1 Médiation à l`emploi et lutte contre les discriminations, prévenir le

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1 Médiation à l`emploi et lutte contre les discriminations, prévenir le
Médiation à l’emploi et lutte contre
prévenir le racisme et la discrimination ?
les
discriminations,
Milena Doytcheva*
Impulsées depuis une décennie en France, de manière parallèle à l’émergence d’une action
publique antidiscriminatoire, les politiques de la diversité en entreprise s’appuient sur un réseau
de professionnels spécialisés dans ce type d’intervention. La communication propose d’interroger
leurs pratiques dans l’accompagnement et le placement, plus particulièrement en entreprise, de
minoritaires. Elle s’intéresse notamment aux manières et aux modalités selon lesquelles les
personnes accompagnées dans ces dispositifs s’approprient les interventions qui les visent.
Comment ces espaces de soutien et d’accompagnement participent-ils d’une prise en compte et
d’une prise en charge des expériences vécues du racisme et de la discrimination ? Comment
interviennent-ils dans l’élaboration d’une conscience personnelle, ainsi que dans le
développement de stratégies individuelles d’accommodement et de résistance ?1
Telles sont certaines des questions que nous proposons d’aborder ici à partir d’une enquête
portant sur les manières dont les dispositifs d’accompagnement vers l’emploi et de placement en
entreprise ont été mobilisés par des acteurs professionnels, privés comme publics, qui se
spécialisent dans la conduite d’actions partenariales avec les entreprises engagées en faveur de la
non-discrimination et de la production de la diversité. Les données recueillies montrent
globalement que les stratégies d’intervention développées par ces professionnels participent de la
construction d’un espace de reconnaissance et de mise en visibilité des discriminations2. De ce
point de vue, les modalités de leur intervention sont importantes et méritent examen non
seulement en ce qu’elles se révèlent efficaces ou, au contraire, inappropriées dans l’accès à
l’emploi, mais en ce qu’elles constituent également des facteurs d’élaboration et d’expression
d’un vécu et d’une expérience de la discrimination. En effet, une des questions soulevées par
l’enquête a été celle de la réception des programmes et des actions d’accompagnement par les
personnes victimes potentielles ou exposées aux actes de discrimination. Comme le soulignent ici
des résultats antérieurs de la recherche, elles peuvent faire l’expérience, à l’instar de certains
professionnels engagés dans ce type d’opérations, de la même situation vécue de contrainte
multiple entre, d’une part, le souhait d’accéder à l’emploi comme finalité principale et, d’autre
part, le sentiment d’injustice et de déni d’égalité. Dans cette situation, ceux qui réussissent le
mieux seraient dans de déni, adhérant à l’idée que leur traitement injuste est somme toute mérité
et que le travail d’adaptation qui leur est proposé est nécessaire à leur insertion.
Etre ou ne pas être un « candidat de la diversité » : accompagnement vers
l’emploi et construction de figures d’exemplarité
*
Milena Doytcheva est maitresse de conférences en sociologie à l’université de Lille, en délégation CNRS 2012-2013 et
2013-2014 au CADIS-Ehess (EHESS/CNRS UMR 8039).
1
Intervention au colloque de l’ARDIS, « Discriminations : état de la recherche », Paris, le 13 décembre 2013.
2
L’analyse s’appuie notamment sur un travail d’observation et un corpus d’entretiens qualitatifs réalisés dans la métropole
lilloise et en région parisienne avec des acteurs privés et publics de la médiation à l’emploi, des responsables associatifs ainsi
que des personnes accompagnées. Les analysent qui concernent le personnes accompagnées se fondent sur un corpus
d’entretiens qualitatifs (n=18) réalisés entre mai et juin 2008 avec des personnes accompagnées par trois associations, de
celles qui ont été étudiées dans la métropole lilloise (deux d’entre elles se définissent comme des « réseaux d’entreprises » et
une autre est spécifiquement dédiée à la question).
1
Nous commençons par rappeler l’ambivalence mise en exergue de la mobilisation des
techniques et des référentiels de l’insertion au service des objectifs de lutte contre les
discriminations, voire de ceux d’une production de la diversité. En effet, conçues dans le
cadre des politiques d’emploi à la fin des années 1980 et au début de la décennie suivante, les
techniques de l’accompagnement vers l’emploi, dans leurs modalités diverses (coaching,
ateliers d’image, accompagnement spécialisé, formation, « accès direct » à l’entreprise…),
sont des outils disponibles et installés dans le champ de l’intervention sociale et des politiques
publiques à la fin de la décennie. Le parrainage notamment en est une des formes
emblématiques3. La lutte contre les discriminations comme finalité nouvelle du parrainage fut
annoncée dès 1999, et la signature à l’occasion de la Déclaration de Grenelle4, d’une charte
nationale qui en (re)définit les objectifs. Le rapprochement de ces dispositifs de politique
publique, comme nous proposons de le voir ici, mérite toutefois examen : ancrées dans des
logiques réparatrices et adaptatives propres à l’action sociale, les techniques de l’insertion
peuvent manquer de questionner les règles et le fonctionnement des organisations, voire en
reproduire et conforter les mécanismes d’exclusion, plutôt que de les combattre.
Une des caractéristiques des actions d’accompagnement que nous avons observées réside
dans le souhait de cibler les interventions en direction de publics plutôt qualifiés, disposant
déjà d’un certain nombre d’atouts et de ressources en vue de leur intégration sur le marché de
l’emploi (Doytcheva et alii, 2008). Nous pouvons les analyser en conséquence comme
participant d’une logique et d’un processus « d’écrémage » qui consiste à donner un coup de
pouce supplémentaire aux personnes les mieux placées, tout en délaissant et en se
désintéressant « du plus grand nombre ». Cette critique classique des dispositifs que l’on peut
rapprocher de la catégorie de la discrimination positive est à compléter, au regard de
l’enquête, par une autre dimension saillante qu’est la préoccupation soulignée dans les
interventions étudiées en faveur d’une logique de construction de trajectoires ou de carrières
d’exemplarité.
Dans cette perspective, œuvrer au placement en entreprise de jeunes issus de l’immigration
est aussi démontrer que l’idéologie républicaine de l’intégration par le « mérite » et les
compétences individuelles fonctionne. C’est aussi concourir à la prévention de ce qui est
analysé en termes de « gâchis » (la « non-utilisation des compétences » des jeunes
générations, éduquées et formées en France) ou de failles, marginales ou accidentelles, qu’il
s’agit de colmater. Le dévoilement des origines des personnes accompagnées, comme dans
les opérations qui visent explicitement au placement en entreprise de « candidats de la
diversité », permet de construire et de conforter à nouveau frais des représentations en termes
d’exemplarité et de réussite. Par hypothèse, ces constructions et représentations sont de nature
à renforcer une vision dominante, méritocratique et républicaine, plutôt qu’elles ne
constituent une invitation à en questionner les conventions et les applications. Cette logique
d’intervention n’est pas tout à fait nouvelle ou inédite. A travers l’expression à juste titre
critiquée mais néanmoins fort usitée de « jeunes issus de l’immigration », les pouvoirs publics
3
Conçu de manière expérimentale en 1993 afin de « lutter contre l’exclusion » des « jeunes en difficulté », âgés de 16 à 25
ans, de « très faible niveau de qualification », ses objectifs sont redéfinis en 1999 en direction de ceux qui « sont rejetés à
raison de leur origine nationale réelle ou supposée, de la couleur de leur peau, de leur sexe, de leur âge ou même de leur lieu
de résidence », ou encore des « jeunes diplômés issus de l’immigration ou des quartiers dont la réussite doit constituer un
exemple », cf. Circulaire n°99-164 du 15 mars 1999 sur la mise en œuvre de la campagne 1999 de parrainage pour
accompagner les jeunes en difficultés professionnelles vers l’emploi.
