Lettre du Cabinet SIMON Associés / Novembre 2013

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Lettre du Cabinet SIMON Associés / Novembre 2013
LETTRE DES
LA LETTRE
DU CABINET
SOMMAIR
Novembre 2013
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PARIS
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SOMMAIRE
CORPORATE ET DROIT DES SOCIETES :
De la nécessité de bien définir son objet social
p.2
Cass. com., 8 octobre 2013, pourvoi n°12-25.192
La possibilité pour un associé d’agir en responsabilité contre un cocontractant de la société
p.2
Cass. com., 8 octobre 2013, pourvoi n°12-18.252
ENTREPRISES EN DIFFICULTE :
Absence de privilège pour le titulaire d’une réserve de propriété
p.3
Cass. com., 15 octobre 2013, pourvoi n°13-10.463
Bénéfice du délai de déclaration de quatre mois pour le cessionnaire demeurant à l’étranger
p.3
Cass. com., 15 octobre 2013, pourvoi n°12-22.008
CONTRATS CIVILS ET COMMERCIAUX :
L’appréciation de la notion d’emprunteur averti
p.4
Cass. com., 5 novembre 2013, pourvoi n°11-25.111
L’interdépendance de contrats concomitants ou successifs
p.4
Cass. com., 22 octobre 2013, pourvois n°12-18.059 et n°12-23.715
CONCURRENCE ET DISTRIBUTION :
L’absence de cause dans les contrats de franchise
MONTPELLIER
CA Lyon, 7 novembre 2013, RG n°12/03645
33 bis rue du Faubourg Saint Jaumes
34000 MONTPELLIER
Tél. 04 67 58 94 94
CA Paris, 25 octobre 2013, RG n°11/20079
Mise en œuvre d’une clause de résiliation sans faute et pratiques restrictives
p.5
p.5
SOCIAL ET RESSOURCES HUMAINES :
Irrégularité de forme de la lettre de licenciement remise par un tiers
p.6
Cass. soc., 23 octobre 2013, pourvoi n°12-12.700
BRESIL *
Nullité du licenciement d’un salarié ayant témoigné en faveur d’un autre salarié
p.6
Cass. soc., 29 octobre 2013, pourvoi n°12-22.447
IMMOBILIER :
CHINE *
LUXEMBOURG *
Révision de loyer et indice de référence fixe
p.7
Obligation de l’entrepreneur avant la réception
p.7
Cass. civ. 3ème, 16 octobre 2013, pourvoi n°12-16.335
Cass. civ. 3ème, 6 novembre 2013, pourvoi n°12-18.844
PROPRIETE INTELLECTUELLE :
*Convention Organique Internationale
Marque et nom patronymique
p.8
Cass. com., 13 novembre 2013, pourvoi n°12-26.439
p.8
Le droit d’auteur et les idées
www.simonassocies.com
CA Paris, 16 octobre 2013, RG n°12/06709
DROIT DE LA SANTE :
Vaccination contre l'hépatite B et sclérose en plaques : simplification de la preuve
p.9
CE, 6 novembre 2013, n°345696
Responsabilité pénale du médecin en cas d’omission d’empêcher une infraction
p.9
Cass. crim., 23 octobre 2013, pourvoi n°12-80.793
PROCEDURE CIVILE ET VOIES D’EXECUTION :
ère
Actualité
SIMON ASSOCIÉS
Page 13
L’appel d’une partie défaillante en 1
instance limité au rejet des prétentions adverses
p.10
Cass. com., 19 novembre 2013, pourvoi n° 12-26.660
Fin de non-recevoir tirée d’une mention erronée dans l’acte d’assignation
Cass. com., 19 novembre 2013, pourvoi n° 12-24.101
p.10
INTERNATIONAL :
Fenêtre sur l’Afrique Subsaharienne
p.11
La Lettre du Cabinet - L’actualité juridique (Novembre 2013)
2
CORPORATE ET DROIT DES SOCIETES
De la nécessité de bien définir son objet social
Cass. com., 8 octobre 2013, pourvoi n°12-25.192
Une société anonyme ayant pour objet social « le
négoce au détail (…), la mise en œuvre et
l’exploitation de tous commerces (…), la création,
l’acquisition, la location, la prise à bail,
l’installation, l’exploitation de tous établissements
se rapportant aux installations spécifiées, la prise,
l’acquisition, l’exploitation ou cession de tous procédés ou brevets concernant ces activités, la participation directe ou indirecte de la société dans
toutes les opérations ou entreprises pouvant se
rattacher à l’objet social », s’était engagée à
l’occasion de l’acquisition de dix parts sociales
d’une société civile immobilière, et sous réserve de
la réalisation de certaines conditions, à céder les
titres acquis.
La Chambre commerciale de la Cour de cassation a
néanmoins considéré que les statuts précisaient
que la société avait notamment pour objet la participation directe ou indirecte dans toutes opérations ou entreprises pouvant se rattacher à l’objet
social et toutes opérations contribuant à la réalisation de cet objet, « ce dont il se déduisait que la
promesse de vente des parts détenues dans le
capital de la SCI qui constituait une opération portant sur une participation, entrait dans l’objet social ». La clause dite « clause balai » de l’objet
social, à savoir celle du cas d’espèce reprise cidessus, permettait de considérer que la promesse
de vente litigieuse entrait dans l’objet social et que
la société devait en conséquence l’honorer.
La société, depuis transformée en société par actions simplifiée, refusa, une fois toutes les conditions réunies, de céder les dix parts acquises, soutenant ne pas être tenue par l’engagement pris, la
promesse de cession de parts de société civile
immobilière ne relevant pas de son objet social.
Cet arrêt a le mérite de rappeler qu’une société est
valablement engagée à l’égard des tiers par les
actes qui se rattachent à son objet, à savoir ceux
qui concourent à sa réalisation. L’objet social doit
en conséquence être rédigé le plus précisément
possible afin d’éviter toute difficulté.
La possibilité pour un associé d’agir en responsabilité contre un cocontractant de la société
Cass. com., 8 octobre 2013, pourvoi n°12-18.252
Dans cette espèce, une société X. exerçant dans le
domaine agroalimentaire et commercialisant de la
viande porcine avait conclu avec une société Y. du
même secteur, un contrat de fourniture de porcs
et une convention de cession partielle de fonds de
commerce. Suite à cela, et en raison de difficultés
financières grandissantes, les associés de la société
X. ont abandonné les créances qu’ils détenaient à
son encontre et l’ont recapitalisée.
