Les relations du réparateur avec l`assureur et l`expert automobile
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Les relations du réparateur avec l`assureur et l`expert automobile
dossier ACCORDS COMMERCIAUX DANS L’APRÈS-VENTE Les relations du réparateur avec l’assureur et l’expert automobile la mise en place d’accords entre professionnels représente une méthode intéressante pour fixer les bonnes pratiques d’un secteur d’activité et réduire d’éventuelles tensions en dégageant les obligations essentielles de chacun. toutefois, le souci de réduire les coûts conduit à ce que ces engagements, qui ne sont pas juridiquement contraignants, ne soient pas toujours respectés. leur violation ne reste pas pour autant sans conséquence. dr À Luc Grynbaum (1) , professeur à l’université paris-descartes, directeur du master 2 santé, prévoyance et protection sociale, doyen honoraire de la faculté de droit de la rochelle la suite d’une collision, le réparateur chargé de pro céder aux interventions nécessaires a longtemps été choisi par l’assuré. Les travaux et leur montant étaient défi nis après la visite de l’expert désigné par l’assureur. Le client payait grâce à l’indemnité qu’il recevait de ce der nier. L’assureur pouvait également régler directement le réparateur sur le fondement d’une indication de paiement. Ce schéma est aujourd’hui largement remis en cause. Il ne sub siste guère que dans les zones rurales, où la proximité d’un réparateur unique ou la relation de confiance incite l’assuré à s’adresser à « son garage ». Dans les zones urbaines ou péri urbaines, l’automobiliste qui subit une collision entre, le plus souvent, en contact avec le gestionnaire de sinistres de son assureur, qui l’oriente vers un réparateur agréé par celuici. L’argument essentiel réside dans le paiement direct par l’assureur de la réparation au garagiste. Cette démarche de « référencement » des réparateurs par les assureurs est concomitante d’une politique de même nature menée à l’égard des experts automobiles, qui ont conclu avec les assureurs des partenariats privilégiés (2). L’objectif de l’assureur de ne plus payer « en aveugle » et même de peser sur les coûts explique aisément cette volonté de mieux contrôler la tarifi cation pratiquée par les destinataires fi naux des presta tions versées par l’assureur. Tou tefois, la mise en réseau d’experts et de répa rateurs agréés éloigne le propriétaire du véhicule de l’idée de choix des prestataires qui vont intervenir dans le processus de réparation. La petite réparation sans expertise Il est vrai que, concernant l’expert, celuici est considéré depuis long temps comme le « mandataire » de l’assureur, dans le sens où il doit véri fi er l’étendue des dommages impu tables au sinistre déclaré par l’assuré et veiller à ce que le montant des travaux n’excède pas la valeur du véhicule. Ces contrôles bénéfi cient davantage à l’assureur qu’à l’assuré. À l’égard de ce dernier, il doit toute fois s’assurer que les réparations envisagées par le garagiste sont de nature à maintenir la sécurité du véhicule. On comprend donc que le processus d’agrément par l’assu reur des experts automobiles est accepté depuis bien longtemps, bien qu’il puisse susciter des diffi cultés quant à la mise en œuvre du principe d’indépendance qui gouverne la jurisprudence automobile • n°829 • mai 2011 • jurisprudence-automobile.fr profession (3), qu’il s’agisse de la dimen sion déontologique ou fi nancière de cette indépendance. L’annonce par des assureurs automobiles occupant une place importante sur le marché de leur volonté d’amoindrir l’interven tion des experts pour la remplacer par un accord direct avec le réparateur pour les « petites réparations » n’est évidemment pas de nature à rassé réner cette profession. Les réparateurs, quant à eux, ont dû faire face plus tardivement à ce souci d’abaissement des coûts manifesté par les assureurs. Nous observerons tout d’abord la pratique de l’agré ment du réparateur par les assureurs. Nous évoquerons ensuite les initia tives d’autorégulation par les acteurs du secteur. Nous verrons enfi n qu’en présence d’un éventuel contentieux, l’arsenal législatif s’est développé. n La pratique de l’agrément Bien que l’assuré soit libre de faire réparer son véhicule chez le carros sier de son choix et que ce principe ait été réaffi rmé par le Comité éco nomique et social européen (4), les assureurs ont développé des accords avec des carrossiers visant à orienter leurs assurés vers ces derniers. Cette pratique revêt le nom générique ... 