Life on Mars - Theatre
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Life on Mars - Theatre
Liaisons 6 Revue éphémère de la manifestation Hecho en México - Fabriqué au Mexique Numéro du 26 mai 2011, fabriqué par le collectif L’Organisation. Life on Mars ?, satire sociale de Guillermo León Life on Mars ? est une drôle de pièce. En plus d’être une pièce drôle. À première vue tout semble étrange – décor, personnages, intrigue – dans cette comédie qui emprunte son titre à une célèbre chanson de David Bowie. À première vue seulement… Bien que l’action se déroule à Mexico, le spectateur français se sentira « comme chez lui » dans cette pièce inédite. Il est rare qu’un titre prenne la forme d’une question. Guillermo León a eu cette audace. « Les Martiens existent-ils ? », telle est donc la première question – pas si bête que ça – qu’il pose au lecteur, ou au spectateur, comme pour mieux sonder leur sens de l’humour. Pour obtenir un semblant de réponse, rendez-vous au dernier étage du 5 rue de la solitude. Dans le penthouse fraîchement rénové de Gabriel, adolescent de quarante ans, le spectateur va faire la connaissance de deux autres créatures : Sébastián, qui dit étudier l’anthropologie et porte une étrange cicatrice sur le crâne ; Mayra, qui travaille pour une compagnie aérienne low cost en attendant de devenir la prochaine Shakira. Sous nos yeux, ils vont former un étonnant trio, décalcomanie volontairement imparfaite du « mari-femme-amant dans le placard » de notre théâtre de boulevard. Armée très réduite mais implacable, toute entière au service d’une mise en pièces, à la fois minutieuse et foutraque, de notre soi-disant modernité. Guillermo León joue avec nous, avec nos nerfs et nos neurones. Life on Mars ? est une comédie pour la simple raison que son auteur veut nous voir actifs, réactifs, voire hyperactifs comme ses personnages, devant le spectacle de la bêtise humaine. Il veut nous voir au travail, nous, spectateurs dociles, cherchant même à entrer en contact avec nous pendant que ses personnages s’agitent dans le bocal : la preuve avec ces surprenantes didascalies où il fait des commentaires à notre attention sur les personnages ou l’action en cours. Assurément, Guillermo León joue avec nous, avec nos nerfs et nos neurones, multipliant les intrigues, les fausses pistes, les chausse-trappes. La fiction comme traquenard… Mais dire que Life on Mars ? est une comédie, cela (Suite de l’article en page 3) ne suffit pas. Ce qui importe, c’est de se demander pourquoi. Les dialogues sont bourrés d’humour, d’ironie, mais ce n’est pas seulement ça. Le scenario – le mot est lâché – dérape à de multiples reprises, dans Life on Mars ? de Guillermo León. de grands éclats de rire de l’auteur, mais ce n’est pas Pièce inédite, traduite en français par Olivier Mouginot. Titre original : Life on Mars ? seulement ça. Entretien avec Guillermo León, auteur associé à Hecho en México Cédric Bonfils : L’exercice n’est pas simple, mais G. L. : À l’origine, c’était une commande passée à cinq pourrais-tu présenter ton travail d’écrivain ? écrivains. Nous devions chacun écrire une pièce et toutes devaient se dérouler dans le même immeuble. Guillermo León : L’important pour moi, c’est de dire Le côté telenovela nous a semblé un moteur intéresce qui doit être dit. Ne pas se défiler. L’écrivain a cette sant. Cela donnait un climat, une matière à travailler, responsabilité. Pour l’assumer, il se fait un peu histoà détourner. Il y a quelque chose de naturaliste dans rien, journaliste, conteur, sociologue... la commande que j’ai dû accepter. Et c’est pour ça que la langue est assez