Action directe en paiement du transporteur Article L.132-8

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Action directe en paiement du transporteur Article L.132-8
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LOGISTIQUE TRANSPORT
Septembre 2008
Action directe en paiement du transporteur
Article L.132-8 du code de commerce
L’article L 132-8 du Code de commerce dispose : « La lettre de voiture forme un contrat entre l’expéditeur, le
voiturier et le destinataire ou entre l’expéditeur, le destinataire, le commissionnaire et le voiturier. Le voiturier
a ainsi une action directe en paiement de ses prestations à l’encontre de l’expéditeur et du destinataire,
lesquels sont garants du paiement du prix du transport. Toute clause contraire est réputée non écrite ».
Cette disposition ouvre au profit du transporteur routier impayé de ses prestations de transport par son
donneur d’ordre une action directe en paiement contre le destinataire ou l’expéditeur de la marchandise. En
certaines hypothèses, elle peut conduire à un double paiement de la même prestation (cf infra).
L’objectif du présent document est d’une part, d’établir un état des lieux de la situation (juridique et pratique)
et d’autre part, de présenter des pistes de réflexions pour se prémunir contre les conséquences de l’article
L .132-8 du code de commerce.
Ce document ne saurait engager la responsabilité de ses auteurs, notamment en raison de possibles
évolutions de l’encadrement législatif et de la jurisprudence des tribunaux français.
Sommaire
Ø Situations les plus fréquentes
Ø Cadre légal de l’action directe en paiement
Ø Comment agir face à une procédure d’action directe en paiement ?
Ø Comment se prémunir contre les actions en paiement ?
Situations les plus fréquentes
1ere situation (la vente franco) : Le donneur d’ordre est le vendeur, il agit en tant qu’expéditeur de la
marchandise. Il négocie la prestation de transport avec un commissionnaire ou un transporteur « principal »
qui sous-traite à un autre transporteur. En cas de défaillance du commissionnaire ou du transporteur
« principal », le transporteur « sous-traitant » actionne le destinataire et/ou l’expéditeur en paiement du prix
du transport qu’il a effectué.
• Si l’action est dirigée contre l’expéditeur et que celui-ci a déjà payé le commissionnaire ou le transporteur
« principal » il sera amené à payer une seconde fois le prix du transport entre les mains du transporteur
sous-traitant.
• Si l’action est dirigée contre le destinataire celui-ci a déjà payé le transport en payant son fournisseur
mais sera donc amené à payer une seconde fois ce transport entre les mains du transporteur sous traitant.
VENDEUR / EXPEDITEUR
Donneur d’ordre
COMMISSIONNAIRE
TRANSPORTEUR « PRINCIPAL »
TRANSPORTEUR « SOUS-TRAITANT »
Voiturier
DESTINATAIRE
2e situation (la vente départ) : Le donneur d’ordre est l’acheteur, destinataire de la marchandise. Il négocie
le transport avec un commissionnaire ou un transporteur « principal » qui sous-traite avec un autre
transporteur. En cas de défaillance du commissionnaire ou du transporteur « principal », le transporteur
« sous-traitant » actionne le destinataire et/ou « l’expéditeur » (ici le vendeur, alors même qu’il n’est qu’un
simple remettant de la marchandise) en paiement du prix du transport qu’il a effectué.
• Si l’action est dirigée contre le destinataire et que celui-ci a déjà payé le commissionnaire ou le
transporteur « principal » il sera amené à payer une seconde fois le prix du transport entre les mains du
sous-traitant.
• Si l’action est dirigée contre l’expéditeur celui-ci sera amené à payer ce transport entre les mains du
transporteur sous traitant même si l’acheteur a déjà payé le commissionnaire ou le transporteur « principal ».
