Etienne de la Boétie, Discours de la servitude volontaire, 1576

Transcription

Etienne de la Boétie, Discours de la servitude volontaire, 1576
Etienne de la Boétie, Discours de la servitude volontaire, 1576
Introduction
Biographie Etienne de Boétie (1530-1563) : Dès 1553, La Boétie est conseiller au
Parlement de Bordeaux, où il rencontre l'écrivain et philosophe Montaigne qui
deviendra son meilleur ami. Opposé à la récupération de son Discours, perçu de
son vivant comme un texte en faveur des protestants, il a initialement composé
cet ouvrage afin de contrer le point de vu de Machiavel dans Le Prince, sans
renier son respect pour le pouvoir royal. Par la vigueur de sa thèse, il est devenu
l'apôtre de la liberté contre la tyrannie, au point d'être cité et revendiqué par
les orateurs de la Révolution Française deux siècles plus tard.
Genre : Essai
Courant : Humanisme (XVIe siècle=Renaissance) = Retour sur les textes anciens.
Confiance absolue en la possibilité et les améliorations de l'être humain.
Remettre l'Homme au centre du monde. Combat contre l'intolérance (période
des Guerres de Religions en France). Réflexion sur le pouvoir
_Introduction : Etienne de La Boétie s'est enrichi de son expérience de
conseiller au parlement de Bordeaux, où il rencontre Montaigne, afin d'exposer
ses vues sur la politique de son époque. Dans son ouvrage, De la servitude
volontaire, publié en 1576 à titre posthume, il s'engage fortement contre la
tyrannie rendue possible, selon lui, par la passivité des peuples. Nous ici dans cet
extrait une excellent illustration de sa thèse : La Boétie exhorte le peuple à
régir et à se libérer du joug des tyrans.
Problématique : Comment l'auteur parvient-il à faire part de la force de son
engagement afin de toucher son destinataire ?
PLAN :
I/ Un discours paradoxal
A/ La « servitude volontaire » : une vérité frappante
• Peuple responsable de la servitude
Répétition « vous laissez » = accusation ciblée et surprenante
apostrophe virulente qui ouvre le texte « Pauvre gens misérables... »
gradation de la responsabilité : « de vos biens, de vos familles, de vos vies »7
accumulation dans un rythme ternaire dans le but de capter l'attention : « ces
dégâts, ces malheurs, cette ruine »6, ou encore antithèse frappantes : « vous
vous affaiblissez afin qu'il soit plus fort »22
opposition multitude peuple//unicité du tyran ( « que deux yeux [...] un corps
»//«du nombre infini de vos villes ») = absurdité du peuple.
B/ Le choix de la révolte : le registre polémique
• Tournure d'accusation violente : Registre polémique
Jeu sur les registres : marque la volonté de persuasion
Apostrophe virulente + résonnance des « vous » + allitération [V]= résonnance
du vous et tournure d'accusation.
modalité exclamative (!) + Questions oratoires = indignation, incompréhension
 interpellation
La Boétie use abondamment de la forme interrogative. Mais il s’agit de questions
rhétoriques, dont il donne immédiatement les réponses, en les présentant comme
les seules réponses possibles et presque comme des évidences (lignes 4-10).
En réalité, la forme interrogative permet d’accentuer l’affirmation culpabilisante
contenue dans chacune des phrases, et qui est toujours la même : vous êtes
responsables de l’état de servitude dans lequel vous vivez, et des crimes dont
vous êtes les victimes.
L’absurdité de cette situation est soulignée d’une autre façon : par la reprise
d’une structure syntaxique simple, qui articule à la présentation d’une action
ordinaire, vitale, normale, une proposition de but introduite par « afin que… », qui
abolit le contenu de la principale. L’absurdité de la servitude volontaire, c’est que
c’est une autodestruction.
• Frapper l'imaginaire du destinataire