4
Déclaration de Grenelle sur les discriminations raciales dans le monde du travail du 11 mai 1999. Selon le texte de la charte
adopté à cette occasion : « Le parrainage est une démarche d’accompagnement personnalisé, durant la recherche de l’emploi
et pendant les premières semaines de travail, de jeunes rencontrant des difficultés d’insertion professionnelle par des
bénévoles, salariés d’entreprises ou nouveaux retraités. Les jeunes concernés sont issus de l’immigration ou des quartiers,
appartiennent à des milieux défavorisés ou ont un faible niveau de formation ».
2
se sont attachés, dès les années 1980, à cibler l’immigration par-delà les générations, prenant
le parti de dévoiler ses origines pour aussi, le cas échéant, célébrer la force et la performance
de l’intégration. Ces dynamiques du « montré-caché » de l’ethnicité concernent, jusqu’à une
période récente, de manière privilégiée l’associationnisme local, le sport ou la culture, avec
notamment les figures des jeunes de cités qui s’en sortent par le rap ou par le foot. Les actions
analysées ici en étendent la logique à des domaines plus larges qui concernent l’éducation ou
le travail.
Les actions que nous avons observées reposent, en ce sens, assez largement sur une
normativité dominante que l’on peut qualifier d’assimilationniste. Se situant dans l’interface
entre employeurs et employés, les professionnels de la « mise en relation » sont amenés dans
leurs interventions non seulement à expliciter mais aussi à relayer les normes et les attentes de
l’entreprise, invitant les candidats à l’embauche à corriger ou à ajuster ce qui est perçu comme
d’éventuelles lacunes ou difficultés. Leur travail rend ainsi visibles les conventions et les
présupposés à l’œuvre dans les sélections entrepreneuriales. Comme l’attestent les études
produites, ils ont été, bien souvent « malgré eux », impliqués dans le fonctionnement et la
reproduction d’un système discriminatoire (Bataille, 1997 ; Noël, 1999 ; Dhume et Madeuf,
2004 ; Doytcheva, 2011). La situation de « contrainte multiple » contextualise pour partie ces
résultats : l’obligation de placement et les objectifs chiffrés de mise à l’emploi supposent une
proximité avec l’employeur et encouragent à ne pas entreprendre d’actions qui fermeraient
des opportunités ; l’entreprise « coupable » apparaît aussi comme « un partenaire important et
incontournable », à la fois « débouché » et « prolongement naturel de la mission
d’accompagnement » (Noël, 1997). Cette contrainte multiple peut être également confortée et
amplifiée par les attentes des personnes accompagnées dont la finalité principale demeure
celle de trouver un emploi. Dans un système basé sur la logique d’efficacité et de résultats, la
mobilisation du droit antidiscriminatoire ne va pas ainsi de soi (Noël, 2004).
Toutefois, cette co-production des discriminations se base rarement sur la mobilisation
explicite de catégories racistes. Si une partie des acteurs de l’intermédiation tend à reprendre à
son compte des préjugés et des représentations véhiculés par les employeurs, cette reprise
serait issue davantage d’un « partage des références », d’un faisceau informel d’apriori, plutôt
que d’une orientation idéologique clairement formulée. Nous avons ainsi observé dans
l’enquête un déplacement des logiques et des mécanismes discriminatoires, de l’usage de
catégories explicitement racistes vers des critères davantage culturels et différentialistes qui se
formulent au nom d’exigences perçues comme neutres, dont celles de « culture d’entreprise »,
de compétences ou encore d’employabilité (Doytcheva et alii, 2008 ; Doytcheva, 2011). En
questionnant les modalités selon lesquelles les processus discriminatoires pouvaient se trouver
enchâssés dans des outils et des catégories d’intervention de la GRH perçus comme neutres
ou méritocratiques, nous avons souligné l’existence d’un « travail normatif accusé » dont les
personnes accompagnées sont la cible : le racisme qui les exclue est condamné, cependant
qu’elles ne sont pas moins vues comme « culturellement inadaptées » à l’entreprise et devant
accomplir un travail sur soi au préalable de pouvoir l’intégrer. Selon l’analyse du CREDOC
en 2003, les dispositifs d’accompagnement vers l’emploi se donnent à voir comme « un
véritable travail de mise à la norme qui répond aux attentes de l’entreprise et dont les jeunes
sont parfois eux-mêmes demandeurs pour voire leurs difficultés réduites » (CREDOC, 2003).
Masquée sous l’argumentaire rhétorique de l’intégration, cette norme dominante reste
conformiste et ancrée dans une vision assimilationniste (De Rudder et Vourc’h, 2006). En
parallèle, le travail normatif accompli éclaire en creux des préjugés et des représentations
installées - les jeunes sont paresseux, indisciplinés, inconstants, pas motivés… Ces
représentations visent les populations minoritaires, mais aussi plus largement des « cultures »
3
et des identités juvéniles, populaires (Noël, 2004). La discrimination n’est pas perçue comme
telle puisque ces préjugés concernant les « jeunes » parlent à la place des catégories
ethnoraciales et qu’ils sont pris pour une représentation objective (Dhume et SagnardHaddaoui, 2006)5.
Une des finalités explicites du travail mené par les intermédiaires et opérateurs de la diversité,
à travers une série d’ateliers et de prestations spécifiques était de « réduire les écarts de
comportement » qui séparent les personnes accompagnées de la « culture d’entreprise ». De
ce point de vue, nous avons retenu dans l’analyse le terme issu de l’enquête de candidats pour
désigner les personnes accompagnées, tant les dispositifs observés tendent à s’organiser sur le
mode de l’épreuve. Celle-ci est déjà présente dans les entretiens de sélection qui permettent
de les intégrer. Tout au long du processus d’accompagnement, elle sera réitérée à travers une
série d’exercices et d’interventions, visant à transformer pour les personnes accompagnées les
rapports à autrui, mais également à soi.
Comme le montre l’enquête, la notion d’employabilité se trouve au centre de ces travaux.
