LE CIEL - Litterature audio.com
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R.P.F.W. FABER LE CIEL cela sera continuel et sans fatigue, se renouvelant sans cesse dans la joie d'une jeunesse inépuisable, avec des expansions d'intelligence et de cœur dont nos rêves les plus étranges et les plus hardis ne peuvent atteindre la magnificence. Tout d'abord, c'est une vie où le péché n'est plus possible. Qui d'entre nous ne se sent point fatigué, obsédé par les occasions faciles d'offenser Dieu ? Nous ne l'aimons que bien faiblement sans doute, mais c'est assez pour que nous éprouvions une peine positive à l'offenser. Même dans la bassesse de notre état présent, il y a quelque chose de singulièrement attrayant dans l'idée d'une vie d'impeccabilité. Combien plus si nous aimions comme les saints, et nous en sentirons quelque chose s'il plait à Dieu, avant de mourir. Songez aussi à toutes les peines de la vigilance que la vie spirituelle demande de nous; il n'en sera plus question: plus de malaise de conscience. Ce sera la joie de notre vie d'être assurés que tout ce que nous ferons ne sera qu'une douce musique et un culte gracieux aux yeux de Dieu. Ce n'est pas tout. Notre vie sera toute remplie d'une adoration facile, rendue plus facile encore par l'éternelle inondation des douceurs spirituelles. Ce que nous lisons de ces douceurs dans la vie des saints est merveilleux, et notre expérience n'en approche pas; mais, malgré cela, nous en avons eu de temps en temps quelques échappées: comment les avons nous trouvées ? Voyons, n'y allons point par quatre chemins. Sans exagération, je pense que la vie ne nous a jamais offert rien de meilleur; elles peuvent avoir été rares, passagères et de l'ordre le moins élevé ; mais , malgré cela, notre joie était ineffable. Eh bien, le ciel nous établira pour toujours dans une suavité semblable. Je me trompe. La dernière place du ciel, pour le dernier d'entre nous, sera une vie de douceurs spirituelles bien supérieures à ce que les saints les plus favorisés ont jamais éprouvé sur la terre. Ici-bas, nous avons besoin d'efforts pour prier; il nous est difficile de tenir nos pensées élevées à Dieu; mais, dans le ciel, il ne faut plus d'effort; nous jouirons de la plus délicieuse facilité dans les contemplations les plus sublimes et les plus extatiques, et les transports enthousiastes des artistes dans le feu de la composition ne sont qu'une misérable image de ces ravissements. Tout Pensez aussi à la paix du ciel. La paix! arrêtons-nous à ce mot, à ce rayon de miel. La paix !...la paix !... Quelle différence avec la vie présente, la vie de la terre! quelle différence même avec l'activité fatigante de la grâce ! Combien nous l'avons désiré toute notre vie ! et maintenant nous la désirerions presque, hélas ! plus que Dieu même. L'imagination a peine à se figurer une vie sans trouble et sans défiance, une vie sans passé à regretter, sans présent à supporter, sans avenir nuageux à regarder avec incertitude. Le sommeil du travailleur honnête et satisfait est une image de ce calme délicieux. La terre et la mer, les lacs et les forêts reposant aux rayons du midi, comme lassés de leurs parure du matin, voilà un emblème de notre repos céleste. Le silence des cieux étoilés à minuit et le sentiment inexprimable qu'ils nous inspirent peuvent nous aider à nous figurer cette paix profonde du bienheureux repos. Mais après tout, nulle autre paix ne peut lui être comparée, car c'est une participation à cette paix de Dieu qui surpasse tout entendement humain. Tout cela nous est-il destiné ? tout cela nous est-il possible ? Oui, tout cela et plus encore, tout cela plus intime et plus parfait : un océan de la paix la plus céleste et de joie mystérieuse qui nous invite à naviguer sur son sein dans des splendeurs éternelles... Oh ! quand ce serait là tout, quand il n'y aurait pas autre chose que cette paix, ne serait-ce pas une récompense plus que suffisante pour une longue vie de la pénitence la plus austère ? Puis, après la résurrection, il y a les plaisirs des sens. Qui peut dire les pouvoirs de jouir que posséderont les corps des justes glorifiés et