Liaisons 5 web

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Liaisons 5 web
Liaisons 5
Revue éphémère de la manifestation
Hecho en México - Fabriqué au Mexique
Numéro du 20 mai 2011, fabriqué par le collectif L’Organisation.
Bêtes, chiennes et autres créatures, pièce d’un auteur nommé Legom
L’homme moderne aime les supers-héros.
Parce que l’homme moderne a oublié qu’il
est un être humain, un être fragile. La vie
consiste souvent à recoller les morceaux.
Quels morceaux ? Ceux, opaques, de la
réalité toujours malhonnête. Ceux, coupants, du quotidien.
Dans cette pièce, qui pourrait remporter la palme
du plus beau titre, Luis Enrique Gutiérrez Ortíz
Monasterio (diminutif : Legom) a choisi de mettre
en scène un homme et une femme qui ne sont pas des
supers-héros. S’ils sont des personnages de théâtre,
c’est à leur insu. Ils ne sont pas là pour nous. Ils sont
entre eux. Ils ont des comptes à régler, des choses à
se dire. Et nous, nous sommes aux premières loges
de ce déluge de mots. Legom a juste eu besoin de
faire un trou dans la cloison. Une plaque de placo
pour « quatrième mur ». Un théâtre sans protocole.
Car où chercher la vérité ? Dans la promiscuité obligatoire d’un monde encore en chantier. D’un monde
à gagner.
« Des phrases bien envoyées, des phrases
mystérieuses, des phrases toutes faites, des
vertes et des pas mûres. »
Une fois achevée l’expérience de lecture, une autre
envie se fait rapidement pressante : celle d’être spectateur de ce texte, de le voir incarné, de les voir eux,
cet homme et cette femme. Il y a fort à parier que les
deux expériences – en tant que lecteur ou spectateur
– seront très différentes. C’est à Laetitia Lalle Bi Bénie que nous avons confié le soin de mettre en espace
cette pièce, l’une des premières publiées par les ÉdiLa lecture de Bêtes, chiennes et autres créatures est
tions Le Miroir qui fume, en 2005. « Tu m’en diras
une expérience en soi, une expérience de la page, de
des nouvelles », pour parler à la manière des personl’écriture. En lisant cette pièce, on pourrait se croire
nages de Legom…
avec l’auteur, transporté aux premières heures du
texte. Aucune indication scénique, aucune précision
O. M.
sur les deux « personnages », une raideur vertigineuse
des échanges. Des phrases bien envoyées, des phrases
mystérieuses, des phrases toutes faites, des vertes et
Bêtes, chiennes et autres créatures
des pas mûres. Seulement des « tirets » pour formali- de Luis Enrique Gu!érrez Or"z Monasterio.
ser la succession des répliques. Au lecteur d’être vigi- Traduc!on de Chris!lla Vasserot.
lant s’il ne veut pas perdre le fil des dialogues, perdre Avec l’aimable autorisa!on des Édi!ons Le Miroir qui fume.
Titre original : De bes!as, criaturas y perras
de vue la chute des dominos du langage.
Entretien avec Rodolfo Guillén, par Guillermo León
Guillermo LeÓn : Cafards est ta première pièce, peuvent se rejoindre à travers ce qu’ils recherchent et
à travers leur manière d’appréhender l’écriture théâcombien d’autres textes as-tu écrit depuis ?
trale ?
Rodolfo Guillén : J’ai écrit deux nouvelles pièces.
R. G. : Nous essayons tous de reformuler cette quesG. L. : As-tu la sensation de creuser un sillon dans tion : ça signifie quoi « être Mexicain » ? Je crois que
ton travail, de développer un projet particulier ?
nous voulons en finir avec nos idées reçues, dépasR. G. : Je tente de trouver ma voix et je cherche à ser cette sensation d’être figés dans le Tiers-monde.
comprendre ce que je veux faire, ce que je fais, en tant Nous voulons nous projeter dans l’avenir avec plus
qu’artiste. Ce sont des questions que je me pose et d’indépendance, de liberté. Ne plus nous sentir écraqui organisent mon travail : « Qu’est-ce que je veux sés par le poids de cette espèce de complexe d’infédire ? Avec quels partenaires, quels comédiens, quelle riorité dont nous avons hérité.
