Antipsychotiques atypiques et syndrome malin des neuroleptiques

Transcription

Antipsychotiques atypiques et syndrome malin des neuroleptiques
L’Encéphale (2008) 34, 618—624
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep
MISE AU POINT
Antipsychotiques atypiques et syndrome malin des
neuroleptiques : brève revue de la littérature
Neuroleptic malignant syndrome and atypical
antipsychotics: A brief review
S. Khaldi a,∗, C. Kornreich b, Z. Choubani c, R. Gourevitch d,e
a
39, avenue Habib Bourguiba, 1000 Tunis, Tunisie
Service de psychiatrie, centre hospitalo-universitaire Brugmann, place Arthur-van-Gehuchten, 1020 Bruxelles, Belgique
c
Service de psychiatrie A, hôpital Razi, Tunis, Tunisie
d
SHU, secteur 14, service du Pr Olié, centre hospitalier Sainte-Anne, 7, rue Cabanis, 75014 Paris, France
e
Inserm U796, physiopathologie des maladies psychiatriques, université Paris-5 René-Descartes, Paris, France
b
Reçu le 2 mai 2006 ; accepté le 27 novembre 2007
Disponible sur Internet le 2 avril 2008
MOTS CLÉS
Syndrome malin des
neuroleptiques ;
Antipsychotiques
atypiques ;
Amisulpride ;
Clozapine ;
Olanzapine ;
Quétiapine ;
Rispéridone ;
Ziprasidone ;
Effets secondaires
∗
Résumé
Introduction. — Le syndrome malin des neuroleptiques (SMN), décrit en 1960 par Delay et al.
[Ann Med Psychol 118 (1960) 145—152] sous le nom de syndrome akinétique hypertonique,
représente un accident rare (fréquence estimée entre 0,02 % et 3,3 %), mais redoutable et
engageant parfois le pronostic vital. Si la relation du SMN avec les neuroleptiques classiques
(NC) est une donnée acquise, plusieurs auteurs ont aussi rapporté des cas de SMN faisant suite
à la prescription de neuroleptiques atypiques (AA).
Objectif. — Notre revue de la littérature a pour but de relever les différents cas de SMN au
décours d’un traitement par un AA et d’étudier les différentes hypothèses physiopathologiques
incriminées dans cette complication, parfois létale.
Méthode. — Une recherche sur MEDLINE a été effectuée portant sur la période de janvier 1986 à
juin 2005 en utilisant les termes neuroleptic malignant syndrom, d’une part, et l’un des termes
suivants, d’autre part : atypical antipsychotics, amisulpride, clozapine, olanzapine, rispéridone, quétiapine, ziprazidone, side effects. Les cas où les AA étaient prescris en concomitance
avec des NC ont été éliminés.
Résultats. — Cette recherche a permis d’identifier 47 cas (huit femmes ; 39 hommes) avec cinq
antipsychotiques atypiques : clozapine (n = 12) ; olanzapine (n = 18) ; rispéridone (n = 11) ; quétiapine (n = 3) ; ziprasidone (n = 1) ; parfois en association (n = 4). Aucun cas n’a été signalé
avec l’amisulpride. Une évolution fatale a été constatée dans deux cas (un avec la rispéridone,
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (S. Khaldi).
0013-7006/$ — see front matter © L‘Encéphale, Paris, 2007.
doi:10.1016/j.encep.2007.11.007
Antipsychotiques atypiques et syndrome malin des neuroleptiques
619
un avec l’olanzapine). La plupart des patients avaient un diagnostic de schizophrénie (n = 26).
Les autres diagnostics se répartissaient comme suit : trouble schizoaffectif (n = 9), trouble bipolaire du type I (n = 3), bouffé délirante aiguë (n = 1), retard mental (n = 4), syndrome d’Asperger
(n = 1), trouble dépressif majeur (n = 1) et démence (n = 2). Ces résultats sont résumés dans un
tableau. Dans presque la moitié des cas cette complication survenait chez des patients âgés
de moins de 35 ans, avec un délai d’apparition moyen de 15 jours et des posologies moyennes
usuelles.
