifs relativement aux Supplément 09/2010 3 éléments dont la divulgation est demandée. La décision à prendre doit être régie par des critères clairs, notamment quant au point de savoir si une mesure moins intrusive peut suffire. Le juge ou autre organe compétent doit avoir la faculté de refuser de délivrer une injonction de divulgation ou d’émettre une injonction de portée plus limitée ou plus encadrée, de manière à ce que les sources concernées puissent échapper à la divulgation de leur identité. En cas d’urgence, une procédure doit pouvoir être suivie qui permette d’identifier et d’isoler, avant qu’elles ne soient exploitées par les autorités, les informations susceptibles de permettre l’identification des sources de celles qui n’emportent pas semblable risque. Aux Pays-Bas, depuis l’entrée en vigueur de l’article 96a, cette décision est confiée au procureur plutôt qu’à un juge indépendant. Du point de vue procédural, le procureur est une « partie » et ne peut guère passer pour suffisamment objectif et impartial. La Cour estime qu’on ne peut pas voir non plus dans l’intervention du juge d’instruction en l’espèce une garantie adéquate ; le juge d’instruction avait un rôle uniquement consultatif et son intervention s’est faite en dehors de toute base légale, comme il l’a du reste lui-même reconnu. Il n’avait donc pas la faculté de délivrer une injonction, de rejeter ou d’accueillir une demande d’injonction ou de mettre des conditions ou des limites à une injonction. Pareille situation ne peut guère être réputée compatible avec l’état de droit. La Cour ajoute qu’elle serait parvenue à cette conclusion sur chacun des deux aspects mentionnés s’ils avaient été considérés séparément. Ces déficiences ne furent pas purgées par le tribunal d’arrondissement, tout aussi impuissant à empêcher le procureur et la police d’examiner les photographies stockées sur le CD-ROM une fois celui-ci parvenu en leur possession. En conclusion, la qualité de la loi était déficiente dans la mesure où il n’existait aucune procédure entourée de garanties légales adéquates qui eût permis à la société requérante d’obtenir une appréciation indépendante du point de savoir si l’intérêt de l’enquête pénale qui était en cours devait l’emporter sur l’intérêt public à la protection des sources des journalistes. Il y a donc eu violation de l’article 10 à raison du fait que l’ingérence incriminée n’était pas « prévue par la loi ». Broadcasting Corporation c. Royaume-Uni, n° 25794/94, décision de la Commission du 18 janvier 1996 ; Dickson c. Royaume-Uni [GC], n° 44362/04, CEDH 2007-XIII ; Dudgeon c. Royaume-Uni (Article 50), 24 février 1983, §§ 21-22, série A n° 59 ; Ernst et autres c. Belgique, n° 33400/96, § 94, 15 juillet 2003 ; Financial Times Ltd et autres c. Royaume-Uni, n° 821/03, §§ 56 et 70, 15 décembre 2009 ; Goodwin c. Royaume-Uni, n° 17488/90, 27 mars 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-II ; Hassan et Tchaouch c. Bulgarie [GC], n° 30985/96, § 84, CEDH 2000-XI ; K. et T. c. Finlande [GC], n° 25702/94, § 141, CEDH 2001-VII ; Kafkaris c. Chypre [GC], n° 21906/04, § 124, CEDH 2008 ; Kovacic et autres c. Slovénie [GC], nos 44574/98, 45133/98 et 48316/99, § 194, CEDH 2008 ; Leyla Sahin c. Turquie [GC], n° 44774/98, § 88, CEDH 2005-XI ; Maestri c. Italie [GC], n° 39748/98, § 30, CEDH 2004-I ; Mooren c. Allemagne [GC], n° 11364/03, § 134, CEDH 2009 ; Nordisk Film & TV A/S c. Danemark (déc.), n° 40485/02, CEDH 2005XIII ; Observer et Guardian c. Royaume-Uni, 26 novembre 1991, §§ 59 et 60, série A n° 216 ; Roemen et Schmit c. Luxembourg, n° 51772/99, §§ 46 et 47, CEDH 2003-IV ; Rotaru c. Roumanie [GC], n° 28341/95, § 52, CEDH 2000-V ; Šilih c. Slovénie [GC], n° 71463/01, §§ 120 et 226, 9 avril 2009 ; The Sunday Times c. Royaume-Uni (n° 1), 26 avril 1979, § 49, série A n° 30 ; The Sunday Times c. Royaume-Uni (n° 2), 26 novembre 1991, § 51, série A n° 217 ; Tillack c. Belgique, n° 20477/05, § 56, CEDH 2007XIII ; Tolstoy Miloslavsky c. Royaume-Uni, 13 juillet 1995, § 37, série A n° 316-B ; Varnava et autres c. Turquie [GC], nos 16064/90, 16065/90, 16066/90, 16068/90, 16069/90, 16070/90, 16071/90, 16072/90 et 16073/90, § 229, CEDH 2009 ; Voskuil c. Pays-Bas, n° 64752/01, 22 novembre 2007, §§ 49, 65, 71 ; Wieser et Bicos Beteiligungen GmbH c. Autriche, n° 74336/01, §§ 62-66, CEDH 2007-XI. Sources Externes : Résolution sur les libertés journalistiques et les droits de l'homme adoptée lors de la 4eme conférence ministérielle européenne sur la politique des communications de masse (Prague, 7-8 décembre 1994) ; Résolution sur le secret des sources d'information des journalistes adoptée par le Parlement européen le 18 janvier 1994 (Journal officiel des Communautés européennes no C 44/34) ; Recommandation no R(2000)7 sur le droit des journalistes de ne pas révéler leurs sources d'information adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe le 8 mars 2000. SANOMA UITGEVERS B.V. C. PAYS-BAS requête no 38224/03 Violation de l'art. 10. Le juge Myjer, l’un des membres de la majorité de la chambre qui avait conclu à la non-violation, a exprimé une opinion séparée concordante avec l’avis de la Grande Chambre selon lequel il y a eu violation Jurisprudence : Alinak c. Turquie, n° 40287/98, § 37, 29 mars 2005 ; Association Ekin c. France, n° 39288/98, § 56, CEDH 2001-VIII ; British LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME Supplément 09/2010 4 D DR RO OIITT A AU UN NR RE EC CO OU UR RS S E EFFFFE EC CTTIIFF L’article 13 de la Convention Grande Chambre Le droit irlandais n’offre aucun recours effectif pour des lenteurs injustifiées dans une procédure pénale MCFARLANE C. IRLANDE 10.09.2010 Violation des articles 13 et 6 § 1 L’affaire concerne le délai de plus de quatorze ans mis par les autorités irlandaises pour entamer des poursuites pénales contre le requérant, Brendan McFarlane, pour des infractions qu’il aurait commises en 1983 et pour lesquelles il fut mis hors de cause en 2008. En janvier 1998, M. McFarlane fut libéré sous condition après avoir purgé une peine d’emprisonnement en Irlande du Nord au motif qu’il avait participé dans les années 1970 à un attentat à la bombe dont l’Armée républicaine irlandaise (Irish Republican Army – « l’IRA ») fut jugée responsable. Quelques jours après sa libération, il fut arrêté et placé en détention par la police irlandaise, puis inculpé devant la Cour criminelle spéciale (Special Criminal Court – la « SCC ») de Dublin de séquestration arbitraire et de possession irrégulière d’armes à feu, infractions qu’il aurait commises en 1983 après s’être évadé de prison. Le 13 janvier 1998, il bénéficia d’une libération conditionnelle, assortie de certaines mesures de contrôle. M. McFarlane engagea une procédure de contrôle juridictionnel pour faire cesser les poursuites pénales à son encontre au motif que le délai observé pour entamer celles-ci compromettait ses chances de bénéficier d’un procès équitable et que la nonconservation et la non-communication par les autorités de poursuite de certains éléments de preuve (tels que des empreintes digitales) avait réduit sa capacité à contester la nature et la force des éléments de preuve devant être utilisés lors de son procès. Ses griefs relatifs au retard dans l’ouverture des poursuites furent en fin de compte rejetés par la Cour suprême en 2006 ; celle-ci conclut qu’il appartenait manifestement aux autorités de poursuite de choisir le moment auquel les poursuites devaient être entamées. Quant à la perte des preuves, la Cour suprême conclut que le juge statuant sur l’affaire devrait établir s’il y avait eu une inéquité dont le ministère public pouvait être tenu pour responsable. Le requérant engagea une autre action en interdiction des poursuites pour retard, qui fut rejetée en janvier 2008. M. McFarlane dut se déplacer quarante fois à la SCC (un voyage de 320 km aller et retour) dans le LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME cadre de la procédure pénale dirigée contre lui. Il fut mis définitivement hors de cause en juin 2008. Sous l’angle de l’article 6 § 1, le requérant se plaignait du temps mis par les autorités irlandaises pour engager des poursuites pénales contre lui. Sur le terrain de l’article 6 § 3 d), il dénonçait la perte, due selon lui à ce retard, d’éléments de preuve cruciaux sur lesquels se fondait l’accusation, et alléguait qu’il n’existait pas d’éléments à charge hormis des interrogatoires de police contestables. Invoquant l’article 8 § 2 (droit au respect de la vie privée et familiale), il alléguait que son arrestation et sa détention avaient constitué une ingérence délibérée et disproportionnée dans sa vie privée et familiale. Enfin, il invoquait aussi l’article 13 pour se plaindre de l’absence en droit irlandais de recours effectifs pour redresser ses griefs, notamment celui relatif à la durée de la procédure. Décision de la Cour Article 13 La Cour ne trouve effectif aucun des recours internes dont le gouvernement irlandais fait état. En ce qui concerne le premier et principal recours invoqué – recours en indemnisation de la violation du droit constitutionnel à être jugé avec une diligence raisonnable – la Cour estime qu’il existe une incertitude importante quant à sa réalité. Certes, le recours invoqué existe en théorie depuis près de vingt-cinq ans, mais il n’a jamais été utilisé. L’évolution et la disponibilité d’un recours que l’on invoque, y compris sa portée et son champ d’application, doivent être exposés avec clarté et confirmés ou complétés par la pratique ou la jurisprudence, et ce même dans le cadre d’un système juridique inspiré de la common law et doté d’une constitution écrite garantissant implicitement le droit à être jugé dans un délai raisonnable (comme c’est le cas de l’Irlande). La Cour considère qu’il n’a pas été démontré que le recours constitutionnel en indemnisation puisse être valablement exercé dans le cas d’un délai mis par un juge pour rendre une décision. De plus, le recours constitutionnel invoqué ferait partie du contentieux civil de la High Court et de la Cour suprême, pour lequel aucune procédure particulière ou rationalisée n’a été élaborée. Le recours en question s’analyserait donc en un recours constitutionnel en indemnisation, juridiquement complexe, notamment sur le plan procédural, porté devant la High Court, puis probablement en appel devant la Cour suprême, qui, au moins au début, présenterait une certaine nouveauté juridique. La Cour estime qu’il en découle deux conséquences : la durée que pourrait avoir pareille procédure (éventuellement plusieurs années) et les frais et dépens potentiellement élevés susceptibles d’être engendrés par le recours. Supplément 09/2010 5 Quant aux autres recours invoqués par le Gouvernement, la Cour juge ineffective une action en indemnisation au titre de la loi de 2003 sur la Convention européenne des droits de l’homme puisque, entre autres choses, il semble que des lenteurs imputables aux « tribunaux » ne pourraient être dénoncées en justice par ce biais et que la loi de 2003, entrée en vigueur le 31 décembre 2003 alors que la procédure engagée par le requérant était pendante depuis près de six ans, n’est pas rétroactive. Quant à la possibilité de solliciter une ordonnance d’interdiction pour préjudice et risque réel d’inéquité du procès à cause de la durée de la procédure, elle est substantiellement différente d’une action en indemnisation pour des délais fautifs et ne saurait constituer un recours effectif devant être utilisé pour dénoncer un délai raisonnable au sens de l’article 6 § 1. La