ressuscités à la ressemblance de Jésus ! Dans ce monde, sous le domaine de la foi, les sens Page 1/3 paraissent plus forts que Dieu, parce que nous ne le voyons pas encore : ils conduisent les hommes par les chaines des passions. Les autres plaisirs, tant merveilleux soient-ils, n'exercent point une tyrannie pareille sur nos âmes, et le monde est constamment dans l`effervescence et l'ivresse des plaisirs sensuels. Et en effet ils sont exquis. Songez, par exemple, aux plaisirs de l'œil contemplant les beautés de la nature, quelque scène magnifique ou quelque merveille de l'art. Ou bien reportez-vous à ces moments où l'oreille se repaît avec passion des enchantements de la musique. Les heures se passent et l'on oublie le cours du temps ; le reste du monde s'est effacé, et l'âme se suspend au-dessus de ses abimes d'harmonie, et semble vouloir se détacher du corps pour se perdre à jamais dans leurs ondulations ; ou bien encore pensez à cette distraction paisible et délicieuse que l'odeur des fleurs ou des aromates nous fait éprouver quand, se glissant inaperçue, elle chasse les ennuis, rafraîchit l'âme abattue, et nous verse une nouvelle vie, un charme de douceur et d'amour. Tout cela se retrouvera au ciel, et s'y retrouvera sans interruption, dans des degrés qui surpassent infiniment tout ce qui est possible sur terre. Tout cela n'est que peu de chose sur la somme de jouissance du corps glorifié ; d'innombrables sources de nouveaux plaisirs, dont nous n'avons pas idée, s'ouvriront, toutes surpassant les joies de la terre, toutes dignes des extases du ciel et de la magnificence de Dieu. Non-seulement nous pourrons nous y livrer avec l'abandon sans réserve de l'innocence, mais nous irons bien plus loin, car tout en eux sera un nouvel exercice de la sainteté la plus sublime. Quelle féerie a jamais rêvé chose semblable ? cet immense amour est inconcevable ; les objets en seront mille fois centuplés, et cela sans que la multiplicité d'objets fasse autre chose qu'aviver l'intensité. Et considérez que tout cet océan d'affection s'épanchera constamment dans un courant immortel d'amour pur et sans tache, indiciblement heureux de son indicible sainteté. S'il nous fallait dire ce qui donne le plus de bonheur, d'aimer ou d'être aimé, nous serions en peine de répondre. Tous, nous avons soif d'amour ; toute notre nature s'épanouit sous son influence ; il change notre caractère, il transforme la plus profonde misère en bonheur, et la lâcheté en héroïsme. Notre capacité de recevoir de l'amour et d'en jouir semble illimitée, même dès ici-bas, quoique nos âmes soient si peu développées, nos cœurs si superficiels, nos vies si étroites, en comparaison de ce qu'ils seront un jour. Sûrement, dans le ciel, nos puissances ne seront point en défaut quand nous trouverons des océans d'amour où tous nos désirs seront satisfaits. Chacun des bienheureux nous aimera avec une puissance au delà de tout amour terrestre, et les bienheureux sont sans nombre. Les natures angéliques nous verseront aussi les torrents entlammés de cet immense amour que nous ne pouvons définir autrement, si ce n'est qu'il est plus profond, plus puissant et plus charmant que l'amour des hommes; et les légions de ces anges sont innombrables; et la Mère de Dieu..., qui peut penser au bonheur de l'amour sans tache qu'elle nous prodiguera ? Jamais une mère terrestre, dans la passion d'une tendresse sans bornes pour son fils unique, n'a prodigué à cet objet exclusif de ses affections un amour comme celui que la Mère de Jésus montrera à chacun des hommes rachetés. Oserai-je parler de l'adorable humanité de Jésus, et dire comment nous aurons part à cet amour dont autrefois jouissait saint Pierre sur les bords du lac de Génézareth, et saint Jean, lorsqu'il pouvait compter les battements du Sacré Cœur ? Nous n'avons pas de mesures pour un pareil bonheur. Et encore, tout cela mis ensemble, anges, saints, Coeur de Marie, Coeur humain de Jésus, tout cela est encore surpassé par un autre amour qui nous attend encore. Petits, finis, faibles encore, malgré notre nature glorifiée, nous verrons cependant couler en nous, de chacune des