équipe ? Comment le dire ? Où le dire ? »
G. L. : Et « à qui le dire » ?
G. L. : Et quels points communs, quelles similitudes
pourrais-tu repérer dans vos travaux ?
R. G. : Je crois que le texte que nous voulons travailR. G. : « Quoi dire et à qui le dire ? » Les deux ques- ler est une matière qu’on manipule, avec laquelle on
tions vont ensemble.
aime jouer. Nous essayons de rompre la structure et
G. L. : Le travail avec les comédiens est important de reconstruire le langage. Nous héritons d’une hispour toi, y compris au moment même de l’écriture ? toire théâtrale où l’intrigue importait beaucoup. Aujourd’hui, nous essayons de parler de ce qui nous arR. G. : Les comédiens me nourrissent. J’écris et je rive tous les jours, en observant ce que nous sommes.
monte chaque pièce en même temps. Je réunis les acteurs, je leur apporte de la matière. Je leur demande G. L. : Ça veut dire quoi pour toi aller au théâtre ?
de réagir à ce que je leur donne. On en parle beau- R. G. : Aller au théâtre, ça doit être quelque chose de
coup, je les questionne, et ils improvisent à partir de fort. Ça doit être une fête. Le spectateur doit avoir
cette matière. Quand celle-ci me semble assez dense, une révélation au théâtre. Le spectateur peut trouver
riche, je me remets à écrire. Pour chaque pièce je tra- du divertissement ailleurs. Au théâtre, il ne s’agit pas
vaille avec une nouvelle équipe de comédiens. C’est de le guider ou de le forcer, mais de l’accompagner,
toujours une rencontre très personnelle autour de ce d’écouter ses nécessités profondes pour les ordonner
que je veux écrire.
en une forme harmonieuse. La réalité est très chaoG. L. : Tu as ta également ta propre compagnie ?
tique. En tant qu’auteur de théâtre, on doit retrouver
l’ordre de la vie.
R. G. : La compagnie Du théâtre en excès et autres
pathologies. Nous sommes deux à y travailler au quo- G. L. : Qu’as-tu ressenti en découvrant la version
tidien : Martha Benitez, qui est scénographe, et moi. française de ton texte au Nouveau Théâtre du Huitième ?
G. L. : Comment tu te situes dans le théâtre mexiR. G. : À la fin deux jeunes se sont approchés de moi
cain actuel ?
pour me dire : « On va jamais au théâtre, ça nous
R. G. : Un bourgeon... J’apprends tout ce que je peux. plaît pas, mais on a adoré cette pièce, ça nous parle,
Je lis beaucoup, j’écoute, je pose des questions bêtes. merci beaucoup. Maintenant on a envie de retourner
Ma compagnie existe principalement grâce aux ré- au théâtre. » C’est justement ce que je voulais favoseaux alternatifs à Mexico, même si, peu à peu, nous riser en écrivant cette pièce au Mexique, et c’est en
gagnons la reconnaissance des institutions. Mais ce France que ça arrive !
qui me préoccupe surtout c’est d’affiner ce que je
G. L.
cherche à dire.
G. L. : Penses-tu que les auteurs de ta génération
Sous la peau des phrases : retours sur la mise en espace de Bélize
Ça commence à l’apéro. Du joué pas joué. Tranquillement. Ce qu’on voit, c’est comment on entre dans la
lecture. Ou comment elle nous rentre dedans. Comme
elle prend les acteurs, nous prend. Délicieusement
flottant. Bleu, rose, blanc. Une sirène dit-chante, fascinante. Texte secoué, éclaté, en petits bouts épars,
bric-à-brac déballé, remballé. Une fantasmagorie.
Lecture dans la tête dépliée sur scène. Tout un bazar
tombe du livre avec des fantômes qui nous parlent.
Des fantômes de fantômes. L’œil se perd entre les
lignes dans des images improbables, englouti-ravi
dans le fleuve qui traverse le plateau. On dort avec
la sirène. On est dans un rêve dans un rêve dans un
rêve. Mais lequel ? Terroir intime à la langue douteuse où tout nous parle et nous regarde. Debout les
morts, ressuscités dans la bouche des acteurs. Les
images continuent à improviser leur sortie du texte.