Cour considère donc que le Gouvernement n’a pas démontré que les recours qu’il invoque constituent des recours effectifs qui étaient disponibles en théorie et en pratique pour le requérant à l’époque des faits. Partant, elle conclut qu’il y a eu violation de l’article 13 combiné avec l’article 6 § 1. Article 6 § 1 La Cour constate que la procédure pénale dirigée contre le requérant a duré plus de dix ans et six mois, de l’arrestation de l’intéressé, le 5 janvier 1998, à son acquittement, le 28 juin 2008. Si la conduite du requérant a quelque peu contribué à la durée de la procédure dirigée contre lui, elle ne l’explique pas en totalité. D’autre part, le Gouvernement n’a pas réussi à expliquer de manière convaincante les délais imputables aux autorités qui ont contribué à allonger la durée totale de la procédure pénale. Quant à ce qu’était l’enjeu du litige pour le requérant, il faut noter que les accusations qui pesaient sur celui-ci étaient graves et qu’il a dû supporter leur poids et celui de la condamnation qu’elle lui faisait encourir pendant environ dix années et demie, au cours desquelles il a dû se présenter régulièrement à un poste de police et aller fréquemment à Dublin pour comparaître devant la SCC. La Cour conclut que la procédure pénale dirigée contre le requérant a connu une durée excessive et qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1. Griefs irrecevables La Cour déclare les autres griefs du requérant irrecevables : comme l’intéressé a été mis hors de cause, il ne peut plus se prétendre victime d’une violation de l’article 6 § 3 d) ; quant aux griefs fondés sur l’article 8, ils ont été soumis en dehors du délai. LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME MCFARLANE C. IRLANDE requête no 31333/06 Exception préliminaire jointe au fond et rejetée (nonépuisement des voies de recours internes) ; Partiellement irrecevable ; Violation de l'art. 13 ; Violation de l'art. 6-1 ; Préjudice moral – pécuniaire. Opinions séparées Les juges Gyulumyan, Ziemele, Bianku et Power ont exprimé une opinion dissidente commune et le juge Lopez-Guerra a exprimé une opinion dissidente séparée. Jurisprudence : Akdivar et autres c. Turquie, 16 septembre 1996, § 65, Recueil des arrêts et décisions 1996-IV, Aksoy c. Turquie, 18 décembre 1996, § 54, Recueil des arrêts et décisions 1996-VI ; Apostol c. Géorgie, n° 40765/02, §§ 35, 38, CEDH 2006-XIV ; Barfuss c. République tchèque, n° 35848/97, § 83, 31 juillet 2000 ; Barry c. Irlande (n° 18273/04, § 35, 15 décembre 2005 ; Belinger c. Slovénie ((déc.)), n° 42320/98, 2 octobre 2001 ; Berlin v. Luxembourg ((déc.)), n° 44978/98, 7 mai 2002 ; Boczoÿ c. Pologne, n° 66079/01, § 51, 30 janvier 2007 ; Broca et TexierMicault c. France, nos 27928/02 et 31694/02, 21 octobre 2003 ; Bullen et Soneji c. Royaume-Uni (n° 3383/06, §§ 65-66, 8 janvier 2009 ; Bourdov c. Russie (n° 2), n° 33509/04, § 99, CEDH 2009 ; Byrne c. Irlande et Meskill c. CIE ; Cocchiarella c. Italie [GC], n° 64886/01, § 102, CEDH 2006-V ; Crowther c. Royaume-Uni, n° 53741/00, § 29, 1 février 2005 ; Chypre c. Turquie [GC], n° 25781/94, §§ 352 et 353, CEDH 2001-IV ; D c. Irlande ((déc.)), n° 26499/02, §§ 84, 85, 100, 27 juin 2006 ; Deighan c. Irlande [1995] 2 IR 56 ; Deweer c. Belgique, § 46, 27 février 1980, série A n° 35 ; Dublin City Council v Fennell [2005] IESC 33 ; Eckle c. Allemagne, 15 juillet 1982, §§ 73, 84, série A n° 51 ; Ernst et autres c. Belgique, n° 33400/96, 15 juillet 2003 ; Etcheveste et Bidart c. France, nos 44797/98 et 44798/98, 21 mars 2002, § 80 ; Foley c. Royaume-Uni, n° 39197/98, § 40, 22 octobre 2002 ; Ex roi de Grèce et autres c. Grèce [GC], n° 25701/94, § 82, CEDH 2000-XII ; Forrer-Niedenthal c. Allemagne, n° 47316/99, § 39, 20 février 2003 ; Gama da Costa c. Portugal, n° 12659/87, décision of 5 mars 1990, Décisions et rapports (DR) 65, p. 136 ; Grzinÿiÿ c. Slovénie, n° 26867/02, § 108, CEDH 2007-V (extraits) ; Iliÿ c. Serbie, n° 30132/04, 9 octobre 2007 ; Issaïeva c. Russie, n° 57950/00, § 153, 24 février 2005 ; Jahn et autres c. Allemagne [GC], nos 46720/99, 72203/01 et 72552/01, § 86, CEDH 2005-VI ; Jordan c. RoyaumeUni (n° 2), n° 49771/99, § 44 10 décembre 2002 ; Joseph Kemmy c. Irlande et the Attorney General ; K., F. et P. c. Royaume-Uni ((déc.)), n° 10789/84, 11 octobre 1984 ; Kudÿa c. Pologne ([GC], n° 30210/96, §§ 152, 155, 157, 158, 159, CEDH 2000-XI ; Leandro Da Silva c. Luxembourg, n° 30273/07, §§ 40 et 42, 11 février 2010 ; Lukenda c. Slovénie, n° 23032/02, § 65, CEDH 2005-X ; Lutz c. France (n° 1), n° 48215/99, 26 mars 2002 ; Malkov c. Estonie, n° 31407/07, § 57, 4 février 2010 ; Martins Castro et Alves Correia de Castro c. Portugal, n° 33729/06, 10 juin 2008 ; Massey c. Royaume-Uni, n° 14399/02, § 27, 16 novembre 2004 ; McMullen c. Irlande, n° 42297/98, § 39, 29 juillet 2004 ; Mifsud c. France ((déc.)) [GC], n° 57220/00, § 15, CEDH 2002-VIII ; Mirazoviÿ c. Bosnie- Supplément 09/2010 6 Herzégovine ((déc.)), n° 13628/03, 16 mai 2006 ; Mitchell et Holloway c. Royaume-Uni, n° 44808/98, §§ 55-56, 69, 17 décembre 2002 ; Nikolova c. Bulgarie [GC], n° 31195/96, § 79, CEDH 1999-II ; Nogolica c. Croatie ((déc.)), n° 77784/01, CEDH 2002-VIII ; Obasa c. Royaume-Uni, n° 50034/99, § 34, 16 janvier 2003 ; O'Donoghue c. the Legal Aid Board, the 2002 Act et the 2003 Act ; O'Reilly et autres c. Irlande, n° 54725/00, § 33, 29 juillet 2004 ; O'Reilly v Irlande, n° 21624/93, Commission's rapport du 22 février 1995, §§ 65-66 ; Paroutis c. Chypre, n° 20435/02, § 27, 19 janvier 2006 ; Paulino Tomás c. Portugal ((déc.)), n° 58698/00, CEDH 2003-VII ; Pellegriti c. Italie ((déc.)), n° 77363/01, 26 mai 2005 ; Pine Valley Developments Ltd et autres c. Irlande, 29 novembre 1991, série A n° 222 ; Price et Lowe c. Royaume-Uni, nos 43185/98 et 43186/98, § 23, 29 juillet 2003 ; Prince Hans-Adam II de Liechtenstein c. Allemagne [GC], n° 42527/98, § 45, CEDH 2001-VIII ; Reinhardt et Slimane-Kaïd c. France, 31 mars 1998, §§ 91-93, Recueil des arrêts et décisions 1998-II ; Riccardi Pizzati c. Italie [GC], n° 62361/00, § 82, 29 mars 2006 ; Richard Anderson c. Royaume-Uni, n° 19859/04, § 28, 9 février 2010 ; Roche c. Royaume-Uni [GC], n° 32555/96, § 182, CEDH 2005-X ; Scordino c. Italie (n° 1) [GC], n° 36813/97, CEDH 2006-V ; Sejdovic c. Italie [GC], n° 56581/00, § 46, CEDH 2006-II ; Selmouni c. France ([GC], n° 25803/94, § 74, CEDH 1999-V ; Sirros c. Moore [1975] QB 118 ; Smith et Grady c. RoyaumeUni (satisfaction équitable), nos 33985/96 et 33986/96, § 28, CEDH 2000-IX ; Somjee c. Royaume-Uni, n° 42116/98, § 72, 15 octobre 2002 ; Šoÿ c. Croatie, n° 47863/99, 9 mai 2003 ; Sparrow ÿ Minister for Agriculture, Fisheries et Food & Another ([2010] IESC 6 ; Steel et Morris c. Royaume-Uni n° 68416/01, § 105, CEDH 2005-II ; Sürmeli c. Allemagne [GC], n° 75529/01, CEDH 2006-VII ; T. c. Royaume-Uni [GC], n° 24724/94, § 55, 16 décembre 1999 ; Tomé Mota c. Portugal ((déc.)), n° 32082/96, CEDH 1999-IX ; Vaney c. France, n° 53946/00, 30 novembre 2004 ; Vernillo c. France, 20 février 1991, § 27, série A n° 198 ; Vidas c. Croatie, n° 40383/04, 3 juillet 2008 ; Vinÿiÿ et autres c. Serbie, nos 44698/06, et seq., § 51, 1 décembre 2009 ; Wittek c. Allemagne, n° 37290/97, § 49, CEDH 2002X ; ÿlhan c. Turquie [GC], n° 22277/93, § 97, CEDH 2000-VII ; Youri Nikolaïevich Ivanov c. Ukraine, n° 40450/04, § 63, CEDH 2009 (extraits). D DR RO OIIT TA AL LA AV VIIE E L’article 2 de la Convention DEUX DECES CONSECUTIFS A DES TORTURES ET A LA MAUVAISE PREPARATION D’UNE OPERATION DE POLICE BEKIRSKI C. BULGARIE VLAEVI C. BULGARIE 02.09.2010 A l’unanimité : Quatre violations de l’article 2 Deux violations de l’article 3 LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME Violation de l’article 38 (obligation de coopérer avec la Cour) Les requérants se plaignaient que leurs proches parents avaient été tués par la police, Hristo à la suite de tortures en détention et Marin Vlaev après que des policiers eurent tiré sur son taxi au cours d’une opération destinée à élucider un enlèvement. Dans la première affaire, Hristo Bekirski fut incarcéré en mai 1996 car il était accusé de meurtre avec préméditation. Le 30 août 1996, alors qu’il tentait prétendument de s’évader, il fut maîtrisé et menotté par quelques policiers de garde à l’issue d’une bagarre au cours de laquelle il avait frappé deux policiers aux yeux. Un rapport médical établi dans la soirée faisait état de nombreuses contusions sur tout le corps et le visage de Hristo, qui ne furent pas soignées sur-le-champ. D’après la famille de Hristo, dont son père qui était détenu au même moment dans le même centre et déclare avoir personnellement entendu ses cris, Hristo Bekirski aurait été torturé sans interruption du 30 août au 6 septembre. Enfin conduit à l’hôpital le 6 septembre 1996, il décéda le 8 septembre 1996 au matin alors qu’il avait été soigné par des spécialistes. L’autopsie effectuée le lendemain établit que le décès était dû aux nombreuses blessures provoquées par un objet contondant. Une enquête fut ouverte le jour du décès et supervisée par l’autorité responsable du centre où il avait été détenu. Elle fut suspendue à plusieurs reprises car les autorités estimèrent que les policiers de garde avaient agi en légitime défense et que les blessures qui avaient provoqué le décès de Hristo Bekirski lui avaient été infligées par les policiers le 30 août, lorsqu’il les avait agressés en tentant de s’évader. En septembre 1997, un procureur du parquet militaire découvrit des éléments de preuve montrant que Hristo Bekirski avait été systématiquement battu après les évènements du 30 août, et ordonna la reprise de l’enquête. Quatre autres rapports médicaux furent rédigés par la suite. Ceux commandés par les autorités établissaient que toutes les blessures constatées sur le corps ne pouvaient avoir été infligées à Hristo Bekirski que pendant la bagarre et la tentative d’évasion du 30 août. Quant au rapport commandé par la famille de Hristo Bekirski, préparé par un médecin de l’Académie de médecine de Sofia, il estimait plus probable que d’autres blessures aient été infligées après le 30 août ; il notait aussi que les blessures avaient été provoquées par divers objets, et que l’état de santé de Hristo Bekirski avant sa mort nécessitait qu’il reçoive des soins médicaux immédiats, ce qui n’avait pas été le cas. Quant à la seconde affaire, Marin Vlaev était chauffeur de taxi. Il travaillait de nuit lorsque, le 27 août 1998 vers 4 heures du matin, il passa à Supplément 09/2010 7 proximité d’un groupe de policiers postés près d’une rue menant au village d’Odartsi. Les policiers portaient soit des uniformes de police soit des vestes au dos desquelles l’inscription « police » était bien visible. Ils menaient une opération destinée à libérer un otage détenu contre rançon. Lorsque Marin Vlaev passa au volant de son taxi, ils venaient d’arrêter l’individu soupçonné d’être l’auteur de l’enlèvement, qui était venu chercher la rançon et gisait, blessé, sur le bord de la route. Alors que Marin Vlaev avait commencé par ralentir et s’était presque arrêté, il se mit brusquement à accélérer après qu’un policier eut ouvert la portière de sa voiture et présenté sa carte. Plusieurs policiers ouvrirent le feu sur le taxi qui s’éloignait. Atteint au dos et à la nuque par deux balles, Marin Vlaev mourut sur le coup. Une enquête fut ouverte une semaine plus tard et un certain nombre de mesures d’enquête furent prises. En juin 2004, l’enquête fut suspendue, le procureur considérant que les policiers avaient conclu de manière raisonnable que Marin Vlaev