Conclusion. — Certains AA peuvent induire des SMN suffisamment sévères pour entraîner le
décès. Le SMN n’est donc pas l’apanage exclusif des NC. Les antipsychotiques ayant un faible
tropisme pour les D2 striataux peuvent induire des SMN (notamment la clozapine), ce qui fait
envisager un rôle possible de la sérotonine et de la noradrénaline (et non de la seule dopamine)
dans l’apparition du SMN.
© L‘Encéphale, Paris, 2007.
KEYWORDS
Neuroleptic
malignant syndrome;
Atypical
antipsychotics;
Amisulpride;
Clozapine;
Olanzapine;
Quetiapine;
Risperidone;
Ziprasidone;
Side effects
Summary
Background. — Neuroleptic malignant syndrome (NMS) is an uncommon, but potentially life
threatening complication of neuroleptic drugs. In 1960, Delay et al. [Ann Med Psychol 118
(1960) 145—152] described the ‘‘syndrome akinétique hypertonique’’(hypertonic akinetic syndrome) and its cardinal symptoms: hyperthermia, extrapyramidal symptoms, altered mental
status and autonomic dysfunctions. The syndrome often develops after a sudden increase in
dose of neuroleptic medication or in states of dehydration. The frequency of NMS with conventional neuroleptic drugs ranges from 0.02 to 3.3%. The pathophysiology of NMS is not clearly
understood. It has been suggested that the potential to induce NMS of neuroleptics is parallel to
the potency of dopamine blockade in the nigrostriatal tract, mesocortical pathway and hypothalamic nuclei. It is, however, intriguing that NMS may appear with atypical antipsychotics
(AA) and especially clozapine (CLZ), which is mainly characterized by its low affinity to D1 and
D2 receptors.
Objective. — The purpose of this study was to review cases of NMS induced by AA agents reported
in the literature and to discuss the pathophysiology of this complication.
Methods. — Cases of NMS related to AA were collected by means of a MEDLINE literature search
between January 1986 and June 2005. As key words we used: (NMS and AA), amisulpride (AMS),
clozapine (CLZ), olanzapine (OLZ), risperidone (RIS), quetiapine (QTP), ziprazidone (ZPS) and
side effects. For the purpose of our review, all cases were critically examined against standard NMS diagnostic criteria according to DSM-IV. Cases involving a coprescription of classical
neuroleptics were excluded.
Results. — Our search yielded 47 cases (eight women, 39 men) of NMS associated with AA meeting
DSM-IV criteria. Patients’ mean age was 37 years, primary patient diagnoses were schizophrenia
(n = 26), schizoaffective disorder (n = 9), bipolar disorder (n = 3), mental retardation (n = 4) and
other diagnoses (n = 5). Drugs involved were: CLZ (n = 12), OLZ (n = 18), OLZ and CLZ (n = 1), OLZ
and RIS (n = 1), RIS (n = 11), RIS and CLZ (n = 2), QTP (n = 3) and ZPS (n = 1). No cases were reported
with AMS. Twenty-nine of these 47 patients treated with AA received no other concomitant
psychotropic medications; the remaining 18 patients received respectively, benzodiazepines
(n = 5), Valproate (n = 5), lithium (n = 4) and antidepressants (n = 4). A lethal evolution occurred
in two patients receiving in one case olanzapine, risperidone in the second, at a normal dose
range.
Conclusion. — Our review indicates that atypical antipsychotics can cause NMS even when prescribed in monotherapy. The occurrence of NMS when prescribing AA and especially CLZ is,
however, intriguing, given its low potency to block D2 receptors. This indicates that a low
extrapyramidal syndrome-inducing potential does not prevent NMS and suggests the possible
role of serotoninergic and noradrénergic receptors in the pathophysiology of NMS.
© L‘Encéphale, Paris, 2007.
Introduction
Le syndrome malin des neuroleptiques (SMN) a été décrit
en 1960 par Delay et al. [13], sous le nom de « syndrome
akinétique hypertonique ». Il représente un accident rare
(fréquence estimée entre 0,02 et 3,3 %) [3,9], mais redoutable et engageant parfois le pronostic vital.
