Projet de loi C-38, partie trois Questions et réponses concernant les

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Projet de loi C-38, partie trois Questions et réponses concernant les
Projet de loi C-38, partie trois
Questions et réponses concernant les modifications proposées aux
dispositions législatives sur l'environnement
Introduction
L'Assemblée des Premières Nations (APN) est le corps représentatif de plus de 630
Premières Nations au Canada. Son mandat l'amène à consacrer notamment son
énergie à rallier les communautés des Premières Nations et leurs partenaires
gouvernementaux pour promouvoir de vastes engagements sur des initiatives
susceptibles d'influer sur les droits et les compétences des Premières Nations. C'est
ainsi que l'APN exerce une surveillance active sur les politiques, les règlements et les
lois qui, d'une manière ou d'une autre, pourraient influer sur les droits reconnus (droits
ancestraux et droits issus des traités) des Premières Nations et, éventuellement, leur
porter atteinte. À ce titre, l'APN porte un très grand intérêt aux modifications que
proposent le projet de loi C-38, Loi sur l'emploi, la croissance et la prospérité durable
(LECPD).
Le projet de loi C-38 est un projet de loi omnibus qui ratisse large en proposant
d'apporter des modifications à quelque 70 lois fédérales. La partie 3 du projet de loi,
sous le titre « Développement responsable des ressources », modifie diverses
dispositions législatives sur l'environnement et cela aura pour effet de transformer
fondamentalement le régime réglementaire environnemental au Canada. En particulier,
la partie 3 proposes d'apporter des modifications aux lois suivantes : Loi sur les pêches
(LP), Loi sur l'Office national de l'énergie (LONE) et Loi sur les espèces en péril (LEP).
Elle propose également d'abroger la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale
(la LCEE) et de la remplacer par une nouvelle loi appelée LCEE 2012.
Depuis le dépôt du projet de loi C-38, l'APN a demandé au gouvernement du Canada
de s'engager à consulter les titulaires de droits des Premières Nations. Le Chef national
Shawn A-in-chut Atleo a fait part de cette demande au sous-comité sur le projet de loi
C-38 (partie 3) du Comité permanent des finances tandis que le Chef régional Morley
Watson l'a réitéré auprès du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de
l'environnement et des ressources naturelles. L'APN recommande que le gouvernement
retire la partie 3 du projet de loi C-38 et engage une franche consultation avec les
Premières Nations avant de modifier les dispositions législatives concernant
l'environnement.
Les questions et réponses qui suivent sont basées sur l'analyse que l'APN a faite du
projet de loi C-38 et font état des préoccupations que suscite la partie 3 du projet de loi
ainsi que des conséquences attendues de celle-ci.
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Questions et réponses
Q : Est-ce que l'APN croit que le projet de loi C-38 soutiendra la croissance
économique?
R : Les Premières Nations soutiennent le développement responsable et durable qui
protège l'intégrité à long terme de l'environnement. L'APN soutient pour sa part les
modifications législatives qui procurent emplois et prospérité aux communautés de
Premières Nations; toutefois, le projet de loi C-38 n'est pas un projet favorable à la
croissance et il est probable qu'il aura des conséquences non souhaitées qui, au
contraire, nuiront au développement économique.
Le gouvernement n'a pas pris le temps de consulter les Premières Nations au sujet
du projet de loi C-38. Une telle précipitation pour aller de l'avant et procéder à des
changements vastes et importants ne peut manquer d'avoir des conséquences
multiples et coûteuses. Le projet de loi C-38 affecte notre capacité collective à
assurer la protection et la durabilité de nos précieuses ressources naturelles.
L'interférence avec les processus d'engagement et l'affaiblissement des normes de
protection environnementale ne manqueront pas d'engendrer conflits et incertitudes.
Pour promouvoir la croissance économique, l'APN encourage le gouvernement du
Canada à adopter des dispositions législatives qui visent à protéger nos ressources
pour l'avenir d'une manière compatible avec la Déclaration des Nations Unies sur
les peuples autochtones. Les Premières Nations recherchent des partenaires de
développement déterminés. La loi devrait refléter la valeur de ces authentiques
partenariats en définissant un cadre pour des engagements plus forts, un meilleur
dialogue, une prise de décision responsable et transparente et un développement
basé sur la norme du consentement préalable libre et éclairé.