Cet arrêt indique que « la recevabilité de l’action
en responsabilité engagée par un associé à
l’encontre d’un cocontractant de la société est
subordonnée à l’invocation d’un préjudice personnel et distinct de celui qui pourrait être subi par la
société elle-même ». Ce principe est d’application
constante en droit des sociétés et ce, que l’associé
agisse contre un dirigeant social ou contre un cocontractant de la société.
Les associés de la société X., finalement liquidée,
ont alors reproché diverses fautes à la société Y.,
qui avait entre-temps acquis l’intégralité du fonds
de commerce de la société X., et demandé une
indemnisation. Les demandes des associés résultant notamment de la dépréciation de la valeur des
titres de la société X. ont été rejetées tant en première instance qu’en appel. La Cour de cassation
ne fait dans cet arrêt que confirmer la position de
la Cour d’appel de Rennes en ce qui concerne la
possibilité pour un associé d’agir en responsabilité
contre un cocontractant de la société.
Quel que soit le cas, le préjudice subi par l’associé
ne doit pas être le corollaire de celui subi par la
société. En l’espèce, les associés demandaient
réparation à la société Y. du préjudice subi du fait
des abandons de créances consenties au profit de
la société X. et de l’apport en capital de fonds
propres réalisé. La Haute Cour a cependant retenu
que la société Y. n’avait pas commis de faute et
que la liquidation de la société X. résultait essentiellement de sa politique de vente à perte et,
qu’en conséquence, le préjudice subi par la société
X. ne résultait pas des agissements de la société Y.
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3
ENTREPRISES EN DIFFICULTE
Absence de privilège pour le titulaire d’une réserve de propriété
Cass. com., 15 octobre 2013, pourvoi n°13-10.463
« En application des dispositions combinées des
articles 2329 du code civil et L.624-9 du code de
commerce, si la clause de réserve de propriété
constitue une sûreté réelle, elle ne confère à son
bénéficiaire aucun droit de préférence dans les
répartitions ». Telle est la motivation de la présente décision de la Cour de cassation.
En l’espèce, le débiteur en liquidation judiciaire
avait conclu un contrat d’approvisionnement incluant une clause de réserve de propriété. Le cocontractant du débiteur avait déclaré, à titre privilégié, sa créance au titre dudit contrat mais omis
de revendiquer le bien dans le délai de trois mois à
compter de la publication du jugement d’ouverture
au BODACC, fixé par l’article L.624-9 du code de
commerce. Suivant la position du liquidateur, le
juge-commissaire a considéré que le caractère
privilégié de la créance n’était pas justifié et l’a
donc admise à titre chirographaire. La Cour d’appel
ayant confirmé l’ordonnance du juge-commissaire,
le cocontractant du débiteur s’est pourvu en cassation. La Chambre commerciale rejette purement et
simplement le pourvoi du cocontractant, jugeant
que la clause de réserve de propriété dont bénéficie le cocontractant ne fait pas de lui un créancier
privilégié de la procédure. Une telle sûreté n’est
donc d’aucune utilité à son titulaire qui parallèlement ne revendiquerait pas, dans le délai de
l’article L.624-9 précité, le bien objet de la réserve
de propriété. En effet, le droit de propriété du
réservataire reste inopposable à la procédure et le
bien réservé peut être vendu par le liquidateur
comme tout autre actif du débiteur.
De la même façon qu’elle « n’est pas une condition
de la revendication des marchandises vendues avec
clause de réserve de propriété » (Cass. com., 20
octobre 1992, pourvoi n°90-18.867), la déclaration
de créances ne peut suppléer la carence du créancier à revendiquer son bien en octroyant un rang
privilégié à cette créance.
Bénéfice du délai de déclaration de quatre mois pour le cessionnaire demeurant à l’étranger
Cass. com., 15 octobre 2013, pourvoi n°12-22.008
Par cet arrêt, la Haute juridiction se prononce, à
l’occasion d’une affaire bien connue, sur le délai
applicable à la déclaration de créances effectuée
par le cessionnaire demeurant à l’étranger d’une
créance initialement détenue par un créancier de
la société Technicolor (ex-Thomson) dont le siège
social était situé en France. Par un jugement du 30
novembre 2009, le Tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de sauvegarde au
bénéfice de la société Technicolor. La société Banco Finantia, dont le siège social est situé au Portugal, a déclaré, le 7 avril 2010, au passif de la société
Technicolor, la créance qu’elle détenait à son encontre, aux termes d’un acte de cession de créance
conclu avec la société Bank of America. A la suite
de l’admission de la créance de la société Banco
Finantia, le débiteur, les mandataires judiciaires et
le commissaire à l’exécution du plan ont interjeté
appel de l’ordonnance du juge-commissaire, soulevant la tardiveté de la déclaration de créances,
comme n’ayant pas été réalisée dans les deux mois
de la publication du jugement d’ouverture au BO-
DACC. Constatant que le délai de déclaration –
deux mois pour les créanciers demeurant en
France, augmentés de deux mois supplémentaires
pour les créanciers demeurant à l’étranger – prévu
par l’article R.622-24 du code de commerce n’était
pas expiré au jour de la déclaration de créances de
la société Banco Finantia, les Sages confirment
l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles qui avait
justement déduit que ladite société n’était pas
forclose à déclarer sa créance au passif de la société Technicolor.
Motivant sa décision, la Cour de cassation précise
(i) que le délai de déclaration applicable n’est pas
un accessoire de la créance cédée, (ii) que la détermination du délai applicable doit se faire en
considération de la personne du créancier cessionnaire déclarant, lequel avait en l’espèce son siège
social à l’étranger, et enfin (iii) que l’allongement
du délai de déclaration a pour seule finalité de
compenser, au profit du créancier étranger, la
contrainte résultant de l’éloignement.
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4
CONTRATS CIVILS ET COMMERCIAUX
L’appréciation de la notion d’emprunteur averti
Cass. com., 5 novembre 2013, pourvoi n°11-25.111
Une banque octroie un prêt à la société X. (emprunteur), dirigé par M. X., afin de financer l’achat
de parts sociales de la société T. Ce prêt a été consenti en 2004 et était remboursable en sept ans.