Son expression clinique la plus complète associe une
hyperthermie, des troubles du tonus musculaire avec rigidité extrapyramidale, une dysrégulation du système nerveux
autonome et des troubles de la conscience. Sur le plan
biologique, on retrouve fréquemment une élévation de la
créatine-phosphokinase reflétant la lyse musculaire et une
hyperleucocytose.
620
Si la relation du SMN avec les neuroleptiques classiques (NC) est une donnée acquise [3], plusieurs auteurs
ont rapporté des cas de SMN suite à la prescription
d’antipsychotiques atypiques (AA) [4,20].
Objectifs
Le but de notre revue de la littérature était de relever les
différents cas de SMN au décours d’un traitement par des
AA ; d’étudier les éventuelles différences cliniques avec le
SMN des NC ; ainsi que les hypothèses physiopathologiques
incriminées dans cette complication.
Méthode
Une recherche de rapports de cas et d’autres publications
dans la littérature française et internationale (données cliniques et théoriques) sur MEDLINE a été effectuée entre
janvier 1986 et juin 2005, en croisant les termes Neuroleptic
malignant syndrome, d’une part, et, d’autre part, Atypical
antipsychotics, amisulpride (AMS), clozapine (CLZ), olanzapine (OLZ), rispéridone (RIS), quétiapine (QTP), ziprasidone
(ZPS) ou side effects.
Les symptômes relevés dans les cas répertoriés ont été
ensuite comparés aux critères du DSM-IV [14] de diagnostic du SMN à savoir : rigidité musculaire, fièvre (deux
symptômes cardinaux, dont la constatation clinique est obligatoire), qui doivent être accompagnés par au moins deux
des signes suivants :
•
•
•
•
la diaphorèse ;
la tachycardie ;
la pression artérielle élevée ou labile ;
l’incontinence, altération du niveau de conscience allant
de la confusion au coma ;
• le mutisme ;
• l’élévation de la créatine phosphokinase (CPK).
Ont été exclus, les cas impliquant une coprescription par
NC remontant à moins de 15 jours [40].
Résultats
Pour ces différentes molécules, nous avons identifié 47 cas
de SMN répondant aux critères cités ci-dessus, touchant huit
femmes et 39 hommes, dont l’âge moyen était de 37 ans. Ils
impliquaient les produits suivants : CLZ (n = 12), OLZ (n = 18),
OLZ et CLZ (n = 1), OLZ et RIS [1], RIS (n = 11), RIS et CLZ
(n = 2), QTP (n = 3), ZPS [1], à l’exclusion de l’AMS.
Les résultats sont résumés dans le Tableau 1.
La plupart des patients avaient un diagnostic de schizophrénie (n = 26). Les autres diagnostics se répartissaient
comme suit :
•
•
•
•
•
•
•
trouble schizoaffectif (n = 9) ;
trouble bipolaire du type I (n = 3) ;
bouffé délirante aiguë (n = 1) ;
retard mental (n = 4) ;
syndrome d’Asperger (n = 1) ;
trouble dépressif majeur (n = 1) et ;
démence (n = 2).
S. Khaldi et al.
La posologie quotidienne moyenne utilisée était de
296 mg pour la CLZ ; 10,2 mg pour l’OLZ ; 4,3 mg pour la RIS
et de 333 mg pour la QTP. L’unique cas de SMN secondaire à
la ZPS concernait un adolescent de 15 ans qui avait reçu une
dose de 80 mg/j pendant deux mois [31].
La durée moyenne de prise des AA avant la survenue du
SMN était de 15 jours.
Une évolution fatale a été constatée dans deux cas (OLZ
et RIS, respectivement) [32,56]. La patiente décédée des
suites du SMN induit par l’OLZ était âgée de 60 ans, souffrait de diabète, d’hypertension artérielle, d’insuffisance
cardiaque et d’une sarcoïdose pulmonaire, le décès est survenu suite à une insuffisance respiratoire [32]. Les modalités
de prescription ayant abouti au décès de ces deux patients
sont résumées dans le Tableau 1.
Discussion
Les nouveaux antipsychotiques représentent une avancée
significative dans le traitement des différentes catégories de
psychoses. Toutefois, certains AA peuvent être responsables
de la survenue d’un SMN.