Q : L'engagement des Premières Nations a-t-il été suffisamment sollicité à l'égard
des modifications législatives proposées par le projet de loi C-38?
R : Les Premières Nations n'ont pas été adéquatement informées au sujet du projet de
loi C-38 et leur opinion à son égard n'a pas été suffisamment sollicitée.
Le Chef national a brièvement rencontré le ministre de l'Environnement pour
discuter d'un ensemble de sujets et le plan gouvernemental pour le développement
responsable des ressources n'était que l'un parmi d'autres. Cette rencontre ne
saurait être considérée comme une consultation. Notamment, l'information fournie
en ce qui concerne la portée, l'échelle et les implications des modifications
proposées dans le projet de loi C-38 était insuffisante.
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L'APN a pris part à une réunion d'information technique sur le projet de loi C-38 qui
s'est tenue sous l'égide de Affaires autochtones et Développement du Nord du
Canada (AADNC) et à laquelle ont pris part les ministères qui exercent divers
mandats environnementaux. Cette réunion ne peut être elle non plus considérée
comme une consultation.
L'APN a soumis 16 questions au ministère des Pêches et des Océans (MPO) au
sujet des modifications proposées à la Loi sur les pêches. Ces questions ont été
reproduites sur le document d'avis en date du 11 mai 2012. L'APN n'a reçu aucune
réponse jusqu'à maintenant.
L'APN a été informée qu'aucun financement spécifique n'avait été accordé pour la
consultation des Premières Nations sur les modifications proposées à la Loi sur les
pêches ainsi que sur les règlements et les politiques qui pourraient en découler. Le
MPO a avisé l'APN que le financement à ce sujet devra venir des subsides déjà
alloués aux programmes autochtones; or, il s'agit de fonds qui sont censés être
consacrés à des opérations commerciales, de la formation et d'autres initiatives
communautaires de première ligne et, par conséquent, importantes. Cela nous incite
donc à craindre que, cette fois encore, il s'agira de consultations et d'engagements
inadéquats au moment où les modifications apportées au régime réglementaire
seront en voie d'application, et qu'ils se feront au détriment des financements
d'autres programmes essentiels. L'APN tient à souligner que des enveloppes de
financement distinctes devraient être prévues pour les briefings techniques, les
engagements et les consultations avec les titulaires de droits des Premières
Nations. Cela serait cohérent avec les propos de la sous-ministre des Pêches
lorsque, en septembre 2011, elle affirmait que le MPO se faisait un devoir de tenir
des consultations sur toutes les questions relevant de son autorité et que la
modernisation de la Loi sur les pêches ou le réaménagement éventuel des pouvoirs
discrétionnaires du ministère exigeraient des consultations significatives.
L'APN ne cesse de relayer les préoccupations des Premières Nations en ce qui
concerne la nécessité selon eux que les pouvoirs publics tiennent des consultations
appropriées pendant le déroulement des processus décisionnels en ce qui concerne
les lois, les règlements et les politiques. L'APN rappelle au gouvernement que
l'honneur de la couronne est en jeu et que, jusqu'à maintenant, celle-ci a failli à ses
obligations fiduciaires en ce qui concerne le projet de loi C-38. Il est absolument
essentiel que du financement soit attribué au MPO et à tous les autres ministères
qui exerceront des responsabilités en vertu du projet de loi C-38 pour que des
consultations franches et significatives avec les Premières Nations aient lieu.
Q : Le projet de loi C-38 prévoit une implication accrue des provinces dans la
prise de décision. Est-ce que cela inquiète les Premières Nations?
R : Les Premières Nations croient que les décisions concernant les ressources
incombent au premier chef à ceux qui sont prêts à épauler le développement. En
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même temps, les Premières Nations se sont engagées à travailler avec les autres
gouvernements au développement des ressources.
Toutefois, l'APN est très inquiète de la façon dont le projet de loi C-38 prévoit
contribuer à l'atteinte de cet objectif. L'APN n'est pas certaine que les
responsabilités constitutionnelles de la Couronne fédérale puissent être dévolues à
d'autres paliers de gouvernement. Les modifications législatives proposées
soulèvent des problèmes complexes concernant le fédéralisme et ne manqueront
pas d'engendrer des conflits, de la confusion et des retards en ce qui concerne le
développement des ressources.