pouvait être un complice du ravisseur eu égard à son comportement étrange et au fait que le ravisseur avait indiqué que l’otage serait libéré dès qu’il aurait récupéré la rançon. Le procureur conclut également que les policiers s’étaient efforcés dans la mesure du possible de ne pas mettre la vie de Marin Vlaev ou de quiconque en danger puisqu’ils avaient ouvert le feu dans une zone non résidentielle et avaient visé les pneus du véhicule. Invoquant les articles 2 et 3 de la Convention, les requérants se plaignaient que leurs proches parents avaient été tués par la police, que leur décès n’avait pas fait l’objet d’une enquête adéquate et, dans l’affaire Bekirski, que Hristo Bekirski avait été maltraité par la police et n’avait pas bénéficié de soins médicaux appropriés dispensés en temps et en heure. Décision de la Cour Affaire Bekirski c. Bulgarie Coopération avec la Cour La Cour note que, en dépit de sa demande expresse, les autorités bulgares ne lui ont pas fourni le dossier complet de l’enquête sur le décès de Hristo Bekirski. Eu égard aux difficultés rencontrées en conséquence par la Cour pour établir les faits et à l’importance que revêt la coopération de l’État avec elle, elle conclut que le gouvernement bulgare a failli à fournir toutes les facilités nécessaires à l’examen de l’affaire, au mépris de l’article 38 de la Convention. Interdiction des mauvais traitements Concernant la bagarre du 30 août, la Cour juge que les policiers de garde ont eu recours à une force raisonnable pour maîtriser Hristo Bekirski sachant qu’ils craignaient pour leur sécurité – celui-ci les ayant agressés avec une arme apparemment mortelle LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME – et qu’ils redoutaient que Hristo Bekirski ne constitue un danger pour autrui s’il réussissait à s’échapper. Dès lors, il n’y a pas eu violation de l’article 3 de ce chef. Pour ce qui est de la période comprise entre le 30 août et le 6 septembre, la Cour note que de nombreux témoins ont indiqué avoir entendu des cris et des plaintes jour et nuit pendant cette période. De plus, un procureur du parquet miliaire a trouvé des éléments de preuve montrant que Hristo Bekirski avait été systématiquement battu à plusieurs occasions après sa tentative d’évasion. Par ailleurs, les rapports médicaux faisaient état de blessures qui n’étaient pas présentes après la bagarre du 30 août. Eu égard à ce qui précède et au fait que le Gouvernement n’a pas fourni toutes les informations en sa possession, la Cour conclut que, du 30 août au 6 septembre, Hristo Bekirski a été systématiquement battu et maintenu dans un état quasi permanent de douleur physique et d’angoisse. En conclusion, il a été torturé pendant sa détention, au mépris de l’article 3. Quant aux soins médicaux prodigués à Hristo Bekirski, la Cour constate que les nombreuses blessures qui lui ont été infligées le 30 août n’ont pas été soignées. Il n’a pas non plus été conduit dans un centre médical spécialisé pour y subir un contrôle. Eu égard à l’état de santé de Hristo Bekirski et à la nécessité manifeste de le traiter avec autre chose que des antidouleurs, la Cour juge que les autorités bulgares ne se sont pas acquittées de leur obligation de fournir à Hristo Bekirski des soins médicaux adéquats en temps et en heure, en violation de l’article 3. Droit à la vie La Cour conclut que les tortures et l’absence de soins médicaux, auxquelles s’ajoute la réticence du Gouvernement à faciliter l’examen de l’affaire, ont conduit à la mort de Hristo Bekirski, au mépris de l’article 2. Pour ce qui est de l’enquête menée sur le décès de Hristo Bekirski, la Cour juge que, si elle a démarré rapidement et a donné lieu à un certain nombre de mesures, son impartialité est sujette à caution étant donné que l’autorité d’enquête était celle qui contrôlait l’établissement où Hristo Bekirski avait été détenu et torturé. La Cour n’a pas été en mesure de déterminer l’ampleur exacte des mesures d’enquête qui ont été prises puisque le Gouvernement ne s’est pas montré disposé à coopérer. Partant, il y a eu violation de l’article 2 à raison de l’absence d’enquête effective sur le décès de Hristo Bekirski. Affaire Vlaevi c. Bulgarie Droit à la vie La Cour estime que le comportement de Marin Vlaev, qui a cherché à fuir en dépit de l’ordre de Supplément 09/2010 8 s’arrêter émanant de policiers clairement identifiables comme tels, a contribué à faire craindre aux policiers qu’il ait un lien avec le ravisseur. Sachant que les policiers devaient réagir dans l’urgence puisque la vie de l’otage était toujours en danger, la Cour considère qu’il était absolument nécessaire pour les policiers d’utiliser leurs armes à feu pour immobiliser la voiture et son chauffeur. Il n’y a donc pas eu violation de l’article 2 pour ce qui est du recours aux armes à feu. Quant à la préparation et à la conduite de l’opération de police, en revanche, la Cour constate qu’un plan avait été prévu, que les policiers étaient équipés d’armes à feu et de matériel de protection et qu’ils avaient reçu pour instructions, soit dans la journée soit juste avant l’intervention, d’appréhender les ravisseurs par tous les moyens, y compris en utilisant leurs armes à feu. Si l’improvisation est dans une certaine mesure inévitable dans ce type d’opération de police, la réaction quelque peu chaotique des policiers à l’arrivée du chauffeur de taxi semble indiquer qu’ils n’étaient pas prêts à voir une seconde personne arriver sur les lieux et à envisager de recourir à des moyens techniques pour immobiliser le véhicule ou le poursuivre. Dès lors, l’opération de police au cours de laquelle Marin Vlaev a trouvé la mort n’a été ni préparée ni menée de manière à réduire le plus possible le risque de blesser grièvement ou de tuer, en violation de l’article 2. Enfin, s’agissant de l’enquête menée sur le décès de Marin Vlaev, la Cour note que les autorités bulgares ne sont pas demeurées passives et ont montré une volonté d’établir si le recours à la force par les policiers était conforme à la législation interne. Or la législation bulgare en vigueur à l’époque des faits, appliquée en l’espèce par les autorités internes compétentes, ne prévoyait pas de limiter le recours à la force à ce qui était absolument nécessaire, au contraire de ce qu’exige la Convention. De plus, beaucoup des mesures d’enquête ont été prises avec retard. Ces délais, ainsi que la durée totale de l’enquête préliminaire, qui s’élève à près de six ans, sont excessifs. Dès lors, l’enquête menée sur le décès de Marin Vlaev n’a pas été effective, au mépris de l’article 2. BEKIRSKI C. BULGARIE requête no 71420/01 VLAEVI os C. BULGARIE requêtes n 272/05 et 890/05 Violation de l'art. 38 ; Non-violation de l'art. 3 (volet matériel) ; Violations de l'art. 3 (volet matériel) ; Violation de l'art. 2 (volet matériel) ; Violation de l'art. 2 (volet procédural) ; Dommage matériel - réparation ; Préjudice moral – réparation. Jurisprudence : Aksoy c. Turquie, 18 décembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-VI ; Anguelova et Iliev v.Bulgarie, n° 55523/00, CEDH 2007-IX ; Anguelova c. Bulgarie, n° 38361/97, CEDH 2002-IV ; Aydin c. Turquie, 25 septembre 1997, Recueil 1997-VI ; Bati et autres c. LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME Turquie, nos 33097/96 et 57834/00, CEDH 2004-IV (extraits) ; Irlande c. Royaume-Uni, 18 janvier 1978, série A n° 25 ; Khachiev et Akaïeva c. Russie, nos 57942/00 et 57945/00, 24 février 2005 ; Klaas c. Allemagne, 22 septembre 1993, série A n° 269 ; Labita c. Italie [GC], n° 26772/95, CEDH 2000-IV ; Mahmut Kaya c. Turquie, n° 22535/93, CEDH 2000-III ; McKerr c. Royaume-Uni (déc.), n° 28883/95, 4 avril 2000 ; Mojsiejew c. Pologne, n° 11818/02, 24 mars 2009 ; Natchova et autres c. Bulgarie [GC], nos 43577/98 et 43579/98, CEDH 2005 VII ; Orhan c. Turquie, n° 25656/94, CEDH 2002 ; Salman c. Turquie [GC], n° 21986/93, CEDH 2000-VII ; Selmouni c. France [GC], n° 25803/94, CEDH 1999-V ; Stoyan Mitev c. Bulgarie, n° 60922/00, 7 janvier 2010 ; Tahsin Acar c. Turquie [GC], n° 26307/95, CEDH 2004-III ; Tanrikulu c. Turquie [GC], n° 23763/94, CEDH 1999IV ; Timurtas c. Turquie, n° 23531/94, CEDH 2000-VI ; Velikova c. Bulgarie, n° 41488/98, CEDH 2000-VI ; Yasa c. Turquie, 2 septembre 1998, Recueil 1998-VI. IIN NTTE ER RD DIIC CTTIIO ON ND DE ES S TTR RA AIITTE EM ME EN NTTS S IIN NH HU UM MA AIIN NS SE ETT D DE EG GR RA AD DA AN NTTS S L’article 3 de la Convention LE RENVOI AU BELARUS D’UN OPPOSANT POLITIQUE ET DE SA FAMILLE LES EXPOSERAIT A UN RISQUE DE MAUVAIS TRAITEMENTS Y.P ET L.P. C. FRANCE 02.09.2010 A l’unanimité : Violation de l’article 3 en cas de renvoi au Belarus Au Belarus, Y.P. a été arrêté, détenu et battu par la police pour ses activités en tant que membre du Front populaire biélorusse, notamment pour des faits d’ « hooliganisme » en février 1999, fait mentionné dans un rapport2 du Centre de défense des droits de l’homme « Viasna ». En octobre de la même année, il fut détenu et frappé par les autorités pour sa participation à la « marche pour la liberté » à Minsk. Entre 2002 – après, selon le requérant, avoir été agressé suite à son élection à la présidence du comité central du parti à Moghilev – et 2004, il commença à chercher asile en Allemagne et en Norvège, en vain. En octobre 2004, Y.P. allègue avoir été emmené dans un bois par la police et battu jusqu’à en perdre connaissance. Le requérant déclare avoir été également violenté lors de son arrestation et assignation à résidence, la veille des élections législatives. Son fils, également membre du parti, fut arrêté à différentes reprises, notamment en octobre Supplément 09/2010 9 2004 alors qu’il distribuait des tracts contre les modifications apportées à la Constitution biélorusse, qui permettaient au président de demeurer au pouvoir à vie. Quelques mois auparavant, un traumatisme crânien avait été diagnostiqué chez le jeune homme après sa détention pour avoir participé à un meeting contre la dictature. En février 2005, à leur arrivée en France, à Strasbourg, ils déposèrent immédiatement une demande d’asile auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), qui fut refusée au motif que le requérant n’avait pas fait de déclaration assez précise quant à son engagement politique et aux persécutions alléguées. Des certificats médicaux établis à l’automne 2005 à Strasbourg font état d’une cicatrice frontale chez Y.P. et d’un « état anxio-dépressif grave, directement en relation avec les traumatismes subis au Belarus » chez L.P. Le fils du requérant a également subi une intervention chirurgicale à Strasbourg pour soigner des séquelles au bras droit. La Commission de recours des réfugiés (CRR), saisie par les requérants, confirma le refus de la demande d’asile. La famille se rendit alors en Norvège, en Suède et au Danemark. Ils furent renvoyés du Danemark vers la France, où ils firent l’objet d’arrêtés de reconduite à la frontière en 2007 et 2008. En mars 2008, le petit garçon des requérants, né en 2006, fut hospitalisé à Paris en raison de conditions de vie précaires de la famille. Le 29 avril 2008, l’OFPRA, sur demande de réexamen par les requérants – qui faisaient valoir qu’un retour au Belarus signifierait leur incarcération pendant deux à cinq ans – leur refusa de nouveau l’asile. Placés au centre de rétention de Rouen, ils firent auprès de la Cour européenne des droits de l’homme une demande de suspension de la mesure de renvoi à leur encontre, que la Cour accorda en vertu de l’article 39 de son Règlement (mesures provisoires) pour la durée de la procédure