La légende d`Hiram en Franc-maçonnerie
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La légende d`Hiram en Franc-maçonnerie
L apport des textes fondateurs Reliures 23 Point de vue : La légende d'Hiram en Franc-maçonnerie Jacques Hostetter D.e.A. de l'Institut d'etude des religions et de la Laïcité, ULB Aux alentours de 1725, postérieurement à la publication du Livre des Constitutions d'Anderson, dont la première parution ignore le grade de Maître, un Franc-maçon composa le récit dramatique du meurtre d'Hiram, architecte de Salomon, par trois compagnons décidés à lui arracher de force les secrets de la maîtrise. Dès 1733, les Loges de Londres basèrent plusieurs de leurs rituels sur cet homme qui, selon les Ecritures hébraïques, vint se mettre au service du roi d'Israël. Cette évocation choqua un certain nombre de maçons théistes qui considéraient qu'il s'agissait là d'une invention saugrenue, rédigée en contradiction avec le texte biblique, qui ne voit en Hiram qu'un fondeur de cuivre et d'airain (cfr la Bible, 1er livre des Rois, chapitre 7, versets 13 et suivants). Si l'on ne peut trouver de justification biblique à la légende selon laquelle Hiram aurait dirigé la construction du temple et commandé les apprentis, compagnons et maîtres bâtisseurs, et s'il y a lieu de penser qu'Hiram s'en tint à des travaux de métallurgie (cfr les livres des Rois et des Chroniques), il faut noter que son habilité fut soulignée par le roi Salomon en personne (cfr 2e livre des Chroniques, chapitre 2, versets 13 et 14). Dans les temples maçonniques, réalisés à l'image du temple de Jérusalem, les deux colonnes du porche, nommées Boaz et Jakin, rappellent son œuvre de fondeur. Toutefois, c'est davantage pour les besoins d'un symbolisme initiatique de haute valeur que ce modeste personnage biblique fut 21 Reliures 23 Automne-Hiver 2009 promu premier architecte du temple, voire rival de Salomon, personnifiant d'une part, une sagesse et une connaissance égales à celle d'un souverain connu pour sa capacité à résoudre des énigmes et, d'autre part, incarnant l'idéal démocratique appelé à triompher de la royauté. La symbolique maçonnique innove dans sa relation avec le mythe d'une façon générale, et le mythe fondateur en particulier. Ainsi, selon Raoul Berteaux et Irène Mainguy, "la réalité du mythe concerne la réalité de l'être et non l'authenticité de l'événement historique" 1, 2. Autrement dit, si tous les maçons sont conscients que l'histoire d'Hiram est légendaire, cela n'enlève rien au fait qu'ils perçoivent, grâce à cette narration actualisée par le rituel, "une dimension cachée de la réalité humaine qui met en action la fonction symbolique et analogique d'éveil de l'intuition spirituelle"3. Ce n'est pas l'histoire, même amplifiée d'Hiram, qui parle au maçon, mais bien son assassinat par trois compagnons qui, en partie à leur insu, vont ouvrir une nouvelle ère à la Connaissance. Les maçons, en chemin vers la maîtrise, vont intégrer que les secrets qui leur ont été et qui leur seront transmis ne leur appartiennent pas en propre, mais à la collectivité des frères à laquelle ils ont promis par serment de garder le secret. Ce secret ne pouvant être valablement transmis qu'à quelqu'un qui a été jugé digne de le recevoir par ses futurs pairs, par l'exemplarité de sa vie et la qualité de son travail. La légende prête à Hiram cette réponse significative : "Plutôt la mort que de dévoiler le secret qui m'a été confié". Outre le fait qu'Hiram ne veut courir le risque de perturber l'édification du grand œuvre en trahissant la tradition dont il est le gardien, cette parole a également une portée alchimique. Il faut que le blé tombé en terre meure pour que la transmutation puisse s'opérer. La racine phénicienne et sémitique d'Hiram signifie "Frère élevé" ou "lieu sacré et inviolable". Hiram n'a pas violé le secret maçonnique et s'est élevé parce qu'il s'est sacrifié au bénéfice d'une cause supérieure. Soupçonnés d'être eux-mêmes scélérats, les compagnons lors de leur initiation à la maîtrise, seront disculpés et reconnus matures, persévérants et dignes de recevoir un plus haut salaire. Mais ils auront à cœur de méditer sur cette tentation toujours possible pour l'homme de vouloir s'accaparer d'un non dû, par le détournement de l'usage des outils nécessaires à la construction. Si elle ne l'a pas inventé, la Franc-Maçonnerie exploite toute la richesse du symbolisme qui, contrairement à l'allégorie qui est l'illustration d'une idée abstraite par une image concrète, n'impose rien et ouvre des possibilités de conceptions illimitées. C'est pourquoi, selon Irène Mainguy, il est le langage initiatique par excellence, reliant le présent au passé et au futur4. Ainsi, dans la légende d'Hiram, le troisième compagnon en portant le coup fatal grâce à un maillet, L apport des textes fondateurs Reliures 23 détourne un outil de création en outil de destruction et de mort, mais permet aussi à Hiram de s'affranchir des plans matériel et psychique pour le faire accéder à la maîtrise spirituelle totale. Si le franc-maçon se réfère volontiers aux légendes et récits anciens, il privilégiera toujours l'approche morale, anagogique et ésotérique, à l'approche littérale, historique et allégorique. Le rituel, tellement important en Francmaçonnerie, n'est en réalité qu'un ensemble de symboles mis en action ; des symboles qui puisent leurs racines dans les anciens mythes et légendes mais qui, grâce à la ritualisation, quoique né de l'instant événementiel, le dépasse et l'affranchit des servitudes et du temps. Le maçon se réapproprie la richesse de la mythologie par le rituel qui lui indique et balise le chemin qu'il est invité à parcourir. g 1. Raoul Berteaux, La voie symbolique, Editions Edimaf, 1984, p. 6587. reL9001 Prix rel.: 17,10 e 2. Irène Mainguy, La symbolique maçonnique du troisième millénaire ; Editions Dervy, Paris, 2006, p. 370409. reL12278 Prix rel.: 20,39 e 3. Ibidem, p. 370 4. Ibidem, p. 44 à 51 Les sources chrétiennes de La Légende d'hiram Avec 1 Cédérom Philippe LAngLET Claude gAgnE (Préfacier) Dans cet ouvrage, l’auteur s'efforce d'étudier la légende à travers plus de cinquante versions différentes pour y trouver le fil conducteur, la trame unificatrice, en dehors de toute exclusive obédientielle ou rituelle. On découvrira un important corpus de textes de référence auquel se référer pour alimenter sa réflexion. Les études proposées ici s'efforcent de dégager la structure profonde de la légende sans refuser les sources chrétiennes. Philippe Langlet met en lumière un vaste tissu de textes religieux, faits d'emprunts bibliques directs mais aussi de réminiscences ou d'emprunts indirects. Dervy, 27,50 e reL14025 Prix rel.: 24,75 e Reliures 23 Automne-Hiver 2009 22