Synergie humaine et animale dans l`épique africain et - DOCT-US

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Synergie humaine et animale dans l`épique africain et - DOCT-US
Ştiinţe socio-umane
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Synergie humaine et animale dans
l’épique africain et occidental : de la conflagration actorielle
au mécanismes d’identification par le jeu des symboles
Kennedy Gnagny Pedro
Université de Bouaké, Côte d’Ivoire
[email protected]
Abstract: The African and western epic production is very often build on the basis of human and animal
cohesion. These two entities multiply the nature of theirs relations which materialize in confrontation, in
assimilation and in utilitarism. This holistic trade is, by excellence, a means of assertion which signifies total
natural dependence between mankind and animal, and mainly attests that large differences and oppositions can
be born a symphony and a universal balance.
Keywords: cohesion, confrontation, identification, utilitarism, universal balance.
Introduction
L’anthropomorphisme de la mythologie dans
toutes les communautés humaines tend à
opposer l’homme à un adversaire sinistre, le plus
souvent à caractéristiques animales, voire
monstrueuses. C’est en cela que s’élèvent des
personnages
épiques
qui
combattent
l’anthropophobie jusqu’à l’annihiler. Toutefois, la
différence biologique et caractérielle entre
l’homme et l’animal ne justifie pas un
antagonisme
coercitif.
De
là
nait
la
problématique du sujet de la présente réflexion :
quelle
est
la
typologie
des
rapports
qu’entretiennent l’humain et l’animal dans
l’épopée ? En d’autres termes, comment de la
cacophonie des formes et des caractères, germet-il une symphonie épique ?
Les créatures animales sont, en fait, souvent
perçues comme des faire-valoir pour les héros,
sans plus de consistance que n’en aurait un
personnage figurant. Cette réflexion envisage de
les revaloriser par l’analyse, en premier lieu, de
la relation de confrontation existant entre
l’homme et l’animal, et qui constitue quelquefois
l’essentiel de l’œuvre épique. Ensuite, elle
abordera le jeu de l’identification du héros à
l’animal. En ce sens, ce dernier revêt une
étiquette symbolique, et le héros qui s’y identifie
est censé en porter les caractères. La dernière
partie de cette étude consacrera une attention
particulière à la fonctionnalité des animaux dans
le processus de régulation de l’action épique. Il
s’agira essentiellement de répondre à la
question : en quoi les personnages épiques et les
animaux s’appréhendent-ils mutuellement pour
atteindre leurs fins respectives?
I. Du bellicisme homme/ animal :
entités bestiales et spécifications bioaxiologiques
La notion de confrontation suppose celle de
l’adversité. Le bon héros nécessite, pour son
accomplissement, un bon adversaire, un
personnage supérieur, d’où la justification des
combats avec les « monstres ».
Dans la plupart des cas, le monstre est
désigné comme un animal fabuleux, doté de
capacités physiques exceptionnelles. Il a un
corps composite, toujours d’une originalité
inédite dans le monde naturel. Il serait
cependant pernicieux de réduire la monstruosité
à cette simple définition, puisque pour bien des
créatures, elle réside plutôt dans la taille, dans la
force démesurée ou dans les multiples
destructions.
Le combat avec un animal monstrueux, par
nature périlleux, constitue pour le guerrier le
meilleur moyen de prouver son héroïsme,
puisque l’affrontement des deux puissances est
au profit d’une communauté tout entière,
tributaire de la réussite de l’humain.
Par ailleurs, quand on parle de monstres, on
ne perçoit que des créatures à l’aspect étrange
et rebutant, appartenant à un type hétéroclite et
vociférant. Or, la monstruosité n’est pas
seulement une acception morphologique. La
possession d’une puissance surhumaine confère
le caractère de monstre lorsque cette
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ascendance est utilisée à des fins malfaisantes.
L’invulnérabilité d’Achille ne fait donc pas de lui
un monstre, puisqu’il est le modèle du héros grec
parfait, habile au combat, en marge des
mauvaises actions, roi courageux dont la gloire
est célébrée par le grand Homère. Par contre,
Soumahoro est un monstre. La puissance de ses
fétiches le rend invulnérable. Il sème la terreur
et le traumatisme dans tous les royaumes,
construisant son empire sur le double sentiment
énigmatique de la loyauté et de la frayeur. Cette
figure est, dans l’épopée africaine, la parfaite
illustration de « l’homme-monstre ».
La présente analyse sera conduite à la
lumière de la classification de Pétrilli1 pour qui,
trois catégories sont à distinguer parmi les
animaux : les « bêtes », les « monstres » et les
« semi-humains ».
I.1. L’actorialisation des bêtes : une
agressivité conjecturée
Les bêtes désignent la catégorie la moins
offensive, la moins impressionnante. Elle
regroupe les animaux sauvages classiques, des
créatures naturelles, ni multiformes ni hybrides,
quoiqu’impressionnant par la taille et la
puissance. Les animaux de cette classe n’ont pas
de nom particulier. Ils ne s’identifient que par le
nom des lieux où ils vivent et sévissent.