devant elle. Suite au rejet de leur demande auprès de l’OFPRA, les requérants engagèrent un recours devant la cour nationale du droit d’asile (CNDA, ancienne CRR), en vain. Invoquant en particulier l’article 3, les requérants alléguaient que leur renvoi vers le Belarus les exposerait à un risque de subir des mauvais traitements. Décision de la Cour Épuisement des voies de recours internes Il existe en France un recours administratif suspensif pour les étrangers faisant l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière, pour en demander l’annulation dans les quarante-huit heures suivant sa notification. On ne saurait reprocher aux requérants de ne pas avoir introduit ce recours, dans la mesure où leur demande d’asile antérieure n’avait pas abouti LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME et que la situation au Belarus était la même qu’alors. La Cour rappelle que lorsqu’un requérant a utilisé une voie de droit apparemment effective et suffisante, il ne saurait se voir reprocher de ne pas avoir essayé d’en utiliser d’autres, qui étaient disponibles mais ne présentaient guère plus de chances de succès. Ainsi, la Cour estime que les requérants ont démontré l’existence de circonstances particulières qui les dispensaient de l’obligation d’épuiser la voie de recours indiquée par le gouvernement français. Leur requête est donc recevable. Article 3 La Cour estime le récit d’Y.P. crédible : il a fourni des éléments confirmant son engagement politique et les persécutions subies, notamment les attestations de l’association « Viasna » et les certificats médicaux. Dans leur refus de sa demande d’asile – en raison de déclarations jugées peu personnalisées et peu circonstanciées – les autorités françaises n’ont mentionné aucun rapport international sur la situation au Belarus. Elles n’ont par ailleurs considéré ni la poursuite alléguée de son activité politique en France ni le sort réservé à d’autres opposants comme des indications qu’Y.P. pourrait être recherché. Le passage du temps ne diminue pas automatiquement le risque auquel Y.P. serait exposé au Belarus. Si le Conseil de l’Europe3 a récemment relevé quelques évolutions positives en matière de démocratie, il note aussi les obstacles au rétablissement du statut d’invité spécial au Conseil de l’Europe du Belarus – suspendu en 1997 en raison de la dégradation de la situation des droits de l’homme – notamment la persistance du harcèlement de l’opposition. La Cour relève à cet égard qu’un individu ayant exercé des fonctions politiques similaires à celles d’Y.P. a disparu dans des circonstances inexpliquées et que d’autres sont régulièrement arrêtés. Le degré de militantisme du requérant est suffisamment démontré par ses activités à Moghilev. Par ailleurs la probabilité que des données sur lui et sa famille soient mises à disposition des autorités biélorusses en cas de retour est confortée par les brutalités et intimidations subies par le fils d’Y.P. En outre, leur demande d’asile en France pourrait être analysée comme « discréditant le Belarus » 4 et constituer une infraction passible d’une peine de prison, en vertu du Code pénal bélarussien. Du seul fait de leur lien avec Y.P., les membres de sa famille pourraient également être exposés à des persécutions. Ainsi, à l’heure actuelle, un renvoi des requérants vers le Belarus emporterait violation de l’article 3. Supplément 09/2010 10 ANCIEN CHEF DE L’OPPOSITION POLITIQUE TADJIKE TRANSFÉRÉ ILLÉGALEMENT DE RUSSIE AU TADJIKISTAN ISKANDAROV C. RUSSIE 23.09.2010 A l’unanimité : Violation des articles 3 et 5 Devant la Cour, le requérant, Mokhamadrouzi Iskandarov, reprochait aux autorités russes de l’avoir enlevé et transféré illégalement de Russie au Tadjikistan alors qu’il courait le risque sérieux d’y être maltraité. M. Iskandarov, qui avait été l’un des chefs de l’Opposition tadjike unie dans les années 90, avait critiqué ouvertement le président du Tadjikistan avant de s’installer en Russie le 11 décembre 2004. Accusé au Tadjikistan, en son absence, de terrorisme et de différentes autres infractions, il fut placé sur une liste internationale de personnes recherchées et, le 1er décembre 2004, le procureur général de la Fédération de Russie reçut une demande d’extradition le concernant. M. Iskandarov fut arrêté en Russie le 9 décembre 2004 en vue d’être extradé, mais l’extradition fut refusée le 1er avril 2005 car il avait introduit une demande d’asile, qui était encore pendante. Il fut libéré le 4 avril 2005 et habita ensuite avec un ami à Korolev (région de Moscou). Devant la Cour, il alléguait que, dans la soirée du 15 avril 2005, alors qu’il se promenait, il avait été abordé par deux hommes portant des uniformes de la police de la route, et que ceux-ci, aidés par plusieurs hommes aux traits slaves qui avaient cerné le périmètre, l’avaient menotté puis l’avaient emmené en voiture. Il aurait ensuite été gardé prisonnier et battu toute la nuit dans un sauna situé en un lieu non déterminé, puis emmené dans une forêt où ses ravisseurs se seraient entretenus avec d’autres hommes, avec lesquels ils auraient parlé russe sans accent. Il en aurait conclu qu’il s’agissait d’agents des forces de l’ordre russes. Il aurait ensuite été emmené à un aéroport, les yeux bandés. Ses papiers d’identité n’auraient pas été vérifiés, et il n’aurait entendu dans l’avion aucune instruction ou autre information habituellement communiquées dans les appareils civils. Il aurait gardé les yeux bandés pendant tout le vol. L’appareil aurait atterri à l’aéroport de Douchanbé, où il aurait été remis aux forces de l’ordre tadjikes. Détenu sous un faux nom les dix premiers jours suivant son arrivée, M. Iskandarov aurait été régulièrement battu, enfermé dans une cellule sale et minuscule ; il n’aurait pas été autorisé à sortir de sa cellule ni à se laver, et il n’aurait pratiquement pas été nourri. Il aurait fait une déclaration l’incriminant, sous la menace et par crainte pour sa vie. Il n’aurait LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME vu son avocat pour la première fois que 13 jours après son arrivée au Tadjikistan, et il ne lui aurait toujours parlé qu’en présence du personnel pénitentiaire. En octobre 2005, il fut condamné à 23 années de prison. Par la suite, il adressa aux autorités russes de nombreuses plaintes relatives au caractère irrégulier de sa détention et de son transfert au Tadjikistan. Toutes furent rejetées ou restèrent sans réponse. Plusieurs institutions, telles que l’Union européenne, Human Rights Watch, Amnesty International ou encore le Département d’Etat des Etats-Unis, auraient établi des rapports sur la détention de M. Iskandarov ainsi que sur la situation des droits de l’homme au Tadjikistan en général jusqu’au 15 avril 2005. Invoquant les articles 3 et 5, M. Iskandarov se plaignait d’avoir été irrégulièrement détenu et transféré au Tadjikistan, et d’avoir en conséquence été maltraité et persécuté en raison de ses opinions politiques. Décision de la Cour Etablissement des faits La Cour souligne que M. Iskandarov a fait une description globalement claire et cohérente de son transfert de Russie au Tadjikistan. Ses allégations selon lesquelles les autorités russes l’ont extradé illégalement sont étayées par les rapports du Département d’Etat américain. Le gouvernement russe n’a pas expliqué comment le requérant, que l’on avait vu pour la dernière fois dans la région de Moscou dans la soirée du 15 avril 2005, était arrivé au Tadjikistan. Etant donné que la route la plus courte entre Korolev et Douchanbé est longue de 3 660 kilomètres et traverse deux Etats souverains (le Kazakhstan et l’Ouzbékistan) la Cour ne juge pas plausible l’hypothèse selon laquelle les ravisseurs de M. Iskandarov aient pu l’emmener illégalement au Tadjikistan en moins de deux jours par un autre moyen de transport qu’un aéronef. En conséquence, elle admet les allégations du requérant selon lesquelles il a été arrêté et mis dans un avion par des agents russes qui l’ont transféré au Tadjikistan sans avoir à se conformer aux contrôles transfrontaliers habituels. Mauvais traitements La Cour considère tout d’abord le climat politique général au Tadjikistan au moment des faits, en se fondant sur des éléments issus de plusieurs sources objectives. Elle observe que la situation générale des droits de l’homme au Tadjikistan a soulevé de nombreuses préoccupations, notamment concernant le traitement des détenus. En particulier, des rapports montrent que les agents de l’Etat y pratiquaient couramment la torture, en toute impunité. Les conditions de détention étaient dures, voire Supplément 09/2010 11 potentiellement mortelles, et plusieurs détenus sont morts de faim. Examinant la situation personnelle de M. Iskandarov, la Cour note qu’il était l’un des adversaires possibles du président tadjik pour les élections présidentielles à venir. Au moment où il a été transféré du territoire russe, des rapports montraient qu’un autre chef charismatique de l’opposition, critique envers le régime, M. Chamsiddinov, avait été maltraité. En conséquence, même s’il n’est pas possible d’établir que M. Iskandarov a effectivement subi de mauvais traitements au Tadjikistan, les caractéristiques particulières de son profil et de sa situation auraient dû permettre aux autorités russes de prévoir qu’il risquerait d’y être maltraité. Etant donné qu’aucune ordonnance d’extradition n’a été prononcée contre lui, M. Iskandarov n’a pu contester son éloignement devant un tribunal. Ainsi, en transférant l’intéressé au Tadjikistan, les autorités russes ont manqué à l’obligation qui leur incombait de le protéger contre les risques de mauvais traitement. Ainsi, il y a eu violation de l’article 3. Détention irrégulière La Cour juge profondément regrettable que les agents de l’Etat aient eu recours à des méthodes opaques à l’égard de M. Iskandarov. Elle souligne que la détention du requérant ne se fondait pas sur une décision prononcée en vertu des lois nationales, et conclut qu’il a été transféré de manière irrégulière dans le but de contourner le rejet par le parquet général de la demande d’extradition. Sa détention n’a été ni reconnue ni consignée dans un quelconque registre des arrestations ou des détentions. Dans ces conditions, le droit des personnes à la liberté et à la sûreté a été totalement bafoué. Par conséquent, il y a eu violation de l’article 5 § 1. ISKANDAROV C. RUSSIE requête no 17185/05 Violation de l'art. 3 ; Violation de l'art. 5-1 ; Préjudice moral – réparation. Jurisprudence : Ahmed c. Autriche, 17 décembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996VI ; Al-Moayad c. Allemagne (déc.), n° 35865/03, 20 février 2007 ; Altun c. Turquie, n° 24561/94, 1 juin 2004 ; Amuur c. France, 25 juin 1996, § 42, Recueil 1996-III ; Assanidzé c. Géorgie [GC], n° 71503/01, CEDH 2004-II ; Benham c. Royaume-Uni, 10 juin 1996, Recueil 1996-III ; Boujlifa c. France, 21 octobre 1997, Recueil 1997-VI ; Bozano c. France, 18 décembre 1986, série A n° 111 ; Cruz Varas et autres c. Suède, 20 mars 1991, série A n° 201 ; Chypre c. Turquie [GC], n° 25781/94, § 147, CEDH 2001-IV ; D.H. et autres c. République tchèque [GC], n° 57325/00, CEDH 2007-XII ; De Wilde, Ooms et Versyp c. Belgique, 18 juin 1971, série A n° 12 ; Fatgan Katani et autres c. Allemagne (déc.), n° 67679/01, 31 mai 2001 ; Guiorgui Nikolaïchvili c. Géorgie, n° 37048/04, CEDH 2009-... ; Guzzardi c. Italie, 6 novembre 1980, série A n° 39 ; H.L.R. c. LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME France, 29 avril 1997, Recueil 1997-III ; Kafkaris