Données épidémiologiques et cliniques
Il a été dit que les complications du type SMN sont moins
fréquentes que sous NC [4], mais cette donnée demande à
être confirmée.
Il ne semble pas y avoir de différence sur le plan clinique
avec le SMN induit par les NC, même si certains auteurs
plaident en faveur d’une moindre incidence de la rigidité
extrapyramidale en cas de SMN induit par les AA [45], donnée contredite par d’autres [4] qui soulignent au contraire
la remarquable fréquence des symptômes extrapyramidaux
associés au SMN, même avec les produits habituellement
réputés peu nocifs sur ce plan.
Dans presque la moitié des cas constatés dans notre
revue, cette complication survenait chez des patients âgés
de moins de 35 ans.
Dans une revue de 115 cas de SMN induits par les NC [3],
le délai de survenue se situait entre 15 et 30 jours et ce, soit
après l’introduction des NC, soit suite à une augmentation
de leur posologie. Dans notre revue, le délai d’apparition
était en moyenne de 15 jours et cela pour des posologies
moyennes conformes aux pratiques usuelles.
On doit relever la plus grande fréquence de survenue du
SMN sous AA chez les hommes avec une sex-ratio de 4/1,
tandis qu’il est de 2H/1F avec les NC [3].
La survenue tardive de SMN sous NC est généralement peu
fréquente et se voit surtout chez les patients âgés [52]. Dans
notre revue, il faut souligner les trois cas survenus après
de longues années de traitement par CLZ [24,37,54], chez
des patients âgés de moins de 50 ans. Il faut noter que ces
trois patients avaient présenté un SMN sous neuroleptiques
classiques. L’imputabilité à la clozapine est d’autant plus
plausible qu’aucun autre psychotrope ne lui était associé et
que les différents examens complémentaires avaient permis
d’écarter toute autre étiologie.
Enfin, soulignons le faible pourcentage de mortalité des
cas relevés dans notre revue (deux cas sur 47, soit 4 %), en
comparaison avec celle induite par les NC, estimée sur un
Antipsychotiques atypiques et syndrome malin des neuroleptiques
Tableau 1
du DSM-IV.
621
Syndrome malin des neuroleptiques induits par les antipsychotiques atypiques répondant aux critères diagnostiques
Auteurs (no de
référence)
Drogue
Âge
Sexe
Diagnostic
Posologie (mg/j)
Durée de
traitement
Associations
médicamenteuses
éventuelles
Muller et al. [38]
Pope et al. [42]
Miller et al. [37]
Das Gupta et
Young [11]
76
27
50
30
M
M
M
M
BP I
BP I
SCZ
RM
25
400
500
75
3j
27 j
8 ans
1j
Carbamazépine
Lithium
Vetter et al. [55]
Reddig et al. [43]
Tsai et al. 1 [54]
52
41
35
F
M
F
SCZ
SCZ
SCZ
300
350
900
14 j
60 j
3 ans
Tsai et al. 2 [54]
Sachdev et al. 1
[45]
Sachdev et al. 2
[45]
Chatterton et al.
[10]
Ganelin et al. [17]
42
18
M
M
SCZ
SCZ
300
375
22 j
28 j
36
M
SCZ
75
6j
37
M
SCZ
350
DNS
42
M
SCZ
300
12 j
69
M
TSA
5
2j
67
23
21
M
M
M
BP I
Asperger
RM
10
10
12,5
12 j
1j
13 j
33
M
RM
10
6j
57
M
SCZ
10
DNS
60
70
F
F
SCZ
TSA
10
10
DNS
3j
42
M
SCZ
10
21 j
86
11
M
M
DM
BDA
2,5
2,5
60 j
1j
16
18
17
49
30
23
M
M
M
F
M
F
SCZ
SCZ
SCZ
SCZ
SCZ
TSA
5
10
20
20
20
5
DNS
15 j
3j
12 j
10 j
DNS
24
M
SCZ
10
5j
24
82
M
M
SCZ
SCZ
6
1
DNS
5j
CLZ
Lorazépam,
popranolol,
benztropine
Fluoxétine
Clomipramine,
Valproate,
Sertraline
OLZ
Johnson et
Bruxner [25]
Filice et al. [16]
Emborg [15]
Margolese et
Chouinard [34]
Apple et van
Hauer [5]
Garcia Lopez et
al. [18]
Levenson [32]a
Gheorghiu et al.