Il en est ainsi du buffle de Do qui se distingue
des autres buffles par son anthropophobie et son
invulnérabilité, caractères qui l’élèvent au rang
des animaux les plus dangereux. Aucun chasseur
ne pouvait en venir à bout, si ce n’est le jeune
chasseur Oulani, accompagné de son frère
Oulamba, bénéficiant de la complicité de la vieille
dont le buffle2 est le double.
Le cas du buffle de Do est similaire à celui du
lion de Némée, baptisé du nom de la cité dont il
terrifie les habitants. D’une force et d’une
puissance extraordinaire, il ne sera vaincu que
par la force tout aussi extraordinaire d’Héraklès
qui accomplissait ainsi son premier travail3 à lui
imposé par Eurysthée. Le héros grec, en effet,
après avoir essayé en vain toutes les armes à sa
disposition, décida d’un stratagème. Il boucha
l’une des issues de la grotte et, entré par l’autre,
il attrapa le lion par le cou, et le serra jusqu’à ce
que la bête meure étouffée.
1
Pétrilli Aurore, « Une Vision du héros grec, aspect de
l’homme, aspect de l’animal » in Camenae, n° 4, juin 2008.
2
Djibril Tamsir Niane, Soundjata ou l’épopée mandingue,
Paris, Présence Africaine, 1960, p. 23-25.
3
Hésiode, Théogonie, Paris, CUF, 1996, Traduction de Paul
Mazon. Les travaux d’Héraklès, au nombre de sept,
punissaient le héros du meurtre présumé de ses propres
enfants, alors qu’il n’en était pas coupable.
Dans ces deux cas de figures qui servent
d’illustration à la lutte des hommes contre les
bêtes, les animaux s’en prennent aux humains à
dessein. Ils sévissent pour une raison bien
précise, pour une causalité qui constitue le nœud
de l’intrigue.
Le buffle de Do est le double d’une princesse
qui se vengeait de son frère, le roi de Do. Elle
s’explique en ces termes sentencieux: « J’ai puni
mon frère le roi de Do qui m’avait privé de ma
part d’héritage. »4. Le lion de Némée, quant à
lui, a, selon Pétrilli5, été envoyé par la déesse
Héra pour ravager la région de Némée. Une
certaine version voudrait que Séléné ait laissé le
lion dévorer les humains pour punir la population
d’avoir oublié de lui offrir les sacrifices auxquels
il a droit.
A la différence du buffle de Do et du lion de
Némée, la deuxième catégorie est plus
composite.
I.2. La figure des monstres : entre
hermétisme, gigantisme et hybridité
En comparaison à l’espèce des bêtes, la
catégorie des monstres est plus complexe parce
qu’on peut la subdiviser selon le niveau
d’hybridité des créatures. Le monstre est une
créature qui, en un seul spécimen, peut
regrouper la morphologie de deux ou plusieurs
animaux différents. La tradition orale africaine
n’a pas l’habitude des monstres dans les récits
épiques. C’est plutôt dans ses contes qu’on
retrouve ces créatures difformes, d’une hybridité
poussée à l’extrême comme en témoigne le
conte « Le dragon de la rivière noire » d’Amon
D’Aby dans sa Mare aux crocodiles6. La
description qu’il fait du monstre est fulgurante :
Ô surprise ! Un personnage mystérieux, un
dragon ! Oui, un vrai dragon, avec une tête
d’homme, des cornes, des pattes, des nageoires
et une queue de serpent7.
Ce monstre est combattu et vaincu par
l’affront vengeur d’un enfant. De même,
Héraklès, dans la littérature épique grecque, tue
l’hydre de Lerne, dragon aquatique dont la
morphologie est marquée par la multiplicité des
têtes qui ont la propriété de se décupler dès que
tranchées. Il est aidé dans ce deuxième travail
par son neveu Iolas. Ce dernier, remarquant les
4
Djibril Tamsir Niane, op. cit., p. 24.
Pétrilli, op. cit., notes de bas de p. 5.
6
Amon D’Aby, La Mare aux crocodiles, Abidjan, NEI, 1992, p.
46-49.
7
Amon D’Aby, op. cit., p. 46.
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repousses constantes des têtes du monstre,
insuffla à son oncle l’usage de torches
enflammées pour cautériser les blessures
infligées à l’animal.
Aussi Héraklès avait-il, pour son dernier
travail, obligation d’amener à la surface terrestre
le terrible chien de garde des enfers : Cerbère,
animal à trois têtes. Guidé par Athéna et
Hermès, le héros grec réclama le chien à son
maître Hadès, le maîtrisa (il ne le tua pas), puis
le ramena à la surface de la terre.
L’exemple de la chimère8 constitue aussi un
aspect de la gigantomachie grecque. La chimère
est, en effet, une créature qui réunit la
morphologie du lion, de la chèvre et du serpent.