Par exemple, pour une substitution ou une équivalence en vertu de la LCEE 2012,
les régimes d'évaluation environnementale (EE) provinciaux doivent être réputés
essentiellement équivalents au régime fédéral en ce qui concerne le nombre de
facteurs. Or, aucun de ces facteurs n'a fait l'objet de consultations auprès des
Premières Nations en ce qui concerne la manière dont ils sont censés tenir compte
des droits issus des traités. Certaines EE provinciales présentent des lacunes
comparativement à leur contrepartie fédérale, surtout en ce qui concerne le respect
des droits issus des traités. Un exemple de cela est le cas de la Mine Prosperity en
Colombie-Britannique, une mine pour laquelle l'EE provinciale a accordé une
approbation qui a ensuite été contredite par l'EE fédérale.
Q : Est-ce que le projet de loi C-38 respecte et protège adéquatement les savoirs
traditionnels des Premières Nations?
R : Le par. 19(3) de la LCEE 2012 dit qu'une EE peut prendre en compte les savoirs
traditionnels.
C'est là une reconnaissance des savoirs traditionnels pour le moins tiède et qui est
tout à fait dissociée des processus de prise de décision que prévoit le projet de loi.
Cela constitue une nette démarcation par rapport à la LEP où les savoirs
traditionnels étaient incorporés aux dispositions techniques et aux processus de
prise de décision de la loi.
La LCEE 2012 contient des dispositions qui permettent à des comités d'examen
d'obliger des témoins à divulguer des informations. On pourrait invoquer ces
dispositions pour forcer la divulgation de savoirs traditionnels. En outre, les
dispositions de la LCEE 2012 concernant la question de la confidentialité exigeraient
que cette divulgation se fasse publiquement. Cela tranche beaucoup avec la LEP où
l'approbation des détenteurs des savoirs traditionnels était nécessaire avant qu'on
puisse procéder à la communication de ces savoirs. La LCEE 2012 s'acquitterait
mieux de la nécessité de respecter et de protéger les savoirs traditionnels si elle
exigeait l'approbation des détenteurs des savoirs traditionnels avant que ceux-ci ne
soient révélés et que les savoirs traditionnels étaient incorporés aux processus de
prise de décision.
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Q : Que pensent les Premières Nations des modifications qui seraient apportées à
d'autres parties de la partie III du projet de loi C-38, tout particulièrement de
celles qui concernent la Loi sur les espèces en péril (LEP) et la Loi sur l'Office
national de l'énergie (LONE)?
R : Les Premières Nations ont toujours eu des difficultés dans leurs tractations avec
l'Office national de l'énergie (ONE). Tout comme au sujet du processus de prise de
décision de la LCEE 2012, l'APN nourrit des craintes au sujet de la politisation des
approbations des projets de pipeline par un recours accru aux décisions du Cabinet.
Les Premières Nations jugent alarmante la nouvelle disposition de la LONE qui
aurait pour effet de réduire grandement le recours aux révisions judiciaires. Si cette
disposition est adoptée, les Premières Nations n'auront que 15 jours depuis la
publication d'une décision dans la Gazette du Canada pour déposer une demande
de révision. Aucun délai et aucun avis ne seront fournis aux Premières Nations et,
d'office, la loi référera le cas à la Cour d'appel fédérale pour que celle-ci rende une
décision sans appel à témoins.
Les Premières Nations voient dans cette disposition une violation fondamentale
sérieuse de la justice naturelle et une dérogation aux droits ancestraux et aux droits
issus des traités étant donné qu'elle a pour objet de dénier aux Premières Nations le
droit de se faire entendre sur ces questions de droits.
Nous craignons également que la LONE ne soustraie les pipelines internationaux de
l'application de la Loi sur la protection des eaux navigables et n'autorise l'ONE à
détruire des habitats d'une importance vitale pour la LEP sans avoir à obtenir l'aval
du ministère de l'Environnement.