[19]
Stanfield et
Privette [51]
Hester et al. [23]
Abu Kishk et al.
[2]
Berry et al. [8]
Aboraya et al. [1]
Hanft et al. [22]
Kopf et al. [27]
Arnaout et al. [6]
Sierra-Biddle et
al. [48]
Hall et al. [21]
Lithium,
Valproate
Valproate
Clozapine
Clonazépam,
benztropine
l Thyroxine
Lithium
Rispéridone
Valproate
Lithium,
Fluoxétine
RIS
Lee et al. [30]
Webster et
Wijeratne [56] a
Imprégnation
récente
Sulpiride
622
S. Khaldi et al.
Tableau 1 (Suite )
Auteurs (no de
référence)
Drogue
Âge
Sexe
Diagnostic
Posologie (mg/j)
Durée de
traitement
Associations
médicamenteuses
éventuelles
Webster et
Wijeratne [56]
81
F
DM
2
1j
Imprégnation
sulpiride +
trifluopérazine
Dave et al. Pat 1
[12]
Dave et al. Pat 2
[12]
Najara et Enikeev
[39]
Meterissian [36]
Tarsy [53]
Levin et al. [33]
Sharma et al. [47]
Robb et al. [44]
35
F
TSA
8
5j
70
M
TSA
3
5j
42
F
TSA
8,5
DNS
53
43
26
18
19
M
F
M
M
M
TSA
TSA
RM
SCZ
SCZ
9
12
10
8
6
4j
DNS
24 j
DNS
DNS
20
M
SCZ
RIS : 16 CLZ : 100
2j
30
M
SCZ
RIS : 4 CLZ : 750
5j
57
M
TDM
150
34 j
Fluvoxamine
28
44
M
M
SCZ
SCZ
400
400
9j
56 j
Diazepam
Clonazépam
15
M
TSA
80
56 j
Bupropion,
Valproate
RIS + CLZ
Kontaxakis et al.
[28]
Beauchemin et al.
[7]
Diazepam
QTP
Matsumoto et al.
[35]
Sing et al. [49]
Solomons [50]
ZPS
Leibold et al. [31]
Abréviations : DNS : donnée non spécifiée dans le texte ; SCZ : schizophrénie ; TSA : trouble schizoaffectif ; TDM : trouble dépressif
majeur ; DM : démence ; RM : retard mental ; BDA : bouffée délirante aiguë ; BP I : trouble bipolaire type I.
a Cas létaux.
échantillon de 202 patients à 25 % avant 1985 et à 11,6 %
après cette date, cela étant probablement dû à un meilleure
reconnaissance clinique du SMN [46].
Il est toutefois difficile d’établir une comparaison du
nombre de décès par SMN entre NC et AA, sans le rapporter
au nombre de prescriptions respectives de ces deux classes,
pendant les périodes des études rapportées.
Données biologiques et physiopathologiques
Sur le plan biologique, et en comparaison avec les NC, plusieurs rapports de cas soulignent la plus grande élévation
du taux de CPK avec les AA, en particulier la CLZ et la
RIS [20]. La perturbation du métabolisme du calcium et de
l’AMP cyclique au niveau des cellules musculaires striées
et une possible toxicité musculaire directe décrite avec la
clozapine doivent également être prises en compte pour
expliquer ce phénomène [26].
La physiopathologie semble multifactorielle et incrimine essentiellement le blocage des récepteurs dopaminergiques au niveau des noyaux hypothalamiques, des voies
dopaminergiques nigrostriatales et mésocorticales, responsable d’une hypodompaminergie sous-corticale [29].