Elle est la propriété du roi de Carie qui l’envoya
dévaster la Lycie. Le roi de la cité de Lycie
mandata l’héroïque Bellérophon pour tuer le
monstre cracheur de feu. Monté sur un pégase,
le courageux guerrier l’affronta. Volant au-dessus
du monstre femelle, il le cribla de flèches et, à
l’aide de sa lance, lui enfonça dans le gosier un
morceau de plomb qui fondit aussitôt que la
chimère voulut cracher des flammes. Les
entrailles meurtries, le monstre mourut.
Aussi, la notion de monstre n’étant pas
exclusivement morphologique, la lutte de
Soundjata contre Soumahoro est-elle une lutte
contre un monstre. La performance de
Soumahoro démontre sa non-humanité : il est
invulnérable à toutes les armes de Soundjata
qui, pour le vaincre, fut obligé de recourir à une
pratique occulte préconisée par un devin. Cette
invulnérabilité est vaincue par une flèche avec, à
son bout, un ergot de coq blanc9. Déchu, il
s’enfuit et disparaît dans une grotte.
I.3. Les personnages semi-humains :
une étrangeté redoutable
Ils appartiennent à une catégorie spéciale,
puisque
la
semi-humanité
n’est
pas
spécifiquement morphologique, mais toujours
redoutable. Le simple usage de la parole
humaine est à même de conférer une qualité
humaine, et ces créatures appartiennent surtout
à la mythologie des peuples.
Dans l’imaginaire bété10, Youkourilué11 illustre
bien les personnages moitié-homme moitié-
8
Apollodore, Bibliothèque et Epitome, Paris, Les Belles
Lettres, 1991, Traduction de Carrière Jean-Claude et
Massonie Bernard, p. 310-321.
9
Djibril Tamsir Niane, op. cit., p. 117.
10
Peuple situé au centre-ouest de la Côte d’Ivoire où la
narration se tient.
11
« Youkou » signifie « éléphant » et « lué » signifie
« oreille ». La traduction littérale est donc « oreilles
d’éléphant ».
animal. Dans la lutte qu’il entame contre les
hommes pour décimer l’humanité tout entière,
ses longues oreilles lui sont d’une utilité
infaillible. Fonctionnant comme des antennes,
elles repèrent et domptent simultanément toute
présence humaine indiscrète. En voici la
description :
Je dis Youkourilué, une de ses oreilles part
d’ici et atteint Abidjan12. Sous cette oreille une
autre qui n’atteint pas tout à fait Abidjan. Sous
celle-là une autre atteint Dabou13 et sous cellelà, une autre qui atteint […] elles sont ainsi
disposées les unes sous les autres jusqu’à celle
qui est toute petite, qui le tient14 et qui
ressemble à nos propres oreilles 15.
La victoire de Dôgbôwradji sur le redoutable
Youkourilué est due à l’usage d’une sacoche
magique et d’un stratagème. En fait, il trompa la
vigilance de l’antihéros qui, au terme d’un
assoupissement, fut surpris par le héros et les
redoutables armes que contenait sa sacoche.
Dans la littérature épique grecque, ce sont,
en général, les sirènes et les centaures qui
incarnent l’antagonisme des semi-humains.
Ulysse échappe à une mort certaine en obstruant
les orifices auriculaires des membres de son
équipage avec de la cire, après s’être fait attaché
solidement sur le mât de son vaisseau. Ces
mesures lui permirent d’éviter l’attraction de la
douceur du périlleux chant des sirènes, créatures
moitié-poisson moitié-femme. Elles chantaient
ainsi :
Viens Ô illustre Odysseus, grande gloire des
Akhaiens. Arrête ta nef, afin d’écouter notre voix.
Aucun homme n’a dépassé notre île sur sa nef
noire sans écouter notre douce voix ; puis il
s’éloigne plein de joie et sachant […] tout ce qui
arrive sur la terre nourricière16.
Héraklès, pour sa part, fut pendant quelques
temps l’hôte du centaure Pholos pendant qu’il
traquait le sanglier d’Erymanthe17. Les centaures
sont tantôt des sages et des précepteurs, tantôt
des personnages violents et sans état d’âme. Les
rapports du héros grec avec ces créatures (mihomme mi-cheval) sont donc tout aussi violents
qu’avec les autres créatures. En illustration, une
12
La distance est d’environ 413 kilomètres.
Ville située à environ 45 kilomètres d’Abidjan.
14
C’est en elle que réside toute sa puissance.
15
Zadi Zaourou, « Dôgbôwradji » in Bissa, Abidjan, GRTO,
1988, p. 31.
16
Homère, L’Odyssée, Paris, Nouvelles Editions Marabout,
1995, p. 159.
17
Apollodore, Bibliothèque, II, p. 83.