c. Chypre [GC], n° 21906/04, CEDH 2008-... ; Ladent c. Pologne, n° 11036/03, CEDH 2008-... ; Mamatkulov et Askarov c. Turquie [GC], nos 46827/99 et 46951/99, CEDH 2005-I ; Mathew c. Pays-Bas, n° 24919/03, CEDH 2005-IX ; McKerr c. Royaume-Uni (déc.), n° 28883/95, 4 avril 2000 ; Metchenkov c. Russie, n° 35421/05, 7 février 2008 ; Medvedyev et autres c. France [GC], n° 3394/03, CEDH 2010-... ; Mooren c. Allemagne [GC], n° 11364/03, CEDH 2009-... ; Mouminov c. Russie, n° 42502/06, 11 décembre 2008 ; N. c. Royaume-Uni [GC], n° 26565/05, 27 mai 2008 ; Natchova et autres c. Bulgarie [GC], nos 43577/98 et 43579/98, CEDH 2005-VII ; Nasroulloïev c. Russie, n° 656/06, 11 octobre 2007 ; Nnyanzi c. Royaume-Uni, n° 21878/06, 8 avril 2008 ; Ryabikin c. Russie, n° 8320/04, 19 juin 2008 ; Said c. Pays-Bas, n° 2345/02, CEDH 2005-VI ; Salman c. Turquie [GC], n° 21986/93, CEDH 2000-VII ; Scozzari et Giunta c. Italie [GC], nos 39221/98 et 41963/98, CEDH 2000VIII ; Soering c. Royaume-Uni, 7 juillet 1989, série A n° 161 ; Stašaitis c. Lituanie, n° 47679/99, 21 mars 2002 ; T. c. Royaume-Uni [GC], n° 24724/94, 16 décembre 1999 ; Vilvarajah et autres c. Royaume-Uni, 30 octobre 1991, série A n° 215 ; X et Y c. Suède, n° 7376/76, décision de la Commission du 7 octobre 1976, Décisions et rapports (DR) 7, p. 123 ; X c. Autriche, n° 8278/78, décision de la Commission du 13 décembre 1979, DR 18, p. 154. D DR RO OIITT A AU UN NP PR RO OC CE ES S E EQ QU UIITTA AB BLLE ED DA AN NS SU UN N D DE ELLA AII R RA AIIS SO ON NN NA AB BLLE E L’article 6 de la Convention PREMIER ARRET PILOTE CONCERNANT UNE AFFAIRE DIRIGEE CONTRE L’ALLEMAGNE : LA DUREE EXCESSIVE DE PROCEDURES DEVANT LES JURIDICTIONS INTERNES CONSTITUE UN PROBLEME SYSTEMIQUE RUMPF C. ALLEMAGNE 02.09.2010 A l’unanimité : Violation des articles 6 § 1 et 13 L’affaire concerne la durée excessive d’une procédure judiciaire devant les juridictions internes, un problème récurrent qui est à l’origine des violations de la Convention les plus fréquentes constatées par la Cour dans des affaires dirigées contre l’Allemagne. Plus de la moitié des arrêts concernant l’Allemagne dans lesquelles la Cour a conclu à une violation soulevaient cette question. La Cour a donc jugé approprié d’appliquer la procédure d’arrêt pilote, qu’elle a élaborée ces dernières années pour traiter de grands groupes d’affaires identiques Supplément 09/2010 12 tirant leur origine d’un même problème structurel et/ou systémique. Afin de faciliter l’exécution effective de ses arrêts, la Cour peut, dans un arrêt pilote, identifier clairement l’existence de problèmes structurels ou systémiques à l’origine des violations et indiquer à l’Etat en cause des mesures ou actions spécifiques à prendre pour y remédier. Entre 1959 et 2009, la Cour a rendu des arrêts dans plus de 40 affaires dirigées contre l’Allemagne dans lesquelles elle a constaté des violations répétées de la Convention en raison de la durée excessive de procédures civiles. Rien qu’en 2009, elle a conclu à 13 reprises à la méconnaissance de l’exigence du délai raisonnable posée par l’article 6 § 1. Dans un arrêt rendu en août 20062, elle avait déjà souligné l’absence de recours effectif pour dénoncer la durée excessive d’une procédure judiciaire et avait attiré l’attention du gouvernement allemand sur son obligation de choisir, sous le contrôle du Comité des Ministres, les mesures générales à intégrer dans son ordre juridique interne afin de mettre un terme à la violation constatée par la Cour et d’en effacer autant que possible les conséquences. Si la Cour se félicite d’une initiative législative prise récemment par le gouvernement allemand en vue de traiter le problème, elle note également que l’Allemagne n’a à ce jour mis en œuvre aucune mesure destinée à améliorer la situation, malgré son importante jurisprudence constante à ce sujet. Le caractère systémique du problème ressort également du fait que quelque 55 requêtes dirigées contre l’Allemagne concernant des problèmes similaires sont actuellement pendantes devant la Cour et que leur nombre ne cesse de croître. Dès lors, les violations constatées dans la présente affaire sont la conséquence des manquements du gouvernement allemand et doivent passer pour résulter d’une pratique incompatible avec la Convention. La Cour dit, à l’unanimité, que l’Allemagne doit introduire rapidement, et au plus tard dans un délai d’un an à compter de la date à laquelle l’arrêt sera devenu définitif, un recours interne effectif permettant de dénoncer la durée excessive d’une procédure judiciaire. Un recours doit passer pour effectif dès lors qu’il permet soit de faire intervenir plus tôt la décision des juridictions saisies, soit de fournir au justiciable une réparation adéquate pour les retards déjà causés. La Cour n’a pas jugé nécessaire d’ajourner l’examen des requêtes similaires avant la mise en œuvre des mesures voulues. La poursuite du traitement de l’ensemble des affaires similaires pendantes rappellera régulièrement à l’Allemagne l’obligation qui lui incombe en vertu de la Convention et, en particulier, celle découlant de l’arrêt rendu en l’espèce. LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME Invoquant l’article 6 § 1, M. Rumpf se plaignait de la durée excessive de la procédure devant les juridictions administratives. Sur le terrain de l’article 13, il dénonçait en outre l’absence dans l’ordre juridique allemand d’un recours effectif qui lui eût permis de se plaindre de la durée de la procédure judiciaire. Décision de la Cour Article 6 § 1 La période à prendre en considération a commencé le 30 novembre 1993 et s’est terminée le 7 mai 2007, date de réception de la décision définitive de la Cour constitutionnelle fédérale. La procédure a donc duré au total 13 ans et 5 mois pour quatre degrés de juridictions. La Cour observe que la procédure ne présentait aucune complexité particulière du point de vue du droit ou des faits. M. Rumpf a certes fait valoir ses intérêts parallèlement dans le cadre d’une procédure en référé, mais il s’agit là d’une situation procédurale courante. En outre, cette action s’est terminée bien avant le début de la procédure d’appel et l’on ne saurait donc considérer qu’elle a eu pour conséquence de retarder la procédure principale. Les retards intervenus dans la procédure ne sauraient pour la plupart être imputés à M. Rumpf. En ce qui concerne la procédure devant le tribunal administratif, on ne peut le tenir pour responsable que d’un retard d’environ deux mois, résultant de ses demandes de prorogation du délai fixé par le tribunal plus d’un an après l’introduction de la procédure. Le principal retard a eu lieu devant la cour administrative d’appel, devant laquelle la procédure est demeurée pendante pendant près de huit ans. Deux avocats seulement sont intervenus dans cette procédure et cette juridiction n’a demandé des éclaircissements au sujet de la représentation de M. Rumpf que neuf mois après l’intervention du second avocat de l’intéressé. La désignation d’un conseil supplémentaire n’a donc pas eu pour effet de prolonger la procédure. Un retard important de deux ans et demi a été occasionné par la tentative déployée, en vain, pour retrouver les dossiers manquants, retard qui, pour la Cour, est imputable au gouvernement allemand. La requête en récusation pour partialité soumise ultérieurement au cours de la procédure ne saurait justifier le défaut de fixation d’une nouvelle audience pendant près de trois ans. Seul le retard intervenu dans la procédure devant la Cour constitutionnelle fédérale doit être imputé à M. Rumpf, son avocat n’ayant soumis les observations complémentaires requises que six mois après le délai fixé à l’origine. La Cour note que le fonctionnement de la société de M. Rumpf dépendait de l’issue de la procédure. Si l’intéressé a subi une perte financière du fait du refus final de lui délivrer les permis, il a également Supplément 09/2010 13 éprouvé un préjudice occasionné par la durée de la procédure et l’incertitude qui en est résultée quant à la reprise de son activité. Si la procédure avait été menée dans les délais, il aurait pu commencer plus tôt à réorganiser sa société ou à la transférer. Par ces motifs, la Cour dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1. Article 13 La Cour souligne que dans de nombreuses autres affaires dirigées contre l’Allemagne, elle a conclu à l’absence en droit allemand de recours effectifs propres à fournir un redressement pour la durée excessive d’une procédure civile. Partant, elle conclut, à l’unanimité, qu’il y a eu en l’espèce violation de l’article 13, l’intéressé n’ayant disposé d’aucun recours qui lui eût permis d’obtenir une décision reconnaissant son droit de faire entendre sa cause dans un délai raisonnable, garanti par l’article 6 § 1. RUMPF C. ALLEMAGNE REQUETE NO 46344/06 Violation de l'art. 6-1 ; Violation de l'art. 13 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral – réparation. Jurisprudence : Abduvalieva c. Allemagne, n° 54215/08, 26 novembre 2009 ; Adam c. Allemagne, n° 44036/02, 4 décembre 2008 ; Afflerbach c. Allemagne, 39444/08, 24 juin 2010 ; Bähnk c. Allemagne, n° 10732/05, 9 octobre 2008 ; Ballhausen c. Allemagne, n° 1479/08, 23 avril 2009 ; Bayer c. Allemagne, n° 8453/04, 16 juillet 2009 ; Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, CEDH 1999-V ; Bozlar c. Allemagne, n° 7634/05, 5 mars 2009 ; Broniowski c. Pologne [GC], n° 31443/96, CEDH 2004-V ; Bourdov c. Russie (n° 2), n° 33509/04, CEDH 2009-... ; D.E. c. Allemagne, n° 1126/05, 16 juillet 2009 ; Deiwick c. Allemagne, n° 7369/04, 26 mars 2009 ; Evelyne Deiwick c. Allemagne, n° 17878/04, 11 juin 2009 ; Frydlender c. France [GC], n° 30979/96, CEDH 2000VII ; Glüsen c. Allemagne, n° 1679/03, 10 janvier 2008 ; Grässer c. Allemagne, n° 66491/01, 5 octobre 2006 ; Herbst c. Allemagne, n° 20027/02, 11 janvier 2007 ; Herbst c. Allemagne, n° 20027/02, 11 janvier 2007 ; Hub c. Allemagne, n° 1182/05, 9 avril 2009 ; HuttenCzapska c. Pologne [GC], n° 35014/97, CEDH 2006VIII ; Jesse c. Allemagne, n° 10053/08, 22 décembre 2009 ; Kindereit c. Allemagne, n° 37820/06, 8 octobre 2009 ; Kirsten c. Allemagne, n° 19124/02, 15 février 2007 ; Klasen c. Allemagne, n° 75204/01, 5 octobre 2006 ; Kressin c. Allemagne, n° 21061/06, 22 décembre 2009 ; Kuchejda c. Allemagne 17384/06, 24 juin 2010 ; Kudla c. Pologne [GC], n° 30210/96, CEDH 2000-XI ; Kurt Müller c. Allemagne, n° 36395/07, 25 février 2010 ; Laudon c. Allemagne, n° 14635/03, 26 avril 2007 ; Leela Förderkreis e.V. et autres c. Allemagne, n° 58911/00, 6 novembre 2008 ; Lukenda c. Slovénie, n° 23032/02, CEDH 2005-X ; Mianowicz c. Allemagne (n° 2), n° 71972/01, 11 juin 2009 ; Nanning c. Allemagne, n° 39741/02, 12 juillet 2007 ; Niedzwiecki c. Allemagne (n° 2), n° 12852/08, 1 avril 2010 ; Nold c. Allemagne, n° 27250/02, 29 juin LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME 2006 ; Perschke c. Allemagne, 25756/09, 24 juin 2010 ; Petermann c. Allemagne, n° 901/05, 25 mars 2010 ; Reinhard c. Allemagne, n° 485/09, 25 mars 2010 ; Ritter-Coulais c. Allemagne, 32338/07, 30 mars 2010 ; S. et Marper c. Royaume-Uni [GC], nos 30562/04 et 30566/04, CEDH 2008-... ; Schädlich c. Allemagne, 21423/07, 24 juin 2010 ; Scozzari et Giunta c. Italie [GC], nos 39221/98 et 41963/98, CEDH 2000 VIII ; Sinkovec c. Allemagne, n° 46682/07, 30 mars 2010 ; Skugor c. Allemagne, n° 76680/01, 10 mai 2007 ; Sopp c. Allemagne, n° 47757/06, 8 octobre 2009 ; Stork c. Allemagne, n° 38033/02, 13 juillet 2006 ; Sürmeli c. Allemagne [GC], n° 75529/01, CEDH 2006-VII ; Volkmer c. Allemagne, n° 