M. et Mme Y. se portent cautions solidaires.
L’emprunteur est déclaré en liquidation judiciaire
En 2007, la société X. est déclarée en liquidation
judiciaire. La banque déclare donc sa créance, met
en demeure les cautions, puis assigne ces dernières en paiement. Les cautions s’opposent en
invoquant le manquement, par la banque, à son
devoir de mise en garde à l’égard de l’emprunteur.
Les juges du fond relèvent ainsi que la banque n’a
pas respecté son obligation de conseil et de mise
en garde, ce qui a causé un préjudice à M. et Mme
Y., correspondant aux sommes dues à la banque en
leur qualité de caution et, ordonnant la compensation entre les créances, ils considèrent que la
créance de la banque à l’égard de M. et Mme Y. est
éteinte.
Les magistrats, qui avaient relevé le fait que M. X.
avait notamment suivi une formation en gestion
d’entreprise et exercé les fonctions de directeur
général, ont toutefois considéré que ces éléments
ne permettaient pas de considérer qu’il s’agissait
d’un emprunteur averti dans l’activité qu’il envisageait de reprendre par le rachat des parts de la
société T., via la société X., ne disposant d’aucune
expérience particulière dans l’activité commerciale
qu’il allait exercer. La notion d’emprunteur averti
s’apprécie en considération de différents critères
(capacité de l’emprunteur à mesurer le risque pris,
critère
professionnel,
caractéristiques
de
l’opération, etc.) qui, selon les juges du fond
n’étaient donc pas remplis au vu des éléments
relevés.
Or, la Cour de cassation revient sur cette position,
considérant que les motifs invoqués ne permettaient pas d’établir que la société X. était un emprunteur averti.
L’interdépendance de contrats concomitants ou successifs
Cass. com., 22 octobre 2013, pourvois n°12-18.059 et 12-23.715
La société E. et la société B. ont conclu un contrat
de location financière portant sur du matériel de
téléphonie. Ce matériel était loué par la société E.
(simple organisme de financement) mais était
fourni par la société ETS, un contrat de vente ayant
été conclu entre ces deux sociétés. La société E.
informe son partenaire, la société B., qu’elle souhaite mettre un terme à leur relation et résilier le
contrat de location en raison du défaut de règlement des loyers et elle l’assigne en paiement de
diverses sommes. La société B., de son coté, fait
assigner la société ETS qui a vendu le matériel.
La Cour d’appel prononce la résolution du contrat
de vente, pour manquement de la société ETS à
son obligation de délivrance, et du contrat de location financière et constate que le contrat de location était demeuré inexécuté dès l’origine. En conséquence, la société B. n’a pas été condamnée au
versement d’indemnités à l’égard de la société E.
La Cour de cassation confirme la position adoptée
par les juges du fond.
Elle souligne que « les contrats concomitants ou
successifs qui s’inscrivent, comme en l’espèce, dans
une opération incluant une location financière, sont
interdépendants ». Le sort des deux contrats était
donc lié. Or, il n’était pas établi que le matériel
avait bien été livré par la société ETS à la société B.
et que cette dernière l’avait refusé ; il en résultait
en conséquence que le contrat de location financière n’avait pas été exécuté. La résolution du
contrat de vente et du contrat de location financière devait donc être prononcée. Afin d’obtenir
une indemnisation, la société E. se fondait sur le
fait que le contrat de location prévoyait qu’en cas
de résolution du contrat de vente, le locataire
dédommagerait la société E. de tout préjudice subi
par cette dernière par le versement d’une indemnité. Or, la résolution du contrat a été prononcée,
non sa résiliation pour l’une des causes imputables
au locataire telles que visées dans le contrat. Les
dispositions
contractuelles
relatives
à
l’indemnisation en cas de résiliation n’avaient donc
pas lieu de s’appliquer.
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5
CONCURRENCE ET DISTRIBUTION
L’absence de cause dans les contrats de franchise
CA Lyon, 7 novembre 2013, RG n°12/03645
Moins d’un an après la signature d’un contrat de
franchise, une société franchisée a fait assigner
devant le Tribunal du commerce sa tête de réseau
aux fins de voir prononcer la nullité du contrat qui
les liait pour manquement aux obligations précontractuelles d’informations du franchiseur ou, à
défaut, la résolution pour manquement aux obligations de communication de savoir-faire et
d’assistance.
En effet, l’article 1108 du code civil prévoit que la
cause, comme l’intégrité du consentement, est une
condition essentielle à la validité des conventions.
Déboutée de l’intégralité de ses demandes en
première instance, la société franchisée a interjeté
appel du jugement entrepris.
Les juges du fond déboutent toutefois la société
franchisée et relèvent notamment que le contrat
de franchise mentionne que « le franchisé a pu
examiner et apprécier les réalisations du franchiseur notamment au travers de son magasin ainsi
que son savoir-faire dont il reconnait expressément
le bien fondé, la réalité, la spécificité et l’originalité
et que c’est pour acquérir ce savoir-faire sans avoir
à poursuivre des recherches et des expériences
personnelles qu’il s’est adressé au franchiseur ».
Devant la Cour d’appel, la société franchisée décide de soulever un moyen de droit, régulièrement
avancé en matière de nullité du contrat de franchise, à savoir la nullité pour l’absence de cause du
contrat faute de savoir-faire (pour exemple : Cass.
com. 14 septembre 2012, pourvoi n°09-17.079).
En l’espèce, la société franchisée faisait valoir, pour
l’essentiel, que son franchiseur ne disposait pas
d’expérience suffisante dans l’exploitation de son
concept, de sorte qu’il n’était pas capable de
mettre à son profit un savoir-faire.
Mise en œuvre d’une clause de résiliation sans faute et pratiques restrictives
CA Paris, 25 octobre 2013, RG n°11/20079
Les clauses de résiliation anticipée des contrats à
durée indéterminée peuvent être détachées de
toute faute, la ou les partie(s) bénéficiaire(s) de ce
type de clause pouvant alors résilier le contrat à
tout moment, sans avoir à justifier leur décision
par une faute de leur cocontractant.
La Cour d’appel de Paris a eu à se prononcer récemment sur les fautes reprochées au concédant
dans la mise en œuvre d’une telle clause contenue
dans un contrat de concession exclusive.