Notion polymorphe et malléable (Gazier, 1990), elle est objet d’appropriations différentes, en
fonction des horizons politiques et culturels de chaque structure. Elle peut être comprise, de
manière générale et fonctionnelle, comme une capacité d’adaptation : « L’employabilité, c’est
la capacité pour une personne d’être employable donc en gros, d’être productif ». Mais il en
existe des usages explicitement plus normatifs qui s’appuient sur la catégorie même de
compétences et plus particulièrement sur ce qui serait l’une de ses composantes, c'est-à-dire le
« savoir-être ». Comme le souligne B. Gazier, si l’acception première de la notion
d’employabilité est dérivée de sa signification statistique, à savoir la probabilité à être
employé, ses mobilisations actuelles acquièrent des dimensions nettement normatives et
prescriptives. L’auteur qualifie cette tendance de tournant « instrumental et individualisé » de
l’employabilité qu’il analyse comme une « conception et évolution typiquement françaises »,
situées à la fin des années 19806. Cette analyse critique est à réitérer en ce qui concerne la
catégorie des compétences. Par ses aspects supposément neutres et techniques, elle est perçue
comme adaptée et fonctionnelle à la « culture d’entreprise » et est d’ailleurs placée au centre
des négociations engagées entre intermédiaires et employeurs7. Or, comme le souligne P.
Gilbert, cet outil de la GRH, dont il ne fait d’ailleurs pas partie de l’appareillage traditionnel
qui se décline plus volontiers en termes de postes et de qualifications, accuse des contours
plutôt « flous » (Gilbert, 2005). Si, étymologiquement, la compétence signifie attributions et
pouvoirs officiellement reconnus à une autorité, par extension, elle désigne aujourd’hui une
connaissance approfondie, « un savoir-faire reconnu qui confère le droit de juger et
d'intervenir » dans tel ou tel domaine.
De manière surprenante néanmoins dans les interventions étudiées, la notion de compétences
pouvait se trouver rapprochée d’une question bien plus subjective de « la personnalité », ce
glissement opérant notamment à la faveur de la distinction traditionnellement établie en
France, et confirmée par le CEREQ dans la période récente, entre « savoirs », « savoir-faire »
et « savoir-être ». De manière inattendue, dans les attentes des entreprises qui nous ont été
5
Les formes de discrimination et de ségrégation, en augmentation, où le préjugé se fait « subtil » ou implicite, se camoufle
derrière des arguments socialement acceptables ou présentés comme « neutres » ou encore techniques, font prendre forme à
ce que E. Bonilla-Silva analyse comme « un racisme sans racistes » ou un racisme color-blind (Bonilla-Silva, 2003). Les
pratiques racistes ne se nomment pas comme telles lorsqu’elles trouvent leur place dans la quotidienneté ordinaire.
6
La publication en 1987 par l’ANPE de Grand angle sur l’emploi est retenue ici pour illustrer les évolutions.
7
Notons qu’elle est d’abord mobilisée par les professionnels de la diversité de manière stratégique pour euphémiser ou
rendre audible ou « acceptable » pour l’entreprise la problématique des discriminations, à défaut, dénoncée comme une
approche « militante », « idéologique » ou encore « culpabilisatrice » pour les acteurs économiques.
4
rapportées, « le savoir-être » pouvait supplanter des savoirs et des compétences plus
techniques : « Les entreprises nous disent souvent, tout ce qui est technique, il n’y a pas de
problème, on s’en charge, on va les former … Ce qui reste c’est le savoir-être » (chargée de
mission diversité, organisme de formation). Notons d’ailleurs, dans le sens de cette hypothèse,
les nuances de présentation introduites par exemple par « APC recrutement », « premier
cabinet de recrutement spécialisé dans la diversité », qui souhaite remplacer la notion de
« savoir-être » par celle de « vouloir-devenir »… soulignant ainsi, de manière détournée, le
potentiel prescriptif et normatif qui s’y trouve logé et la vision carencée des candidats qui se
construit à nouveaux frais.
« La logique de compétences » bute ainsi sur des logiques d'ordre social, culturel qui fondent
les décisions de recrutement et de gestion et sur bien d'autres critères. Les manières d’être, de
se vêtir, de se présenter que mentionnent nos interlocuteurs sont autant de marqueurs
d’identité qui fonctionnent aussi comme des instruments de sélection sociale. Les
compétences étant fortement empreintes des contextes sociaux, politiques et culturels de leur
définition, s’il apparaît bien que l’usage de la catégorie témoigne de changements dans les
politiques comme dans les pratiques de ressources humaines, ces changements et les
intentions qui les inspirent ne seraient pas toujours identiques : « Alors que se développe
l'image du salarié responsable, acteur de son propre destin, de sa propre employabilité, si ce
salarié est dans une position de force sur le marché du travail, sa sécurité est assurée. Mais s'il
est dans la position inverse, alors là, au-delà des mots, le salarié concerné peut être précarisé,
puis marginalisé » (Gilbert, 2005).
Les modes d’action que nous avons observés dans l’enquête diffèrent toutefois sur ce point.
C’est dans les pratiques des professionnels qui concentrent leurs actions sur les populations
les plus qualifiées que ces logiques normatives et d’exemplarité sont les plus saillantes.
D’autres intervenants tentent au contraire de les mitiger, en diversifiant au possible les
parcours et les niveaux de formation des personnes accompagnées. Néanmoins, l’intervention
des intermédiaires en matière de production de la diversité s’éloigne par définition de la
logique seule d’accompagnement social ou d’accompagnement vers l’emploi, pour se
rapprocher d’une dynamique de placement et de discrimination positive, même si celle-ci
n’est pas nécessairement revendiquée. De ce point de vue, les dispositifs étudiés tendent à
mettre en œuvre des mécanismes de sélection et de tri des candidats au placement qui ne sont
pas sans incidence sur l’élaboration et la prise en compte d’un vécu et d’une conscience des
discriminations. C’est lorsque nous nous rapprochons des intervenants qui se disent proches
de l’entreprise que les logique de mise en exergue de trajectoires de réussite et d’exemplarité
sont les plus saillantes et, de manière corrélée, les attitudes qui visent à nier ou à relativiser et
à minimiser une expérience discriminatoire, récurrentes. De manière contre-intuitive, nous
pourrons ainsi arguer, pour conclure, que ce sont les modalités de coopération instaurées avec
les entreprises dans le processus « d’accompagnement » qui, par certains aspects, freinent ou
entravent les processus de prise de parole et de prise de conscience pour les personnes
exposées aux discriminations.