21 Dossier z Les pratiques commerciales dans la réparation automobile d’« agrément ». C’est ainsi que, en 2007 déjà, selon un rapport de la Direction générale de la concur rence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), 70 % des carrossiers étaient agréés, parmi lesquels 29 % étaient indépen dants, 18 % appartenaient à un réseau de constructeur automobile et 23 % à un réseau de carrosseries. Des clients contre un barème L’agrément présente des avantages pour trois des parties impliquées dans l’opération de réparation. L’as suré ne règle pas directement son réparateur, le paiement étant effec tué par l’assureur. Ce dernier maî trise ses coûts, car les tarifs de répa ration sont prédéfinis dans la convention d’agrément. Ensuite, l’agrément se réalise, le plus souvent, sur la base d’exigences techniques, de qualité de prestation, notamment l’accueil et le prêt à l’assuré d’un véhicule de remplacement. Enfin, le carrossier est susceptible d’accroître ou de « garantir » son niveau de clientèle, car l’assureur oriente les assurés vers ses carrossiers agréés. On a pu constater que l’agrément est négocié le plus souvent à un niveau local par des représentants de l’assureur, ou bien au niveau national pour les réseaux constructeurs. La difficulté n’intervient pas à ce moment de la relation entre l’assu reur et le réparateur agréé. C’est lors des demandes par le carrossier de voir réévaluer les tarifs préfé rentiels consentis à l’assureur que les désaccords, voire les conflits, se font jour. En effet, le coût de la répa ration est tributaire de paramètres qui sont extérieurs à la relation entre le réparateur et l’assureur. Néanmoins, le montant payé par l’assureur au réparateur agréé en lieu et place de l’assuré fait l’objet d’un encadrement prévu par la conven tion d’agrément. 22 Le carrossier pratique des prix dits « publics », qui tiennent en un taux horaire de main-d’œuvre et un coût de pièces. Les travaux de peinture sont facturés en coût horaire, incluant le prix de la matière. Le profit du carrossier réside donc dans la diffé rence entre son coût d’exploitation et son tarif horaire, et sur la marge qu’il réalise sur les pièces. Or, pour ces dernières, les carrossiers qui n’ont pas développé d’activité de conces sionnaire sont tributaires du prix fixé Bien que l’assuré soit libre de faire réparer son véhicule chez le carrossier de son choix, les assureurs ont développé des accords avec des carrossiers pour orienter leurs assurés. par les constructeurs, le marché de la pièce détachée hors constructeur étant encore peu développé. En ce qui concerne le taux horaire qui permet la rémunération du savoirfaire du réparateur, le montant est, en principe, libre. Néanmoins, la durée de la réparation est encadrée par les constructeurs, qui publient des barèmes établissant un temps par type de réparation. Experts et assu reurs se tiennent le plus souvent à ce temps constructeur. La remise de pied de facture La convention d’agrément entre l’assureur et le réparateur porte sur ces paramètres et influe sur les moda lités selon lesquelles le réparateur établira son coût et sa facture. Il est d’abord établi un taux horaire entre le carrossier agréé et l’assureur, lequel est inférieur au « prix public ». De surcroît, il a été constaté qu’il est pratiqué une remise consentie par le carrossier, dite sur « pied de jurisprudence automobile • N°829 • mai 2011 • jurisprudence-automobile.fr facture », qui se justifie par un commissionnement de l’assureur, en général de 5 %. Cette remise peut prendre deux formes : son montant apparaît sur chaque facture, ou bien l’assureur prélève sa commission au moment du règlement au réparateur, émettant alors une facture de com