Le distributeur développait essentiellement trois
arguments : en premier lieu, la clause de résiliation
sans faute était selon lui illicite car créait un déséquilibre significatif dans les droits et obligations
des parties ; en deuxième lieu, le délai de résiliation avait été trop bref compte tenu de la durée
des relations commerciales ; enfin, le concédant
avait, toujours selon lui, abusé de son droit de
résiliation en lui faisant espérer la poursuite des
relations contractuelles, puis en l’évinçant du renouvellement dans le but de provoquer sa chute.
Ce dernier argument est écarté par la Cour, les
éléments versés aux débats par le distributeur
n’étant pas suffisamment probants.
L’argument tenant au déséquilibre significatif est
également écarté, au motif que la clause prévoyait
la faculté de résiliation du contrat sans faute au
profit de chacune des parties.
Le moyen tiré de la brièveté du délai de résiliation
est en revanche retenu, bien que le concédant ait
respecté le préavis de huit mois prévu contractuellement. Eu égard à la durée des relations contractuelles – dix-neuf ans – la Cour estime que le préavis aurait dû être de douze mois. La date prise en
compte pour le calcul de la durée des relations
commerciales est celle du premier contrat de concession conclu entre les parties.
Les dommages et intérêts accordés au distributeur
correspondaient à la perte de marge brute calculée
pendant quatre mois sur la base des quatre derniers exercices.
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6
SOCIAL ET RESSOURCES HUMAINES
Irrégularité de forme de la lettre de licenciement remise par un tiers
Cass. soc., 23 octobre 2013, pourvoi n°12-12.700
Après avoir été déclaré inapte par le médecin du
travail, un salarié avait été licencié par son employeur. La lettre de licenciement lui avait été
remise à son domicile par un tiers, en l’occurrence
le conseiller qui l’avait assisté durant l’entretien
préalable. Le salarié avait saisi la juridiction
prud’homale, soutenant que son licenciement se
trouvait dépourvu de cause réelle et sérieuse.
L’article L.1232-6 du code du travail prévoit que la
lettre de notification du licenciement doit être
adressée au salarié par lettre recommandée avec
avis de réception.
La Haute juridiction admet cependant que
l’employeur puisse remettre la lettre de licenciement en main propre contre décharge au salarié,
sans que cela ne constitue une irrégularité de procédure. A fortiori, elle considère que la remise en
main propre de la lettre de licenciement par
l’employeur ne prive pas le licenciement de cause
réelle et sérieuse.
En effet, selon la Cour de cassation, la notification
du licenciement par lettre recommandée ne constitue pas une formalité substantielle.
Il n’en va pas de même lorsque la lettre de licenciement est remise au salarié par un tiers qui n’est
pas habilité à prononcer une telle mesure.
De ce fait, si la Haute juridiction a considéré que la
remise de la lettre de licenciement par un tiers ne
prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse, il s’agit cependant d’une irrégularité de
procédure ouvrant droit pour le salarié à une indemnité.
Il sera tout de même rappelé que la Cour de cassation considère que la signature de la lettre de licenciement par l’employeur, ou toute personne
habilitée à prononcer une telle sanction, demeure
une formalité substantielle dont l’inobservation
prive le licenciement de cause réelle et sérieuse
(Cass. soc., 30 septembre 2010, n°09-40.114).
Nullité du licenciement d’un salarié ayant témoigné en faveur d’un autre salarié
Cass. soc., 29 octobre 2013, pourvoi n°12-22.447
Un salarié avait rédigé une attestation destinée à
être produite dans le cadre d’un litige prud’homal
concernant un autre salarié de la société, démarche dont il avait informé ses collègues de travail. Estimant que cette attestation était mensongère, l’employeur l’avait alors licencié pour faute
grave.
licenciement, prononcé à la suite d’un témoignage : nullité ou défaut de cause réelle et sérieuse ?
Le salarié a demandé à la juridiction prud’homale
de prononcer la nullité de son licenciement afin
d’être réintégré dans l’entreprise.
Elle estime que le licenciement prononcé en raison
du contenu d’une attestation délivrée par un salarié au bénéfice d’un autre salarié est nul, en raison
de l’atteinte portée à la liberté fondamentale de
témoigner. Le salarié peut donc demander sa réintégration au sein de l’entreprise.
Si la Cour de Cassation avait déjà eu l’occasion de
préciser que le témoignage en justice ne peut, sauf
abus, constituer ni une faute, ni une cause de licenciement (Cass. soc., 24 novembre 1994, pourvoi n°91-41.434), elle ne s’était en revanche pas
encore prononcée sur la sanction affectant un tel
La Cour de cassation se prononce au visa des articles 6 et 10 de la Convention de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales.
La Haute juridiction a cependant posé une limite à
l’exercice de la liberté de témoigner : le témoignage doit avoir été délivré de bonne foi.
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7
IMMOBILIER
Révision de loyer et indice de référence fixe
ème
Cass. civ. 3
, 16 octobre 2013, pourvoi n°12-16.335
er
Un bail à usage professionnel à effet du 1 juillet
1988 comportait une clause de révision du loyer
ainsi rédigée : « Le loyer sera révisé chaque année
er
ème
le 1 juillet. Indice de référence : 4
trimestre
1987. Valeur 890 ».
Au visa de l’article L.112-1 du code monétaire et
financier qui répute non écrite « toute clause d’un
contrat à exécution successive, et notamment des
baux et locations de toute nature, prévoyant la
prise en compte d’une période de variation de
l’indice supérieure à la durée s’écoulant entre
chaque révision », le preneur prétendait que la
clause de révision devait être réputée non écrite
au motif qu’assise sur un indice à base fixe - indice
ème
du 4 trimestre 1987 - elle conduisait à prendre
en considération une période de révision
supérieure à un an. Il sollicitait le remboursement
des sommes payées au titre de la révision du loyer.
La Cour de cassation confirme la décision des juges
du fond qui ont validé la clause de révision, considérant qu’elle n’a pas pour conséquence de créer
une distorsion entre la variation indiciaire et la
durée s’écoulant entre deux révisions.
Les parties avaient convenu contractuellement de
la révision du loyer chaque année à la date
anniversaire du contrat, impliquant une évolution
de l’indice sur douze mois.
ème
La référence à l’indice du 4 trimestre 1987 n’est
alors que l’illustration de cette volonté de prendre
en compte les derniers indices publiés tant au
début qu’à la fin de la période concernée par la
révision et de faire coïncider ainsi la durée de cette
période avec celle de la durée d’évolution des
indices retenus.