À l’intérieur et sous la peau. Une lecture n’est pas
une lecture, on la traverse en ramant. Rien ne vaut la
légèreté. Bélize n’existe pas. Réveille-toi.
Ph. L.
Drôle de malheur : retours sur la mise en espace de Cafards
50e étage. Un grand espace vide et rouge. Deux
rectangles blancs au sol. C’est le texte. Ça part
donc de pas grand-chose. Deux acteurs. Hoffman
et Eastwood. On plonge. Chute libre. Jusqu’ici
tout va bien. Dustin et Clint ont monté un numéro de clowns. Question : Qu’est-ce qu’une phrase
géniale ? Eastwood veut de la mayo ; Hoffman,
sa mère la pute. You’re talking to me ? On pourrait en faire un film, non ? C’est bien, c’est vide,
c’est plein des acteurs. L’auguste à moustaches et
le clown blanc-blondin. Jusqu’ici tout va bien.
Une vie de cafards inséparables. Ils nous l’enfilent
avec le sourire, la métaphore. Les cafards font les
morts pour pas qu’on les tue. Ces deux-là font trop
de bruit. Ça va mal se finir. Bioutiful loosers. Est-ce
qu’on se tue par amour ? Putain de cucaracha qui
tape sur les nerfs. Et puis fatale la femme. Séduite
à coups de pets. Bicho et Fercho dans un bateau,
lâchés du 50e étage. Bicho tombe à l’eau. Rez-dechaussée. T’es mort. Écrasé.
Ph. L.
RÉSONNANCES : à voir, lire, découvrir ailleurs...
NOUVELLE BIBLIOGRAPHIE DU THÉÂTRE MEXICAIN RÉALISÉE PAR LA MÉDIATHÈQUE DE VAISE
À découvrir sur le site internet du département arts vivants de la Médiathèque de Vaise – hp://www.
bm-lyon.fr/artsvivants/ – une excellente bibliographie du théâtre mexicain moderne et contemporain,
incluant des résumés de pièces d’Emilio Carballido, José Revueltas, Carlos Fuentes, Sabina Berman, Jaime
Chabaud, Edgar Chías, Ximena Escalante.
EDGAR CHÍAS, CARNET DE ROUTE DANS LA REVUE STRADDA
À lire dans le numéro d’avril 2011 (n°20) de la revue Stradda éditée par Hors Les Murs – Centre Na!onal
des Arts de la Rue et du Cirque – et consacrée à « la ville, la nuit », un ar!cle de l’auteur mexicain Edgar
Chías. Visite nocturne de Mexico in!tulée « La nuit est île / Isla es la noche ». Suivez le guide ! Prix : 7,5 €.
Prochaine mise en espace à découvrir :
PROGRAMME D’HECHO EN MÉXICO
LIFE ON MARS ?
SOIRÉE D’OUVERTURE – LUNDI 9 MAI (19 H 30)
de Guillermo León
A ! !"#  !$$%
de Jorge Celaya
Dans Life on Mars ?, personne n’est ce qu’il dit
être. Quel est le pire des personnages, on ne sait pas.
Qu’ont-ils de si spécial ? Ils ne veulent pas d’une vie
ordinaire. La pièce se déroule dans un grand appartement en plein centre de Mexico. Les trois personnages peuvent s’apparenter à : Alien Résurrection 4
véritable bombe sexuelle d’1,90 m (Sebastián), mignon E.T. (Mayra) et un super looser à marier (Gabriel). Leur problème c’est qu’ils ne peuvent pas être
juste de gentils humains. Il leur faudrait une mission,
du genre : « Goldorak go ! / Dans l’infini / Des galaxies / Poursuis ta lutte infernale / Du bien contre
le mal / Goldorak go ! » Comme les humains, ils ont
aussi des problèmes intergénérationnels.