perfections du Tout-Puissant, de chacun des abîmes du Dieu de sainteté et de joie, des torrents intarissables de l'amour le plus enivrant, et nous serons là, vaincus, palpitants, sous la puissance de cette immense vie, respirant à peine et suspendant toutes les facultés de notre âme, en nous sentant transportés dans des régions inimaginables de lumière, ravis dans des extases de béatitude qui Mais la plus douce des joies terrestres, c'est l'amour, et la vie du ciel est une vie d'amour. L'amour, plus que toutes les autres passions humaines, a contrôlé les destinées du monde ; il a été, d'après l'histoire, le plus grand moteur naturel sur la terre ; et vraiment d'où vient ce qu'il y a de vif et de coloré dans la vie, même ici-bas, si ce n'est de l'amour ? Que serions-nous en ce moment si nous n'avions personne à aimer, combien tout nous deviendrait sombre jusqu'au moment où nos yeux pourront supporter la lumière de Dieu ! N'avoir pas Dieu à aimer... c'est l'enfer. Et bien, I'amour de tous les amants les plus passionnés sur la terre, réuni en un seul, ne peut égaler l'amour le plus calme de la dernière des âmes dans le ciel. L'éternité nons donnera de nouvelles facultés d'aimer, et ce sera d'un amour sans nom sur la terre, et dont nos diverses sortes d'amour, paternel, filial, conjugal ou fraternel, ne représentent que de faibles fractions, des élèments épars. La joie de Page 2/3 n'ont rien de semblable que la béatitude de Dieu même, éternellement absorbés dans l'éternel amour. immortel; infiniment variée sans rien perdre de la simplicité, incroyable extase, se retrouvant toujours, et à jamais, dans son premier étonnement! Le contentement du ciel, dans son imperturbable perfection, est un autre trait de cette vie. Toutes les joies, prises à part ou en masse, dépassent l'attente dans la satisfaction qu'elles procurent. Que notre nature soit agrandie ou fortifiée tant qu'elle pourra, chacune des joies la remplit jusqu'au bord. Et, cependant, il n'y a pas plus de satiété qu'il n'y a de besoin; c'est une faim délicieuse qui nous possède, et qui nous fait désirer, désirer, et désirer encore; mais c'est seulement ce qu'il y a de joyeux, de neuf et de vital dans la faim, sans qu'il y ait rien qui rappelle l'absence du nécessaire. Chaque joie semble, à tout moment, dépasser toute joie; mais le moment qui vient rapporte quelque autre excès, qui dépasse encore toute joie. Pour que l'immortalité même puisse supporter de si violentes émotions de bonheur, il ne faut rien moins qu'un miracle éternel. L'éternité !... c'est là le dernier trait de cette bienheureuse vie. L'éternité !..., est-ce un nom ? Est-ce une harmonie ? La pensée ne s'en représente qu'un rêve, même quand elle est le plus attentive. C'est un bonheur qui n'a pas de fin, parce qu'il sort du bonheur de celui qui n'a pas commencé. C'est une gloire. qui déborde toujours sans cesser d'être égale; immuable sans monotonie; récréante sans sortir de son calme Quelle vie ! Mais est-ce bien là le ciel ? Oui et non. Au moins, c'est la partie pauvre, la partie des accessoires. C'est le ciel sans le ciel, le ciel sans sa grande joie réelle, le ciel sans la béatifique vision de notre grand Dieu. Je n'ai pas même insisté sur les béatitudes de l'esprit, parce que la vision se fût présentée partout. Et, malgré cela, quelle vie que celle qui est offerte à nos esprits, même dans cette écorce inférieure et obscure du ciel ! Si nous la méditions jusqu'à nous la rendre familière, ne suffirait-elle pas pour nous attirer merveilleusement à Dieu, et pour exorciser plus d'un esprit de mondanité, qui est maintenant à se repaître tranquillement des mensonges de notre vie spirituelle ? Surtout, n'imprimerait-elle pas à notre âme une plus profonde horreur du péché, un esprit de pénitence intérieure plus véritable, un regret plus constant des lâchetés déplorables du passé ? Car, qui sont ceux qui ont atteint ce port de la céleste paix ? Ce sont ceux et ceux-là seulement qui, sur la terre, ont embrassé la Croix, et l'ont portée chaque jour, et qui ont ainsi, et toujours ainsi, suivi le Christ. *************************************** Page 3/3