13
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simple dispute au sujet d’une jarre de vin devient
une rude lutte. Obligé de recourir aux armes,
Héraklès blesse Chiron par mégarde. Cette
anecdote témoigne du caractère fougueux des
centaures.
Le sphinx18 occupe, lui aussi, une place de
choix dans la catégorie des semi-humains. C’est
un personnage à tête de femme, corps de lion,
queue de serpent, serres et ailes d’aigle. Animal
unique et doué de parole, il s’est installé non loin
de la cité de Thèbes, soumettant aux passants
l’énigme suivante :
Peux-tu me nommer l’être unique qui marche
tantôt à deux pattes, tantôt à trois et tantôt à
quatre, et qui est le plus faible lorsqu’il a le plus
de pattes ?.
Alors que ceux qui ne trouvaient pas la
solution étaient dévorés, Œdipe répondit :
L’homme, parce qu’il marche à quatre pattes
lorsqu’il est enfant, sur deux pieds quand il est
adulte et s’appuie sur un bâton quand il est
vieux.
En général, la relation de confrontation
homme/animal permet une classification des
animaux. La tri-fonctionnalité qui germe de cette
classification s’énonce comme suit :
‐
ils constituent des fléaux. Ils sont, en ce
sens, auteurs de destruction par vengeance ou
par l’exécution d’une sentence quelconque. Le
buffle de Do et le lion de Némée illustre cette
première classe ;
‐
ils sont des gardiens et n’assurent que la
surveillance de l’espace ou du bien précieux d’un
maître. Ce genre de monstre n’a pas une réelle
agressivité. Cerbère est le gardien des enfers.
Son rôle est des plus importants, car il surveille
les abords du monde des morts. Pour cette
raison, il ne périt pas. Il est seulement dompté et
semble le seul à n’avoir pas succombé
mortellement à la force divine d’Héraklès ;
‐
ils sont des êtres errants, nuisant
occasionnellement. Cette dernière fonctionnalité
est la moins illustrée avec le personnage unique
du sphinx vaincu à Thèbes par Œdipe.
II. Des antagonismes ontologiques
au jeu des identifications
18
Sophocle, Œdipe roi, Paris, Les Belles Lettres, 2002,
Traduction de Paul Mazon.
Les références au monde animal sont
courantes pour marquer la force destructrice de
certains héros ou personnages épiques qui
s’identifient, très souvent, aux animaux dont ils
ont les caractéristiques.
Les
types
d’animaux
auxquels
les
personnages de l’épopée s’identifient sont d’une
typologie foncièrement épique. L’épopée étant
l’expression poétique de faits grandioses, donc
forcément liés à l’épreuve de la force et du
courage, la plupart des animaux-symboles sont
ceux qui occupent le haut de l’échelle de la
puissance physique ou, selon les cas, mystique.
Mais l’identification ne se fait pas que dans le
sens positif ; autant le buffle, le lion et le chien
seront objets de la présente réflexion.
II.1. L’identification au buffle, puissance
physique ou mystique
L’une des principales figures qui symbolisent
la force animale en Afrique est le buffle,
mammifère ruminant, voisin du bœuf, dont il
existe plusieurs espèces en Afrique et en Asie.
En Afrique, il constitue avec le lion, l’éléphant, le
rhinocéros et le guépard le groupe des cinq
animaux les plus redoutables.
Dans l’épopée de Soundjata, la génitrice du
héros, Sogolon Kédjou, est appelée « la femme
buffle ». Par conséquent, son fils Soundjata est
« le fils de la femme buffle ». Cette identification
au buffle ne s’explique pas en ce que Sogolon
possède une force physique extraordinaire
comme l’animal. Une approche quadripartite est
toutefois possible.
‐
Tout d’abord, la découverte du
personnage de Sogolon est le fait de deux
jeunes chasseurs venus à bout du buffle de Do,
double de la veille dame dont ils ont bénéficié
des faveurs mystiques. Vu les prescriptions et les
consignes qu’elle donne aux chasseurs, l’on est à
même d’affirmer que la laide jeune fille trouvée à
l’écart de toutes, sur la place du village, n’est
que la réincarnation du buffle, donc de la même
vieille dame.
‐
Ensuite, lors de sa nuit de noce, Sogolon
donne des signes de sa similarité au buffle
lorsque, grâce à ses aptitudes mystiques, elle se
couvre tout le corps de longs poils, similaires à
ceux de l’animal.19
‐
Aussi, Sogolon n’est pas une beauté.
Bien au contraire, sa laideur est aussi légendaire
que célèbre. D’autre part, le buffle est un animal
en perpétuel contact avec la boue, ce qui fait de
lui l’un des animaux les plus crasseux. Or, la
saleté est un aspect de la laideur. Ces deux
19
Djibril Tamsir Niane, op. cit., p. 30-31.
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figures sont donc très proches, puisque le mot
« vilain » désignait, au Moyen Age, le paysan,
entité perpétuellement souillé et sale du travail
de la terre.