Constat et expérience vécue des discriminations
La discrimination n’en est pas moins une expérience partagée par la grande majorité des
personnes accompagnées. Les profils, plutôt atypiques, de personnes qui ont évoqué un effort
de relativisation ont concerné des immigré.e.s, installées en France de manière relativement
récente et ayant connu plus particulièrement des parcours gratifiants sur le plan de l’insertion
5
sociale et économique. C’est l’exemple, dans l’enquête, de M., jeune diplômé de l’école
d’architecture de Rabat au Maroc, pré-sélectionné au vu de ses résultats scolaires pour un
projet d’émigration en France ; ou encore celui de N., issue d’une bourgeoisie algéroise,
installée depuis deux ans à Lille, après un divorce intervenu en Algérie. Dans leurs discours et
perceptions, ces personnes peuvent se rapprocher de la vision évoquée plus haut de la
méritocratie et de l’égalitarisme républicains ; la performance scolaire ou professionnelle, une
condition sociale et économique plus aisée facilitent et confortent l’identification à un tel
point de vue. L’expérience du racisme et de la discrimination sont en revanche évoquées avec
beaucoup de netteté et d’acuité par les personnes nées en France (ou arrivées à un jeune âge),
par les femmes de condition plus modeste, parmi les migrantes, par les migrants originaires
plus particulièrement d’Afrique sub-saharienne. Comme le montrent les extraits d’entretien
suivants, le constat de l’exclusion commence ici par un nombre astronomique de courriers et
de candidatures, restés sans réponse :
« A la fin de mon DEUST, j’ai cherché du travail. Je me suis inscrit à l’ANPE pour débuter
ma recherche. J’ai vraiment beaucoup cherché, j’ai envoyé des CV et des lettres de
motivation partout. Je répondais à toutes les offres d’emploi et j’ai envoyé plein de
candidatures spontanées… je n’ai réussi à avoir qu’un seul entretien. » (MK., 35 ans, né
1973 au Togo, arrivé en France à l’âge de 27 ans, étudiant en informatique)
« Donc sur les 40 candidatures que j’ai faites dans le Nord, je n’ai pas été retenue, et sur
les 2 entretiens que j’ai eus à Paris j’ai été embauchée (RS., 27 ans, née en France de
parents d’origine algérienne, titulaire d’un BTS de comptabilité).
« Par exemple, dans la région, il y a eu heu, soixante-dix offres d’emploi… et ben moi j’ai
envoyé, ben soixante-dix CV et lettres de motivation… et j’ai eu que trente réponses et
toutes négatives… enfin, à peu près car je n’ai eu en fait que deux entretiens ! Et encore,
deux entretiens en tout car au niveau de mes réponses aux offres, je n’ai eu qu’un seul
entretien… » (SL, 26 ans, née en Belgique, parents d’origine zaïroise, Bac + 5)
Si l’ensemble des personnes rencontrées dressent très clairement le constat alarmant de la
discrimination à l’embauche, elles sont également très nombreuses à évoquer le caractère
diffus de ces actes, la difficulté de les identifier et a fortiori d’en apporter la preuve. Cette
difficulté contribue au sentiment d’échec personnel et d’exclusion. Comme le souligne P.
Ndiaye, du point de vue du minoritaire, la discrimination est plus grave que l’insulte raciste :
« Non pas que l’insulte raciste soit agréable, mais elle est susceptible de mobiliser des
ressources psychologiques d’auto-défense relativement efficaces (pour peu que les insultes
soient rares…) » (Ndiaye, 2008 : 250). En revanche, la discrimination laisse la personne
désarmée, sans voix, sans prise sur une personne qui explique avec le sourire que « cela ne va
pas d’être noir dans le marketing », face au silence des employeurs, aux lettres de refus
standardisées. De manière plus générale, nos interlocuteurs ont évoqué les méfaits d’un
racisme latent, dont les effets sont perceptibles dans les scènes d’interaction les plus
quotidiennes. Des travaux récents se fondent précisément sur les notions d’expérience vécue
et de perception par la victime pour théoriser les logiques de domination raciale. A travers le
concept de everyday racism, Philomena Essed montre ainsi que la discrimination se manifeste
à travers des pratiques « systématiques, récurrentes et ordinaires » qui impliquent des
phénomènes socialement admis (Essed, 1991 ; Poiret, 2010). Dans le même sens, les travaux
de J. Feagin et M. Sikes soulignent en faveur d’une interprétation du racisme comme
expérience vécue le fait que, « les expériences sont non seulement douloureuses et
angoissantes immédiatement, mais ont un impact cumulatif (…) plus dommageable que la
somme de ces expériences peut en avoir l’air pour l’observateur habitué » (Feagin and Sikes,
1994, cité par Poli, 2005 : 45).
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Cette perception et expérience vécue semblent d’autant plus fortes que la personne
interviewée est née et/ou a été socialisée en majeure partie en France et qu’elle partage, en ce
cas, avec plus de familiarité un ensemble de références qui lui font percevoir les formes
d’altérisation – c'est-à-dire d’une identité assignée – dont elle est l’objet. Comme le
soulignent les extraits d’entretiens suivants, ce sont le plus souvent les écarts et la
différenciation des trajectoires qui permettent de matérialiser et de mettre au jour l’implicite
des actes et le non-dit des préjugés :
« Les gens qui ont fait le DEUST comme moi, enfin ceux qui n’ont pas continué après leurs
études, ils ont pratiquement tous trouvé du travail et pas moi.
Quand c’est comme ça tu te poses des questions, quand même, tu te demandes pourquoi toi
c’est aussi difficile… Mais ce n’est pas la première fois que je me sens comme ça ! Quand
je travaillais au restaurant, je voyais bien les gens qui étaient arrivés après moi et qui
avaient évolué. Moi je pense, j’étais quand même bon, je n’avais jamais de promotion, je
ne pouvais pas évoluer et mon salaire était juste augmenté avec l’ancienneté. Tous les gens
qui étaient étrangers étaient dans le même cas, par contre les Français, ils évoluaient
directement. Ça m’a dégouté ! (MK, 35 ans, originaire du Togo, titulaire d’un DEUST,
prépare une Licence en informatique au CNAM)
La nécessité d’opter pour des emplois sous-qualifies, « d’abaisser ses critères » a été
également un thème récurrent. Sur un marché de l’emploi « tendu », si le risque est grand
pour toute catégorie sociale de voir ses attentes et qualifications dévaluées, pour certaines des
personnes rencontrées cette dévaluation s’annonce comme une fatalité, parfois comme une
quasi-certitude qui suscite peur et appréhensions. De manière plus générale et en creux, les
récits évoquent les ruses et les stratégies au quotidien pour lutter contre les effets et les risques
de déqualification (une expérience chez MacDo qui « vous reste sur le dos », des effets de
patronyme ou d’adresse perçus comme stigmatisants) qui prennent ici une résonance
particulière :
« Comme j’avais besoin d’argent, j’ai trouvé un travail dans la sécurité en décembre 2007,
donc depuis je suis vigile.
J’espère juste que je ne fais pas tout ça pour rien… que quand j’aurai fini mes études, je
trouverai un travail dans l’informatique grâce à mon diplôme… c’est tout ce que je
demande. Mais c’est vrai que parfois j’ai peur… j’ai peur d’être découragé comme avant
et de trouver que du travail dans la sécurité ou dans la restauration. C’est vrai que c’est
difficile quand même. Je… enfin parfois ça… disons que travailler dans la sécurité ça
m’embête mais je n’ai trouvé que ça. J’ai peur de ne jamais trouver dans
l’informatique… » (ibid.)
