Griots et Consort - Théâtre Jean Vilar

Transcription

Griots et Consort - Théâtre Jean Vilar
Griots et Consort
Du XVème au XXème siècle, un miroir de la chanson au Mali et en France
LE POÈME HARMONIQUE
Vincent Dumestre
Claire Lefilliâtre, chant
Serge Goubioud, chant
Arnaud Marzorati, chant
Pierre Hamon, flûtes et cornemuse
Christophe Tellart, vielle à roue et cornemuse
Lucas Peres, basse de viole
Joël Grare, percussions
Vincent Dumestre, citole, théorbe
Artistes invités
Mamadou Diabaté (kora)
Safiatou Diabaté (voix)
Zoumana Téréta (soku)
Ahmed Fofana (file)
Distribution indicative, susceptible de modifications
En invitant l’un des plus brillants musiciens maliens (Diabaté parmi les Cissoko, Diawara, Kouyate,
Sacko...), Vincent Dumestre propose de mettre en miroir deux univers en apparence bien éloignés. En
effet, ce concert original veut jouer sur la confrontation de deux traditions musicales, toutes deux nées
du devoir de transmission.
Depuis plus d’un millénaire, la chanson française se transmet de générations en générations. La
chanson, plus qu’une simple récréation de l’âme, était le moyen traditionnel de conserver oralement
l’histoire des peuples et des leurs contrées. Transformées et remaniées depuis leur naissance, ces
chansons, connues de tous, sont souvent des chefs d’œuvre d’écriture mélodique, à mi-chemin entre le
populaire et le savant. Il en est de même en Afrique ou encore de nos jours les griots du Mali jouent ce
rôle de passeur, de témoin et de messager, de conservation orale, de l’histoire d’un pays, d’une famille
ou d’un roi.
En Afrique occidentale, dans ce qui fut l’Empire mandingue (soit entre Sénégal, Gambie, Mali et
Niger), le griot reste ce membre d’une caste de musiciens professionnels dont le rôle est foncièrement
multiple. Le mot « griot » vient du vocabulaire portugais « criado » signifiant chanteur ou barde (on
peut y voir également des racines dans le répertoire parlé en Wolof gewel). S’il est chanteur et
instrumentiste, le griot malien n’en demeure pas moins historien, généalogiste, chroniqueur, conteur,
poète... En outre, c’est de ce personnage central que peuvent venir les bonnes ou les mauvaises
nouvelles, les histoires et les leçons du passé, les points à éclaircir au présent...
Avec sa kora, Mamadou Diabaté est l’un des gardiens de cette tradition millénaire. Accompagné de
trois autres musiciens, il va retracer l’épopée saisissante de Sundiata, le fondateur de l’empire du Mali.
Guerres, combats, drames et trahisons, généalogies, récit héroïque, magie et merveilleux, pouvoirs
étonnants forment souvent l’apanage de ces récits épiques. Instrument à cordes pincées utilisé au Mali,
mais aussi au Sénégal, Gambie, Guinée, Sierra Leone, la kora est une sorte de harpe-luth typique du
territoire mandingue.
La première kora était l’instrument personnel d’une femme-génie qui vivait dans les grottes de
Kanssala en Gambie. Impressionné et ému par la musique provenant de ce drôle d’outil magique, le
chef guerrier Tira Maghan décida d’en déposséder l’égérie et de confier l’instrument à un griot…
Selon cette légende, la kora qui fut découverte par ce chef de guerre, fut donnée à un de ses
compagnons griots, Djelimaly Oulké Diabaté, lequel l’introduisit au Mali. Constituée d’une grosse
demi-calebasse recouverte d’une peau d’animal, la kora possède en général une vingtaine de cordes
(autrefois en boyau).
Lors de cette rencontre, les musiciens et les chanteurs du Poème Harmonique puiseront pour leur part
dans les chansons d’une France d’autrefois, entre le XVe et le XIXe siècle. Comment juger au XXIe
siècle d’une musique qui parle à la fois à notre sensibilité de mélomane et à notre âme d’enfant ?
Quelle est la différence entre la chansonnette En passant par la Lorraine encore connue aujourd’hui, et
son homologue du XVIe siècle ? Ce qui les sépare, c’est plus de quatre siècles, une infinité de temps et qui pourtant semble n’être qu’une parenthèse dans la métamorphose de la chanson. Curieux destin
donc, de ces musiques qui ont eu l’heur de traverser les siècles et de parvenir, souvent bien
transformées, jusqu’à nous, mais qui conservent une vigueur, une fraîcheur qui engagent la pérennité.
« La chanson marche avec le temps, les années, les décennies, les siècles finalement parce qu’elle est
liée à l’expression des humeurs, aux goûts, aux danses du jour le jour. Elle constitue une respiration
sociale - et elle est - à cause de cela, éphémère, fragile » nous dit Claude Duneton dans sa belle
Histoire de la chanson française. Ces chansons sont l’écho de l’histoire singulière et universelle des
hommes, portées jusqu’à nous par toutes ces voix disparues qui, avant nos parents, avant nos grandsparents et nos aïeux, les ont fredonnées. Retracer l’histoire de ces chansons et la manière dont elles
sont parvenues jusqu’à nous, retrouver les textes originaux sur lesquels la tradition se fonde, dépouiller
les différents chansonniers anciens (depuis le manuscrit de Bayeux du XVème siècle jusqu’aux
chansonniers des voix de ville imprimés au XVIIIème siècle) : tout cela concourt à la fois à revenir aux
sources de ces chansons mais aussi aux chansons de nos sources, en évoquant leur histoire et la
manière dont elles sont parvenues jusqu’à nous, en les donnant à entendre pour que, à une époque où
l’hégémonie de audiovisuel accélère la disparition des anciennes cultures orales, elles demeurent,
fragiles fragments d’une enfance retrouvée.
PROGRAMME INDICATIF*
PROGRAMME
Kayira (instrumental)
Ala sanuman
Le roi Renaud
La Pernette
La Louison
nyèbilafòli (instrumental)
Segu ka maana
La Peronnelle
En menant les chevaux boire
Complainte de Mandrin
Mamadu bitiki (instrumental)
Kèlèfaba (instrumental)
Kayira
Le roi a fait battre tambour
Mort et convoi de l’invincible Malbrough
Jan petit que dansou
* susceptible de modifications
Ce programme a été donné le 8 novembre 2008 pour un concert exceptionnel organisé par le Festival Automne en Normandie
à l’Opéra de Rouen.