ACHETEUR / DESTINATAIRE
Donneur d’ordre
COMMISSIONNAIRE
TRANSPORTEUR PRINCIPAL
TRANSPORTEUR « SOUS-TRAITANT »
Voiturier
VENDEUR « EXPEDITEUR »
Simple remettant
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3e situation : Le donneur d’ordre, vendeur ou acheteur, fait l’objet d’une défaillance, indépendamment de
l’intervention d’un commissionnaire ou d’un transporteur principal.
• Si le donneur d’ordre est le vendeur, le transporteur peut alors diriger son action contre l’acheteur, destinataire
de la marchandise. Ce dernier a déjà payé le transport en payant son fournisseur (vente franco) mais sera donc
amené à payer une seconde fois ce transport entre les mains du transporteur.
• Si le donneur d’ordre est l’acheteur, le transporteur peut alors se diriger contre le vendeur, alors même qu’il
n’est qu’un simple remettant de la marchandise. Ce dernier sera amené à payer le transport entre les mains du
transporteur.
VENDEUR / EXPEDITEUR
ACHETEUR / DESTINATAIRE
Donneur d’ordre
Donneur d’ordre
TRANSPORTEUR
TRANSPORTEUR
ACHETEUR / DESTINATAIRE
VENDEUR
Simple remettant
Légende :
: Contrat de transport ou de sous-traitance
: Action directe en paiement
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Cadre légal de l’action directe en paiement
Selon la théorie générale en droit civil, l’action directe permet à un créancier de poursuivre directement, en son
nom et pour son propre compte, le débiteur de son débiteur.
L’action directe de l’article L. 132-8 du code de commerce obéit quant à elle à un régime complètement autonome
dans la mesure où le voiturier a une action directe envers le destinataire et/ou l’expéditeur, ces derniers pouvant :
- soit ne pas être débiteurs du débiteur du transporteur (cas du destinataire actionné en cas de vente départ),
-
soit ne plus être débiteurs du débiteur du transporteur (cas du donneur d’ordre actionné ayant déjà payé le
commissionnaire ou le transporteur principal).
L’action directe peut être exercée sans intervention judiciaire ; une simple mise en demeure de payer est
nécessaire et suffisante. Cependant, le recours au juge sera nécessaire si le débiteur ne s’exécute pas ou bien
conteste l’existence ou l’étendue de l’obligation. Au titre de l’article L 132-8 c.com, l’action directe est ouverte
envers les garants du prix. Elle est donc plus large, car le destinataire n’est pas forcément le débiteur du
commissionnaire.
L’action directe dont dispose le voiturier est spéciale, car seuls le destinataire et l’expéditeur peuvent faire l’objet
d’une demande en paiement en tant que garants du paiement des prestations de transport.
Cette disposition est d’ordre public et donc aucune voie contractuelle ne saurait remettre en cause cette qualité
de garant de droit. Le voiturier peut donc agir à l’encontre des deux garants, de manière conjointe ou non.
Son choix d’action envers l’un ou l’autre ou les deux est purement discrétionnaire.
Dans un arrêt du 4 février 2003 la cour de cassation a censuré un arrêt d’une cour d’appel qui avait rejeté l’action
directe du transporteur envers le destinataire au motif que le commissionnaire avait déjà été payé par
l’expéditeur. Le paiement du commissionnaire par le destinataire ou l’expéditeur n’est pas libératoire.
C’est d’ailleurs la source même du double paiement de la prestation. Seul le paiement du voiturier par l’une des
parties au contrat (expéditeur, destinataire ou commissionnaire) est libératoire.
Le voiturier ne peut revendiquer au titre de l’action directe que le prix du transport. Il ne peut revendiquer plus
que sa propre prestation de transporteur, qui doit être individualisée sur sa facture. Ainsi, les prestations autres
que le transport ne doivent pas être honorées par le garant actionné. Par exemple, les prestations de chargement
ou de déchargement, celles d’organisation du transport, qui doivent toutes, le cas échéant, être individualisées
sur la facture, ne peuvent faire l’objet d’un paiement par le garant.
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Comment agir face à une procédure d’action en paiement ?