missionnement. Quand l’assureur a recours à une plate-forme de gestion de sinistres extérieure à son entre prise, il a été constaté que cette plate-forme demandait également une « remise sur pied de facture », à titre de commissionnement. Enfin, des services sont demandés par les assureurs aux réparateurs agréés, comme la mise à disposition d’un véhicule de remplacement (5). Souvent, ces services ne font l’objet d’aucune facturation aux assureurs, ces derniers considérant que le taux horaire négocié en tient compte. D’autres prestations non facturées se développent, comme la prise en charge et la restitution du véhicule à réparer au domicile ou au lieu de travail de l’assuré. La même prestation est demandée pour le véhicule de courtoisie. n La recherche d’une autorégulation La pression exercée sur les prix et les difficultés structurelles des répa rateurs les ont conduits à tenter de réduire les tensions par une auto régulation. La baisse du nombre des collisions, le coût du renouvellement des matériels et le contrôle strict, par les assureurs, des prix pratiqués par leurs réparateurs agréés ont pro voqué des tensions entre ces derniers et les assureurs. En outre, les répara teurs présentent une structuration très disparate. On trouve, d’une part, des entreprises de quelques salariés ayant une grande difficulté à mettre en place une gestion de leurs coûts et pour lesquelles les nouveaux inves Dossier tissements sont impossibles. Elles coexistent avec de grandes entre prises très bien gérées, pour lesquelles la carrosserie ne constitue qu’une activité associée à la vente de véhi cules au travers d’une concession. Les assureurs, quant à eux, ont connu des rapprochements qui leur ont donné un plus grand poids dans les discussions avec les réparateurs. Travaux un peu trop dirigés Dans les relations entre réparateurs et assureurs, l’un des premiers points de tension réside dans l’orientation des assurés vers le réseau des répa rateurs agréés (6). Il semble que la dissuasion de l’assuré de faire effec tuer sa réparation par un non-agréé soit réalisée avec plus ou moins de mesure selon les assureurs. Cette volonté d’orientation semble encore plus forte lorsque la gestion de sinistre est confiée à un prestataire extérieur, qui, lui aussi, est commis sionné. En outre, les assureurs semblent réticents à mettre en place la cession de créance au profit des réparateurs non agréés, laquelle permettrait à leurs clients d’éviter l’avance du paiement. Or, l’orienta tion de l’assuré vers un réparateur agréé en tenant un discours péjoratif sur le réparateur habituel de l’assuré est constitutive de concurrence déloyale. Une pression trop systé matique sur les assurés pour les orienter vers les réparateurs agréés est susceptible de constituer une atteinte à la libre concurrence. Par ailleurs, le contenu de certaines conventions d’agrément n’est pas toujours conforme à l’article L. 442-6 du code de commerce. Ainsi, un commissionnement de l’assureur fixé par un pourcentage unique ne tient pas compte de l’apport réel de clientèle au carrossier. Au cours de la vie de l’agrément, si l’assureur et le réparateur ne tombent pas d’accord sur un nouveau tarif, soit l’agrément est résilié par l’assureur, soit l’ancien tarif continue d’être appliqué. Notons que la pra tique du préavis en cas de rupture est très disparate. Enfin, quand la mise à disposition de véhicule ou tout autre service demandé au réparateur (par exemple la prise en charge du véhicule au domicile ou au travail de l’assuré) ne fait pas l’objet d’une mention sur la facture, cette pratique n’est pas conforme aux exigences de l’article L. 441-3 du code de commerce. n Une charte pour garantir une réparation durable Afin de remédier à ces tensions et au risque du prononcé de sanctions liées à l’application des dispositions des articles L. 442-6 et L. 441-3 du code de commerce, les syndicats représentant les réparateurs, la FFSA et le Gema pour les assureurs, sous les auspices de la Commission d’exa men des pratiques commerciales (CEPC), ont adopté une charte en mai 2008 (lire p. 26). Dans son préambule, la charte Relation réparateur