« Fatima (la cousine de la personne interviewée, titulaire d’une licence de psychologie)
elle travaille comme femme de ménage et ça se passe bien, il y a pas de soucis : on lui dit
pas, vous allez choquer avec votre foulard ; on lui dit pas, vous allez choquer avec votre
accent ; on lui dit pas, vous allez choquer avec votre apparence physique, avec votre
couleur de peau. Mais moi, ça se passe mal parce que c’est un poste en entreprise, parce
que c’est un poste qui vient compléter l’ambiance de l’entreprise. » (Radjah, 31 ans,
Ingénieure de l’université d’Oran)
Le racisme en entreprise et la discrimination à l’embauche peuvent revêtir ainsi des formes
différentes : le racisme exclue, d’abord, mais il peut également intégrer sur le mode
hiérarchique et inégalitaire de l’exploitation et de l’infériorisation ; la discrimination est aussi
un rejet et une ségrégation dans des tâches ingrates et faiblement qualifiées, pouvant conduire
de manière apparente à une racisation des filières et des métiers (Bataille, 1997).
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Stratégies d’adaptation8 : minimalisation et déni du racisme
Si la conscience, c'est-à-dire la perception et la reconnaissance du racisme et des
discriminations caractérisent l’expérience de l’ensemble des candidats, certaines personnes de
celles rencontrées adoptent des attitudes de relativisation ou de minimisation. Elles se font en
cela l’écho des discours et des représentations développés par les intermédiaires. Pour celles
et ceux en particulier, issus des filières de formation les plus performantes et/ou prestigieuses,
les savoirs et les outils techniques (le CV, le réseau, etc.) sont mis en avant pour expliquer les
accrocs dans un parcours d’emploi. Le travail sur soi proposé par les professionnels est
positivement perçu par ces individus qui renouvellent de la sorte leur adhésion à une vision et
une représentation méritocratiques. Dans cette vision, nous l’avons vu, la discrimination
constitue un épiphénomène qu’il s’agit de réparer ou d’épuiser :
« En fait pour moi, au départ, je voyais pas ça. Je sais que… Bon, c’était un peu lointain,
du type je sais pas vraiment s’il y’a des discriminations au travail ou à l’embauche. Ben
en fait, je crois que comme ça s’affichait pas quand j’étais dans les études, on me l’avait
jamais fait ressentir… Mais au fur et à mesure des recherches, quand ça bloque, on est
amené… on se pose des questions. Donc… on essaie de voir un peu pourquoi ça a
bloqué. J’avoue que ça m’a traversé l’esprit.
Mais bon, c’est pas un schéma dans lequel je voulais m’enfermer, c’est pas ce que je
voulais me dire au quotidien, parce que sinon c’est horrible.» (Rafik A., 25 ans, diplômé
d’école de commerce, accompagné par A. )
Comme l’indiquent ces extraits d’entretien, l’attitude de déni ou de relativisation peut
s’apparenter à une démarche stratégique - « je n’ai pas envie de le ressentir ». Elle peut être
interprétée tant comme une attitude de préservation de soi, par la neutralisation des blessures
engendrées par la discrimination, que comme le maintien d’une attitude instrumentale du
« strict agir intéressé » (Stavo-Debauge, 2009). Plus la proximité avec les filières de
formation les plus rentables est importante, plus ces attitudes peuvent être accusées, tout en
admettant dans l’ensemble l’existence des discriminations. Néanmoins, comme l’évoquent les
témoignages recueillis, ces rationalisations recouvrent également des situations
d’intériorisation d’une norme et d’une représentation déficiente de soi – « il y avait
effectivement quelque chose qui n'allait pas dans ma manière d'être lors des entretiens ; je
véhiculais en fait si vous voulez une image qui ne me caractérisait pas du tout et qui me
faisait parfois un peu du tort… ». La vision qui consiste à mettre l’accent sur un certain
nombre de carences et d’inadaptations personnelles pour rendre compte des difficultés
d’insertion professionnelle est intériorisée et perçue comme légitime par les individus
(Dhume et Sagnard-Haddaoui, 2006). A la recherche d’un emploi, ils sont plus proches d’une
logique d’acceptation (« se fondre dans le moule ») que d'une logique de dénonciation des
violences vécues. Tout se passe comme si, en intériorisant une remise en question de leurs
qualités réelles, ils atténuaient la souffrance de leur déqualification. Selon les auteurs, se sont
les plus vulnérables qui « sont les plus à même d’accepter ces déformations cognitives », en
admettant que leur situation désavantageuse est, somme toute, méritée. Si les situations de
racisme latent sont vécues par eux difficilement, ils entrent dans la logique d’un système
discriminatoire et agissent comme si les entreprises procédaient légitimement à cette
discrimination. L’exercice de la domination consiste ainsi en un constant rappel à l’ordre :
8
Nous référons ici la notion de stratégie d’adaptation à l’emploi fait notamment par Merton pour décrire une situation de
tension et de discordance entre objectifs culturels fixés par la société et moyens, également sociaux, politiques et culturels
mis à disposition des individus pour les atteindre. Merton, R. K. « Structure sociale, anomie et déviance », 1995 (1965).
8
assujettissement et subordination réduisent à merci ceux qui les éprouvent, pouvant générer
des situations d’aliénation et de déni des expérience vécues (De Rudder et Vourc’h, 2006).
Les données recueillies montrent, toutefois, que ces démarches de relativisation ne concernent
qu’une minorité des personnes accompagnées et que le recours aux structures dédiées peut
aller de pair avec le maintien d’une vigilance personnelle accrue qui interpelle les pratiques
professionnelles. Une première manière, pragmatique, de gérer ces tensions ou dissonances
consiste, de la part des personnes accompagnées, en un investissement avant tout instrumental
des activités proposées. Pour le dire vite, face à l’idée de « rester à sa place », ils mettent en
avant la volonté de « faire du réseau » :
« J’ai des relations normales avec ces gens-là (les accompagnateurs). Oui voilà, c’est
« qu’est-ce que vous voulez monsieur ? - Je veux faire du réseau. – Ben OK, voilà ». Pour
Madame L., si j’ai besoin d’elle, j’appelle, « Est-ce que je peux vous voir pour mon
CV ? – Je ne suis pas disponible cette semaine, est-ce que vous pouvez me rappeler la
semaine prochaine ? ». Ils sont gentils, c’est des professionnels et ils font ça
gratuitement. Ca m’étonne. » (Mohamed D., 30 ans, diplômé en ingénierie au Maroc,
installé en France depuis 2006, accompagné par A.).
« En fait, en tant que participant, on a un contrat, un document disant que si on suivait
toute la période de formation, on allait déboucher sur l’ouverture du réseau. C’est
normal, c’est la phase la plus importante ! Enfin, la première phase est aussi très
importante. » (Rafik A., diplômé d’école de commerce, accompagné par A.)