54188/07, 30 mars 2010 ; Von Koester c. Allemagne (n° 1), n° 40009/04, 7 janvier 2010 ; Wildgruber c. Allemagne, nos 42402/05 et 42423/05, 21 janvier 2010 ; Xenides-Arestis c. Turquie, n° 46347/99, 22 décembre 2005 ; Youri Nikolaïevich Ivanov c. Ukraine, n° 40450/04, CEDH 2009-... (extraits). D DR RO OIITT A AU UR RE ES SP PE EC CTT D DE E LLA AV VIIE EP PR RIIV VE EE EE ETT FFA AM MIILLIIA ALLE E L’article 8 de la Convention LA SURVEILLANCE PAR GPS D’UNE PERSONNE SOUPÇONNEE D’INFRACTIONS GRAVES ETAIT JUSTIFIEE UZUN C. ALLEMAGNE 02.09.2010 A l’unanimité : Non-violation des articles 8 et 6 § 1 L’affaire concerne la surveillance du requérant par GPS (système de géolocalisation par satellite) dans le cadre d’une enquête pénale. C’est la première affaire concernant une telle surveillance dont la Cour européenne des droits de l’homme ait été saisie. En octobre 1995, le procureur général près la Cour fédérale de Justice (Generalbundesanwalt) ouvrit une instruction contre M. Uzun et un complice présumé pour participation à des attentats à la bombe revendiqués par la « cellule anti-impérialiste », une organisation qui poursuivait la lutte armée abandonnée en 1992 par la Fraction armée rouge (RAF), mouvement terroriste d’extrême gauche. L’Office fédéral de la police judiciaire (Bundeskriminalamt) fut chargé de l’enquête. Il procéda notamment à la surveillance visuelle de M. Uzun pendant les week-ends, à la surveillance au moyen d’une caméra vidéo de l’entrée de l’immeuble où l’intéressé vivait, à des écoutes téléphoniques et à l’installation d’émetteurs dans la voiture du complice présumé, que celui-ci et le requérant utilisaient souvent ensemble. Les Supplément 09/2010 14 intéressés ayant découvert les dispositifs et les ayant détruits et étant donné qu’ils évitèrent de se parler au téléphone, le procureur général ordonna leur surveillance par GPS. L’Office fédéral de la police judiciaire installa un récepteur GPS dans le véhicule du complice présumé de M. Uzun en décembre 1995, ce qui lui permit de localiser la voiture. Cette surveillance dura jusqu’à l’arrestation des deux hommes, en février 1996. Dans le cadre de la procédure pénale ouverte contre les deux hommes, la cour d’appel de Düsseldorf rejeta l’objection de M. Uzun à l’utilisation en tant que preuves des informations obtenues grâce à la surveillance par GPS. Elle estima que le recours au GPS était autorisé par le code de procédure pénale et qu’aucune décision judiciaire n’était nécessaire à cette fin. En septembre 1999, la cour d’appel condamna le requérant à une peine de treize ans d’emprisonnement pour tentative de meurtre et pour quatre attentats à la bombe. Elle conclut que les deux hommes avaient posé des bombes devant le domicile de députés et d’anciens députés et devant un consulat. Les éléments de preuve comprenaient les données obtenues grâce à la surveillance par GPS, lesquelles étaient corroborées par les renseignements recueillis au moyen d’autres méthodes de surveillance. M. Uzun se pourvut en cassation, se plaignant en particulier de l’utilisation au procès d’éléments de preuve obtenus grâce à sa surveillance par GPS. En janvier 2001, la Cour fédérale de Justice (Bundesgerichtshof) le débouta. En avril 2005, la Cour constitutionnelle fédérale (Bundesverfassungsgericht) écarta le recours de M. Uzun. Elle estima que l’atteinte causée au droit de l’intéressé au respect de sa vie privée par sa surveillance par GPS était proportionnée, eu égard à la gravité des infractions et au fait qu’il s’était dérobé à d’autres mesures de surveillance. Pour la Cour constitutionnelle fédérale, les garanties procédurales en place étaient suffisantes pour éviter une surveillance totale permettant de dresser le profil exhaustif d’une personne. Toutefois, le législateur devait examiner si, eu égard à l’évolution future, ces garanties étaient suffisantes pour fournir une protection effective des droits fondamentaux et éviter la mise en œuvre non coordonnée de mesures d’enquête par différentes autorités. Le requérant alléguait que sa surveillance par GPS et l’utilisation des données ainsi obtenues dans le cadre de la procédure pénale dirigée contre lui avaient emporté violation de ses droits garantis par l’article 8. Ces données ayant constitué le fondement essentiel de sa condamnation, il se plaignait en outre d’une violation de l’article 6 § 1. Décision de la Cour La Cour observe tout d’abord que le récepteur GPS a été intégré sur une voiture appartenant à un tiers (le LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME complice de M. Uzun). Toutefois, en procédant de la sorte, les autorités d’enquête avaient manifestement l’intention de recueillir des informations sur les déplacements des deux suspects, étant donné que leurs précédentes investigations leur avaient révélé que ceux-ci avaient utilisé la voiture ensemble. On n’a pu faire le lien entre les déplacements de la voiture du complice et M. Uzun qu’en soumettant celui-ci à une surveillance visuelle supplémentaire et aucune des juridictions internes n’a contesté que l’intéressé avait été soumis à une surveillance par GPS. Les autorités d’enquête ont systématiquement recueilli et conservé des données indiquant l’endroit où se trouvait M. Uzun et les déplacements de celuici en public. Elles ont de surcroît utilisé ces données pour suivre tous les déplacements de l’intéressé, pour effectuer des investigations complémentaires et pour recueillir d’autres éléments de preuve dans les endroits où il s’était rendu, éléments qui ont ensuite été utilisés dans le cadre du procès pénal. La Cour estime que les aspects susmentionnés suffisent pour conclure que la surveillance de M. Uzun par GPS s’analyse en une ingérence dans l’exercice par lui de son droit au respect de sa vie privée garanti par l’article 8 § 1. Sur le point de savoir si cette ingérence était « prévue par la loi », la Cour estime qu’elle avait une base dans le code de procédure pénale. Elle souligne qu’il y a lieu de distinguer la surveillance par GPS de déplacements en public d’autres méthodes de surveillance par des moyens visuels ou acoustiques car elle révèle moins d’informations sur la conduite, les opinions ou les sentiments de la personne qui en fait l’objet et porte donc moins atteinte au droit de celle-ci au respect de sa vie privée. La Cour ne voit donc pas la nécessité d’appliquer les mêmes garanties strictes contre les abus que celles qu’elle a développées dans sa jurisprudence sur la surveillance des télécommunications, par exemple l’obligation de définir précisément la durée maximale de l’exécution de la mesure de surveillance ou la procédure à suivre pour l’utilisation et la conservation des données recueillies. La Cour estime que la conclusion unanime des juridictions internes selon laquelle la surveillance par GPS était couverte par le droit interne était raisonnablement prévisible, étant donné que les dispositions pertinentes prévoyaient le recours à des moyens techniques, en particulier « pour localiser l’auteur d’une infraction ». En outre, le droit interne subordonnait l’autorisation de la mesure de surveillance par GPS à des conditions très strictes ; en effet, une telle surveillance ne pouvait être ordonnée qu’à l’égard d’une personne soupçonnée d’une infraction extrêmement grave. Supplément 09/2010 15 La Cour se félicite des modifications apportées au droit allemand après l’enquête menée dans l’affaire de M. Uzun car elles ont eu pour effet de renforcer la protection du droit d’un suspect au respect de sa vie privée, la surveillance systématique de celui-ci devant être ordonnée par un juge lorsqu’elle dépasse une durée d’un mois. Elle note toutefois que déjà en vertu des dispositions en vigueur à l’époque des faits la surveillance d’un individu par GPS était susceptible d’un contrôle judiciaire. Elle estime que le contrôle judiciaire ultérieur de la surveillance de M. Uzun par GPS a offert une protection suffisante contre l’arbitraire en l’espèce. Un tel contrôle, qui permet d’exclure les éléments de preuve obtenus au moyen d’une surveillance illégale par GPS, constitue une garantie importante, en ce qu’elle décourage les autorités d’enquête de recueillir des preuves par des moyens illégaux. La Cour conclut que l’ingérence dans l’exercice par M. Uzun de son droit au respect de sa vie privée était « prévue par la loi ». La Cour note que la surveillance M. Uzun par GPS, ordonnée aux fins d’enquêter sur plusieurs accusations de tentatives de meurtre revendiquées par un mouvement terroriste et de prévenir d’autres attentats à la bombe, était dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de la prévention des infractions pénales et de la protection des droits des victimes. La surveillance par GPS a seulement été ordonnée après que d’autres mesures d’investigation, moins attentatoires à la vie privée, se furent révélées moins efficaces, et cette mesure a été mise en œuvre pendant une période relativement courte (trois mois) et n’a touché l’intéressé que lorsqu’il se déplaçait dans la voiture de son complice. Dès lors, on ne saurait dire que le requérant a été soumis à une surveillance totale et exhaustive. L’enquête ayant porté sur des infractions très graves, la Cour estime que la surveillance de M. Uzun par GPS était proportionnée aux buts poursuivis. La Cour conclut, à l’unanimité, à la non-violation de l’article 8 de la Convention. En outre, eu égard à cette conclusion, elle dit, à l’unanimité, qu’aucune question distincte ne se pose sous l’angle de l’article 6 § 1. UZUN C. ALLEMAGNE requête no 35623/05 Exception préliminaire jointe au fond et rejetée (victime) ; Nonviolation de l'article 8. Jurisprudence : Amann c. Suisse [GC], no 27798/95, CEDH 2000-II ; Association pour l'intégration européenne et les droits de l'homme et Ekimdjiev c. Bulgarie, no 62540/00, 28 juin 2007 ; Bykov c. Russie [GC], no 4378/02, § 76, CEDH 2009-... ; Dumitru Popescu c. Roumanie (no 2), no 71525/01, §§ 70-71, 26 avril 2007 ; Herbecq et Association « Ligue des droits de l'homme » c. Belgique, nos 32200/96 et 32201/96, décision de la Commission du 14 janvier 1998, Décisions et rapports (DR) 92-B, p. 92 ; Iordachi et autres c. Moldova, no LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME 25198/02, 10 février 2009 ; Klass et autres c. Allemagne, 6 septembre 1978, § 50, série A no 28 ; Kopp c. Suisse, 25 mars 1998, § 59, Recueil 1998-II ; Kruslin c. France, 24 avril 1990, § 27, série A no 176A ; Lambert c. France, 24 août 1998, § 21, Recueil des arrêts et décisions 1998-V ; Leander c. Suède, 26 mars 1987, § 58, série A no 116 ; Liberty et autres c. Royaume-Uni, no 58243/00, 1 juillet 2008 ; Malone c. Royaume-Uni, 2 août 1984, § 67, série A no 82 ; Messina c. Italie (no 2), no 25498/94, § 65, CEDH 2000-X ; P.G. et J.H. c. Royaume-Uni, no 44787/98, §§ 56, 57, 59-60, CEDH 2001-IX ; Peck c. RoyaumeUni, no 44647/98, CEDH 2003-I ; Perry c. RoyaumeUni, no 63737/00, CEDH 2003-IX ; Rotaru c. Roumanie [GC], no 28341/95, §§ 43-44, CEDH 2000V ; S.W. c. Royaume-Uni, 22 novembre 1995, § 36, série A no 335-B ; Streletz, Kessler et Krenz c. Allemagne [GC], nos 34044/96, 35532/97 et 44801/98, § 50, CEDH 2001-II ; Valenzuela Contreras c. Espagne, 30 juillet 1998, § 46 iii), Recueil 1998-V ; Weber et Saravia c. Allemagne (déc.), no 54934/00, §§ 93, 94, CEDH 2006-XI. D DR RO OIITT A A LLA A LLIIB BE ER RTTE EE ETT A A LLA AS SU UR RE ETTE E L’article 5 de la Convention L’IMPOSITION AU REQUÉRANT DE SOINS PSYCHIATRIQUES PENDANT PLUS DE CINQ ANS A PORTÉ ATTEINTE A SA VIE PRIVÉE SHOPOV C. BULGARIE 02.09.2010 