d’automobileassureur rappelle que le choix du réparateur est libre, mais que l’assu reur peut en proposer un à son assuré (article 1.3), toutes les parties ayant pour objectif de réaliser une répara tion durable (article 1.4). L’assureur choisit librement de conclure une convention d’agrément avec un réparateur sur des critères préala blement établis (article 2.1), cette convention ayant pour objet de Il semble que la dissuasion de l’assuré de faire effectuer sa réparation par un non-agréé soit réalisée avec plus ou moins de mesure selon les assureurs. jurisprudence automobile • N°829 • mai 2011 • jurisprudence-automobile.fr garantir une qualité du matériel et des services (article 2.2). Toutes les prestations font l’objet d ’une facturation (article 3.1). La remise ou ristourne consentie par le réparateur à l’assureur tient compte de l’importance de la relation contractuelle (article 3.2). Le répa rateur et l’assureur se communiquent réciproquement les données chif frées se rapportant à leur relation d’affaires (article 3.3). Il est prévu que pour la révision de la convention, en cas de désaccord persistant, l’assureur désigne une personne habilitée pour réexaminer la demande d’augmentation formulée par le réparateur (article 3.5). En cas de non-renouvellement de l’agrément, un préavis est dû, qui tient compte de la durée et de l’importance de la relation (article 4.1). Les représentants des professions peuvent faire évoluer la charte au fil du temps et ont prévu de se ren contrer régulièrement pour faire le point sur son application. n Des engagements entre experts et réparateurs Dans le même esprit, un accord de relations professionnelles entre les experts d’un acteur majeur du domaine, BCA expertise, et les syn dicats représentant les réparateurs a été conclu le 10 mars 2010. Il porte sur le processus de réalisation des expertises et d’échange d’informa tions entre le réparateur et l’expert. Outre la clause de révision de l’accord (engagement n° 8), similaire à la charte évoquée plus haut, on observera une avancée intéressante grâce à la création d’une procédure de conciliation entre réparateur et expert (engagement n° 7). Sur le fond, le caractère contra dictoire de l’expertise est mis en avant (engagement n° 1) et l’exper tise à distance est aménagée ... 23 Dossier z Les pratiques commerciales dans la réparation automobile (engagement n° 2). Concernant les prix, l’engagement n° 4 mentionne que la facturation s’établit selon les tarifs du réparateur, sauf « accord particulier ». Ce texte vise à maintenir la liberté de détermination du prix par le pres tataire. Toutefois, quand ce dernier inter vient dans le cadre d ’un agrément conclu avec l’assureur, le prix sera déterminé en fonction de cet agrément, et l’expert missionné par le même assureur pourra le contrôler. Les questions soulevées par l’agrément restent donc entières. Le non-respect des chartes et ou d’un engagement professionnel ne pourra que susciter le contentieux. n Les fondements d’un éventuel contentieux Les engagements professionnels présentent le mérite de fixer les bonnes pratiques du secteur. Ils obligent les acteurs à échanger sur les difficultés rencontrées dans leurs relations et à mettre en avant les aspects positifs de leur parte nariat. Toutefois, la pression constante sur les coûts, notamment afin de dégager des profits, d’assurer la pérennité de l’entreprise et de rému nérer ses actionnaires, conduit à ce que ces engagements professionnels ne soient pas toujours respectés. On observera que la violation de ces engagements, qui ne sont pas direc tement contraignants sur le plan juridique pour les professionnels, ne reste pas pour autant sans consé quences. C’est ainsi que la Cour de cassation a condamné, sur le fon dement de la responsabilité contrac tuelle, une banque au profit de l’un de ses clients pour ne pas avoir res pecté l’obligation de couverture (7), laquelle constituait une règle de nature déontologique adoptée par la profession et qu’aucun texte législa tif ou réglementaire n’avait instaurée. 