ordinaire, moins décalée que C. B. : Plutôt que ton travail tu évoques ce qui serait je le souhaiterais. ta vision de l’écriture, non ? G. L. : C’est vrai, je ne réponds pas vraiment à la question. Je parle de l’écriture, de ma pratique. Et je vais continuer un peu... J’écris pour une équipe artistique. C’est ma deuxième responsabilité. Penser au devenir scénique de ce que j’écris. J’écris aussi pour le plaisir, dès que je peux. Et j’écris pour « lâcher la main » – c’est une expression en espagnol, pour évoquer l’entraînement. Et pour te répondre un peu quand même... je dirais que mon projet dramaturgique c’est la critique de la modernité. C. B. : Comment as-tu élaboré ce projet ? G. L. : J’aime beaucoup Rimbaud, notamment Une saison en enfer. Oui, ce sont des lectures qui m’ont conduit à penser mon travail de cette manière – Le livre des passages de Walter Benjamin a aussi beaucoup compté – et puis un certain état du monde, qui rend urgent de poser quelques questions. C. B. : Parmi les choses qu’il faut dire, il te semble urgent de questionner ce que nous appelons « modernité » ? G. L. : Oui. Et je veux le faire indépendament des formes à la mode. La forme dépend de la question que l’on veut poser. C. B. : Et la langue ? Penses-tu que ton projet dramaturgique implique un certain rapport à la langue ? G. L. : Je tiens à écrire une langue qui ne soit pas la reproduction de la parole ordinaire. Une langue spéciale, une langue de fiction. De ce point de vue, Bernard-Marie Koltès est un modèle, son écriture me nourrit. C. B. : Tu dis avoir cherché à détourner les codes habituels de la telenovela ? G. L. : Dans les premières versions du texte, j’ai cherché à trouver d’autres rapports de causalité, d’autres fils directeurs. Par exemple, pourquoi la fille est-elle obsédée par la mort, pourquoi elle en parle autant et qu’est-ce que cela peut provoquer d’inattendu ? D’autre part, je voulais qu’il y ait de l’ironie. Le personnage de Sebastián a l’air d’un con, mais il joue au con plus qu’il ne l’est vraiment. Et pour moi, c’est une manière de faire entrer l’ironie dans la pièce et de poser des questions. C. B. : Quelles questions ? G. L. : C’est quoi être une personne, un adulte responsable ? Quelles responsabilités faut-il assumer pour être vivant, vraiment en vie ? Et ce bruit tout le temps, tout autour de nous, la télé allumée, l’ordinateur, qu’est-ce que ça signifie ? Gabriel, dans la pièce, a ce qu’il faut – argent, appartement – mais il a perdu sa femme et son père est mort récemment. Il ne supporte pas la solitude, cette sensation de vide. Il ne supporte pas le silence. Or, je me demande si nous n’avons pas besoin, au contraire, du silence, de la solitude. Et si c’est le cas, pourquoi en avons-nous besoin ? C. B. : Nous aurions, chacun, une responsabilité qui consisterait à accepter de se confronter au silence et à la solitude ? G. L. : Peut-être bien... Pour moi, la pièce n’est pas achevée, parce qu’il y a quelque chose que je n’ai pas su dire. Ou plutôt que je n’ai pas su faire apparaître. C. B. : Comment situer Life on Mars ? dans ton tra- Et ça a peut-être à voir avec ce dont on est en train vail ? C’est une pièce un peu à part, ne serait-ce que de parler. Je suis curieux d’écouter les réflexions des par rapport à la langue que tu développes dans tes spectateurs qui seront présents ce soir. Les échanges avec la metteuse en scène et les comédiens m’ont déjà autres pièces. fait beaucoup réfléchir. Life on Mars ?, une satire de Guillermo León (suite de l’article en page 1) Au final de quoi parle cette pièce ? De nous, tout simplement. Les Martiens, c’est