En vertu de la nouvelle LEP, le projet de loi C-38 sera débarrassé des délais
obligatoires en ce qui concerne l'obtention des permis. Cela est inquiétant puisque,
sans obligation de demander le renouvellement des permis à intervalles réguliers,
toute possibilité de modification sera abolie. La modification des permis est
importante pour alléger les restrictions si l'état des espèces le permet ou les
renforcer si l'état des espèces l'exige.
Q : Est-ce que les Premières Nations ont des réserves quant à manière dont les
décisions seront prises sous le régime de la LCEE 2012 ou de la Loi sur les
pêches?
R : Les Premières Nations sont inquiètes à l'idée que le recours à la discrétion
ministérielle dans le cadre de la Loi sur les pêches serait accru; elles le sont
également en ce qui concerne le recours accru aux décisions du Cabinet en vertu
de la LCEE 2012. L'APN croit que ces deux changements proposés ouvriront
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davantage la porte aux interférences politiques et, concurremment, feront régresser
la transparence et l'obligation de rendre des comptes en ce qui concerne les
décisions.
Les discussions qui donnent lieu aux décisions du Cabinet se déroulent derrière des
portes closes. Le secret qui entoure ces processus de prise de décision est
jalousement préservé par le gouvernement. De plus, les décisions prises par le
ministère en vertu de son pouvoir discrétionnaire ne sont généralement pas remises
en question ou soumise à révision. Par conséquent, dans un tel système, les
Premières Nations ne pourraient pas savoir si la Couronne a pris les dispositions
appropriées pour accommoder leurs droits et leurs intérêts, et ce, même dans les
cas où il est clairement obligé de le faire. Ainsi, les Premières Nations devraient s'en
remettre à un processus de contestation long et incertain ne fût-ce que pour
s'assurer que leurs droits ont été accommodés et que, le cas échéant, des moyens
appropriés ont été mis en œuvre à cette fin.
Q : Est-ce que les modifications proposées à la LCEE 2012 ou à la Loi sur les
pêches favorisent de meilleures consultations avec les Premières Nations,
advenant de telles consultations?
R : Peu d'indications dans le texte de la LCEE 2012 donnent à penser que le
gouvernement est sérieux en ce qui concerne la consultation des Premières Nations
et l'accommodement de leurs droits. Par exemple, aux termes de la LCEE 2012, des
dispositions relatives à la « participation du public » imposent un cadre temporel très
strict aux Premières Nations quant à la possibilité pour elles de formuler des
observations à l'instar d'autres intervenants du public. En ce qui concerne la Loi sur
les pêches, on trouve aux alinéas 4.1(1)(c) et 4.1(2)(g) des indications sur la tenue
de consultations auprès du public. Il est important de reconnaître que les Premières
Nations sont des détenteurs de droits, que leurs gouvernements possèdent des
juridictions et que leur statut les autorise à se voir accorder des occasions de
consultation distinctes de celles des autres intervenants.
Il n'existe pas d'obligation d'aviser les Premières Nations, et ce, même si les
tribunaux ont statué que l'obligation de consultation à leur égard était une obligation
minimale. Nous comprenons, à la suite d'une réunion technique d'information avec
ses représentants, que le gouvernement n'a pas l'intention d'aviser directement les
Premières Nations, par un règlement ou une politique. Il n'est fait mention à aucun
endroit du projet de loi de la nécessité d'un consentement préalable libre et informé,
ce qui est pourtant une exigence internationale courante que l'on trouve dans la
DNUDPA et qui lie le Canada depuis qu'il en a fait l'adoption.
Toutefois, certaines dispositions de la LCEE 2012 autorisent la suspension
d'échéanciers pour que des études puissent être faites. L'APN croit que ces études
incluent celles qui sont destinées à soutenir les processus de consultation des
Premières Nations et d'accommodement de leurs droits.
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Q : Le gouvernement a-t-il accordé suffisamment d'argent pour la tenue de
consultations?
R : Le gouvernement du Canada a accordé 13,6 millions de dollars pour la tenue de
consultations sur la question des évaluations environnementales. À titre de seuil,
seulement 7,4 millions, soit juste un peu plus de la moitié, sont réservés à la
consultation auprès des Premières Nations. Le reste ira au soutien de la
bureaucratie. Pire encore, ce financement va entièrement à l'Agence canadienne
d'évaluation environnementale par-dessus la tête du MPO, de l'ONE et de la
Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN).