24 Un réparateur qui demanderait une indemnité de rupture à un assureur qui l’aurait agréé pourrait invoquer la charte, dont la violation constitue une faute contractuelle ou délictuelle. De la même manière, au soutien de toute demande d’un réparateur qui demanderait indemnisation pour une rupture de sa relation avec l’assureur qui l’avait agréé, il peut donc être invoqué la charte dont la violation constitue une faute contrac tuelle (si le contrat est en cours ou se termine) ou délictuelle. En outre, et surtout, il a été déve loppé, à l’article L. 442-6 du code de commerce, des dispositions rela tives à la rupture brutale de relations commerciales établies et aux clauses abusives entre professionnels. On observera que depuis le décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009, ce sont des juridictions spécialisées qui sont compétentes pour ces questions et que la juridiction d’appel est la cour d’appel de Paris (8). Rupture d’une relation établie Les actions en rupture d’une rela tion contractuelle établie se sont développées sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce (9). Dès lors qu’une rela tion commerciale s’est nouée entre deux entités, la rupture de cette dernière sans préavis suffisant entraîne une réparation sur le fon dement d’une responsabilité délic tuelle (10). Cela signifie que les clauses du contrat qui encadrent le montant des sommes dues et la durée de ce préavis sont écartées, quand bien même il s’agirait d’un contrat type homologué par le pouvoir réglementaire (11). Toute fin de relation commerciale n’entraîne pas pour autant une indemnisation. Il faut que la rupture jurisprudence automobile • N°829 • mai 2011 • jurisprudence-automobile.fr soit brutale (12). Évidemment, la faute du demandeur constitue une cause légitime de rupture sans indemni sation (13). Cela signifie que le respect d’un préavis raisonnable, au regard de la durée et de l’importance de la relation entre les deux parties, empêche l’octroi d’une indemnisa tion au titre de l’article L. 442-6, 5°, du code de commerce. Ces dispositions ont été appliquées à une affaire opposant un répara teur à deux mutuelles d’assurances qui avaient résilié le contrat d’agré ment (14). Le réparateur soutenait que l’expert avait commis des fautes qui avaient conduit à cette résilia tion. La Cour de cassation a censuré l’arrêt d’appel, qui déboutait le demandeur au motif que les disposi tions du code de commerce sur la rupture de relations commerciales établies ne pouvaient pas s’appliquer à des sociétés d’assurances mutuelles. Au contraire, la Cour de cassation a estimé que « le régime juridique des sociétés d’assurances mutuelles, comme le caractère non lucratif de leur activité, ne sont pas de nature à les exclure du champ d’application des dispositions relatives aux pra tiques restrictives de concurrence, dès lors qu’elles procèdent à une activité de services » (15). Les dispo sitions sur la rupture brutale de relations commerciales ont donc vocation à s’appliquer à l’égard de tout assureur, dès lors que la sortie du contrat se réalise sans préavis ou avec un préavis insuffisant. Par ailleurs, les réparateurs disposent désormais, comme tous les profes sionnels, d’un moyen de contester Dossier certaines clauses des contrats d’agré ment, en démontrant leur caractère abusif. En effet, l’article L. 442-6 I, 2°, du code de commerce dispose qu’« engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au Répertoire des métiers […] de sou mettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obli gations des parties ». Le sort des clauses abusives Le Conseil constitutionnel a eu à connaître de la conformité à la Constitution de ce texte, grâce à une saisine dans le cadre d’une question prioritaire de constitution nalité (16). Le juge constitutionnel a décidé que ce texte est conforme à la Constitution, car les sanctions qu’il prévoit ne portent pas atteinte au principe de la légalité des peines. En effet, le Conseil constitutionnel a considéré que la notion juridique de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties était suffisamment claire et précise, et qu’elle permettait au juge de se prononcer d’une manière qui ne peut