Dans l’univers de Guillermo LeÓn, on se joue des
conventions pour mieux révéler la solitude des générations, des sexes, l’anéantissement de nos aspirations. On veut aller sur d’autres planètes alors qu’on
a peur du voisin, de l’amour, et qu’il n’y a pas sur
Terre de logements pour tout le monde. Le monde
ne tourne pas rond, notre vie est souvent plate et on
ne se demande pas qui nous a mis dans ce grand appartement – et pourquoi. Nous n’aurons pas tous un
billet pour Mars le jour où tout va péter, mais Life
on Mars ? à la librairie du Bal des ardents, ça pourrait bien vous faire décoller. Restez assis à votre place
tout au long du vol, ce sera l’occasion de rencontrer
Guillermo LeÓn à l’issue de la lecture.
SOIRÉE NO 2 – MARDI 10 MAI (19 H 30)
L C %$& $ !$# de Edgar Chías
SOIRÉE NO 3 – MERCREDI 11 MAI (19 H 30)
H# % &#' de Edgar Chías
T!"#$%& '& *’É*+/"&
14 rue Basse Combalot, Lyon 7e.
Tarif : 6 euros.
04 78 58 88 25 – [email protected]
www.elysee.com
SOIRÉE NO 4 – SAMEDI 14 MAI (20 H)
C$($% de Rodolfo Guillén
N;<=&>< T!"#$%& '< H<?$?KQ& (NTH8)
22 rue du commandant Pégout, Lyon 8e.
Tarif au choix : 0, 5, 10, 50 ou 100 euros.
04 78 78 33 30 – communica[email protected]
www.nth8.com
SOIRÉE NO 5 – VENDREDI 20 MAI (19 H 30)
B)', *+&& ' $#' *-$'#
de Luis Enrique Guérrez Ortíz Monasterio
M"'?>$!KW<& '& V>?/&
Place Valmy, Lyon 9e.
Entrée gratuite.
04 72 85 66 20 – [email protected]
SOIRÉE NO 6 – JEUDI 26 MAI (19 H 30)
L( "& M$ ? de Guillermo León
L?X%>?%?& L& B>* '&/ A%'&Y$/
17 rue Neuve, Lyon 1er.
Entrée gratuite.
04 72 98 83 36 – www.lebaldesardents.com
SOIRÉE NO 7 – VENDREDI 27 MAI (20 H 30)
L. B. B
P&%%$ % L$ L/!$$ de Elena Guiochins
M>?/;Y '&/ [>//>\&/
44 rue Saint-Georges, Lyon 5e.
Tarifs : 8 euros / 6 euros tarif réduit.
04 78 42 19 04 – www.maison-des-passages.com
SOIRÉES NO 8 ^ 9 – MERCREDI 8 ^ JEUDI 9 JUIN (19 H 30)
Mise en espace : Ophélie Kern.
Avec Ɂenne Brac, Raphael Defour et Marie-Cécile Ouakil.
Traducon : Olivier Mouginot.
Contributeurs : Cedric Bonfils, Adeline Isabel-Mignot, Philippe Labaune,
Laea Lalle Bi Benie, Guillermo Léon, Olivier Mouginot.
L$!& 401 / C"&3" 401 de Guillermo León
IY/$?$<$ C&%=>Y$K/
58 montée de Choulans, Lyon 5e.
Tarifs : 6 euros / 4 euros tarif réduit.
04 78 38 72 41 – www.lyon.cervantes.es
RENDEZ-VOUS A L’I.N.S.A – LUNDI 16 MAI (12 H 45)
Crédits photographiques : Ángel F. Flores Marnez (Mexique).
B-5 de David Olguín
Revue conçue par le collecf L’Organisaon. Maquee : Zed.
IY/$?$<$ N>$?;Y>* des S_?&Y_&/ A[[*?W<"&/
Campus La Doua, 1 rue des Humanités, Villeurbanne.
Salle René Char.
Entrée gratuite.04 72 43 83 83 – [email protected]
Avec le souen de la Ville de Lyon et de l’Instut Français. En partenariat
avec les Édions Le Miroir qui fume, le Théâtre de l’Élysée, le Nouveau
Théâtre du Huième, l’I.N.S.A., la Bibliothèque de Lyon, la librairie Le Bal
des Ardents, la Maison des Passages, l’Instut Cervantès.