Ces 13,6 millions constituent une amélioration par rapport aux années précédentes,
mais cela n'est pas suffisant. Les consultations et les engagements doivent avoir
lieu sur la question du projet et sur celle de la politique. Historiquement, le
gouvernement du Canada a fait des efforts très peu convaincants en ce qui
concerne la consultation des Premières Nations et l'implication de celles-ci sur des
questions de politique.
Les Premières Nations veulent réduire le fardeau sur leur capacité et la « fatigue
engendrée par les consultations » tout en s'assurant que la Couronne s'acquitte
honorablement de ses obligations. Nombre de Premières Nations veulent participer
et nouer des partenariats avec le gouvernement et l'industrie en matière de
développement. Ne peut-on pas penser que le gouvernement devrait être intéressé
à entendre ce que les Premières Nations ont à dire sur la manière dont on pourrait
élaborer un cadre politique ou réglementaire apte à soutenir nos buts communs?
L'APN sait que tout argent destiné à soutenir une consultation en matière de
politique serait probablement prélevé des 7,4 millions réservés aux Premières
Nations. Cela est inacceptable. Le gouvernement devrait accorder des ressources
spéciales pour l'engagement des Premières Nations sur les questions de politiques
et de règlements sans diminuer les ressources déjà inadéquates mises à la
disposition de celles-ci et en tenant compte du fait que nombre d'entre elles ont un
impérieux besoin de telles ressources.
Pour le moment, le MPO n'a pas encore désigné de ressources pouvant être
consacrées à des consultations sur les politiques et les règlements qui découleront
des modifications apportées à la Loi sur les pêches. L'APN recommande que le
MPO crée une nouvelle enveloppe budgétaire pour la tenue de ces consultations et
ne se contente pas de financer celles-ci à même les fonds des programmes
autochtones existants.
Q : L'APN soutient-elle la définition des « pêches autochtones » contenue dans
les modifications que l'on propose d'apporter à la Loi sur les pêches?
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R : Non, l'APN ne soutient pas cette définition des pêches autochtones. La Cour
suprême du Canada a toujours reconnu le droit des Premières Nations de pêcher à
des fins alimentaires, sociales, cérémonielles et commerciales. En outre, elle a
reconnu le droit des Premières Nations à s'adonner à des pêches pour en tirer une
« subsistance convenable ». Pour des motifs de conservation ou autres, les
Premières Nations ne s'adonnent pas toujours à des pêches auxquelles la
constitution leur reconnaît un droit. La définition énoncée dans le projet de loi C-38
ne reflète pas l'ensemble des pêches des Premières Nations et pourrait être
interprétée d'une manière restrictive, ce qui porterait préjudice aux Premières
Nations et violerait, voire abrogerait, leur droit à ces pêches.
La définition des « pêches autochtones » doit reconnaître que les pêches des
Premières Nations ont une extension qui va au-delà des limites imposées par la
définition et comprend toutes les activités de pêche, de récolte et de gestion des
stocks qui s'y rapportent. Comme il est indiqué dans l'arrêt de la Cour suprême R. c.
Sparrow, une affaire ayant donné l'occasion à la cour d'examiner la nature des droits
de pêches des Premières Nations, « l'expression "droits ancestraux existants" doit
recevoir une interprétation souple de manière à permettre à ces droits d'évoluer
avec le temps ».
Lors d'une séance technique d'information, l'APN a appris que le MPO pourrait
s'efforcer de définir la portée et l'échelle autorisées des « pêches pratiquées à des
fins alimentaires, sociales et cérémonielles et pour assurer une subsistance
convenable » par le biais de règlements. L'APN croit que le ministère serait mal
avisé de créer des règlements qui, de quelque façon que ce soit, restreindraient,
limiteraient ou enfreindraient les droits de pêche des Premières Nations en énonçant
une définition limitative de ces droits ou en omettant de reconnaître des droits
inhérents qui ont toujours existé mais que les tribunaux n'auraient pas encore
reconnus.
