Géomètre-expert et topographie

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Géomètre-expert et topographie
TRIBUNE
Géomètre-expert et topographie
es enseignants des écoles ont
toujours eu une attitude très positive vis-à-vis de la réforme du
DPLG. D’une part, l’intérêt d’une profession pour un recrutement diversifié est
une évidence, dans un domaine aussi
complexe que l’aménagement du territoire. D’autre part, les ingénieurs
diplômés n’ont pas de difficultés de
débouché et de raison de s’inquiéter de
ce qui pourrait être considéré comme la
perte d’un monopole. En outre, le fait
que les écoles d’ingénieurs soient invitées à participer à la formation continue
destinée aux futurs candidats issus de
l’université, permet une continuité
culturelle entre le socle technique et
juridique traditionnel et la diversité des
formations universitaires qui vont enrichir la profession.
Hormis un module spécifiquement
centré sur la profession de géomètreexpert et sa délégation de service
public, à assurer directement par des
géomètres-experts, plusieurs thèmes
techniques et juridiques, constitutifs du
référentiel de la profession, ont été
listés et les écoles invitées à formuler
des propositions. Cinq modules avaient
été identifiés pour le parcours de formation des géomètres-experts stagiaires
du DPLG réformé, consacrés au droit
(1), à la topographie (intitulé plus précisément “science de la mesure et
géomatique”) (2), à l’aménagement du
territoire (3), à l’aménagement de la
propriété (4) et gestion d’entreprise (5).
Le dernier module ayant été finalement
fusionné avec celui de la profession, les
enseignants ont échangé sur les autres
modules, avec toutefois un cahier des
charges difficile à tenir : il fallait les
concevoir aussi courts que possible car
les stagiaires devraient s’absenter
pendant leurs congés pour suivre ces
formations. Certes, des diplômés titulaires d’un master ont des capacités
d’auto-apprentissage et les techniques
modernes d’enseignement permettent
de réduire le temps de formation en
mode présentiel. Cependant, le regroupement des stagiaires est propice à la
cohésion d’une communauté professionnelle, et la présence d’un ensei-
L
gnant a des avantages pédagogiques
évidents pour l’acquisition d’une
culture professionnelle nouvelle. C’est
particulièrement vrai pour la topographie, qui est sans doute la plus nouvelle
des matières pour la plupart des titulaires de masters, et qui requiert la
manipulation de logiciels et d’instruments de mesures.
Vers deux catégories
de géomètre-expert ?
Les modules (1), (3) et (4) n’ont guère
fait débat, et les propositions de l’ESGT
pour des modules respectivement
d’une durée de 16 (1) et 8 (3 et 4) jours
ont rapidement fait consensus. Par
contre, le module de topographie a fait
l’objet de vives discussions. Dans un
premier temps, les enseignants en
topographie de l’INSA de Strasbourg,
de l’ESGT et de l’ESTP ont recommandé un niveau bac + 2 scientifique et
une durée minimale de 40 jours pour ce
module qui regroupe la géodésie, la
topographie, la photogrammétrie, la
lasergrammétrie et les systèmes d’information géographique. A ceux qui
jugeaient ces exigences excessives et
voyaient dans la proposition des écoles
une attitude conservatrice préservant le
monopole aux ingénieurs, on peut facilement répondre qu’on ne forme pas un
ingénieur topographe en 40 jours et que
le programme n’apporterait au mieux
au futur géomètre-expert qu’une culture
technique lui permettant de côtoyer plus
confortablement un monde de topographes. Malgré les mises en garde,
aucun prérequis de formation scientifique initiale n’a été retenu, et la durée
du module de topographie a finalement
été réduite à 16 jours.
Les stagiaires du DPLG réformé ont un
niveau d’études élevé qui leur confère,
en principe, la capacité d’apprendre
rapidement des notions nouvelles et de
faire preuve d’un esprit critique et d’une
pensée structurée. Cependant, enseigner la topographie, même succinctement, à des élèves qui n’ont plus fait de
mathématiques depuis la terminale,
c’est un exercice inédit pour les enseignants. Face à ce défi pédagogique, les
formateurs feront de leur mieux. Mais il
est clair qu’ils formeront des géomètresexperts bien différents de ceux d’aujourd’hui. Tandis que le droit et l’urbanisme
peuvent faire l’objet d’un perfectionnement continuel par petites touches, la
topographie nécessite un socle initial de
compétences qu’aucune formation de
master n’apporte en France.
Le géomètre-expert est, certes, un
spécialiste du droit. Mais, parmi les
différentes professions juridiques intervenant dans le domaine de l’immobilier
et du foncier, ne tire-t-il pas sa crédibilité, voire son prestige, de sa capacité à
venir éclairer les débats au moyen de
mesures ? Dans ces conditions, le
risque est grand de voir la profession se
scinder en deux catégories. Sans doute
est-ce pertinent si l’on songe qu’il n’est
pas toujours besoin de compétences
techniques pour répondre à de
nombreuses commandes. Mais qui
empêchera un géomètre-expert, à
l’issue d’une formation de 16 jours en
topographie, de proposer ses services
pour l’auscultation ? La convivialité des
instruments et des logiciels pourrait
bien contribuer à masquer la frontière,
pourtant bien réelle, entre ces deux
catégories.
Le point de vue de l’AFT
L’AFT ne peut que regretter cette évolution qui dispense un ingénieur diplômé
(quel que soit son diplôme... mécanicien, chimiste, etc.) du module de
“Sciences de la mesure” et qui maintient deux ans en stage les diplômés
INSA, ESGT, ESTP, c’est-à-dire la même
durée que pour les titulaires d’un
master en géographie bien difficile à
faire admettre aux ingénieurs formés
par ces écoles. Dans ces conditions, on
voit bien que la réforme n’est pas
aboutie. Pour autant l’AFT reste disponible pour apporter sa connaissance de
la profession et se prononcer sur l’adéquation entre la formation des
géomètres et les compétences requises
pour les travaux. ●
Revue XYZ • N° 130 – 1er trimestre 2012 17