D’autres personnes de celles que nous avons rencontrées évoquent, en revanche, la nécessité
d’une prise en compte plus forte dans ces espaces de médiation et de soutien individuel de la
problématique du racisme et des discriminations. Elles critiquent l’approche traditionnelle des
intermédiaires basée sur des stratégies éducatives et adaptatives visant d’abord les personnes
accompagnées. Pour M.G., si la reconnaissance de la prégnance du racisme dans les pratiques
professionnelles est un préalable indispensable à l’intervention des intermédiaires, elle ne
saurait rester qu’une incantation :
« Il fallait trouver les moyens d’aller au-delà ! Au départ, je n’avais pas d’issues parce
que quand je présentais la situation aux structures que j’avais rencontrées, la réponse
que j’avais en général était, « Oui mais, ça ne se passe pas toujours comme ça… ». Moi
je crois qu’ils ne me prenaient pas au sérieux. J’ai envoyé plus de 100 candidatures, j’ai
moins de six réponses ! Je fais le même CV et je change juste le nom, ça donne quelque
chose. Et ça c’est quelque chose qui est ancré dans la société !9
Et quand j’expliquais ça à certains organismes, les gens me mettaient toujours dans la
position de la personne qui se victimise et qui ne veut voir qu’il y a des immigrés qui
décrochent un emploi.
Et on vit ça comme un affront. Car on est face à une personne qui malgré les faits,
n’arrive pas à comprendre… » (MG., 28 ans, parents originaires du Congo, licencié en
marketing et management des entreprises, accompagné par Dynamique)
9
M.G. avait notamment procédé par ces propres moyens à une opération de « testing », remplaçant après l’envoi de plusieurs
dizaines de candidatures restées sans réponse, le nom et le prénom sur son cv : « Au début, je me suis beaucoup mis sur le
CV, mais la réalité a fini par me rattraper quand j’ai fait un testing. Un testing, c’est-à-dire prendre mon CV et mettre un
autre nom pour voir le retour. Et là j’ai décroché des entretiens. J’ai mis un nom très simple, j’ai pas eu besoin de faire une
centaines de candidatures… allez, à tout casser, j’en ai fait une dizaine et j’ai eu un retour sur quasiment six à huit
candidatures et j’ai eu quatre entretiens. Le jour de l’entretien, je suis allé en disant, « … ça a été la seule façon de
décrocher un entretien ». Et là, la personne me reçoit bien évidemment, mais en général, il n’y a pas de suite. »
9
Selon les témoignages des personnes accompagnées que nous avons analysés, les stratégies
d’intervention développées par les intermédiaires participent de la construction d’un espace
de prise de conscience et de prise de parole. De ce point de vue, comme nous l’évoquions plus
haut, ces interventions sont importantes et méritent examen non seulement en ce qu’elles se
révèlent efficaces ou au contraire inappropriées dans l’accès à l’emploi, mais en ce qu’elles
constituent également un élément et un espace structurant dans la construction des
expériences subjectives. Les trois associations étudiées ici offrent en ce sens des exemples
différenciés que nous pouvons typifier en référence à : une logique de « neutralisation ou de
prévention du racisme et des discriminations » ; une logique de « négation ou de
relativisation » et de minimalisation ; une intervention, enfin, qui se veut avant tout
« pragmatique » et de « discrimination positive ». A noter que si les deux premières formes
ciblent davantage les personnes et comportent donc une dimension éducative importante, la
troisième vise elle plutôt les lieux et les mécanismes de la sélection. A la différence des deux
autres, elle est, dans les exemples étudiés, plus faiblement dotée en ressources
argumentatives. De ce point de vue, nous pourrions affirmer que les modes d’argumentation
et d’intervention prédominants sont ceux qui visent à permettre aux personnes de « vivre avec
le racisme ».
Prévention ou neutralisation du racisme et des discriminations. La logique d’acceptation
Tout d’abord, les personnes accompagnées se montrent conscientes et font en ce sens preuve
d’une lucidité bien défaillante chez d’autres acteurs, en ce qui concerne l’efficacité limitée des
médiations effectuées en matière de lutte contre les discriminations qui, rappelons-le,
s’inscrivent délibérément dans une démarche non contraignante (cf. aussi infra). Dès lors, le
travail sur soi proposé par les associations peut acquérir un statut paradoxal, au mieux, d’une
valorisation de soi, d’une remobilisation personnelle mais sans contrepartie effective en
termes d’insertion professionnelle et, au pire, d’une élévation du niveau des exigences, sur un
marché du travail tendanciellement fermé et sélectif. Selon quelles modalités les personnes
accompagnées évaluent-elles les actions proposées par les intermédiaires et adhèrent-elles ou
non à la philosophie des programmes impulsés, ainsi qu’aux formes pratiques du travail qui
leur est proposé ? Plus généralement, de quelle façon ces participations contribuent-elles à
forger leur perception et leur conscience individuelle ? Comme nous l’évoquions plus haut, la
logique de prévention, ou dans certains cas de neutralisation, en constitue une première
modalité. Ici le racisme et la discrimination sont intégrés, tant dans les interventions des
professionnels que dans les expériences subjectives des candidats comme une contrainte en
plus du marché de l’emploi - je sais que je vais y être exposé.e donc autant me préparer.
Rationalisation anticipatrice qu’illustrent les extraits d’entretien suivants :
« Ben parce que je suis noire déjà et quand tu sors de l’école ben, tu peux… déjà galérer,
même avec un bac +5… alors je pense que quand en plus t’es noire !... Je savais que ça
allait être plus compliqué pour moi que… par rapport à toi, qui est blanche… par exemple.
Beaucoup de gens ont des aprioris… alors voilà… j’ai voulu intégrer l’association F. pour
me donner, plus de… enfin plus de chances pour trouver un travail… Par, euh, par
prévention en quelque sorte… pour ne pas galérer quoi… ou le moins possible.
Je voulais mettre toutes heu… ben toutes les chances de mon côté pour trouver un
emploi… Et puis c’est vrai, je savais que ça pouvait être plus difficile pour moi parce que
je suis Noire… donc voilà… j’ai préféré ben anticiper. » (SL, 26 ans, accompagnée par F.)
La même personne explique qu’elle préfère faire apparaître systématiquement une photo
dans sa candidature afin de prévenir un effet de surprise lors d’un entretien éventuel,
essayant ainsi dans les faits de neutraliser les expressions du racisme les plus directes :
10
« Par exemple moi, sur mon CV, je mets ma photo pour éviter l’effet de surprise du
recruteur quand j’arrive… Car ça, je pense que ça me mettrai vraiment mal à l’aise… tu
sais direct que les gens ne vont pas t’embaucher … Ça me touchait plus quand j’étais plus
jeune ». Cette démarche tournée vers la neutralisation est à entendre d’abord comme une
stratégie de protection de soi, plutôt que d’efficacité puisque, nous le savons, le pari de
certaines mesures anti-discrimination, dont le CV anonyme est pour partie basé sur
l’hypothèse inverse, de la première barrière brisée.