Les demandes d’annulation de la clause et de
remboursement des sommes versées par le
preneur au titre de l’indexation des loyers ont
donc été rejetées.
La Cour d’appel a également retenu qu’en prévoyant une révision annuelle impérative, les parties avaient exprimé l’intention que l’indexation
s’opère automatiquement chaque année à la date
anniversaire du contrat. Aucune démarche du
bailleur n’était nécessaire dès lors que le contrat
prévoyait une révision annuelle impérative.
Obligation de l’entrepreneur avant la réception
ème
Cass. civ. 3
, 6 novembre 2013, pourvoi n°12-18.844
A la suite de désordres liés à la construction d’une
villa avec piscine, le maître d’ouvrage assigne en
responsabilité contractuelle l’architecte et
l’entrepreneur.
La Cour d’appel le déboute de ses demandes. La
Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre
l’architecte considérant que ce dernier n’avait reçu
qu’une mission de réalisation des plans de permis
de construire de telle sorte que les défauts
d’altimétrie et de planimétrie ne sauraient lui être
imputés. En revanche, le moyen de cassation soulevé contre l’entrepreneur est accueilli.
La Cour de cassation considère qu’en l’absence de
maître d’œuvre et de plans d’implantation,
l’entrepreneur avait l’obligation de vérifier la conformité de la construction au permis de construire
et à la réglementation applicable en matière
d’urbanisme.
En principe, le respect des règles d’urbanisme et
notamment du permis de construire incombe au
maître d’œuvre en charge de la conception de
l’ouvrage. En l’espèce, la mission du maître
d’œuvre excluait la réalisation des plans. C’est
donc l’entrepreneur qui devait veiller au respect
des règles d’urbanisme et était seul responsable en
cas de non-conformité. Si la Cour de cassation fait
peser une obligation sur l’entrepreneur avant la
réception, elle ne qualifie pas la nature de
l’obligation. La jurisprudence considère usuellement que l’obligation de l’architecte constitue une
obligation de moyens quand l’obligation de
l’entrepreneur constitue quant à elle une obligation de résultat.
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PROPRIETE INTELLECTUELLE
Marque et nom patronymique
Cass. com., 13 novembre 2013, pourvoi n°12-26.439
Une entreprise familiale, entreprise X., fondée par
le grand-père en 1899, fut successivement reprise
par le fils puis par les petits-fils. Ces derniers fondèrent en 1970 une société anonyme dénommée
SA Etablissements X. Quelques décennies plus tard,
l’un de ces petits-fils céda ses titres dans la société
et quitta ses fonctions de dirigeant. Il a néanmoins
poursuivi ses activités professionnelles et fondé
une société dans le même secteur d’activité, dénommée société Pierre X. Dans la foulée, il a déposé une marque reprenant son patronyme et ce,
quelques mois après le dépôt par la société qu’il
venait de quitter d’une marque incluant également
le même patronyme. Cette dernière l’assigna alors
afin d’obtenir l’annulation du dépôt de marque
assortie d’une interdiction d’usage. La Cour d’appel
avait fait droit à ces demandes. Le pourvoi reprochait à l’arrêt d’avoir annulé la marque aux motifs
d’une fraude aux droits antérieurs de la société X.,
tout en se fondant sur des motifs afférents au
risque de confusion. La Cour de cassation approuve
l’arrêt qui relève que le dépôt de la marque incriminée était intervenu postérieurement au dépôt
de la marque par la société X. pour des produits et
services identiques et que, de surcroît, Pierre X. ne
pouvait ignorer l’usage, notamment dans la dénomination sociale, du patronyme X. Dans ces conditions, la Cour d’appel a justement retenu que le
dépôt de la marque incriminée était intervenu en
violation des droits antérieurs de la société Etablissements X. L’arrêt approuve également les juges
du fond d’avoir considéré qu’en reprenant dans la
dénomination sociale de sa société le patronyme
de son grand-père, en s’attribuant les mérites qui
revenaient à la société Etablissements X. et en
entretenant une confusion, la société Pierre X.
avait adopté de mauvaise foi sa dénomination
sociale en reprenant le patronyme X. En revanche,
la Cour de cassation casse l’arrêt qui a prononcé
une mesure d’interdiction d’usage générale de la
dénomination « X » alors que, selon l’article L.7136 du CPI, le juge qui prononce une mesure
d’interdiction d’usage d’un nom patronymique doit
en délimiter le champ d’application. Or, la Cour
d’appel avait fait interdiction de faire usage du
nom X., dans la dénomination sociale et pour tout
usage, en violation du texte précité car cela revenait à une interdiction d’ordre général.
Le droit d’auteur et les idées
CA Paris, 16 octobre 2013, RG n°12/06709
L’un des principes phares du droit d’auteur peut se
résumer dans la formule suivante « Les idées sont
de libre parcours ». Classiquement, on distingue en
effet les idées, qui ne sont pas protégeables, et la
forme d’expression de ces idées qui, elle, peut être
protégée par le droit d’auteur si elle est originale.
L’application de cette distinction fait l’objet de la
décision commentée. Une personne avait imaginé
de mettre en scène, dans les tribunes des enceintes sportives ou dans les salles de spectacle, un
tableau vivant constitué des spectateurs présents,
chacun de ces spectateurs se voyant assigner une
place déterminée et attribuer une couleur de vêtement précise, de manière à ce que les spectateurs réalisent ensemble un canevas donnant à
voir une image ou à lire un message. La qualification d’œuvre de l’esprit, objet de droit d’auteur,
était discutée suite à l’action en contrefaçon de
cette œuvre. Or, selon la Cour, la demanderesse
tentait en réalité de s’approprier le procédé déjà
connu du « tifo » consistant à faire réaliser par les
spectateurs, soit par l’étendard coloré dont ils sont
porteurs, soit par le vêtement coloré dont ils sont
revêtus, un tableau vivant constitué d’un message
ou d’une image. La seule différence avec le « tifo »
consistant à faire porter par le spectateur un vêtement coloré de type poncho tandis que le « tifo »
fait généralement porter au spectateur un étendard ou un drapeau coloré. Selon la Cour, cette
seule différence résulte d’une simple idée, de libre
parcours, et ne traduit pas un effort créatif portant
l’empreinte de la personnalité de l’auteur et lui
conférant le statut d’œuvre de l’esprit. Les demandes fondées sur le parasitisme sont également
rejetées. La Cour considère à cette fin que la société appelante se borne à faire état du pillage de son
travail sans justifier des investissements consacrés
à la création revendiquée, dont elle ne démontre
pas davantage qu’elle constituerait par la publicité
un produit phare.