‐
Enfin Sogolon est une femme. Dans le
contexte à la fois africain et épique, elle apparaît
doublement faible, parce que d’une part, en
Afrique, la femme est au second plan, après
l’homme, et de l’autre, parce que l’épopée est le
lieu de l’expression de la force vive et brutale
que ne possède pas la femme. Toutefois, ce
personnage féminin impose sa marque à sa
communauté et à l’épopée. Malgré la domination
phallique, elle brave tous les sorts et toutes les
manigances pour donner, au soir de sa mort, un
héros apte à sortir le Manding de la domination
d’un envahisseur sanguinaire. Sa capacité
d’affirmation est similaire à celle du buffle qui
appartient au groupe des herbivores, classe
condamnée à la domination des carnivores,
groupe faible parce que dépourvu de tous les
attributs de la terreur à la mesure de l’armature
du lion par exemple. Cependant, le buffle est
craint autant par les humains que par ses
prédateurs, les premiers pour son agressivité et
sa force qui est dite mystique, les seconds pour
sa puissance physique susceptible de confondre
à l’assaut tout non-averti, même de la taille du
lion qui est lui aussi une référence en terme
d’identification.
II.2. L’identification au lion, attribut de
force et de majesté
Le lion, roi du règne animal dans la plupart
des récits oraux d’Afrique, est l’animal le plus
mentionné en ce qui concerne l’identification aux
animaux. Il est l’animal le plus emblématique des
héros épiques, et les cas de Soundjata et
Héraklès illustreront ces propos.
Le héros mandingue est désigné, à sa
naissance, par l’appellation « enfant-lion, enfantbuffle »20. Il est aussi appelé « Mari Djata ».
Selon Ibn Khaldoum, « Mari chez eux signifie
émir, descendant du sultan ; Djata veut dire
lion »21. Le prince souffre d’une infirmité des
membres inférieurs et se traîne durant sept ans.
Lorsque pour laver un affront porté à sa mère, il
décide et réussit enfin à marcher, son griot
s’exclame en ces termes :
Place, place, faites de la place,
Le lion a marché.
20
Sa filiation au buffle est expliquée dans la sous-partie
précédente.
21
Celhto, La Charte de Kurukan Fuga, Paris, L’Harmattan,
2008, p. 33.
Antilopes, cachez-vous,
Ecartez-vous de son chemin22.
Il y a, ici, deux métaphores, celle du lion et
celle de l’antilope. La relation doxique qui lie les
deux animaux augure de celle que va entretenir
le futur roi et ses éventuels adversaires et
ennemis, puisque le destin de Soundjata avait
été prédit par les devins. Il est, disait-on, « celui
qui va rendre le nom du Manding immortel à
jamais, l’enfant sera le septième astre, le
septième conquérant de la terre, il sera plus
puissant que Djoulou Kara Naïni23 »24.
Sur le champ de bataille, le héros ne déroge
pas au caractère de l’emblématique animal,
comme l’illustre la description d’une bataille :
En un instant, le fils de Sogolon était au
milieu des Sossos tel un lion dans une bergerie
[…] tel un lion, il s’élança …25.
La pugnacité de Soundjata s’explique, en
définitive, en ce qu’il a une double personnalité,
ce que trahit le propos de son griot :
Tu as la force et la majesté du lion,
Tu as la puissance du buffle26.
Pour sa part, Héraklès a, au cours de ses
multiples travaux, combattu le lion. L’animal
devient, par ailleurs, son emblème. Le combat se
déroule à mains nues pour démontrer la
puissance du héros. Héraklès, qui emprunte au
lion son côté fougueux et instinctif, incarne par
excellence le majestueux animal.
Dans
la
littérature
épique
grecque,
l’identification du héros à son adversaire est
courante, mais elle ne traduit pas que des
valeurs positives. La fougue du lion est parfois
perçue comme une violence indomptable, mal
menée.
Dans L’Iliade27, Homère fait soixante et cinq
(65) comparaisons des personnages aux
animaux dont quarante (40) sont consacrées
exclusivement au lion. Il en ressort un code
hiérarchique des valeurs héroïques28.
22
Djibril Tamsir Niane, op. cit., p. 46-47.
C’est ainsi que les Mandinkas nomme Alexandre Le Grand
dans Soundjata ou l’épopée mandingue.
24
Idem, p. 20.
25
Idem, p. 93.
26
Djibril Tamsir Niane, op. cit., p. 116.
27
Homère, L’Iliade, Paris, Garnier Frères, 1965, Traduction
par Eugène Lasserre.
28
Le lion est l’agresseur bousculant tout, le héros par
excellence ; le sanglier est le ferme défenseur ; l’aigle jouit
d’une vue perçante ; le loup est sauvage et rusé ; le chien
est loyal mais lâche, et tout en bas de l’échelle viennent les
biches affolées et les brebis bêlantes.