Toute tentative pour définir la portée ou l'échelle des pêches autochtones exige une
consultation vaste et approfondie avec toutes et chacune des Premières Nations du
Canada. Le MPO a consacré une somme de 57,1 millions de dollars aux pêches
autochtones cette année – somme qui est 47,5% inférieure à celle consacrée l'an
dernier. Ces fonds sont destinés à des activités de pêche de première ligne des
Premières Nations et il serait dommage qu'on les utilisât pour autre chose. Le MPO
ne dispose pas de ressources appropriées pour régler la question de la définition
des pêches autochtones et toute tentative d'aller dans ce sens ne manquerait pas
de léser les droits des Premières Nations.
Q : Est-ce que les Premières Nations soutiennent les modifications proposées à la
Loi sur les pêches en ce qui concerne les habitats des poissons?
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R : Les Premières Nations ont acquis le droit de pratiquer la pêche à des fins
alimentaires, sociales, cérémonielles et commerciales. La Loi sur les pêches est le
seul texte législatif fédéral qui assure une protection des ressources et des
« habitats halieutiques » (habitats des poissons) qui est essentielle pour l'exercice
de ces droits. Des modifications, désorganisations ou destructions des habitats
seraient nocives pour les poissons et seraient susceptibles non seulement de nuire
irrémédiablement aux droits de pêche des Premières Nations, mais également à
l'industrie canadienne de la pêche tout entière.
Le ministre des Pêches et des Océans a toujours possédé un pouvoir
discrétionnaire d'approbation des travaux ou des entreprises susceptibles de nuire
aux ressources et aux habitats halieutiques. Les modifications proposées
élargissent passablement ce pouvoir discrétionnaire, mais limite de manière
préjudiciable l'ampleur des décisions que le ministre peut prendre en regard des
activités qui se soldent par des « dommages graves ». L'APN ne croit pas que le
gouvernement devrait limiter le pouvoir du ministre de prévenir les dommages
causés par l'exploitation minière, l'hydroélectricité, le développement des zones
côtières ou autres projets susceptibles de causer des dommages temporaires, semipermanents ou à long terme aux poissons et à leurs habitats et, par voie de
conséquence, aux droits des Premières Nations.
Le bannissement des modifications, désorganisations ou destructions d'habitats ne
sera plus possible en vertu de ces modifications. Le nouveau bannissement
concernant les « dommages graves » inclut les modifications permanentes
apportées aux habitats; toutefois, l'APN n'est pas certaine de ce que, dans ce cas,
signifie le qualificatif « permanentes ». L'ancien bannissement contre les
modifications, désorganisations ou destructions d'habitats avait servi de cadre
fondateur à la politique du Canada excluant toute « perte nette » qui visait à
protéger la capacité productive de tous les habitats aquatiques du Canada. Le MPO
avait appliqué cette politique par le biais d'un système de conditions pour
l'autorisation de travaux et d'entreprises dans ce domaine. Ce type de protection ne
pourra plus exister sous le régime de la définition des « dommages graves ». Le
nombre d'autorisations nécessaires sera réduit, ce qui signifie que la délivrance des
autorisations sera soumise à un plus petit nombre de conditions et que le MPO ne
sera plus autant en mesure d'empêcher une perte nette des habitats que par le
passé.
L'enjeu de la politique de l'interdiction de perte nette était que, puisque l'on ne peut
pas rendre les habitats aussi productifs après les avoir modifiés que lorsque que la
nature les a constitués, il faut les protéger. Les habitats reconstruits ou auxquels on
laissait le soin de « se reconstituer eux-mêmes » étaient souvent dégradés et moins
aptes à soutenir des ressources halieutiques. En supprimant les mécanismes qui
présidaient à l'application de la politique d'évitement de la perte nette, les
modifications à la Politique sur les pêches rendront possible une perte nette des
habitats pour peu que cette perte ne soit pas réputée être « permanente ».
Toutefois, même si la perte nette d'habitats de ressources halieutiques n'est pas
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permanente, ceux-ci peuvent être gravement endommagés et incapables de servir
de soutien à diverses espèces de poissons ou autres organismes qui alimentent ces
espèces.
Q Quelles modifications aux dispositions sur la protection de l'habitat de la Loi
sur les pêches préoccupent plus particulièrement les Premières Nations?