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DROIT DE LA SANTE
Vaccination contre l'hépatite B et sclérose en plaques : simplification de la preuve
CE, 6 novembre 2013, n°345696
L'article L.3111-4 du code de la santé publique
dispose qu’« une personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention,
de soins ou hébergeant des personnes âgées,
exerce une activité professionnelle l'exposant à des
risques de contamination doit être immunisée
contre l'hépatite B ». L'article L.3111-9 du même
code, dans sa rédaction applicable à la date de la
décision, précise que « sans préjudice des actions
qui pourraient être exercées conformément au
droit commun, la réparation d'un dommage imputable directement à une vaccination obligatoire
pratiquée dans les conditions mentionnées au présent chapitre est supportée par l'Etat ». Dans cette
affaire, une personne a subi dans le cadre de l'obligation vaccinale liée à son activité professionnelle,
trois injections d'un vaccin anti-hépatite B, en
octobre et novembre 1992, et en janvier 1993, puis
un rappel en novembre 1993. Une sclérose en
plaques a été diagnostiquée en septembre 1994.
La victime a recherché, sur le fondement de l'article L.3111-9 du code de la santé publique, la
responsabilité de l'Etat au titre de cette affection
qu'elle impute à la vaccination en introduisant un
recours devant le Tribunal Administratif.
Les juges du fond ont rejeté la demande
d’indemnisation de la victime aux motifs que le
mode de preuve utilisé pour démontrer l’existence
de présomptions graves, précises et concordantes,
ne leur paraissait pas admissible. Ils ont estimé
que seule la production de pièces médicales était
susceptible d'établir la date d'apparition de ces
symptômes.
Le Conseil d’Etat a cassé cette décision et relevé
que la responsabilité de l'Etat pouvait être engagée
en raison des conséquences dommageables d'injections vaccinales contre l'hépatite B réalisées
dans le cadre d'une activité professionnelle eu
égard, d'une part, au bref délai ayant séparé l'injection des premiers symptômes d'une sclérose en
plaques, validés par les constatations de l'expertise
médicale, et, d'autre part, à la bonne santé de la
personne concernée et à l'absence, chez elle, de
tout antécédent à cette pathologie antérieurement
à sa vaccination. La Haute Juridiction précise que
« la preuve des différentes circonstances à prendre
ainsi en compte, notamment celle de la date d'apparition des premiers symptômes d'une sclérose en
plaques, peut être apportée par tout moyen ».
Responsabilité pénale du médecin en cas d’omission d’empêcher une infraction
Cass. crim., 23 octobre 2013, pourvoi n°12-80.793
Un médecin attaché au pôle gérontologique d’un
hôpital a été poursuivi pour s'être abstenu d'informer les autorités judiciaires ou administratives
de mauvais traitements infligés par des membres
du personnel envers des pensionnaires hors d'état
de se protéger. La Cour d’appel, confirmée par les
juges de cassation, a requalifié les faits et l’a déclaré coupable du délit d’omission d’empêcher une
er
infraction, prévu par l’article 223-6 alinéa 1 du
code pénal.
Pour déclarer le prévenu coupable du délit
d’omission d’empêcher une infraction, la Cour
d’appel a relevé que le médecin, sachant que des
membres du personnel avaient un comportement
maltraitant envers des pensionnaires âgés et dé-
pendants, s’est abstenu d’intervenir auprès de
l’encadrement des infirmiers afin que soient prises
des dispositions, telle qu’une meilleure surveillance. Les juges du fond ont également précisé
qu’en cas d’échec de cette démarche, le médecin
aurait dû alerter la direction de l’hôpital de la situation afin que des mesures appropriées soient
prises pour préserver la qualité des soins dispensés
aux pensionnaires.
La Cour de cassation a considéré « qu’en l’état de
ses énonciations, la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction et sans méconnaître le principe du secret médical, caractérisé les éléments
constitutifs du délit [d’omission d’empêcher une
infraction] ».
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PROCEDURE CIVILE ET VOIES D’EXECUTION
L’appel d’une partie défaillante en 1ère instance limité au rejet des prétentions adverses
Cass. com., 19 novembre 2013, pourvoi n°12-26.660
Le droit d’exercer un appel en intimant toutes les
parties présentes en première instance ne permet
pas pour autant de former systématiquement des
demandes contre toutes ces parties en cause
d’appel. Tel est le sens de la décision rendue le 19
novembre 2013 par la Chambre commerciale de la
Cour de cassation.
En l’espèce, un concessionnaire automobile avait
vendu un véhicule neuf qui s’est avéré défaillant.
L’acheteur a alors assigné le concessionnaire et le
fabricant-concédant pour obtenir la résolution de
la vente. Au cours de cette instance, le concessionnaire, qui était co-défendeur avec le fabricantconcédant, n’avait pas constitué avocat et était
défaillant. Il ne s’est fait représenter en justice qu’à
l’occasion de l’instance d’appel. Au cours de la
première instance, une expertise judiciaire a conclu au défaut de conformité du véhicule, ainsi
qu’au fait que ce défaut de conformité existait dès
la fabrication. En cause d’appel, le concessionnaire
a donc souhaité exercer un recours en garantie
contre le fabricant-concédant, ce que la Cour
d’appel d’Angers a admis. Cet arrêt est sévèrement
cassé par la décision du 19 novembre 2013. En
effet, en vertu de l’article 547 du code de procédure civile, le concessionnaire disposait du droit
d’exercer un appel et d’intimer toutes les parties :
l’acheteur comme le fabricant-concédant.
En revanche, ses prétentions en cause d’appel ne
pouvaient pas donner lieu à des demandes nouvelles, qui sont irrecevables en application de
l’article 564 du code procédure civile.
