Note FNTR relative à l`action directe en paiement

Transcription

Note FNTR relative à l`action directe en paiement
Note relative à l’action directe en paiement du transporteur
1) Contexte et cadre juridique
Pour remédier à des situations de non-paiement des créances de transporteurs par certains de leurs
clients et garantir la protection des intérêts économiques des transports, la loi n° 98-69 du 6 février
1998, dite "Loi Gayssot", est intervenue. Ces dispositions législatives ont eu pour objectif la mise en
place d’un dispositif destiné à garantir aux transporteurs le règlement de leurs créances.
Ce dispositif est dénommé «action directe en paiement». Il est visé à l'article 10 de cette loi, et est
intégré à l’article L.132-8 du Code de commerce. La règle de l’action directe en paiement est réservé
au bénéfice des transporteurs et revêt un caractère d’ordre public : cela signifie qu’il n’est pas possible
de l’écarter par quelque stipulation contractuelle que ce soit.
2) Le principe
L’article L132-8 du Code de commerce est rédigé dans les termes suivants : «La lettre de voiture
forme un contrat entre l'expéditeur, le voiturier et le destinataire ou entre l'expéditeur, le destinataire,
le commissionnaire et le voiturier. Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses
prestations à l'encontre de l'expéditeur et du destinataire, lesquels sont garants du paiement du prix
du transport. Toute clause contraire est réputée non écrite».
Ce texte permet aux transporteurs de solliciter le paiement des frais de à l'expéditeur ou au
destinataire en cas de défaillance de paiement de l'un d'eux. L'expéditeur et le destinataire sont tous
deux garants du prix du transport.
C’est avant tout la défaillance du débiteur principal qui permet d’engager l’action directe du
transporteur contre les autres personnes parties au contrat de transport. Cette action peut être mise
en œuvre à l’encontre de la personne qui n’a pas conclu elle-même le contrat de transport, soit
l’expéditeur, soit le destinataire.
Outre son application dans le cadre des contrats de transport conclus directement, l’action directe a
également vocation à recevoir application dans les rapports de sous-traitance.
3) Mise en œuvre concrète
a- Quand agir ?
L’élément déclencheur de l’action directe réside dans la défaillance du débiteur principal. Celle-ci peut
résulter :
- du non-paiement de la dette après mise en demeure de payer. Le transporteur impayé doit en
premier lieu effectuer une relance du client une fois le terme de la créance échu, puis, en cas d’échec
de la relance, mettre en demeure son client par lettre recommandée avec accusé de réception. En
l’absence de réponse, l’action directe peut être engagée.
- du dépôt de bilan : il s’agit de la défaillance fondamentale justifiant l’action directe.
Dans le cas de l’ouverture d’une procédure judiciaire à l’encontre du client, si aucune obligation
législative ou procédurale n’est faite au transporteur de produire sa créance, une telle production est
recommandée à un double titre :
- D’une part, même si, de par l’action directe dont il bénéficie, le transporteur profite d’un droit propre
exclusif et n’a pas à déclarer sa créance au passif de la procédure dans les 2 mois de la publication
du jugement ouvrant la procédure collective, cette déclaration permet une reconnaissance formelle de
l’existence de sa créance. Celle-ci ne peut donc pas s’éteindre automatiquement (ce qui constitue un
risque lorsqu’un créancier n’agit pas suffisamment rapidement pour faire valoir ses droits).
- D’autre part, cette démarche permet, par le mécanisme juridique de la subrogation, à celui qui a
réglé la créance du transporteur de prendre son rang (la place du transporteur créancier) dans la
procédure collective.
Le créancier qui déclare sa créance au mandataire judiciaire dans les 2 mois de l’ouverture de la
procédure de redressement judiciaire doit joindre une copie de l’ensemble des pièces justificatives, le
tout par lettre recommandée avec accusé de réception.
Il convient d’ajouter que si le transporteur décide d’engager une action directe, il est préférable de
prévenir l’administration ou le mandataire judiciaire (anciennement appelé représentant des
créanciers).
b- Contre qui agir : identifier l’expéditeur ou le destinataire
En pratique, ce n’est pas chose facile (plate-forme, expéditeurs et destinataires multiples, lettres de
voiture illisibles ou inexistantes). A ce jour, la question n’est pas tranchée. Trois courants s’opposent
(la première option étant privilégiée par la jurisprudence):
- La théorie de l’apparence selon laquelle seules les mentions figurant sur la lettre de voiture doivent
être prises en compte.