Une action en paiement ne doit jamais être honorée sans certaines vérifications. L’action directe du transporteur
ne légitime pas toutes les demandes. Seules les créances licites, certaines et exigibles doivent être payées.
Plusieurs points doivent faire l’objet d’une étude approfondie avant de faire droit à la demande.
I. Prescription de l’action
è Face à une demande en paiement, la première démarche doit être d’examiner les délais.
Au titre de l’alinéa 2 de l’article L 133-6 du code de commerce « toutes les autres actions auxquelles ce contrat
peut donner lieu, tant contre le voiturier ou le commissionnaire que contre l’expéditeur ou le destinataire, aussi
bien celles qui naissent des dispositions de l’article 1269 du nouveau code de procédure civile, sont prescrites
dans le délai d’un an ».
Le délai de prescription d’un an court à partir de la date de livraison des marchandises. Le point de départ
du délai ne doit pas être confondu avec la date de facturation des marchandises.
Toute demande en paiement d’une créance en matière de transport datant de plus d’un an est prescrite et
donc la créance est éteinte.
La prescription n’est interrompue que par une assignation. En aucun cas ni une simple mise en demeure par
lettre même recommandée avec accusé de réception, ni une injonction de payer, n’interrompent cette
prescription. Une fois le délai d’un an passé, et en l’absence d’assignation, alors la créance sera éteinte.
Dans le cas où durant le délai d’un an, le créancier vous saisit au moyen d’une assignation en paiement,
examinez attentivement la date de la créance revendiquée. Si la créance est vieille de plus d’un an, alors vous
pourrez demander au juge de prononcer la prescription de l’action.
Si le voiturier déclare sa créance au passif de l’un des débiteurs du prix de transport, la prescription d’un an à
l’encontre des garants est alors interrompue (CA Paris, 5e ch. A, 26 septembre 2007 n°05/15118).
è Toute créance sur la base d’une lettre de voiture de plus d’un an est éteinte, sauf si dans le délai d’un
an vous avez été saisi par voie judiciaire (assignation).
Il est possible que le créancier invoque, au titre de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, une prescription de
30 ans. En matière de transport routier, les textes spéciaux sont ceux du code de commerce. L’action directe accordée par le
livre premier du code de commerce n’est pas soumise au délai de droit commun de 30 ans mais bien au régime de L 133-6
alinéa 2 du code de commerce.
II. Preuve de la validité de la créance
è A la réception d’une demande en paiement, vous devez impérativement vous assurer de la validité de la
créance.
1 - Assurez-vous qu’avant de vous saisir sur la base de l’article L 132-8 du code de commerce le voiturier/créancier a
adressé sa facture à son débiteur et que celui-ci s’est révélé défaillant à l’issue du délai de paiement. Le voiturier doit
pour cela adresser au débiteur défaillant une mise en demeure de payer suite à l’échéance de la facture.
2 - Exigez du voiturier/créancier qu’il fournisse la preuve (copie de la lettre de mise en demeure) de la
défaillance en paiement du débiteur initial et le motif du non-paiement.
3 - Demandez sur quel fondement le voiturier/créancier engage son action (garantie en paiement de l’article
L 132-8 du code de commerce ou loi du 31 Décembre 1975 sur la sous-traitance).
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4 - Si le transporteur ou le cabinet de recouvrement formule sa demande sur le fondement de l’article
L132-8 du code de commerce, vous demanderez à ce que cette demande vous soit adressée par lettre
recommandée avec avis de réception.
5 - Demandez au voiturier/créancier d’apporter la preuve (justificatifs) qu’il a bien exécuté la prestation
pour laquelle il cherche à se faire payer et qu’il justifie le montant de la créance réclamée.
Pour cela exigez :
-
la copie de la mise en demeure visée au 1 ci-dessus (s’il ne l’a pas déjà fait) et la copie de l’accusé
réception
-
la lettre de voiture signée, et le cas échéant tout autre document établissant le transport effectué
(document de suivi, CMR, feuille de route…).