En admettant l’appel en garantie formulé en cause
d’appel par le concessionnaire alors qu’il n’avait
pas été représenté devant le Tribunal de première
instance, le fabricant-concédant aurait été privé du
double degré de juridiction dans le cadre de sa
défense à l’appel en garantie. N’ayant pas fait
valoir de prétentions reconventionnelles à l’égard
de l’acheteur, ni formulé de demande à l’égard du
fabricant-concédant en première instance, l’appel
du concessionnaire devait être strictement limité
au rejet des prétentions de l’acheteur ou du fabricant-concédant. Mais il ne pouvait pas, à défaut de
l’avoir fait en première instance, ajouter des demandes nouvelles.
Cette décision rappelle ainsi l’impérieuse nécessité
qu’il y a à faire valoir l’ensemble de ses prétentions
dès la première instance, sous peine de les voir
déclarées irrecevables en cause d’appel. Dans la
présente espèce, le concessionnaire ne disposait
pas d’un autre choix que d’introduire une nouvelle
instance, en assignant le fabricant-concédant afin
d’obtenir soit sa garantie, soit la résolution de la
vente initiale.
Fin de non-recevoir tirée d’une mention erronée dans l’acte d’assignation
Cass. com., 19 novembre 2013, pourvoi n°12-24.101
A l’occasion d’une demande faite sur le fondement
de l’article L.624-3 du code de commerce tendant
à faire condamner le dirigeant d’une personne
morale au paiement des dettes sociales, la Cour de
cassation a rappelé l’impérieuse nécessité d’une
convocation de ce dirigeant en vue de sa comparution personnelle à l’audience. En l’espèce, le dirigeant avait été destinataire d’une assignation le
visant personnellement, mais qui mentionnait par
erreur la formule générale selon laquelle : « Faute
de comparaître ou de se faire représenter, il [NB : le
défendeur] s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par le
demandeur ».
Il est obligatoire, dans le cadre d’une assignation
devant un Tribunal de commerce, de faire mention
des conditions dans lesquelles le défendeur peut
comparaître (article 855 du code de procédure
civile). Or, au lieu de mentionner que le défendeur
devait comparaître en personne, l’assignation
mentionnait la faculté de se faire représenter. La
Cour d’appel a considéré qu’il s’agissait d’un vice
de forme n’entrainant pas la nullité à défaut de
faire grief. Dans cet arrêt du 19 novembre 2013, la
Cour de cassation énonce au contraire que cette
mention erronée est une fin de non-recevoir, rendant la demande irrecevable sans que l’on puisse
opposer que l’irrégularité ne fait pas grief.
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INTERNATIONAL
Fenêtre sur l’Afrique Subsaharienne
Dans le prolongement du voyage officiel de la Ministre du Commerce Extérieur, Madame Nicole
Bricq, les 18 et 19 novembre derniers en Côte
d’Ivoire et au Ghana, nous avons décidé de mettre
la lumière sur l’Afrique Subsaharienne, une des
zones prioritaires sur laquelle la Ministre souhaite
voir développer les échanges commerciaux.
d’attraction des IDE en Afrique, au-delà des matières premières, les investisseurs étrangers cherchent les consommateurs africains. Les produits de
base sont de puissants moteurs de croissance à
court terme et le secteur manufacturier et des
services gagnent du terrain (notamment les télécommunications) alors qu’augmente le pouvoir
d’achat d’une classe moyenne émergente.
La situation géographique
Le facteur démographique
L’Afrique subsaharienne (soit 51 pays au total)
regroupe tous les pays de l’Afrique à l’exclusion
des pays d’Afrique du Nord (i.e. Maroc, Algérie,
Egypte, Lybie et Tunisie).
La situation économique
Une croissance positive - La Banque Mondiale
indiquait en juin dernier que les perspectives économiques de l’Afrique subsaharienne sont positives avec un taux de croissance de 5,3% en 2012
et 5,6% en 2013. Si l'on exclut l'Afrique du Sud, le
taux de croissance de la région devrait atteindre
6%. La tendance s'est du reste généralisée, avec
plus d'un tiers des pays d'Afrique subsaharienne
affichant des taux de croissance égaux ou supérieurs à 6%, et près de 40% des pays de la région
enregistrant une croissance entre 4 et 6%. Plus
récemment, dans son bulletin du 31 octobre dernier, le Fond Monétaire International précisait que,
d’après les projections de son dernier rapport sur
les perspectives économiques régionales de
l’Afrique subsaharienne, la croissance du Produit
Intérieur Brut régional devrait être de l’ordre de
5% en 2013 pour atteindre 6% en 2014 (les pays
exportateurs de pétrole et les pays à faible revenu
affichant les meilleurs résultats). Il ressort ainsi que
la région est la plus dynamique à l'échelle mondiale après l'Asie du Sud-Est, même si les rythmes
de croissance varient à l’intérieur même de la région subsaharienne.
La population mondiale estimée, à mi-2013, à 7,2
milliards devrait augmenter de près d'un milliard
de personnes au cours des douze prochaines années, pour atteindre 8,1 milliards en 2025 et 9,6
milliards en 2050. L’Afrique représente aujourd’hui
un peu plus de 15% de la population mondiale.
Lors de la conférence de presse des Nations Unies
en juin 2013 sur le rapport relatif à la révision de
2012 des perspectives de la population mondiale
(rapport révisé tous les deux ans), il a été souligné
qu’au niveau des pays, la croissance générale d’ici
à 2050 devrait intervenir dans les pays qui connaissent un taux de fécondité important, principalement en Afrique, ainsi que dans des pays déjà
fortement peuplés tels l’Inde, l’Indonésie, le Pakistan, les Philippines ou les États-Unis. Les changements démographiques et sociaux que connaît
l’Afrique sont donc de nouveaux moteurs de croissance interne. L’urbanisation, la hausse de la population active et l’avènement de la classe moyenne
sont autant de facteurs pouvant stimuler la croissance. Le rapport sur le commerce et le développement 2013, publié le 12 septembre dernier par
les Nations Unies (CNUCED), indique que, selon un
certain nombre de prévisions, la proportion de la
classe moyenne dans la population mondiale totale
devrait passer de 26% en 2009 à 41% en 2020 et à
58% en 2030, et augmenter de plus du quadruple
dans les pays en développement :
-
Les flux d’investissements - Les Flux
d’Investissements Directs Etrangers (IDE), après
avoir nettement diminué en 2009 et 2010, ont fait
un bond de 25% en 2011, pour atteindre, selon les
estimations, 35,6 milliards de dollars. Si les ressources naturelles demeurent le principal pôle
-
l’Asie devrait connaître la plus forte progression et le nombre de personnes appartenant
à la classe moyenne dans cette région devrait
être multiplié par 6 ;
en Amérique centrale et en Amérique du Sud,
ce nombre devrait être multiplié par 2,5 et ;
il devrait tripler en Afrique subsaharienne.