R : Bien que, à première vue, les modifications semblent assurer une protection
ininterrompue des habitats halieutiques, la protection dont ceux-ci jouiraient est
largement inférieure à celle qu'offre la loi actuelle. Les modifications qui préoccupent
plus particulièrement les Premières nations sont les suivantes :
•
Le déplacement de l'intérêt de « la pêche » vers « les pêches » : tous les
poissons ne sont pas considérés comme des pêches et tous les organismes
aquatiques ne soutiennent pas directement une espèce de poisson qui a une
valeur économique. Les écosystèmes sont très complexes et les organismes ont
entre eux des modes d'interaction que nous ne comprenons pas complètement.
En outre, certaines espèces de poisson ne sont considérées comme constituant
une pêche que lorsque le stock de poisson est suffisamment abondant pour
permettre la pêche. Il est contraire à l'esprit de la Loi sur les pêches de choisir
quelles ressources méritent d'être protégées sur la simple indication de leur
utilisation économique à un moment donné. Toutes les espèces halieutiques et
tous les organismes aquatiques doivent être protégés pour assurer des pêches
productives à long terme et préserver l'intégrité des ressources aquatiques.
•
Le passage de l'interdiction des « modifications, désorganisations ou
destructions nuisibles d'habitats halieutiques » à la seule interdiction des
« dommages graves » : cela diminue considérablement la capacité du MPO et
des cogestionnaires de ressources à protéger les poissons et autres ressources
aquatiques. L'APN ne comprend pas encore ce que signifie l'expression
« dommages graves et estime que toute dégradation des habitats halieutiques
menace le bien-être et l'intégrité de nos pêches. Les Premières Nations
possèdent à l'égard de la pêche et des pêches en général des droits dûment
établis et un accès prioritaire. Permettre que des dommages qui leur sont causés
ne soient pas qualifiés de « graves » serait une violation de ces droits. Permettre
que des poissons soient mutilés, endommagés, empoisonnés ou deviennent
incomestibles contreviendrait de facto à la préservation du droit des Premières
Nations à pratiquer la pêche à des fins alimentaires, sociales, cérémonielles,
commerciales ou de subsistance.
•
Pouvoirs ministériels discrétionnaires additionnels d'autoriser des
substances toxiques ou de désigner des eaux à cette fin : les décisions qui
touchent à la santé des stocks de poissons et, par conséquent, aux droits des
Premières Nations à pratiquer la pêche doivent être ouvertes, transparentes et
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responsables, et ces décisions devraient avoir pour pendant un devoir de
consultation et d'accommodement. En autorisant des discussions derrière des
portes closes et une prise de décision discrétionnaire, le gouvernement va
autoriser les ministres à établir des règles qui accorderont automatiquement des
autorisations en dehors du droit de regard des Premières Nations et qui
donneront lieu à des décisions sans garde-fous adéquats en matière
d'engagement, de consultation et d'accommodement.
Q : Les modifications à la Loi sur les pêches protègent les pêches autochtones
des dommages graves. L'APN croit-elle que ces protections soient
suffisantes?
R : Au Canada, toutes les pêches, y compris celles des Premières Nations, doivent être
protégées et exploitées de manière durable. Les Premières Nations ont, sans
conteste, des droits de pêche. Ces droits sont protégés par l'article 35 de la
constitution canadienne. La Cour suprême du Canada a donné à la Couronne la
directive claire de protéger les droits d'accès aux pêches des Premières Nations
lorsque, dans l'arrêt R. c. Sparrow, elle a statué que : « dans l'établissement des
priorités suite à la mise en œuvre de mesures de conservation valides, il faut
accorder la priorité absolue à la pêche par les Indiens à des fins de subsistance. »
Les modifications proposées à la Loi sur les pêches ne sont pas orientées vers la
conservation. Se contenter de protéger les pêches des Autochtones des
« dommages graves » n'est pas suffisant pour assurer un accès ininterrompu de
ceux-ci à des stocks de poissons en santé et durables. La Cour suprême a dit
clairement que « les pêcheries des Premières Nations » sont une priorité. La
possibilité de continuer d'en exploiter les ressources exige des stocks de poissons
en santé et abondants.
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