A l’unanimité : Violation de l’article 5 § 1 Violation de l’article 8 Saisi par le frère du requérant suite à la préconisation du psychiatre, le procureur de district ordonna en décembre 2002 le placement de M. Shopov en hôpital psychiatrique, afin d’effectuer une expertise pour déterminer la nécessité d’un traitement médical obligatoire en vertu de la loi sur la santé publique. Par un jugement du 3 avril 2003, le tribunal de district décida du placement du requérant en hôpital psychiatrique, au motif que, d’après les expertises, d’après les expertises, son état de santé pouvait se dégrader. M. Shopov interjeta appel de ce jugement, contestant l’équité de la procédure et la nécessité du traitement psychiatrique. Par un jugement du 9 octobre 2003, le tribunal de Sofia, estimant que le requérant ne présentait aucun danger pour autrui, que le seul risque pour sa santé tenait à son refus de se soigner et que le traitement médicamenteux pouvait se faire hors de l’hôpital, remplaça la mesure de placement Supplément 09/2010 16 par un traitement médical obligatoire en hôpital psychiatrique de jour. M. Shopov refusant de se soumettre à ce traitement, il fut appréhendé par la police à son domicile le 1er décembre 2003 sur ordre du procureur, puis menotté et conduit de force à l’hôpital psychiatrique. Un traitement médical lui fut administré puis il quitta l’hôpital fin décembre. Jusqu’en septembre 2009, le requérant se rendit périodiquement à l’hôpital de jour pour l’application du traitement psychiatrique obligatoire, en exécution du jugement du 9 octobre 2003. Sous l’angle de l’article 5 § 1, le requérant se plaignait que son placement en hôpital psychiatrique l’avait privé de sa liberté de manière irrégulière et arbitraire, et, sous l’angle de l’article 8, du traitement psychiatrique en hôpital de jour imposé contre sa volonté pendant plus de cinq ans. Décision de la Cour Article 5 § 1 Le placement du requérant dans un établissement psychiatrique contre son gré du 1er au 29 décembre 2003 a été ordonné par le procureur, alors que le tribunal de Sofia avait décidé par un jugement que ce traitement serait effectué en hôpital de jour. Ainsi, le procureur et la police ont outrepassé les limites de ce jugement et le placement de l’intéressé en hôpital psychiatrique a été irrégulier, en violation de l’article 5 § 1. Article 8 L’ingérence continue dans le droit au respect de la vie privée du requérant, que constituait un traitement contre son gré, avait une base légale, à savoir la loi sur la santé publique de 1973, prévoyant la possibilité de procéder à des soins psychiatriques contre la volonté de la personne intéressée en cas de risque d’aggravation sérieuse de son état de santé. En revanche, le contrôle judiciaire à intervalles réguliers, prévu par cette disposition quant à la nécessité de poursuivre le traitement, n’a pas eu lieu dans le cas de M. Shopov. La Cour relève que le traitement obligatoire a été décidé pour une durée indéterminée. Par conséquent, le maintien des soins psychiatriques obligatoires à son encontre pendant plus de cinq ans n’était pas conforme au droit bulgare, d’autant qu’aucun élément ne suggère que M. Shopov aurait pu contester la poursuite du traitement - au moins pour la période antérieure à l’entrée en vigueur de la loi de 2005, qui a abrogé la loi sur la santé publique de 1973. La Cour conclut qu’il y a eu violation de l’article 8. SHOPOV C. BULGARIE requête no 11373/04 Partiellement irrecevable ; Violation de l'art. 5-1 ; Violation de l'art. 8 ; Préjudice moral – réparation. Jurisprudence : Aerts c. Belgique, 30 juillet 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-V ; CostelloRoberts c. Royaume-Uni, 25 mars 1993, série A no 247 ; Glass c. Royaume-Uni, no 61827/00, CEDH 2004-II ; Halford c. Royaume-Uni, 25 juin 1997, Recueil 1997III ; Hutchison Reid c. Royaume-Uni, no 50272/99, CEDH 2003-IV ; Juhnke c. Turquie, no 52515/99, 13 mai 2008 ; Rotaru c. Roumanie [GC], no 28341/95, CEDH 2000-V ; Storck c. Allemagne, no 61603/00, CEDH 2005-V ; Winterwerp c. Pays-Bas, 24 octobre 1979, série A no 33 ; X. et Y. c. Pays-Bas, 26 mars 1985, série A no 91. Observatoire sans frontières des violations des droits de la défense et des droits des avocats dans le monde En soutenant l’IDHAE, ce mois-ci vous êtes intervenus pour: KIRGHIZSTAN - 2 août 2010 : Nurbek Toktakunov, agressé au poste de police, lors d'une visite au militant des droits de l'homme ouzbèk , Azimjan Askarov. Le 2 août 2010, Nurbek Toktakunov, avocat et président de "Independent human rights group", qui a été récemment membre du Conseil de la Constitution (COC), approuvée par référendum, le 27 juin dernier, a été agressé alors qu'il rendait visite à son client, Azimjan Askarov le directeur de « Vozdukh » (Air). Le 2 août 2010, après qu'il ait commencé à parler avec Azimjan Askarov, au poste de police de Jalalabad, des policiers sont intervenus et ont mis fin à l'entretien de Nurbek Toktakunov, en emmenant son client. Ils ont LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME prétexté de raisons de sécurité. Ils ont surtout indiqué qu'ils voulaient éviter des incidents car les proches d'une victime tuée lors des émeutes inter-ethniques entre les Ouzbèks et les Kirghizes, allaient arriver au poste de police. De fait, subitement des inconnus ont encerclé l'avocat, lui ont pris son porte document et l'ont menacé de représailles s'il n'acceptait pas d'abandonner l'affaire. Les policiers présents ont mystérieusement disparu. Supplément 09/2010 17 LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME COLOMBIE - 4 août 2010 : Judith Maldonado Mojica, agressée et frappée par deux individus à moto. Le 4 août 2010, Judith Maldonado Mojica *, qui travaille comme directrice du collectif d'avocats 'Luis Carlos Perez des droits de l'homme (CCALCP) pour apporter une assistance juridique et pédagogique aux communautés indigènes , a été agressée devant les bureaux de la CCALCP à Bucaramanga, par des hommes armés à m...oto qui l'ont frappée, l'ont insultée et ont menacé de la tuer. Ils sont partis en emportant son sac à main qui contenait des documents et des appareils de communication appartenant à la CCALCP. Judith Maldonado Mojica avait déjà été menacée. Le 12 mars 2010, elle a reçu sur son téléphone portable des menaces paraissant émaner du groupe paramilitaire Águilas Negras (Aigles Noirs). Un an plus tôt, le 31 Mars 2009, la maison de Judith Maldonado Mojica, dans la ville d'Arauca avait été curieusement "cambriolée". IRAN - 8 août 2010 : Mohammad Mostafaei s'est refugié à Oslo, avec un billet offert par l'ambassade de Norvège en Turquie. Sa femme et sa famille ont été libérées le 7 août 2010 de la prison d'Evin. Mohammad Mostafaei, avocat iranien des droits de l’homme, était notamment...l’avocat de Sakineh Mohammadi Ashtiani, une femme de 43 ans condamnée à être 09 2010 / lapidée pour une liaison extraconjugale, bien qu'il n'y ait pas de preuve de son implication dans le meurtre de son mari, ainsi qu’un grand nombre de mineurs délinquants, de prisonniers politiques et d’autres personnes condamnées à mort par lapidation. Mohammed Mostafaei avait ouvertement critiqué le système judiciaire iranien. Il a qualifié la condamnation à la lapidation de Sakineh de " fausse déclaration de culpabilité" et d'"absolument illégale". Pour ses activités d’avocat il avait été emprisonné à plusieurs reprises. Pour échapper à l'arrestation, Mohammad Mostafaei avait réussi à franchir le 29 juillet 2010, la frontière pour entrer en Turquie afin de demander l’asile politique. Mais il a été arrêté et a été détenu pendant six jours. Il y a été interrogé dans le commissariat de Kumkapi à Istanbul. Le 6 aout, Mohammad Mostafaei a été libéré grâce à l’intervention de l’Union Européenne, et en particulier la Norvège qui avait annoncé qu’elle était prête à lui accorder la nationalité norvégienne. Mohammad Mostafaei est arrivé le 8 aout à Oslo, avec un billet offert par l'ambassade de Norvège en Turquie. Il compte y demander l'asile politique. Mohammad Mostafaei avait été interrogé, le 24 juillet 2010, dans les bureaux du procureur de la prison d’Evin, pendant au moins une heure à la prison avant d’être libéré. Plus tard, cependant, il a de nouveau été convoqué. Comme il ne se trouvait pas à son bureau, un mandat d'amener a été délivré contre lui. Mohammad Mostafaei n'ayant pas été davantage trouvé à son domicile par les policiers porteurs du mandat, son épouse, Fereshteh Halimi, le frère de celle-ci, Farhad Halimi, ainsi que son père ont été arrêtés, sans aucun motif légal, comme otages pour le forcer à se rendre aux autorités.Sa femme, Fereshteh Halimi, été libéré le 7 aout 2010. Le frère de celle-ci, Farhad Halimi, ainsi que son père avaient été libérés un peu plus tôt dans la semaine qui précédait. LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME IRAN - 8 septembre 2010 : Javid Houtan Kian, le nouvel avocat de Sakineh Mohammadi Ashtiani, sous la menace après avoir révélé l'absence de suspension de la peine de lapidation contre sa cliente. Javid Houtan Kian, le nouvel avocat de Sakineh Mohammadi Ashtiani, sous la menace après avoir révélé l'absence de suspension de la peine de lapidation contre sa cliente. Alors que le ministère iranien des Affaires étrangères vient d’annoncer la suspension de la peine de lapidation contre l’Iranienne Sakineh Mohammadi...Ashtiani pour adultère. Le nouvel avocat de Sakineh, Javid Houtan Kian, qui en tant qu’avocat de Mme Ashtiani, aurait dû être la première personne informée de la décision, n'a à ce jour reçu aucun document officiel écrit indiquant la suspension de la peine de sa cliente. L'information doit être accueillie avec suspicion. En tout état de cause, ni le ministère iranien des affaires étrangères, ni le gouvernement iranien, n’ont pas le pouvoir de suspendre cette peine qui concerne la seule autorité judiciaire. Seules deux personnes en Iran peuvent le faire: le Chef du Pouvoir judiciaire, M. Larijani, ainsi que le chef de la branche n°9 du Conseil suprême du pays, M. Davoudi Mazandarani., ce qui n’a pas été le cas. Javid Houtan Kian a luimême effectué cette demande de suspension à dix reprises, sans jamais obtenir aucune réponse. Tant qu’il ne figure sur le dossier de lapidation aucun document officiel indiquant la suspension de sa peine, celle-ci peut-être exécutée à tout moment.. La peine de la pidation peut toujours être appliquée à tout moment.Javid Supplément 09/2010 18 LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME Houtan Kian est aujourd'hui ménacé. Il reste le seul à défendre Sakineh Mohammadi Ashtiani.En juillet 2010, c'est grâce à l’autre avocat de Sakineh, Mohammad Mostafaei, qui avait choisi d'alerter l'opinion mondiale et de faire des révélations à la presse internationale, qu'une campagne de soutien se crée, forçant les autorités iraniennes à annoncer la suspension de la lapidation. Mais, après les révélation du sort de Sakineh à la presse mondiale, Mohammad Mostafaei, avait été arrêté et détenu à la prison d'Evin puis relâché. Il avait profité de ce bref répit pour fuir l’Iran pour s’exiler en Norvège à la suite à un mandat d’arrêt contre lui. Sa femme est détenue pendant une semaine à Téhéran pour le forcer à revenir. CHINE - 9 septembre 2010 : Chen Guangcheng , l'avocat “aux pieds nus”, libéré de la Prison de la ville de Linyi , dans la Province de Shandong. Chen Guangcheng , l'avocat “aux pieds nus”, condamné en 2006 à quatre années et trois mois dans prison, a été libéré le 9 septembre 2010 de la Prison de la ville de Linyi , dans la Province de Shandong. Chen Guangcheng , aveugle depuis l'enfance, qui a appris le droit en braille, avait été arrêté dans la nuit du 11 au...12 mars 2006, pour avoir aidé des villageois à intenter une action en justice contre les autorités de la ville de Linyi, qu’ils accusaient d’avoir enfreint la loi dans leur mise en œuvre de la politique de contrôle des naissances. femmes, qui auraient subi des avortements forcés, parfois à plus de sept mois de grossesse sur ordre des fonctionnaires locaux pour ne pas troubler les statistiques et ainsi éviter d'être sanctionnés par leurs 09 2010 / supérieurs pour non respect de la politique de l'enfant unique.. Il avait été condamné en août 2006, par le tribunal populaire de Yinan à quatre ans et trois mois de prison pour avoir dénoncé les politiques de stérilisation forcée des autorités de Shandong, qui le poursuivait pour "destruction de propriété publique" et « organisation de malfaiteurs en vue de perturber la circulation ». Sa peine avait été confirmée en appel. Il aura passé quatre ans et six mois en détention. IRAN - 4 septembre 2010 : Arrestation de Nasrin Sotoodeh pour “conspiration contre sécurité nationale et propagande contre la République Islamique”. Nasrin Sotoodeh, l'avocate des journalistes et militants politiques emprisonnés après l'élection présidentielle de juin 2009, a été arrêtée, le 4 septembre, pour “conspiration contre sécurité nationale et propagande contre la République Islamique” et est actuellement incarcérée. Selon l'Agence RAHANA, Reza Khanda...n, le mari de Nasrin Sotoodeh, a révélé, le 5 septembre qu'elle avait reçu trois jours avant une convocation à se rendre le matin du samedi 4 septembre auprès du parquet rattaché aux tribunaux révolutionnaires (dad sarat amniah), dont les locaux sont situés dans l'enceinte de la prison d'Evin. Un mandat d'arrêt a été délivré contre elle et elle n'est pas retournée à son domicile depuis. Selon, l'IFEX, le 28 août précédent, le bureau de Nassrin Soutodeh avait été perquisitionné avant d'être fermé par les autorités. Elle avait alors déclaré : "Leur but est de vider le pays de ses défenseurs des droits de l'homme." Nasrin Sotoodeh qui a représenté plusieurs personnalités, notamment les journalistes Issa LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME Saharkhiz et Mohammed Sedigh Kabodvand, gravement malades, avait indiqué qu'elle avait été accusée dans la convocation de “conspiration contre sécurité nationale et propagande contre la République Islamique”. Elle avait aussi annoncé que quelles que soit les circonstances, elle contestait formellement ces accusations. Nasrin Sotoodeh, membre du Cercle des défenseurs des droits de l’homme, créé à Téhéran par Shirin Ebadi, Prix Nobel de la paix, a assuré la défense de plusieurs prisonniers politiques et journalistes arrêtés à la suite de l'élection présidentielle controversée de juin 2009. Elle avait dénoncé les nombreuses irrégularités de procédure et notamment le fait que les prisonniers, notamment les journalistes incarcérés, soient privés de leurs droits les plus élémentaires. Ainsi, les avocats ne pouvaient pas rendre visite à leurs clients en détention, ni consulter leur dossier. Au cours du mois d'août 2009, a été convoquée à plusieurs reprises par les agents du ministère des Renseignements. PAKISTAN – 6 septembre 2010 : Assassinat après son enlèvement de l'avocat balochi Zaman Marri. Le 6 septembre, le corps de Zaman Marri a été retrouvé dans le secteur de Ghuncha Dhori de la ville de Mastung, située à 40 kilomètres loin de ville Quetta. Il avait une balle à sa tête. Le cadavre était mutilé au point qu'il ne n'a pas pu être immédiatement identifié. Les autorités de l'hôpital ont confirmé que le corps portait marques de tortures sévères sur le visage et la poitrine, ainsi que des lacérations sur les poignets et les chevilles ttestant qu'il avait été enchaîné. Supplément 09/2010 19 LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME Shaheed Zaman Khan Marri, âgé 38, avait été enlevés le 19 aout 2010 près de son cabinet sur la Jinnah Road, à Quetta qu'il était sur sa route du retour vers Killi Kamaloo. La cause de mort était pensée pour être Vers sept heures du soir deux véhicules l'ont bloqué et la plaine et des personnes en tenue civile l'ont jeté à l'intérieur d'un fourgon. Les spectateurs ont protesté et ont essayé d'empêcher le fourgon de partir mais les personnes se sont présentés comme les fonctionnaires du FC (Frontalier Corp) et ont menacé d'utiliser leurs armes à feu. Les autorités du barreau du Balochistan ont protesté contre cet enlèvement et cette disparition. Les avocats ont boycotté les juridictions et le président de la Haute Cour de justice du Balochistan était intervenu de sa propre autorité contre cette disparition auprès du gouvernement et du commandant du FC. Zaman Marri avait représenté beaucoup de détenus politiques Balochi et disparu personnes sans charge. Il avait dénoncé les atrocités du Pakistan contre les habitants du Baluch à l'occasion de sa défense. Il avait reçu des menaces de visiteurs inconnus pour ne pas intervenir dans les cas de disparitions dans les juridictions. OUGANDA – 15 septembre 2010 : Mbugua Mureithi arrêté a Kampala alors qu'il venait pour défendre ses compatriotes Mbugua Mureithi, avocat kenyan, a été arrêté, à son arrivée le 15 septembre à l'aéroport international d'Entebbe, alors qu'il venait pour assurer la défense sept suspects kényans, tous arrêtés au Kenya dans le cadre de l'enquête 09 2010 / sur le double attentat qui a fait 76 morts dans deux restaurants de Kampala le 11 juillet, puis transférés en Ouganda, "sans aucune procédure d’extradition". Mbugua Mureithi , était accompagné de al-Amin Kimathi, fondateur du Forum musulman des droits de l'Homme.Ils ont été arrêtés par des policiers et des agents de l’immigration ougandais à leur arrivée à Entebbe, dans le sud de l’Ouganda. Mbugua Mureithi a été libéré le 18 septembre et immédiatement renvoyé au Kenya. Une fois à Nairobi, il a donné une conférence de presse lors de laquelle il a accusé les autorités ougandaises de harcèlement. Il a rapporté qu’ils ont été détenus et conduits à travers l’Ouganda pendant qu’ils étaient interrogés. Lors de sa détention, il n’a pas pu voir un avocat. Al Amin Kimathi est, quant à lui, toujours détenu au secret sans inculpation ni assistance juridique. REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO (RDC) 29 septembre 2010 : Nicole Bondo Muaka et André Marie Mwila Kayembe, membres de l’ONG des droits de l’homme « Toges Noires » arrêtés par les services spéciaux de la police nationale congolaise. Le 29 septembre 2010, Me Nicole Bondo Muaka, une Montréalaise d’origine congolais...e, membre de "Toges noires", ONG de défense des droits de l’Homme, a été arrêtée par les services spéciaux de la police nationale congolaise (DGRSS) à Kinshasa, alors qu’elle attendait le dépannage de sa jeep Cherokee. Il LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME lui est reproché d'avoir filmé l’arrestation brutale par les gardes du corps du Président Joseph Kabila d’un individu accusé d’avoir lancé une pierre sur le cortège du Président. Malgré les fouilles, la police n’a annoncé aucune preuve de l’existence de la vidéo qui a conduit à l’arrestation de l’avocate. L’ambassadrice du Canada à Kinshasa, a tenté d'obtenir que l'on fournisse un matelas à la ressortissante canadienne. Après la publication d’un communiqué de presse dans la soirée du 29 septembre 2010, le Secrétaire Général de l’ONG Toges Noires, Me André Marie Mwila Kayembe, s’est rendu le lendemain au lieu de détention de Me Nicole Bondo. Curieusement, il a été aussi arrêté vers 15 heures 30 par les mêmes services.Son ordinateur portable, sa clé USB et son téléphone ont été violement arrachés. Son Avocat, qui est arrivé sur le lieu pour l’assister, n’a pas été autorisé à le rencontrer. Toutefois, il a été libéré sans inculpation à 17h40 et ses effets personnels lui ont été restitués. RUSSIE – 30 septembre 2010 : Sapiyat Magomedova, une avocate du Dagestan, empêchée de se rendre à Moscou et d’obtenir les assistances médicale et juridique complètes dont elle a besoin. Sapiat Magomedova, 31 ans, avocate pénaliste à Khassaviourt, dans le Caucase du Nord (Russie), travaille sur des affaires portant sur de graves violations des droits de l'homme qui auraient été commises par des membres des forces de l’ordre. Au Daghestan, en Russie, une avocate doit répondre d’accusations portées Supplément 09/2010 20 LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME contre elle par des membres des forces de l’ordre après qu’elle eut déclaré avoir été rouée de coups par la police. Le 30 septembre, des restrictions sur ses déplacements lui ont été imposées, ce qui l’empêche de se rendre à Moscou où elle recevait des soins réguliers pour ses blessures après les coups reçus le 14 juin 2010 à l'antenne de police de Khassaviourt et recevait le soutien, notamment juridique, d’organisations moscovites à propos de l’enquête dont elle fait l’objet. KIRGHIZSTAN 30 septembre 2010 : Taïr Assanov, agressé en pleine audience pour avoir demandé une enquête sur les brutalités policières dont son client et neuf autres hommes ont été victimes au cours de leurs procès. Le client de Taïr Assanovet neuf autres hommes doivent répondre d'accusations allant de l'implication dans la mort du chef de la police du district de Kara-Suu à la participation à des émeutes, en juin 2010 au Kirghizistan. Selon certaines informations, au cours d'une suspension, plusieurs agents seraient entrés dans la cage dans une cage en acier à l'intérieur de laquelle les accusés étaient enfermés dans la salle d'audience et auraient passé les 10 hommes à tabac pendant une vingtaine de minutes.. Le 30 septembre, Taïr Assanov a réclamé une enquête sur ce passage à tabac et a demandé que les 10 hommes bénéficient d'un examen médical. Des proches du policier tué qui étaient présents dans la salle ont alors commencé à crier des insultes contre Taïr Assanov avant de l'attaquer à coups de poing. Les membres du tribunal ont mis du temps à intervenir et le juge n'a pas cherché à restaurer l'ordre ni à faire sortir les auteurs de l'agression, qui ont continué à crier des insultes. À la fin de l'audience, des proches du 09 2010 / policier tué ont suivi Taïr Assanov hors de la salle et l'ont attaqué. Ils l'ont frappé pendant une dizaine de minutes. Des policiers étaient présents durant la scène mais ne sont pas intervenus. Avec la poursuite du procès, les 10 accusés et Taïr Assanov risquent sous peu d'être de nouveau victimes de violences. TABLE DES MATIERES Assassinés en 2009 Toujours en prison Arrêtés puis libérés en 2009 Radiations, entraves Menaces Violences Harcèlement IDHAE Supplément au JOURNAL DES DROITS DE L'HOMME VIENT DE PARAITRE IDHAE Cent avocats assassinés, emprisonnés, persécutés dans le monde.. Rapport 2010 de l'Observatoire mondial IDHAE des violations des droits de la défense et des droits des avocats dans le monde. L' bservatoire sans frontières des violations des droits de la défense et des droits de l’homme des avocats dans le monde Au service des avocats depuis 1984 Directeur de la publication : Bertrand FAVREAU Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens European Bar Human Rights Institute 4-6, rue de la Boucherie L - 2012 Luxembourg Copyright © 2010 by IDHBB and European Bar Human Rights Institute. www.idhae.org e-mail : [email protected] 120 pages. LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME Supplément 09/2010