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La Lettre du Cabinet - L’actualité juridique (Novembre 2013)
En 1980, à peine 28% des africains vivaient dans
des villes. Aujourd’hui, c’est le cas de 40% du milliard de personnes que recense ce continent, soit
une proportion approximativement analogue à
celle observée en Chine et supérieure à celle
qu’enregistre l’Inde. Selon les projections, en 2030,
la moitié des africains vivront dans les villes et les
18 premières villes d’Afrique disposeront d’un
pouvoir d’achat annuel combiné de 1 300 milliards
de dollars.
Le cadre juridique
Le droit des affaires en Afrique subsaharienne a
été marqué par l’adoption, par de nombreux pays
africains, du traité relatif à l'Harmonisation en
Afrique du Droit des Affaires (OHADA). Signé en
1993, le traité instituant l'OHADA poursuit comme
objectif principal l'unification du droit des affaires
afin d'assurer la sécurité juridique et judiciaire des
activités économiques, de restaurer la confiance
des investisseurs et de faciliter les échanges entre
les Etats parties. Les autres objectifs du traité sont
les suivants :
 mettre à la disposition de chaque Etat des
règles communes simples, modernes et adaptées à la situation économique ;
 promouvoir l’arbitrage comme instrument
rapide et discret des litiges commerciaux ;
 améliorer la formation des magistrats et des
auxiliaires de justice ;
 favoriser l’institution d’une Communauté Economique Africaine.
L'OHADA regroupe aujourd'hui 17 États (Bénin,
Burkina Faso, Cameroun, Comores, Congo, Côte
d'Ivoire, Gabon, Guinée Bissau, Guinée, Guinée
Equatoriale, Mali, Niger, République Centrafricaine, République Démocratique du Congo, Sénégal, Tchad, Togo). Les langues de travail sont le
français, l'anglais, l'espagnol et le portugais.
Le droit de l'OHADA est ainsi utilisé pour propulser
le développement économique et créer un vaste
marché intégré afin de faire de l'Afrique un « pôle
de développement ».
Pour réaliser ces objectifs, l'OHADA s'est dotée
d'un système institutionnel structuré autour des
organes que sont (i) la Conférence des Chefs d'État
et de Gouvernement, (ii) le Conseil des ministres
(composé des ministres en charge de la justice et
des finances des Etats parties) et (iii) le Secrétariat
permanent qui est l'organe exécutif chargé d'assister le Conseil des ministres et de coordonner la
préparation et le suivi de la procédure relative à
l'adoption des Actes uniformes.
12
Deux autres organes spécialisés complètent le
système institutionnel. Il s'agit de :
 la Cour commune de Justice et d'Arbitrage de
l'OHADA (composée de neuf juges, non un organe de représentation des Etats Partis) et,
 l'École Régionale Supérieure de la Magistrature.
La Cour commune de Justice et d'Arbitrage de
l'OHADA est compétente pour connaître, en cassation, des pourvois contre les décisions rendues en
dernier ressort en application des Actes uniformes
de l'OHADA par les juridictions nationales des États
parties. En cas de cassation, elle a le pouvoir
d'évoquer afin de vider le contentieux sans aucun
renvoi à une juridiction nationale. L'Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature a vocation à
former les professionnels de l'OHADA et à perfectionner leurs compétences. Elle est également un
centre de recherche en droit des affaires. L'Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit
des Affaires compte à son actif neuf Actes uniformes déjà entrés en vigueur dans les États parties, à savoir l’Acte uniforme :
1. relatif au droit commercial général (1997, révisé en 2010),
2. relatif au droit des sociétés commerciales et
du GIE (1997),
3. portant organisation des sûretés (1997, révisé
en 2010),
4. portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d’exécution (1998),
5. portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif (1998),
6. relatif au droit de l’arbitrage (1999),
7. portant organisation et harmonisation des
comptabilités d’entreprises (2000),
8. relatif aux contrats de transport de marchandises par route (2003),
9. relatif au droit des sociétés coopératives
(2010).
D'autres Actes uniformes sont en préparation sur
le droit des contrats, le droit du travail et le droit
de la vente aux consommateurs. Les 21 et 22 novembre 2013, se tenait à Libreville, en République
Gabonaise, la première édition du Symposium
Juridique de Libreville, sur le thème « Comment
fabrique-t-on le droit en Afrique ? ».
Cet évènement avait pour vocation de mettre en
perspectives le droit des affaires à l’échelle africaine (notamment à la lumière du bilan des 20 ans
de l’OHADA) et son adaptation aux enjeux du
monde contemporain.
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La Lettre du Cabinet - L’actualité juridique (Novembre 2013)
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ACTUALITÉ SIMON ASSOCIÉS
ÉVÈNEMENTS
Simon Associés organise « Les Rencontres Simon Associés »,
le 12 décembre 2013, dans ses locaux à Paris, sur le thème :
« La prise de participation au capital du distributeur ».
Pour en savoir plus
Simon Associés a participé au petit-déjeuner organisé en partenariat avec
Le Medef, Valtus, EY et CF news, le 26 novembre 2013, au Medef, sur le thème :
« PME-ETI : doper sa croissance par l’international ».
 Pour visionner la conférence, cliquez ici
Simon Associés est intervenu à la conférence-débat organisée le 19 novembre 2013,
par le Président de la CCI de Rennes et portant sur le thème :
« Financement des entreprises :
comment tirer parti des nouvelles règles du jeu ? ».
 Pour visionner la conférence, cliquez ici
Me Jean-Charles Simon a participé, du 19 au 25 octobre 2013, au voyage de la
délégation française en Chine, conduite par l’ancien Premier Ministre,
M. Jean-Pierre Raffarin, dans le cadre des activités de Prospection et Innovation.
CLASSEMENT
Simon Associés classé en tant que Cabinet à « forte notoriété »
en droit de la distribution par le Magazine Décideurs.
 Pour en savoir plus
Cette liste des évènements n’est pas exhaustive.
Vous pouvez consulter notre site internet www.simonassocies.com
pour prendre connaissances des évènements, actualités et publications du Cabinet Simon Associés.
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