pas être qualifiée d’arbitraire, dans la mesure où elle figure à l’article L. 132-1 du code de la consom mation, reprenant les termes de l’article 3 de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, son contenu étant déjà précisé par la jurisprudence. En outre, la juridic tion saisie peut consulter la Com mission d’examen des pratiques commerciales, composée des représentants des secteurs éco nomiques intéressés (17). Cette décision permet de com prendre que le caractère abusif d’une clause dans un contrat entre profes sionnels sera apprécié de la même façon qu’en droit de la consommation. Le déséquilibre va ainsi être caracté risé quand une clause prévoit un avantage pour l’une des parties sans aucune contrepartie dans le contrat. Cette approche a été adoptée dans un jugement du tribunal de commerce de Lille (18). On observera que l’action en suppression des clauses dans tous les contrats du professionnel concerné peut être intentée par le ministre de l’Économie (19). La suppression de clauses peut également advenir dans un contrat déterminé à l’occasion d’un contentieux entre deux professionnels (20). En conclusion, on constate que la voie des accords entre profes sionnels représente une méthode intéressa nte pour réduire les tensions dans un secteur profes sionnel, en rétablissant le dia logue et en dégageant les obliga tions essentielles. Toutefois, le maintien d’une pression forte sur l’un des acteurs par un autre (lui-même soumis à des contraintes économiques) conduit inéluctablement à l’application de dispositions légales plus dures. Les dispositions sur la rupture brutale de relations commerciales établies et sur les clauses abusives entre professionnels offrent de nouveaux fondements juridiques aux opérateurs déçus. Cela ne pré juge pas de la possibilité pour les autorités de la concurrence de sanc tionner toute pratique qui porte atteinte à la fluidité du marché. n 1. L’auteur de ces lignes avait été désigné comme rapporteur par la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC). Cette dernière a rendu un avis (n° 08-02) « relatif aux pratiques suivies dans les relations commerciales entre assureurs et carrossiers réparateurs », accompagné d’une charte sur la relation réparateur d’automobile-assureur adoptée par les organismes représentatifs de ces professions (lire page suivante). jurisprudence automobile • N°829 • mai 2011 • jurisprudence-automobile.fr 2. Lionel Namin, « L’expertise automobile, Aspects juridiques et pratiques de la profession », 3e éd., L’Argus Éditions, 2009, p. 113. 3. C. route, art. L. 326-6 ; cf. Lionel Namin, op. cit., p. 65 et s. 4. Rapport d’ information du Comité économique et social européen sur « La réparation automobile en cas de collision : comment garantie la liberté de choix et la sécurité du consommateur », par W. Robyns de Schneidauer, 6 septembre 2010, INT/501 – CESE 395/2010 fin, EN-LL/cc/gl. 5. Ou encore la pratique de l’expertise à distance (envoi de photos à l’expert par logiciel et Internet). 6. Lire rapport du Comité économique et social européen, ibid. 7. Com., 26 février 2008, n° 07-10.761, publ. au Bull. 8. C. comm., art. D. 442-3 et D. 442-4. 9. C. comm. art. L. 442-6 : « I. Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers […] 5° de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. » 10. Com., 18 janvier 2011, n° 10-11.885, publ. au Bull. 11. Com., 21 septembre 2010, n° 09-15.716. 12. Com., 9 mars 2010, n° 08-21.055. 13. Com., 18 janvier 2011, n° 10-11.611. 14. Com., 14 septembre 2010, n° 09-14.322, publ. au Bull. 15. Ibid. 16. Décision n° 2010-85, 13 janvier 2011, Darty et fils, JO 14 janvier 2011, p. 813. 17. C. comm., art. L. 442-6, III, al. 6. 18. Tribunal de commerce de Lille, 6 janvier 2010, « Contrats, conc., consomm. » 2010, n° 3, p. 21, note N. Mathey ; « Revue des contrats » 2010, p. 928, note M. Behar-Touchais. 