Faire attention, notamment dans les ventes départs, aux noms qui sont portés sur la lettre de voiture
particulièrement dans les cases « donneur d’ordre » ou « expéditeur ». En effet, nous attirons
l’attention des remettants sur le fait que la lettre de voiture est un document contractuel et le fait
d’apparaître seul sur un tel document l’assimile à un expéditeur. Il est fortement conseillé de faire
figurer sur la lettre de voiture dans la case expéditeur : « la société …. (remettant) agissant en tant
que mandataire pour le compte de la société … … (donneur d’ordre) ».
-
-
la copie de la facture d’origine certifiée conforme soit par un commissaire aux comptes, soit par un
expert-comptable, ou un centre de gestion agrée afin de vérifier le montant exact et la réalité de la facture
et le certificat de non-paiement.
-
vérifier que le terme de la créance est bien échu
-
en cas de facture globale, exiger du transporteur qu’il individualise la créance qu’il réclame
6 – Assurez-vous que le transporteur ne cherche pas à se faire payer 2 fois pour une seule et même
créance en engageant des actions similaires auprès des autres maillons de la chaîne.
Demander au transporteur d’indiquer dans ses différents courriers s’il a actionné d’autres personnes et si oui,
leurs noms.
Nous vous conseillons de prendre contact avec l’autre partie au contrat, figurant sur la lettre de voiture.
7 - Ne signez pas de reconnaissance de dettes ou de documents qui pourraient corroborer les dires du
créancier et ne versez aucun acompte provisionnel avant d’avoir procédé à toutes les vérifications ci
dessus.
8 - Gardez une trace écrite de toute cette procédure
III. Après paiement
Si au vu des éléments apportés par le créancier, vous décidez d'honorer la créance, vous devez exiger :
-
une facture à votre identité
-
une quittance subrogative.
Dans l'hypothèse où la défaillance du débiteur principal est due à une mise en liquidation judiciaire, vous devez
déclarer votre créance au plus tôt.
L'article L 132-8 du code de commerce qualifie l'expéditeur et le destinataire de garant, on peut s'interroger sur la
nature de cette garantie. Si vous êtes entre commerçants la solidarité étant de droit, une action envers l'autre
partie sur la base de la subrogation légale afin de répartir le montant de la créance est possible. De même, si le
cocontractant défaillant est solvable, une action à son encontre est conseillée.
Si le débiteur principal a été déclaré en cessation des paiements, la créance doit être présentée dans un délai de
2 mois auprès du représentant des créanciers. Le délai de déclaration débute à la date du jugement d’ouverture.
Dans l’hypothèse où ce délai est écoulé, il est possible, dans un délai d’un an, de demander auprès du
représentant des créanciers un relevé de forclusion dans les conditions de l’article L 621-46 alinéa 2. Ce
deuxième délai débute de même à la date d’ouverture de la procédure. Si les deux délais sont épuisés la créance
est éteinte.
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Comment se prémunir contre les actions en paiement ?
Certaines actions préventives sont possibles, cependant il n’existe aucune certitude d’une totale immunité contre
une action en paiement au titre de l’article L 132-8 du code de commerce qui conduirait à un double paiement.
I. Limiter ou supprimer les relations de sous-traitance
è Vous pouvez demander aux prestataires de transport avec lesquels vous entretenez des relations suivies de
souscrire auprès d’un établissement financier une garantie à première demande destinée à vous couvrir contre le
double paiement à votre profit ou au profit d’un tiers désigné (par exemple leur client ou fournisseur en cas de
vente franco).
Modèles de clause de sous-traitance autorisée avec souscription de garantie à première demande :
L’exécution des transports objet du présent contrat est réalisée par « le prestataire »1) avec ses moyens propres ;
elle peut aussi être confiée à toute autre entreprise de transport dont « le prestataire » se porte garant.