nous. Voilà pourquoi l’intrigue importe peu à l’auteur, plus intéressé par la forme de la satire (du latin satura, « pot-pourri »), idéale pour se moquer d’une totalité. Et c’est avec un malin plaisir qu’il s’amuse à distordre les codes de la telenovela latino-américaine, où chaque individu est caricaturé à la puissance dix et participe à la grande économie mondialisée du sentiment low cost. Life on Mars ? est comme un catalogue des folies du monde contemporain. Une espèce de Nef des fous – la satire médiévale de Sébastien Brant, plus que le célèbre tableau de Jérôme Bosch. Usant d’une vigoureuse fantaisie, Guillermo León semble nous interroger sur la définition possible de l’être humain. « Qui sommes-nous ? », « qu’est-ce que la vie ? », telles pourraient être des traductions possibles du projet de l’auteur. Au spectateur d’oublier l’absence apparente d’un enjeu dramatique fort et de ne pas prêter attention aux motivations des personnages, toujours doubles, triples, infinies… L’auteur veut que nous jouions avec lui à cette espèce de chamboule-tout. Il tape sur tout ce qui bouge et nous invite à faire de même en mêlant nos rires au sien. Tout comme dans Lapin 401 – présentée les 7 et 8 juin à l’Institut Cervantès de Lyon – le spectateur découvrira dans Life on Mars ? les thématiques qui électrisent le théâtre de Guillermo León : le puzzle identitaire de l’homme mexicain, l’insatisfaction chronique devant la réalité, la difficulté d’aimer pour de vrai, l’arrogance d’une culture occidentale érigée en « civilisation ». Autant de sujets aussi vastes que l’univers et qui pourront être abordés lors de la rencontre publique proposée à l’issue de la lecture-spectacle d’Ophélie Kern. O. M. Pastèque-matériau : retours sur la mise en espace de Bêtes, chiennes et autres créatures Babils et grincements dans le noir. Elle et lui. Il est assis au centre d’une toile qu’elle tisse à la lampe frontale. La mort rôde, on entend ses tongues claquer dans le noir. Nous, suspendus, comme sur le fil, emportés par le son-tout-le-temps qui déroule la bobine de sa ballade urbaine. Une ville nous traverse. Les acteurs mordent à coups de cris et de silences. On a le temps, il y a des temps. Membrane sensible. Ils nous jouent un texte-matière avec voix de cartoon et bruitages. comme axis mundi. La mort arrive, la mort est là. Elle poursuit son cheminement boiteux avec une jambe bleue à paillettes. Cette botte est une bague, dit-il. Sait plus où il est, ce garçon… Du trivial faire son office. Sanctuaire et fête des morts. Omphalos sucré. Magie du théâtre qui relie le ciel et la terre avec une boîte de haricots rouges. Marie de Magdala à la sauce mexicaine. À la fin, la mort nous regarde comme un singe de foire. C’est étrange et c’est beau. Qu’est-ce que c’est ? C’est une Buziness, dit-il, avec son ventre de pastèque tou- prière, mon canard. jours fixe au centre de l’espace. Trou du cul rouge Ph. L. Résonnances : à voir, lire, découvrir ailleurs... INTERVIEW DE MANUEL ULLOA à lire sur le site internet de l’association Espaces Latinos. Manuel Ulloa est directeur des Éditions Le Miroir qui fume et metteur en scène. Depuis 1984, l’association Espaces Latinos, animée par Januario Espinosa, s’emploie à promouvoir auprès du public francophone les sociétés et cultures d’Amérique latine. Elle édite notamment une revue mensuelle éponyme et organise chaque année à Lyon la manifestation Bellas Latinas, entièrement dédiée aux littératures latino-américaines. http://www.espaces-latinos.org/Agnesulloa.php Prochaine mise en espace à découvrir : PROGRAMME D’HECHO EN MÉXICO Prendida de Las Lámparas de Elena