23
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Pour Esope, le lion, roi des animaux avant
tout, a reçu de Zeus les attributs que lui-même
possède. Il incarne le comble des vertus du
guerrier. La fureur guerrière saisit aussi bien
l’animal que l’homme. L’image du fauve
rugissant et s’acharnant sur ses victimes
disparaît pour laisser la place à celle du véritable
double du héros, et vice versa.
II.3. L’identification
caractérisation ambiguë
au
chien,
une
L’assimilation au chien n’est pas courante. La
domestication de l’animal intervient très tôt dans
l’humanité. Dumont29 et Bodson30, dans une
analyse des rapports entre l’homme et les
animaux, attestent que le chien a été
domestiqué dès 12000 ans avant notre ère, en
Europe du nord et au Proche Orient. Il est donc,
depuis l’Antiquité, l’ami et le compagnon fidèle
de l’homme, ainsi que son auxiliaire. Il l’aide à la
chasse et participe intensément à la vie de
l’humain en gardant la maison et le bétail. Il est,
toutefois, objet d’une symbolisation à plusieurs
facettes.
Les Grecs considèrent le chien comme un
individu sans dignité, sans courage, donc
méprisable, puisque l’animal préfère se dérober
plutôt que d’oser s’en prendre à un adversaire
plus fort que lui. Par précaution, il aboie et
tournoie autour de la bête féroce sans jamais
attaquer31.
Or, les Grecs ont la coutume de la guerre,
donc du courage. Tout individu fourbe est, par
conséquent, identifier au chien. Odysseus, celui
qu’on nomme "Ulysse-aux-mille-tours" en fait les
frais. Futé comme Leuk-le-lièvre des contes
africains, roublard comme Renart de La
Fontaine, Ulysse use beaucoup plus de sa mètis
que de sa pétulance pour arriver à ses fins sur le
champ de bataille. La malice de la construction
du cheval de Troie est la plus mémorable œuvre
de son intelligence. Cependant, il semble se
nourrir de la perte des siens pour favoriser leur
adhésion à ses stratagèmes. Les Grecs, corps et
âme affaiblis par la peste et la guerre, acceptent
malgré eux d’user de l’astuce du cheval de
planches. De même les Troyens, en mal de paix
et de tranquillité après des années de résistance,
n’hésitent pas, en toute ingénuité, à donner une
chance à la paix en introduisant le fameux cheval
29
Jacques Dumont, Les Animaux dans l’Antiquité grecque,
Paris, L’Harmattan, 2001.
30
Liliane Bodson, « Points de vue romains sur l’animal
domestique et la domestication » in Hommes et animaux
dans l’Antiquité romaine, Centre de Recherche André
Piganiol, Tours, 1995, p. 7-49.
31
Homère, op. cit., XVIII, p. 577-617.
de bois32 dans leur cité. Perçu sous cet angle,
Ulysse est à l’image du chien qu’Homère
présente comme un charognard, profitant de la
faiblesse des autres pour donner vie à son génie.
L’identification
au
chien,
condamnant
implicitement l’usage de l’intelligence au
détriment de la force physique, est en ce sens
une caractérisation ambiguë. La prise de la ville
de Troie, après des années de siège, est bien la
glorieuse conséquence de l’usage de la malice.
De même, grâce à sa ruse, Ulysse confond les
nombreux périls qui jonchent le chemin de son
retour vers sa patrie. Aussi la fidèle Pénélope
allonge-t-elle le délai de son choix parmi les
multiples prétendants, en usant de la ruse33.
En définitive, l’identification à un animal est
un processus psychologique qui prend en compte
un certain nombre de paramètres : les
caractéristiques de l’animal et les vertus/vices du
personnage ou du guerrier. Le symbolisme des
animaux signifie l’état de nature et la bestialité
de l’homme en tant que créature rationnelle, de
même que l’expression d’un fantasme caché
dans le désir constant de l’humain de retourner
aux sources et téter aux mamelles de la nature.
Elle a aussi pour fonction de montrer la
supériorité du monde civilisé sur le monde
sauvage, parce qu’elle est à sens unique34. Il
n’en est pas ainsi avec le rapport d’utilitarisme.
III. La question de l’utilitarisme
partage
Tout rapport d’utilitarisme part du fait que
l’utile est le principe de toutes les valeurs autant
dans les domaines de la connaissance que dans
celui de l’action. Animaux utiles, hommes utiles,
tout dans l’épopée vient à signifier que le rapport
de l’humain à la bête, et vice versa, est
bilatéral : c’est un utilitarisme partagé. Autant les
animaux servent aux humains dans des
circonstances diverses, autant les animaux ont
besoin de l’humain pour s’affirmer.
32
C’est le cheval de Troie, un cheval de planches où se sont
tapis les meilleurs guerriers grecs parmi lesquels Achille.
33
Elle tissait le jour et, la nuit venue, défaisait son ouvrage
de sorte à ne jamais l’achever. Elle serait, si tel était le cas,
obligée de choisir un époux, en remplacement de son bien
aimé, le roi Ulysse, considéré comme naufragé ; ce qu’elle
rebutait.