 Champ lexical du crime (« meurtrier », « traître », « piller », « voler », «
dépouiller »)
 Interpellation violente : technique du captatio benevolentiae (16) pour
marquer l'attention.
Remarque : Cherche à capter l'attention du lecteur, avec l'énergie de
l'accumulation, des figures de style et des sonorités frappantes.
C/ Un orateur médecin : guérir par les mots
• Emouvoir le peuple = le registre pathétique
 Accent sur la misère du peuple : dénuement extrême  il sont dépossédés («
rien n'est plus à vous »), (« grand bonheur qu'on vous laissât ») ; image du chaos,
du désespoir « dégât », « malheur », « ruine ».
La Boétie est conscient de leur souffrance
• Nécessité d'une guérison
 Métaphore médicale : « médecins »29, « guérir », « plaies incurables », «
maladie »  La boétie propose un remède. Mais s'il attaque le peuple avant
violence (polémique) qu'il emploie des images dures (pathétiques), il veut en fait
secourir le peuple, pour son bien.
II/ Un tableau de la tyrannie
A/ Un tableau universel de la tyrannie
• L'art de la périphrase et du détour
 Généralité du propos
 Périphrase « celui-la même que vous avez fait ce qu'il est », absence du terme
tyran, termes conventionnels (« maître »).
 Généralité du propos, donc moins de menace, mais s'appliquer à tous les
peuples opprimés et les tyrans violents = portée générale. + Montrer que le tyran
ne peut exister sans le peuple
B/ la monstruosité du tyran
• L’image du corps du roi
Le corps du roi, au début du texte (lignes 1-4) est défini comme un corps humain
ordinaire, mais qui a le prestige de l’extraordinaire.
La métaphore filée, qui commence à la phrase suivante, le présente en revanche
comme un géant doté d’une multitude d’yeux, de mains, de pieds (lignes 4-7), et
donc de pouvoirs colossaux (grâce auxquels il menace la vie et les biens de ses
sujets) ; mais cette phrase dans le même temps abolit la métaphore, en en
présentant la raison : le corps du roi est augmenté de tous les corps de ceux
qui se mettent à son service.
La dernière phrase de l’extrait explicite l’image du géant à travers le terme «
colosse » (ligne 20), et conclut rigoureusement le passage en reprenant la
métaphore : il suffit qu’il ne soit plus soutenu pour que le colosse non seulement
redevienne ce qu’il est réellement (un homme comme un autre), mais s’effondre.
• Aspect monstrueux, immoralité
 Vocabulaire péjoratif « se vautrer », « se mignarder », « sales plaisirs », «
larron »
 péchés capitaux « luxure », « convoitise », « plaisirs »
 appui vicieux au sein du peuple (~sangsue)
 transfiguration du corps du tyran « tous ces yeux qui vous épient » « tant de
mains pour vous frapper »
III/ Une affirmation des valeurs humanistes
A/ Un appel à la dignité humaine
• Appel à la dignité humaine = message humaniste
 Comparaison aux bêtes
• Contre-nature de cette servitude, amour de la liberté naturel
B/ Une vision humaniste de la société
• Vision humaniste de la société
 1e et 2e § : passion du tyran = raisons humaines
 Un plaidoyer pour l'éducation : soumission naturelle aux parents
 Optimisme pour l'homme : « germe naturel de raison » = confiance en l'homme
Il ressort de ce texte que le véritable souverain, ce sont les citoyens euxmêmes, qui sont la source unique de la puissance du roi.
Le texte les exhorte explicitement à détruire le colosse et à se libérer (on
citera la courte et remarquable sentence : « Soyez résolus de ne servir plus, et
vous voilà libres »).
• Opposition 1e et 2e § dans la dernière phrase.  Conclusion percutant. Le
recours aux valeurs humanistes dans le dernier paragraphe prend toute sa
profondeur ici, son sens, car s'oppose radicalement au tableau de la tyrannie tel
que le fait la Boétie.

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