Homélie de la Toussaint - Abbaye de la Fille-Dieu
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Homélie de la Toussaint - Abbaye de la Fille-Dieu
Toussaint 2016 Dieu nous a créés par amour et pour l’amour : c’est la loi fondamentale de tout ce que Dieu fait, Lui qui est amour par essence. Elle est inscrite au plus secret de tout cœur humain et vient de cet acte voulu de Dieu qui, à un moment précis de l’histoire, nous a permis de commencer à exister pour partager sa vie. Il peut arriver que l’acte d’un homme et d’une femme, papa et maman qui se donnent l’un à l’autre dans ce moment unique et sacré qui fait d’eux les collaborateurs de la vie à un degré éminent soit imparfait, que ce ne soit pas un véritable acte d’amour. Mais l’acte d’amour de Dieu, lui, est toujours pleinement là et ne se dément jamais. Lui, Il m’a voulu d’un amour éternel ! Ce que nous fêtons aujourd’hui est l’aboutissement radieux de ce point de départ. La vie terrestre est pour chacun de nous une aventure imprévisible, mais elle est marquée positivement par son origine surnaturelle. Ce que nous pouvons faire de mieux ici-bas, c’est de revenir sans cesse à cette source qui murmure en nous : « Viens vers le Père. » Durant notre pèlerinage, nous apprenons ce que nous aurons à faire durant l’éternité : aimer, et n’avoir rien d’autre à faire ! En théorie, ça pourrait paraître lassant, à la longue. Mais c’est là une vision tout humaine : d’ailleurs les vrais amoureux n’ont qu’une idée en tête : que ça dure. Les béatitudes sont à la fois l’affirmation tranquille de ce qui est pour nous, croyants, la réalité ultime des choses, et en même temps, la conscience douloureuse que la vie n’est pas une partie de plaisir. Les saints ont tous vécu, à la suite du Christ, ce déchirement entre ces deux parts de notre réalité qui ne se réconcilient pleinement que dans la gloire du ciel. Mais cela seul nous fait avancer sur ce chemin d’ombre et de lumière : sommes-nous capables de continuer à croire quand la nuit semble n’avoir pas de fin ? Gardons-nous l’espérance au-delà des moments de facilité ? Mère Teresa considérait que le doute est le moyen de découvrir le vrai visage de Dieu. Car Il ne vient pas d’abord –même s’il Lui arrive de le faire, tant il sait combien nous sommes faibles- pour consoler nos petits désespoirs et nos révoltes d’enfants gâtés. Dieu est l’amour parfait, il ne se révèle que dans l’amour, l’amour donné à fond perdu et sans retour. Face à toutes les douleurs du monde, il n’y a que deux chemins : le refus et la révolte, qui ne nous vaudront que des difficultés supplémentaires, ou l’acceptation patiente de l’amour, qui nous conduit plus près de Dieu. Il arrive ainsi que se révèlent, sans qu’on s’y attende, des trésors de dévouement et de solidarité, car il est vrai aussi que souvent nous en voulons à Dieu de ce qui nous arrive sans prendre nos responsabilités, comme nous voulons bien de la liberté, mais sans assumer les devoirs qui en découlent. Au final, nous savons bien que sans Dieu, la vie serait un enfer permanent ; avec Lui, la grâce existe et ce bonheur profond qu’elle nous offre. Même nos propres faiblesses ne nous abattent pas. Aux pires moments de l’histoire, il y a toujours eu des croyants qui n’ont pas capitulé. Après la mort de Jésus, les apôtres étaient anéantis. Mais il restait la Vierge sainte dans le silence de son cœur inébranlable, il y avait les saintes femmes et Joseph d’Arimathie, Marie-Madeleine la pécheresse convertie, tous ces simples gens qui sont allés audelà de ce qui était humainement possible. A ce moment de crise majeure où tout semblait sombrer, l’Amour veillait et se consumait en silence, comme une petite flamme ténue et têtue qui avait déjà bravé toutes les tempêtes. Nous pouvons encore faire nôtres les consignes que le Pape François vient de nous donner. Il demande : « Que faut-il faire pour être chétien ? Trois choses : prier, espérer et lutter de toutes ses forces contre la grande apostasie. » On a de fait parfois l’impression que l’acharnement contre tout ce qui est noble et beau finira pas avoir le dessus et que le mal aura gagné la bataille. Mais la foule des anges et des saints nous chante : « Ce n’est pas vrai, levez les yeux ! Ne baissez pas la garde contre tous ceux qui veulent gouverner le monde selon des principes mercantiles, égoïstes et féroces ! N’acceptez pas de laisser anéantir toute vie intérieure par un déferlement d’images et d’informations qui sont de véritables drogues ! » Alors nous saurons avec St Augustin que « celui qui veut trouver en lui-même la cause de sa joie sera triste, mais celui qui veut la trouver en Dieu sera toujours dans la joie, parce que Dieu est éternel. Veux-tu avoir une joie éternelle ? Adhère à Celui qui est éternel. »