Les interventions des intermédiaires peuvent corroborer ces attitudes d’attentisme et de
sérieux de la part des candidats. Ainsi dans les sessions de coaching organisée par
l’association F.., les profils des personnes accompagnées seront délibérément variés pour,
d’une part, éviter la logique de carrières d’excellence décrite plus haut et, d’autre part, pour ne
pas mettre en exergue la dimension ethnique et raciale, en l’englobant dans une palette élargie
de marqueurs de difficulté sociale et professionnelle, comme la résidence, la formation
poursuivie, l’origine sociale etc. Si la problématique des discriminations est reconnue et
traitée– ce qui tient également à des parcours et à des engagements individuels et
professionnels – les interventions marquent aussi une vigilance à ce que celle-ci soit
relativisée, la présentant notamment comme une forme de difficulté parmi d’autres.
L’association affiche, dans ses activités multiples, une dimension sociale qui apparaît
également dans les actions de médiation à l’emploi. Une forme de sollicitude caractérise la
relation avec les personnes accompagnées, qui seront ici moins souvent « bousculées »,
amenées à travailler sur soi, ou à réfléchir aux modalités diverses de leur façon d’être et
présentation. Si les interventions se montrent respectueuses des personnes accompagnées,
ainsi que vigilantes à ne pas ajouter une forme de stigmatisation supplémentaire à leur égard,
il arrive que celles-ci s’y inscrivent de manière répétitive à chaque cycle tronqué d’accès à
l’emploi, la médiation effectuée vis-à-vis des entreprises étant clairement non contraignante.
Les attitudes d’attentisme, de sérieux, de bonne volonté évoquent le profil de l’étudiant de
classe moyenne à l’école bourgeoise, sérieux et angoissé, qui cherche à travers des efforts
multiples à conjurer des peurs et des difficultés qui ne manquent de se concrétiser. Comme
l’explique M.K., « maintenant, j’ai toujours des CV sur moi car on sait jamais qui on peut
rencontrer ! ».
Les interventions développées par les intermédiaires comptent dans la formation et l’expression
de ces attitudes. Si les actions d’accompagnement peuvent bien être appréhendées comme
participant d’une logique de « contention de l’indignation » (Stavo-Debauge, 2009), l’accent est
davantage ici porté sur les effets bénéfiques escomptés d’une socialisation individuelle et d’une
dynamique collective. La logique individuelle qui se dégage de ces participations est celle d’une
certaine temporisation, voire d’une acceptation : oui, le racisme existe, je n’y pourrais rien donc
autant m’y préparer et intégrer cette donne du mieux que je le pourrais. Dans le même temps,
l’efficacité des interventions menées par l’association est appréciée avec un certain
désabusement. Comme nous l’évoquions plus haut, l’hésitation des intermédiaires entre
incitation et contrainte est négativement perçue par les candidats :
« Mais est-ce qu’ils luttent contre l’exclusion ? En quoi franchement ? Ok, ils ont des
partenaires qui t’aident pour les CV et tout, qui te conseillent, mais est-ce qu’ils te
donnent un travail ? Non, ils ne donnent pas de travail…
Les entreprises qui sont engagées pour lutter contre l’exclusion, mais est-ce qu’ils ont
embauché des gens ? Ben non. C’est bien pour eux, c’est bien de dire : « on aide les
étrangers ou ceux qui peuvent subir des discriminations », c’est valorisant pour eux, mais
dans les faits, c’est pas du tout la même chose. Eux, ils n’embauchent personne. »
11
Minimalisation et déni du racisme
La minimalisation et le déni du racisme constituent une autre stratégie adaptative face à un
marché de l’emploi sélectif et excluant. Dans les faits, comme le montre l’enquête, cette
attitude sera le plus souvent endossée par les personnes qui s’estiment les plus proches d’un
parcours professionnel gratifiant et méritoire, en raison notamment d’une formation
particulièrement prestigieuse, au sein de filières d’excellence. Comme nous l’avons évoqué
plus haut, cette attitude est clairement canalisée et amplifiée par les professionnels. Il est
intéressant et instructif de souligner à quel point cette représentation est intériorisée par les
personnes accompagnées, légitimée en l’occurrence par la reconnaissance dont bénéficient
leurs interlocuteurs, perçus comme « la grande société civile locale », « une force du
dehors », ainsi que par l’idée du « réseau », dont on promet « l’ouverture » avec plus de 80%
de réussite dans l’accès à l’emploi.
Alors qu’elles affichent clairement un rapport d’abord instrumental à la structure, comme
nous l’avons souligné plus haut, les personnes accompagnées intègrent dans leur grande
majorité la nécessité d’accomplir un travail sur soi, au préalable de l’accès à l’emploi. Ce
travail va s’attacher de manière paradoxale à gommer les attitudes dites péjorativement de
victimisation. La situation de victime est ainsi retournée est renvoyée à la personne, qui se
trouve de la sorte rendue responsable des difficultés qui l’accablent :
« Disons que moi je travaillais sur moi-même et que je dois améliorer ma personnalité
avant de faire quelque chose. Donc pour moi le plus important c’était de travailler sur
soi. » (Mohamed D., 30 ans, en France depuis 2 ans, originaire du Maroc, ingénieur)
« Concernant l’association, gros apport sur le savoir-être pendant les entretiens. Regarde
de telle manière, évite de parler de telle ou telle chose … c'était une image qui ne me
caractérisait pas du tout … Je donnais parfois une image de victimisation, que j’ai
corrigée ! » (Hamza R., 25 ans, diplômé d’ESC)
« Parce qu’en fait il y a deux étapes de l’accompagnement. Donc j’ai travaillé sur les 80%
du programme de projet de vie. C’est bien, ça permet une réflexion sur soi, ça permet de
voir plus clair sur son projet professionnel et personnel…
Et après, en fait, ils étaient pas trop convaincus de ma candidature. On me l’a dit, au
départ : « ah bah oui madame, on est pas sûrs » … Et après, on m’a dit : « vous entrez sur
dérogation ». » (Radjah, ingénieure en informatique de l’université d’Oran, arrivée en
France en 2001, de nationalité française. R. porte le voile)
Cette dynamique d’intériorisation de la contrainte et donc, de manière corrélée, d’une certaine
déresponsabilisation des acteurs économiques va de pair avec une attitude d’étonnement et
d’incrédulité quant à la logique d’aide développée par l’association. Son prestige, ainsi que
ses compétences localement reconnues sans équivoque, lui confèrent une légitimité toute
particulière, ainsi qu’une valeur et une crédibilité supplémentaires au travail accompli.
Une logique de discrimination positive. Dynamique
A côté de ces deux structures, la troisième association étudiée, Dynamique, se distingue par
une forme d’intervention que professionnels et usagers qualifient d’abord de « pragmatique ».