- La théorie de l’expéditeur ou du destinataire réel selon laquelle on ne s’attache pas nécessairement
aux mentions indiquant les lieux de chargement ou de déchargement.
- Les mentions du contrat-type selon lequel le destinataire est celui à qui la marchandise est
physiquement remise ou son représentant qui accepte la marchandise.
Cette question n’est pas neutre car elle conditionne une partie de l’efficacité de l’action directe. Plus
particulièrement, la Cour de cassation a récemment considéré que la qualité de remettant de la
marchandise n’emportait pas obligatoirement la qualité d’expéditeur et qu’il appartenait dans ce cas
au transporteur de prouver la qualité de d’expéditeur au regard des mentions de la lettre de voiture et
des circonstances de faits.
c- Délai de prescription de l’action directe en paiement
La prescription d’un droit signifie que ce droit arrive à expiration, et qu’il n’est donc plus possible de
l’invoquer. En matière de droit d’agir en justice, la prescription renvoie à la date à partir de laquelle il
n’est plus possible d’engager une action en justice pour défendre ses intérêts.
En l’espèce, s’agissant de l’action directe en paiement, le transporteur dispose d’un délai d’un an pour
introduire son action en paiement contre l’expéditeur et/ou le destinataire. Au-delà de ce délai, toute
action sera déclarée irrecevable.
Il existe cependant des cas dans lesquelles la prescription est interrompue : une action en justice peut
donc être engagée au-delà du délai initialement prévue (en l’espèce, un an).
En cas de procédure collective subie par l’expéditeur, la déclaration de créances vaut action en
justice et interrompt le cours de la prescription. L’action directe peut donc être engagée au-delà d’un
délai d’un an.
En revanche, en cas de procédure collective subie par le destinataire, la prescription n’est pas
interrompue par une déclaration de créances. Autrement dit, il n’est pas possible d’engager une action
directe plus d’un an après la livraison de la marchandise
Il importe de noter un point important : l’injonction de payer adressée au client n’interrompt pas le délai
de prescription de l’action directe en paiement.
Le délai de l’action portant sur les frais de transport commence en principe à courir à compter du jour
de la remise de la marchandise au destinataire.
d- Portée de l’action directe en paiement et causes d’exonération
La portée du mécanisme de l’action directe peut varier en fonction des prises de positions du
législateur (s’agissant du champ d’application du dispositif législatif) et de la jurisprudence (s’agissant
de l’interprétation des causes d’exonération).
Le législateur entend parfois restreindre le champ d’application de l’action directe en paiement. Tel est
le cas dans le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs. Ce
texte prévoit la remise en cause pure et simple de l’action directe en paiement si le destinataire de la
marchandise est un particulier
L’article 8 du texte législatif, dont l’entrée en vigueur est prévue dans le courant de l’année 2012,
énonce : «par dérogation à l'article L. 132-8 du code de commerce, l'action directe en paiement du
voiturier ne peut être exercée à l'encontre du consommateur lorsque le transport de marchandises est
consécutif à un contrat de vente à distance mentionné à l'article L. 121-16».
Le dispositif limite donc le champ d’application de l’action directe, notamment dans les ventes à
distance, lesquelles prendront pourtant davantage d’ampleur à l'avenir en raison du développement
du e-commerce.
Les causes d’exonération de paiement sont stratégiques et révèlent le rapport de force contractuel
entre chargeur donneur d’ordre et transporteur sous-traitant.
Les chargeurs, commissionnaires, donneur d’ordre essaient tous les arguments juridiques pour
s’exonérer totalement ou partiellement du paiement. A ce titre, la Cour de cassation tend parfois à
restreindre la portée et l’efficacité de l’action directe.
Elle a ainsi précisé que seul le sous-traitant qui a connaissance d’une interdiction de sous-traitance
n’a pas la possibilité d’invoquer l’action directe. La connaissance d’une telle interdiction s’avère
néanmoins, en pratique, rare.
En outre, la Cour de cassation a également récemment considéré que l’action directe ne pouvait pas
être exercée par le transporteur dans l’hypothèse où l’expéditeur a interdit à son co-contractant toute
substitution de transporteurs.