34
Les bêtes ne s’identifient pas aux humains. Elles n’en ont
même pas la faculté.
Ştiinţe socio-umane
101
III.1. L’utilitarisme humain, gage de
l’existence animale ?
III.2. L’utilitarisme animal,
puissance physique et mysticisme
L’existence humaine pour les bêtes est à des
fins différentes, mais qui convergent toutes :
dompter et freiner l’ardeur de l’homme. A cet
effet correspond un type précis de bêtes
organisées selon leur fonctionnalité :
‐
pour les « fléaux », l’homme est un
faire-valoir. Emissaire d’un personnage divin en
situation de vengeance, l’animal ne perçoit en
l’humain qu’il affronte que la raison de sa propre
existence. Mandatés par des divinités pour punir
les mortels de leur impiété ou pour un fait
répréhensible, les fléaux sont les constructions
communes de l’homme et des divinités ;
‐
en ce qui concerne les « gardiens »,
l’humain représente l’intrus, le violeur qui vient
désacraliser un espace qu’ils considèrent comme
leur. Par ailleurs, l’attaque de l’humain est, pour
le monstre, l’unique opportunité de démontrer sa
puissance, mais surtout de prouver sa loyauté au
maître qui lui a assigné la fonction à quoi se
résume sa vie, son existence tout entière ;
‐
les « monstres errants », quant à eux
dévisagent les humains comme de simples outils
d’application. Il n’y a pas de véritable raison à
l’acharnement de ces personnages hybrides sur
les humains. Rien n’obligeait le sphinx à évaluer
l’intelligence humaine et à punir de mort les
voyageurs qui n’étaient sûrement pas tous natifs
de Thèbes. C‘est donc en toute liberté que la
bête donne ce sens à son existence.
En définitive, pour les différents groupes de
monstres, l’homme est d’une utilité variable. Les
fléaux et les gardiens sont des émissaires,
chargés d’une fonction précise qui définit leur
être. L’utilitarisme des hommes est ici factuel en
ce qu’il fait de l’humain une créature
indispensable à l’existence monstrueuse. Pour le
monstre errant, par contre, l’utilitarisme est nul,
voire négatif, puisque ce dernier dispose de
l’humain selon son bon vouloir, d’où une
désubstantialisation de l’être doué d’intelligence.
Le sphinx, par son énigme, démystifie l’humain,
redisposant, pour ainsi dire, l’ordre normal des
choses35. L’animal opère une délocalisation de
l’intelligence, subversion d’un ordre universel
prédisposé.
Mais
Œdipe
reconquiert
la
suprématie humaine en résolvant l’énigme.
L’homme ainsi revalorisé peut prétendre à
l’appréciation des bêtes.
Lorsqu’il ne les affronte pas, l’homme a
toujours disposé de la nature selon son bon gré
et la nature de ses besoins. Les animaux sont
utiles en ce qu’ils procurent de la puissance.
Cette terminologie doit être perçue sous deux
angles. La puissance physique s’attache à
l’épopée occidentale alors que la puissance
mystique échoit à l’épopée africaine.
En ce qui concerne l’épopée occidentale, la
possession de bêtes dans son armée a un effet
d’intimidation sur l’ennemi. Dans les batailles
d’Alexandre Le Grand contre Darius, le roi grec
et son armée affrontent non seulement de
redoutables guerriers perses, mais aussi les
éléphants qui leur servaient de monture36. Cela
suppose, de la part des Perses, un
impressionnant effort qui part de la capture du
pachyderme à son dressage pour la guerre. Ces
derniers participent intensément aux combats, et
Darius ne perdit la bataille que par un concours
de circonstances à l’avantage du roi grec.
L’éléphant est donc, ici, un outil de guerre, à
l’image du cheval qui porte sur son dos tous les
grands héros. Celui d’Alexandre s’appelle
« Bucéphale », celui de Roland « Veillantif »37.
La fréquence des guerres a fait du cheval l’un
des animaux les plus proches de l’homme. Cet
animal revêt à cet effet une connotation
guerrière, donc épique. Le chevalier, au Moyen
Age français, est le personnage épique par
excellence. En plus de tous ses attributs de
noblesse, prouesse, fidélité à Dieu, il est un
« homme à cheval ». Le nom de l’animal
constitue même la racine de sa désignation.
L’animal confère de la puissance, donc de la
suprématie, ce qui constitue un avantage au
combat. Il participe donc intensément à la
régulation de l’action épique.
En Afrique, cet avantage est nul s’il n’est
fondé au préalable sur une préparation occulte.