« Le prestataire » souscrit auprès d’un établissement financier, en faveur « du client »2 ou de tout autre
bénéficiaire désigné par ce dernier, une garantie (caution) bancaire destinée à le couvrir de la mise en œuvre de
l’article L 132-8 du code de commerce.
En vertu de cette garantie l’établissement financier devra s’engager, à première demande « du client » et en
renonçant au bénéfice de division et de discussion , à lui verser ou à verser à tout autre tiers bénéficiaire, dans la
limite de ………milliers d’euros, les sommes correspondant aux prestations de transport exécutées par le(s) sous
traitant(s) dont ce(s) dernier(s) demande le paiement en application de l’article L 132-8 du code de commerce.
1)
2)
indiquer la raison sociale du transporteur
indiquer la raison sociale du donneur d’ordre/du chargeur
Le refus des organismes bancaires de garantir une entreprise peut être un indice sur la faiblesse de la capacité
financière ou de la santé de l’entreprise.
è Vous pouvez également insérer dans le contrat de transport une clause d’interdiction de sous-traitance, même
si sa portée reste très limitée car la jurisprudence a considérablement restreint sont champ d’application (Cass.
Com. 13 juin 2006 n°05-16.921) : « Ne peut être opposée au transporteur substitué exerçant l’action directe
contre l’expéditeur que l’interdiction de substitution dont ce voiturier a eu ou aurait dû avoir connaissance ».
Modèle de clause d’interdiction de sous-traitance :
L’exécution des transports objet du présent contrat est exclusivement réalisée par « le prestataire » avec ses
moyens propres et ne peut en aucune façon être sous traitée.
Sans préjudice d’éventuels dommages et intérêts la méconnaissance par « le prestataire » de cet élément
substantiel du contrat constitue une cause de rupture immédiate du contrat dont « le client » peut se prévaloir.
II. Encadrement du paiement du prix du transport
è Dans la relation contractuelle initiale organisant le transport, il est conventionnellement possible de
subordonner le paiement du commissionnaire à celui du voiturier; l’effet libératoire du paiement du voiturier
interdisant par la suite toute action directe au titre de l’article L 132-8 du code de commerce.
è Une autre formule peut être le paiement direct du voiturier par l’expéditeur ou le destinataire. Là encore l’effet
libératoire du paiement du voiturier interdit tout recours à l’article L 132-8 du code de commerce.
Remarque : En cas de procédure judiciaire il convient en outre de savoir que quelques décisions de justice ont
opposé à des transporteurs des fautes qu’ils ont commises dans la façon de gérer leurs créances ; les dommages
et intérêts auxquels ils ont été condamnés venant compenser la somme que l’expéditeur ou le destinataire a été
condamné à leur payer en application de l’action directe.
On peut considérer que le fait pour un transporteur de convenir de délais de paiement supérieurs à 30 jours, de
ne pas réagir en cas de retard de paiement, de continuer à travailler pour le compte d’un commissionnaire qui
accuse de réguliers retards de paiement constituent des fautes qui alimentent son propre préjudice.
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III. Qualification juridique de l’expéditeur et du destinataire
Les mentions portées sur la lettre de voiture ont une importance capitale au regard de la qualification juridique
des parties au contrat de transport. Les qualités d’expéditeur et de destinataire ne sont pas attachées à la
propriété des biens transportés.
Dans une série d’arrêts rendus le 22 janvier 2008 la cour de cassation ne prive pas celui qui apparaît en qualité
de destinataire ou d’expéditeur sur la lettre de voiture, ou celui qui en l’absence de lettre de voiture accepte la
marchandise, de préciser qu’il agit pour le compte d’un tiers et d’échapper ainsi à l’action directe en paiement.
Les enseignements à tirer de ces décisions sont les suivants :
Ø Celui qui figure en qualité de destinataire sur le document de transport et qui accepte la marchandise sans y
préciser qu’il opère pour un tiers est garant du prix du transport. La solution est la même en l’absence de lettre de
voiture pour celui qui prend livraison de la marchandise sans préciser qu’il opère pour un tiers.
