Extrait du Journal de Bord, 30 novembre 2015. Aujourd`hui la

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Extrait du Journal de Bord, 30 novembre 2015. Aujourd`hui la
Extrait du Journal de Bord, 30 novembre 2015.
Aujourd’hui la tendance à l’économie, notre propre économie, est de mode. Je me
demande souvent si nos sens peuvent à ce point nous tromper, que le cerveau et le corps
s’économisent encore alors même que l’on est persuadé du contraire. Est-ce que la volonté suffit
encore à ce dépasser ?
C’est pour cela que je souhaite évoquer la générosité d’un acteur.
La générosité. Depuis quelques temps, ce mot me parvient. Je n’y avais jamais prêté attention
jusqu’alors, bien qu’il soit utilisé à tour de bras. « Sois plus généreux ! » s’utilise sur un plateau de
théâtre, par exemple. J’ai évidemment depuis longtemps saisi le concept de cette expression, et
de ce mot en général, que je traduirai maladroitement par : Donner sans compter. Cependant, j’ai
fait l’expérience de ce réel engagement. La générosité est le ciment du plateau, et beaucoup
d’élément peuvent la parasiter, comme la peur. Le mouvement répété, par exemple, permet
souvent de lâcher une forme de contrôle de nous-même sur le plateau, et de dépasser cette
économie peureuse. La générosité intervient lorsque l’on veut dépasser volontairement cette
emprise. Je trouve si courageux d’en être conscient et de venir sur le plateau dans cette optique,
d’essayer de se dépasser pour soi et pour les autres, de donner à voir quelque chose de sincère et
engagé. Je suis toujours très reconnaissante et admirative de voir un acteur nous l’offrir. Un
cadeau d’intimité et de courage qui mérite que l’on y prête attention. Le moment de vie intense ou
l’on s’émeut d’un rien, seulement parce que celui qui est sur scène donne tout ce qu’il peut donner.
Même si je suis convaincue que notre corps est une ressource exceptionnelle de vie et d’énergie,
et que l’on peut toujours aller plus loin, il est incroyable de voir quelqu’un accepter de s’adonner.
Néanmoins je me rend compte que la générosité ne s’acquiert pas de manière définitive, c’est
quelque chose qui s’entretient, qui est concrète.
Les récents évènements m’ont évidemment remise en question sur ma place d’artiste en ce
monde, à Paris. Quelle importance notre art prend-elle dans cette lutte contre le terrorisme ?
Pouvons-nous réellement, très concrètement, apporter de l’aide? Existe-il une fonction au théâtre
dans de tels moments ? Peut-on encore croire que l’art apporte quoi que ce soit dans un combat ?
Et il y a eu beaucoup d’autres questions . Et puis, j’ai imaginé que si on arrivait à offrir à qui veut
bien , des moments de pur envol de l’esprit, d’oubli, par le biais de notre générosité ; se serait déjà
un petit quelque chose.