C’est une structure associative, de taille modeste (qui compte une salariée à temps plein),
financée en grande partie par des fonds publics. En lieu et place des animations partenariales
12
avec les entreprises que développent les deux autres réseaux, ici aucune proximité avec cellesci n’est affichée ou revendiquée, même si les fondateurs de l’association sont également des
dirigeants de PME locales. Dynamique démarche les entreprises qui souhaitent « se
positionner » sur les problématiques de non-discrimination et de diversité et négocie afin
qu’elles lui transmettent de manière préférentielle leurs offres d’emploi. Pas de pédagogie
donc de la motivation ou du « savoir-être », l’association consacre ses efforts principalement
à « positionner » ses candidats pour un entretien en vue d’un poste.
Cette spécificité de l’intervention est positivement perçue par les personnes accompagnées,
qui mettent en avant son efficacité ainsi que l’absence d’un regard critique, éducateur ou
moralisateur : « Avec eux, je n’étais plus dans la sphère, « je flattais mon égo », mais j’étais
plutôt dans la sphère accéder à l’emploi. C’était « Bon, on va arrêter le superflu : ça, ça
sert ; ça, ça nous sert pas à grand chose ; ça c’est à dire lors de l’entretien, on a pas à le
mettre sur le CV, etc. » » (M.G.). La même personne apprécie le travail accompli comme nonnormatif, pragmatique, mais surtout permettant, comme l’évoquent les extraits suivants, de
déconstruire un certain nombre de représentations et d’idées reçues sur l’inadaptation
potentielle des jeunes aux attentes de l’entreprise, en mettant en exergue et en reconnaissant
les stéréotypes et les préjugés que l’entreprise construit de son côté :
« Quelque chose de concret, de palpable qui va plutôt dans le sens de l’emploi et non dans
le sens de me valoriser moi ! Avant, j’étais sur des directives pour faire beau et,
honnêtement, moi ça me convenait pas du tout. C’était pas convainquant pour moi.
Avec Madame C., ça a été plutôt direct. Elle me disait, « Attention, pour un poste de
commercial, ça il faut l’enlever ! car un commercial qui fait du social, ça le fait pas ! »
Et aussi, « Tout ce qu’on va vous apporter, on va le prendre par vous-mêmes, c’est-à-dire
que ça viendra de vous ». Ca j’oublierai pas ! Elle m’a dit « on est pas là pour amener des
choses de l’extérieur pour faire de vous ce que vous n’êtes pas ; je ne vais pas avec ma
baguette magique vous décrocher un emploi, mais on va partir de vous pour vous apporter
quelque chose ».
Et ça, c’est génial ! De savoir qu’on ne va pas rajouter des trucs pour faire beau, mais
qu’on va partir de ce qui est réel pour décrocher un emploi. Et là, c’est quelque chose de
concret et je trouve que c’est génial. » (MG, 28 ans, licence de marketing et management
des entreprises)
Dans le cas de l’approche qui se veut d’abord pragmatique développée par cette association,
la sanction de la médiation est l’obtention d’un emploi : Dynamique recentre ses efforts sur le
« positionnement » des personnes en vue d’un entretien sur des postes à pourvoir. L’approche
est donc différente de lorsque l’association contacte ses partenaires en vue d’obtenir un
entretien mais en l’absence de besoins de recrutement identifiés (A.) ; ou lorsque l’entreprise
s’engage à recevoir systématiquement en entretien les personnes accompagnées, cet entretien
ayant plutôt valeur de contrepartie morale et symbolique au travail d’accompagnement réalisé
(C.). L’implication des entreprises dans les apprentissages et coachings variés organisés par
les professionnels de la diversité s’avère ainsi avoir un coût, à savoir le refus de s’engager en
faveur d’une aide au placement des candidats. Tout se passe comme si, ayant participé aux
sessions d’accompagnement, les entreprises considéraient avoir accompli leur part de
l’engagement. Logiquement, en conséquence, mais de manière également contre-intuitive, ce
sont les structures qui sont le moins partie prenante des actions de « partenariat » avec les
entreprises, en amont des processus de recrutement, qui disposent des latitudes les plus
importantes pour agir en faveur du recrutement (en termes au moins de réception à
l’entretien). Des organisations qui développent, en revanche, un système de tutorat en amont,
misant sur le concours des entreprises, se trouvent par là même limitées dans leur capacité
13
d’inverser le regard des acteurs économiques. Ces observations et données d’enquête, à
compléter et à approfondir, posent la question des modes d’interaction entre intermédiaires et
professionnels de la diversité, d’une part, et entreprises, d’autre part, de leur interprétation en
termes de relation partenariale, ainsi que de l’incidence de ce type de structure de
coordination sur l’objectif de lutte contre les discriminations.
Revenons pour conclure sur l’efficacité et la pertinence qu’il faut concevoir pour ces actions
en matière de lutte contre les discriminations. En effet, alors que l’intervention des
associations est dans sa globalité positivement perçue par les personnes accompagnées, tant
par les dimensions de soutien individuel que par les dynamiques de socialisation enclenchées,
celles-ci estiment néanmoins comme très faible l’efficacité des actions proposées en matière
de lutte contre les discriminations. Si la situation de « contrainte multiple » rend pour partie
compte des difficultés auxquelles se trouvent confrontés les professionnels, pouvant les
conduire « malgré eux » à la reproduction du fonctionnement d’un système discriminatoire,
ces résultats ne devraient pas a priori recouper les configurations actuelles, avec les
évolutions que nous connaissons des cadres politique et institutionnel et le fait que ces
dispositifs se trouvent aujourd’hui mobilisés comme mesure privilégiée de lutte contre les
discriminations. Outre les aspects évoqués de contradiction et de tension, les données de
l’enquête attirent l’attention sur l’existence de freins ou en tout cas le manque d’appuis
suffisamment importants pour permettre aux acteurs sociaux d’être en capacité « d’inverser »
ces logiques. Leurs interventions sont prises, comme le montrent les données plus globales de
notre enquête, dans des situations complexes, à la fois de faiblesse et de délégitimation, mais
aussi d’une certaine forme de caution et de reconnaissance, à travers l’idée notamment d’une
aide spécifique apportée aux populations minoritaires. Le balancement que nous avons retracé
ici entre incitation, médiation et contrainte tend à fragiliser toutefois à nouveau ce cadre
d’intervention, ainsi que la capacité qui le caractérise d’être levier d’évaluation critique et de
changement des conduites et des règles professionnelles. S’il participe, nous l’avons vu, de la
construction d’un espace d’identification et de prise en compte pour les individus d’un vécu et
d’une expérience de la discrimination, l’enquête nous invite également à questionner les
limites de son potentiel d’innovation, tant du fait du refus par les entreprises de médiations
contraignantes, que de celui de la reprise des catégories cognitives mêmes des sélections
opérées.
14
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16

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