L’hypothèse dopaminergique ne peut, à elle seule, expliquer cette complication, puisque les AA et surtout la
clozapine se caractérisent précisément par un très faible
tropisme pour les récepteurs D2. Le potentiel qu’ont les AA
de bloquer d’autres récepteurs, tels que les récepteurs sérotoninergiques, noradrénergiques et anticholinergiques peut
contribuer à la dysrégulation du système nerveux autonome
et induire ainsi l’hyperthermie.
Par ailleurs, des études familiales [41,52] ont évoqué la
possibilité d’un mécanisme génétique prédisposant à la survenue d’un SMN. En 2001, il a été mis en évidence [52] une
corrélation positive entre le polymorphisme Taq1 du gène
codant pour le récepteur D2 et la survenue de cette complication.
Diagnostic différentiel
Il revêt une importance capitale, puisque le SMN est un
diagnostic d’élimination.
Il est essentiel d’évoquer en premier lieu, la catatonie
dont le tableau clinique est à certains égards quasi identique
à celui du SMN : c’est le contexte (plus grande fréquence de
la catatonie au cours des troubles bipolaires et schizoaf-
Antipsychotiques atypiques et syndrome malin des neuroleptiques
fectifs par rapport à la schizophrénie) et la sévérité de la
symptomatologie organique qui aideront à les distinguer. Ce
diagnostic différentiel représente une difficulté majeure et
l’on pourrait dire que le SMN n’est qu’une forme de catatonie, aggravée par les neuroleptiques.
Les causes infectieuses et toxiques d’atteinte du système
nerveux central (SNC) responsables d’hyperthermie et de
rigidité, de rhabdomyolyse ou de confusion mentale doivent
être exclues.
Une attention particulière doit être accordée aux encéphalopathies virales : les signes infectieux, la céphalée, le
syndrome méningé, les convulsions et les signes neurologiques de localisation orientent généralement le diagnostic.
Le classique coup de chaleur dont la symptomatologie
associe la tachycardie, la tachypnée et le confusion mentale
peut en imposer pour un SMN. Toutefois, les circonstances de
survenue (exposition à de hautes températures ambiantes)
ainsi que l’absence de rigidité extrapyramidale facilitent le
diagnostic.
Il convient également de savoir évoquer le syndrome
sérotoninergique, non seulement à cause d’une approche
thérapeutique différente, mais aussi en raison du conditionnement de la prise en charge médicamenteuse ultérieure
des patients souffrant d’une psychose chronique.
On peut évoquer aussi l’intoxication au lithium ;
l’hyperthermie maligne (agents anesthésiques) et la thyréotoxicose, mais le contexte oriente le diagnostic.
Enfin, il ne faut pas confondre les effets indésirables
bénins des AA (hyperthermie bénigne, dysrégulation thermique, élévation des CPK) avec un SMN authentique [3,4].
Modalités de prise en charge
Elles ne diffèrent pas de celles mises en place devant un
SMN induit par les NC à savoir les suivants :
• arrêt de toute médication neuroleptique ;
• exclusion de tout autre type d’intoxication et pathologie
organique (voir diagnostic différentiel) ;
• transfert en unité de soins intensifs et correction des
désordres hydroélectrolytiques.
Conclusion
Au vu des cas relevés, certains AA peuvent induire des SMN
suffisamment sévères pour entraîner le décès. Le SMN n’est
donc pas l’apanage exclusif des NC. Il peut survenir après des
délais très brefs et à des posologies moyennes correctes.
Quelques particularités cliniques du SMN secondaire aux
AA peuvent être distinguées comparativement au SMN induit
par NC : tout d’abord un plus faible pourcentage de mortalité (deux cas sur les 47 répertoriés dans notre revue), la
moindre incidence de symptômes extrapyramidaux ; enfin et
selon notre revue, le SMN induit par les AA semble toucher
plus fréquemment les patients de sexe masculin.
L’existence de SMN sous AA ayant un faible tropisme pour
les D2 striataux (notamment la clozapine) fait envisager un
rôle possible de la sérotonine et de la noradrénaline (et non
de la seule dopamine) dans l’apparition du SMN.
Les recommandations classiques, en matière de prévention du SMN, restent d’actualité, notamment la prudence en
623
matière d’associations médicamenteuses (et surtout neuroleptiques) susceptibles d’induire une telle complication.
Références
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