Assouplissement des conditions de l`exequatur
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Assouplissement des conditions de l`exequatur
Assouplissement des conditions de l’exequatur Par Yvan Guillotte (Novembre 2007) Un mouvement d’allégement des conditions de l’exequatur vient d’être insufflé par la Cour de Cassation. Après l’arrêt PRIEUR du 23 mai 2006 qui a mis fin au privilège de juridiction invoqué par des défendeurs français devant les juridictions civiles étrangères, la Cour de Cassation, par un arrêt du 20 février 20071, a également allégé les conditions requises pour accorder l’exequatur. Alors que les conditions initiales de l’exequatur fixées par l’arrêt MUNZER du 7 janvier 1964 étaient au nombre de quatre, l’arrêt du 20 février 2007 fait disparaître la condition relative à la vérification par les tribunaux français de l’application par les tribunaux étrangers de la loi compétente d’après les règles françaises de conflit. Désormais, seules trois conditions doivent être réunies pour que l’exequatur soit ordonnée en France2, à savoir : 1 2 - la compétence indirecte du juge étranger fondée sur le rattachement du litige au juge saisi (A), - la conformité à l’ordre public international de fond et de procédure (B), - l’absence de fraude à la loi (C). 1ère Civ. 20 févr. 2007, n°05-14.082, Cornelissen c/Sté Avianca Inc et a. Hors de toute convention internationale. A - Sur la compétence de la juridiction étrangère saisie Le Juge français sera amené à vérifier la compétence du juge ayant statué. A ce titre, il vérifiera dans un premier temps si la nature du litige ne relève pas de la compétence exclusive des tribunaux français (1). Puis à défaut, il vérifiera dans un second temps si le litige se rattache d’une manière caractérisée à l’Etat de la juridiction saisie (2). 1 - Sur la compétence exclusive du juge français Le juge français refuserait de reconnaître la décision d’une juridiction étrangère en présence d’une compétence exclusive des tribunaux français. De telles compétences exclusives se rencontrent en matière de rectification d’actes d’état civil français, de brevet, d’action en contrefaçon d’une marque française, d’exécution des décisions, d’immeubles situés en France, de clause attributive de juridiction3. Avant l’arrêt PRIEUR du 23 mai 20064, un défendeur français jugé devant une juridiction étrangère pouvait invoquer sa nationalité pour s’opposer sur le fondement de l’article 15 du Code Civil à la reconnaissance du jugement rendu par des juridictions étrangères. 2- Sur le rattachement du litige au Juge saisi Dans l’hypothèse où les tribunaux français ne retiendraient pas leur compétence exclusive, ils vérifieront dans un second temps que le litige se rattache d’une manière caractérisée à la juridiction saisie, exigence posée par l’arrêt SIMITCH5. Le juge français pourra prendre en considération différents critères tels : le lieu d’exécution de la prestation caractéristique, la nationalité et le domicile du défendeur, la présence d’un bien dans le pays, le choix de la loi applicable… étant précisé qu’un seul des ces critères est souvent jugé insuffisant. Les tribunaux disposent pour ce faire d’un large pouvoir d’appréciation. 3 Rec. Dalloz 2006 chronique p.1846, Bernard AUDIT. Arrêt confirmé par un arrêt du 22 mai 2007 (Cass. 1ère Civ. Pourvoi n°05-20473) 5 Cass. 1ère Civ. 6 févr. 1985, GA n°66. 4 2 B - Sur la conformité a l’ordre international public français Le Juge français doit s’assurer que le jugement étranger a été rendu « en conformité à l’ordre public international » (arrêt MUNZER). Le Juge français va donc vérifier que tant la procédure (1) que le fond (2) de la décision rendue ne sont pas contraires à l’ordre public international français. 1 - Quant à la procédure suivie Le Juge français va vérifier que la procédure est régulière et que les droits de la défense ont été respectés. Il refusera ainsi l’exéquatur en cas d’assignation tardive, d’exigence de consignation d’une somme disproportionnée, de difficulté de se faire représenter ou représentation forcée, de difficulté de faire valoir ses moyens de défense, d’admission des prétentions du demandeur sur ses affirmations ou autre mode de preuve contestable, menace de dommages-intérêts ou pénalités exorbitants6…. 2 - Quant au fond Pour accorder l’exéquatur le Juge français doit s’assurer que la décision définitive rendue par la juridiction saisie l’a été en conformité à l’ordre public international. Le Juge français ne s’attache qu’à la décision rendue et non au droit appliqué. C - Sur l’absence de fraude à la loi Cette condition fait double emploi avec les précédentes qu’il s’agisse de l’exigence d’un lien caractérisé entre la juridiction à laquelle est soumis le litige et ce dernier, du respect des droits de la défense et de l’ordre public. Cela explique que cette dernière condition n’ait pratiquement jamais constitué dans la jurisprudence la cause unique de refus de reconnaissance d’une décision étrangère. 6 Monsieur Bernard AUDIT, Professeur à l’Université de PARIS II, rec. Dalloz 2006 chronique p.1846. 3