Dans l’épopée mandingue, par exemple, d’une
part, c‘est d’un animal (le buffle de Do) que part
la kyrielle de circonstances qui passent par le
choix exceptionnel de Sogolon parmi tant de
belles filles, la naissance du prince mandingue
pour aboutir à la reconquête du royaume qui
avait été prédite par un chasseur, lui-même
suivant la trace d’un animal (une biche). De
l’autre, ce sont les animaux (et/ ou leur sang)
qui permettent aux guerriers d’appâter l’attention
35
Cette tentative de renouvellement de l’ordre préétabli est
aussi un aspect de l’esthétique épique, puisqu’elle amène
l’Homme à interroger son histoire, mais aussi à scruter
l’horizon.
36
entre
Pierre Grimal, Contes et légendes du temps d’Alexandre,
Paris, Nathan, 1996, p. 91.
37
Gérard Moignet, La Chanson de Roland, Paris, Bordas,
1969, p. 101.
102
DOCT-US, an III, nr. 1, 2011
positive des génies protecteurs et celle des
esprits des ancêtres, et d’en bénéficier des
faveurs. Soundjata fait de nombreux sacrifices
pour demander l’assistance des esprits et des
génies contre la surhumanité de Soumahoro :
« cent taureaux blancs, cent béliers blancs et
cent coqs blancs »38 furent offerts en sacrifice
aux esprits.
Soumahoro, pour sa part, utilise les bêtes
pour symboliser ses terribles fétiches : un
serpent monstrueux et trois hiboux constituaient
le décor animalier de sa chambre sécrète39. Le
gros serpent représente surtout la puissance et
la suprématie alors que les hiboux sont des
émissaires sorciers. Ces derniers interviennent
pleinement dans le récit lors de la déclaration de
guerre entre les deux chefs :
Soumahoro […] confia la parole à un de ses
hiboux […] le fils de Sogolon à son tour envoya
son hibou à Soumahoro40.
Lors de la bataille qui s’en suit, c’est l’usage
d’un ergot de coq blanc qui scella le sort du roi
sorcier ; c’était le secret de sa puissance. Le
narrateur le dit très clairement : « ce n’était
point une flèche de fer, c’était du bois avec au
bout un ergot de coq blanc »41. Dès que la flèche
l’effleura en effet, Soumahoro perdit tous ses
pouvoirs, et Soundjata remporta la bataille de
Krina.
En définitive, la réciprocité de l’utilitarisme
entre les bêtes et les hommes témoigne de
l’interdépendance des deux entités. L’épopée est
par excellence le genre qui les fédère de sorte à
élever ce que l’intelligence humaine dévisage
comme dérisoire. Les bêtes sont à la solde des
humains qui, eux-mêmes, en dépendent
fortement, notamment en ce qui concerne la
régulation de l’économie épique.
Conclusions
Entre l’homme et l’animal, a toujours existé
une corrélation qui varie selon les cultures, en
perpétuelle relation avec la réalité sociale du
guerrier. La présence animale dans le parcours
héroïque d’Héraklès est bien différente de celle
de Soundjata (ou même de Roland). Toutefois,
l’analyse de leurs épopées respectives découvre
un commerce holistique entre l’humain et
l’animal. Un premier rapport, rapport de
38
39
Djibril Tamsir Niane, op. cit., p. 105.
Idem, p. 74.
40
Idem, p. 111.
41
Idem, p. 117. confrontation, fonde l’hostilité entre les deux
entités : un animal s’attaque à une communauté
et y crée un traumatisme. Alors, un héros
émerge et le combat jusqu’à la mort pour
préserver la communauté humaine de la
décimation ; ou alors le guerrier s’attaque à
l’animal pour honorer une promesse. Héraklès
illustre bien ce cas. Un deuxième rapport, celui
de l’identification, pose l’animal comme
archétype, car symbole d’une vertu épique. Par
la métaphore de l’identification, l’humain
reconnaît à la nature brute la détention de
puissances optimales dont il convoite les valeurs.
Le troisième et dernier rapport, le rapport
d’utilitarisme, découvre un double usage de
l’animal qui confère puissance physique et
occulte, surtout en Afrique où il sert de lien entre
les puissances invisibles et les humains dont
l’humanité s’éponge devant la démesure du
sadisme et de la barbarie.
En définitive, l’épopée, sur la base des
relations homme/ animal, présente l’humain
perpétuellement en quête d’une sensation de
supériorité qu’il ne retrouve que dans la
confrontation, l’assimilation ou l’accoutumance à
un être dit inférieur. L’homme n’hésite pas à
utiliser la nature, à en convoiter les valeurs, et si
nécessaire à les combattre pour atteindre cet
absolu imaginaire, aussitôt remis en cause par
de nouvelles ambitions, de nouveaux projets
épiques.
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Kennedy Gnagny Pedro
De nationalité ivoirienne, je suis né à Port-Bouët
(Abidjan) le 06 février 1975. De 1995 à 2006, je suis
les cours à l'Université de Bouaké où j'obtiens mon
Doctorat. Depuis 2008, je suis Assistant à l'Université
de Bouaké où j'enseigne la littérature orale et le latin.