19. C. comm., art. L. 442-6 III : « L’action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute personne justifiant d’un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé de l’Économie ou par le président de l’Autorité de la concurrence, lorsque ce dernier constate, à l’occasion des affaires qui relèvent de sa compétence, une pratique mentionnée au présent article. » 20. Ibid. 25 Dossier z Les pratiques commerciales dans la réparation automobile Charte sur la relation réparateur d’automobile-assureur (1) n 1. Préambule Art. 1.1 Afin d’apporter la meilleure prise en charge à l’assuré dont le véhicule a subi un accident, répa rateurs et assureurs organisent leurs relations selon les principes qui suivent. Art. 1.2 Ces principes s’appliquent pour la mise en œuvre de toutes les garanties du contrat d’assu rance automobile, notamment les garanties responsabilité civile et dommages. Le champ d’application de cette charte pourra être modifié confor mément à l’article 5.1. Art. 1.3 Le libre choix du répara teur par l’assuré constitue un prin cipe essentiel de la relation entre les assureurs, les assurés et les répa rateurs. Ce principe est mis en œuvre dans la relation entre l’assu reur et son assuré. Dans le cadre de sa relation avec l’assuré, l’assureur peut proposer des réparateurs. Art. 1.4 La réalisation d’une répa ration durable du véhicule et le service rendu à l’assuré consti tuant un objectif commun aux réparateurs et aux assureurs, ces derniers peuvent conclure des conventions organisant leurs rela tions. Ces conventions sont sou mises aux principes énoncés dans la présente charte. Art. 1.5 Les relations des assureurs et des réparateurs, dans le cadre d’une convention ou à l’occasion du règlement ponctuel d’une répara tion, se conforment aux dispositions sur la concurrence et les bonnes pratiques commerciales. 26 n 2. Conclusion d’une convention entre réparateur et assureur Art. 2.1 L’assureur dispose du libre choix du réparateur avec lequel il conclut une convention, confor mément à des critères préala blement établis. Ces critères tiennent compte, notam ment, de la qualité des prestations fournies par le réparateur et de la nécessité de fournir un service de proximité aux assurés. Art. 2.2 Les réparateurs s’engagent sur des conditions déterminées préa lablement avec l’assureur, qui portent, notamment, sur les équipements, la nature des services à fournir à l’as suré et la formation du personnel. n 3. Vie de la convention Art. 3.1 Toutes les prestations réali sées par le réparateur font l’objet d’une facturation. Art. 3.2 Lorsqu’une remise ou une ristourne ou une rémunération dis tincte pour apport de clientèle est prévue, elle prend en compte l’im portance de la relation entre le réparateur et l’assureur. Art. 3.3 Afin d’éviter de créer une situation de dépendance écono mique, le réparateur communique, à la demande de l’assureur parte naire, le pourcentage de son chiffre d’affaires de réparation collision réalisé grâce aux véhicules des assurés de cet assureur. L’assureur communique en retour les données qu’il détient sur la relation avec ce réparateur. jurisprudence automobile • N°829 • mai 2011 • jurisprudence-automobile.fr Art. 3.4 Les conventions entre assureurs et réparateurs prévoient les conditions de leur modification. Art. 3.5 En cas de désaccord persis tant et majeur sur l’évolution des conditions prévues à la convention, la position du réparateur est réexa minée par un autre interlocuteur habilité par l’assureur à cet effet. n 4. Sortie de la convention Art. 4.1 Assureurs et réparateurs peuvent mettre fin à la convention en respectant un préavis effectif dont la durée tient compte, notam ment, de l’importance et de la durée de la relation. Ce préavis n’est pas dû en cas de faute grave caractérisée de l’une des parties. n 5. Révision de la charte Art. 5.1 La présente charte peut être modifiée par accord des parties, notamment en cas de changement important des condi tions économiques. Des représentants des parties se rencontrent régulièrement afin d’évoquer l’application de la charte et son éventuelle modification. Fait à Paris, le 14 mai 2008 Signataires : CNPA, FFSA, FNAA, Gema, GNCR 1. Charte annexée à l’avis n° 08-02 de la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) relatif aux pratiques suivies dans les relations commerciales entre assureurs et carrossiers réparateurs.