Guiochins SOIRÉE D’OUVERTURE – LUNDI 9 MAI (19 H 30) Aller simple pour le paradis Rosario Castellanos : Sexe féminin. Mexicaine. Poétesse. Militante de la cause indienne. Ambassadrice du Mexique en Israël dans les années 70. Morte à quarante-neuf ans, électrocutée. Son écriture a traversé les époques, les continents et les disciplines. Sa vie et son œuvre ont percuté une jeune auteure dramatique mexicaine, Elena Guiochins. La pièce qu’elle a dédiée à Rosario Castellanos, Prendida de las lámparas, a été traduite en français à l’initiative de Hecho en México. Trois comédiennes pour mettre en corps et en voix Rosario et tous les êtres chers de sa vie, tous les pays visités, les chutes et rechutes, les désordres dans la tête, les beautés – et la recherche de soi. Que vous sachiez tout ou rien sur elle, rendez-vous à la Maison des Passages. Nous pourrons tous, tziganes et gadjé, nous asseoir sur des tapis pour voyager ensemble dans le monde sensible de Rosario Castellanos, la lumineuse. L. B. B. Mise en espace : Alice Robert. Avec Leïla Anis, Marie-Paule Laval et Marie-Cécile Ouakil. Traduction : Olivier Mouginot. Résonnances : à voir, lire, découvrir ailleurs... Viennent de paraître aux Éditions Le Miroir qui fume deux nouvelles pièces de l’auteure mexicaine Ximena Escalante : Andrómaca Real suivie de Électre se réveille. Traduction : Aurélie Dupire. Ces pièces ont été créées au Nouveau Théâtre du Huitième dans deux mises en scène de Sylvie Mongin-Algan, en avril et mai 2011. de Jorge Celaya SOIRÉE NO 2 – MARDI 10 MAI (19 H 30) Le Ciel dans la peau de Edgar Chías SOIRÉE NO 3 – MERCREDI 11 MAI (19 H 30) Heures de nuit de Edgar Chías Théâtre de l’Élysée 14 rue Basse Combalot, Lyon 7e. Tarif : 6 euros. 04 78 58 88 25 – [email protected] www.elysee.com SOIRÉE NO 4 – SAMEDI 14 MAI (20 H) Cafards de Rodolfo Guillén Nouveau Théâtre du Huitième (NTH8) 22 rue du commandant Pégout, Lyon 8e. Tarif au choix : 0, 5, 10, 50 ou 100 euros. 04 78 78 33 30 – [email protected] www.nth8.com SOIRÉE NO 5 – VENDREDI 20 MAI (19 H 30) Bêtes, chiennes et autres créatures de Luis Enrique Gutiérrez Ortíz Monasterio Médiathèque de Vaise Place Valmy, Lyon 9e. Entrée gratuite. 04 72 85 66 20 – [email protected] SOIRÉE NO 6 – JEUDI 26 MAI (19 H 30) Life on Mars ? de Guillermo León Librairie Le Bal des Ardents 17 rue Neuve, Lyon 1er. Entrée gratuite. 04 72 98 83 36 – www.lebaldesardents.com SOIRÉE NO 7 – VENDREDI 27 MAI (20 H 30) Prendida de Las Lámparas de Elena Guiochins Maison des passages 44 rue Saint-Georges, Lyon 5e. Tarifs : 8 euros / 6 euros tarif réduit. 04 78 42 19 04 – www.maison-des-passages.com SOIRÉES NO 8 & 9 – MERCREDI 8 & JEUDI 9 JUIN (19 H 30) Lapin 401 / Conejo 401 de Guillermo León Institut Cervantès 58 montée de Choulans, Lyon 5e. Tarifs : 6 euros / 4 euros tarif réduit. 04 78 38 72 41 – www.lyon.cervantes.es Contributeurs : Cedric Bonfils, Adeline Isabel-Mignot, Philippe Labaune, Laetitia Lalle Bi Benie, Guillermo Léon, Olivier Mouginot. RENDEZ-VOUS A L’I.N.S.A – LUNDI 16 MAI (12 H 45) Crédits photographiques : Ángel F. Flores Martínez (Mexique). Revue conçue par le collectif L’Organisation. Maquette : Zed. Avec le soutien de la Ville de Lyon et de l’Institut Français. En partenariat avec les Éditions Le Miroir qui fume, le Théâtre de l’Élysée, le Nouveau Théâtre du Huitième, l’I.N.S.A., la Bibliothèque de Lyon, la librairie Le Bal des Ardents, la Maison des Passages, l’Institut Cervantès. Institut National des Sciences Appliquées Campus La Doua, 1 rue des Humanités, Villeurbanne. Salle René Char. Entrée gratuite.04 72 43 83 83 – [email protected] Bélize de David Olguín