Ø A l’inverse le fait pour celui qui se présente en apparence comme destinataire de préciser qu’il prend
livraison de la marchandise pour le compte d’un tiers n’est pas garant du prix du transport. Il convient nous
semble- t’il de transposer cette approche pour celui qui se présente en apparence comme l’expéditeur auquel la
possibilité doit être accordée de préciser qu’il agit pour le compte d’un tiers.
Ø Celui qui figure en qualité d’expéditeur sur le document de transport et qui reçoit la facture est garant du
paiement du prix du transport.
Indiquez sur la lettre de voiture la mention « la société … (simple remettant ou destinataire « apparent »)
agissant en tant que mandataire pour le compte de la société (donneur d’ordre) »
IV. Transport international
Les dispositions de l’article L 132-8 du code de commerce sont d’ordre public. A ce titre, elles s’appliquent d’office
à tout contrat de transport soumis au droit français. Cette application du droit français peut résulter de la
localisation du contrat et de son exécution (transport national et transport de cabotage). Elle peut résulter aussi
du choix des parties de soumettre un contrat de transport international au droit français.
Quelle que soit la nationalité des parties un contrat de transport routier est qualifié d’international quand les lieux
de chargement ou de déchargement se situent dans deux pays différents. Le contrat de transport international est
soumise à la convention dite CMR mais demeure soumis au droit national pour les aspects qu’elle n’aborde pas ;
c’est précisément le cas de l’action directe en paiement qui trouvera matière à s’appliquer si la preuve est
apportée que le droit français s’applique.
L’article 3 de la convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles pose le
principe du libre choix du droit applicable au contrat par les parties. Ces dernières peuvent donc envisager de
soumettre le contrat à un droit autre que le droit français.
Le principe de libre choix du droit applicable est suivi d’une série de présomption dans le cadre d’un silence des
parties. Il est possible que face à un contrat international, les parties n’aient pas envisagé le choix du contrat.
L’article 4 met en place des présomptions afin de déterminer dans le silence des parties, quel droit régira le
contrat. L’article 4-1 de la convention de Rome dispose qu’en telle hypothèse le contrat est régi par le droit du
pays avec lequel il a les liens les plus étroits. En matière de contrat de transport, l’article 4-4 précise deux
présomptions d’étroitesse des liens.
Ø La première présomption repose sur la localisation des opérations de chargement ou de déchargement. En
l’espèce, le pays qui a les liens les plus étroits est celui, au moment de la conclusion du contrat, dans lequel :
- le transporteur a son établissement principal,
- et les opérations de chargement ou de déchargement sont effectuées.
Ø La seconde hypothèse repose sur la localisation des établissements principaux du transporteur et de
l’expéditeur. Le pays qui a les liens les plus étroits est celui, au moment de la conclusion du contrat, dans
lequel le transporteur et l’expéditeur ont leurs établissements principaux.
Dès lors, en l’absence de choix des parties le contrat de transport peut être soumis au droit français, dès lors
qu’en ces hypothèses, le territoire français se présentera comme ayant un lien étroit avec le contrat.
A ce titre, toute sous-traitance par un transporteur français laisse la possibilité à ce dernier d’user de l’article L
132-8 du code de commerce. De même, le juge pourrait conclure à une fraude à la loi dans le cadre d’une
internationalisation de complaisance.
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Dans le cadre d’un contrat de transport international, il est opportun de ne pas mentionner le droit français
comme droit applicable. En effet, une telle mention rendrait de facto applicable l’article L 132-8 du code de
commerce.
V. Choix du cocontractant
La cause principale des actions en paiement réside dans la défaillance de l’organisateur du transport. Il peut
s’agir de commissionnaire de droit ou de fait (en cas de sous-traitance en cascade). Il est possible dans une
certaine mesure de se renseigner sur la solvabilité d’un futur cocontractant auprès des directions régionales de
l’équipement en consultant le registre des transporteurs.
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