a ctu alité - cabinet christian icard

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a ctu alité - cabinet christian icard
Compétitivité Le gouvernement a-t-il pris en compte
les besoins réels des entreprises ? Jean-Marc Ayrault a en
tout cas décidé de reprendre une partie du rapport Gallois
sur la compétitivité. Les patrons chrétiens apprécient,
avec quelques inquiétudes sur la mise en œuvre.
Par Jean-Claude Bésida et Ariane Lecointre-Cloix
Sébastien Becker,
Mobil Wood
(Cravant, Yonne)
L
orsque Sébastien Becker
parle de ses salariés, de
leur « courage », c’est avec
une sincérité teintée de fierté.
« La richesse de notre entreprise
aujourd’hui, ce sont nos salariés. Il faut arrêter de
dire que tous les patrons sont des voyous, obnubilés
par le profit. » Selon ce jeune patron, la volonté
d’entreprendre se définit avant tout par le désir de
construire, à long terme, avec une bonne équipe.
Mobil Wood, installée dans le village de Cravant
(Yonne), conçoit et fabrique du mobilier en bois
massif pour les magasins, comme des présentoirs.
L’usine sent la sève, les machines coupent, percent
et assemblent les planches dans un vacarme
assourdissant. Sébastien Becker et Alexis Nollet
ont repris l’affaire en 2006 et dégagent aujourd’hui
entre 4 et 5 millions d’euros de chiffre d’affaires
par an. Un succès pour cette petite société
bourguignonne, dont l’activité dépend uniquement de l’investissement des commerces.
Les bons mois, quand les commandes affluent,
les trente-cinq salariés travaillent parfois jusqu’à
45 heures par semaine. « Nous avons souvent
recours à des intérimaires. Cette flexibilité est indispensable. » Une souplesse que ne permettent pas
les CDI, peu adaptés à ce type d’entreprises.
En 2012, les commandes ont été moins nombreuses. « Le marché de l’investissement s’est crispé »,
analyse Sébastien Becker, qui se dit « agréablement surpris » par le rapport Gallois. « Plutôt à
droite », le chef d’entreprise reconnaît que le crédit
d’impôt promis par le gouvernement va relancer
la compétitivité. « C’est énorme, car pour la première
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fois, j’entends que l’industrie est au cœur des
préoccupations du gouvernement. »
Mobil Wood a investi 1 million d’euros en cinq
ans dans le numérique, les logiciels, la communication. « Aujourd’hui, cette capacité à investir est
essentielle », estime le chef d’entreprise. Selon lui,
l’industrie ne gagne pas assez d’argent pour investir dans de nouvelles technologies, le déploiement
commercial, l’innovation. Il apprécie déjà ce coup
de pouce promis par le gouvernement, en attendant de voir ce qui sera proposé spécifiquement
aux PME.
•
PhilippeRoyer,
Clasel
(Laval, Mayenne)
À
47 ans, Philippe
Royer est directeur
général de Clasel et
Analis, deux sociétés au
service des agriculteurs
(350 salariés, 19 millions
d’euros de chiffre d’affaires). Ses experts effectuent
400 000 visites annuelles chez les agriculteurs
(en l’occurrence, surtout des producteurs de lait)
et proposent conseils et solutions. De la préconisation en nutrition (que donner à manger à une
vache pour avoir du lait riche en Oméga 3 ?) au
négoce de solutions technologiques (par exemple,
les détecteurs de vêlage pour éviter de veiller toute
la nuit à attendre un veau). Il est aussi leader en
conseil sur la méthanisation (la production d’électricité à partir des bouses de vaches).
Pour répondre à une demande de ses salariés à
temps partiel et leur permettre de travailler à temps
plein, il a développé une activité sociale de services
pratiques (ménage, repassage, tontes, petits travaux).
JC. BESIDA
A. LECOINTRE
ACTUALITÉ
Les patrons chrétiens
face à la crise
Louis Gallois
remettant,
le 5 novembre,
au Premier ministre
Jean-Marc Ayrault,
son rapport sur
la compétitivité.
•
président du holding
Gravitation (Paris)
«L
ÉPHOTO
Charles Begbeider,
e choix d’appliquer le rapport Gallois est un tournant
dans le quinquennat de
François Hollande. Ce qui manque
le plus en ce moment aux entrepreneurs, c’est un climat de confiance, favorable à la
prise de risques. La confiance peut revenir très vite
et la décision actuelle semble être de nature à changer les choses. Reconnaître qu’il y a un problème
de compétitivité des entreprises, ce n’est pas rien
après six mois de signaux négatifs.
Il y a eu l’annonce de la taxation à 75 % sur les
cadres dirigeants des grands groupes, puis les décisions sur la retraite à 60 ans, l’arrêt de la défiscalisation des heures supplémentaires, la contribution
exceptionnelle sur la fortune, de nouveaux prélèvements sur les entreprises et les ménages, et enfin
la polémique sur les plus-values des cessions (épisode qui a donné lieu à une passe d’armes et à un
recul du gouvernement, mais a laissé des traces).
La décision de baisser les prélèvements de 20 milliards est importante. Le ton a changé. Au gouvernement, beaucoup avaient compris les besoins des
entreprises, mais un blocage politique subsistait.
Il a été surmonté. Même si les modalités d’application semblent complexes, c’est une très bonne
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nouvelle pour l’entreprise. »
F.PITCHAL  FÉD
Vice-président des Entrepreneurs et dirigeants
chrétiens (EDC), il lui importe de « saluer ce qui est
bien dans l’action gouvernementale et de condamner
ce qui semble ne pas convenir ». Exemple : à la mioctobre, les EDC taclent le gouvernement avec dixneuf organisations patronales qui contestent
l’alourdissement de l’imposition sur les plus-values
de cession d’entreprise. « Il nous paraissait suicidaire qu’un pays comme la France sanctionne ses
entrepreneurs. Mais, continue-t-il, nos prises de
position ne sont certainement pas politiciennes. »
En tout cas, il apprécie la mise en œuvre Ayrault
du rapport Gallois. « C’est une bonne nouvelle. Avec
tout de même une réserve : la TVA sociale aurait été
plus efficace que le crédit d’impôt. J’espère aussi que
les décrets d’application vont rester simples. »
Simplicité. Chez Philippe Royer, c’est un leitmotiv.
« Prenez le crédit d’impôt recherche : ce dispositif nous
a aidés pour développer un programme d’analyse
fine du lait par moyens infrarouges. J’ai pu embaucher la semaine dernière une assistante recherche et
développement. Mais je crois que l’Administration
pourrait encore progresser. Il y a quelques années,
seuls les grands groupes avaient les moyens de se
retrouver dans ces aides à la recherche. Aujourd’hui,
il faut descendre d’un cran encore et les rendre accessibles aux petites PME et TPE. Nous avons dû rédiger
un rapport de 125 pages pour justifier notre demande
à l’Administration. Pour nous, c’est possible, mais
l’effort est hors de portée d’une TPE. »
L’attention aux petits. Pour Philippe Royer, c’est
à cela qu’on reconnaît un patron chrétien.
F.PITCHAL  FÉDÉPHOTO
Les trois mesures clés
du plan annoncé par
Jean-Marc Ayrault :
• 20 milliards de
crédits d’impôts
pour les entreprises.
• le crédit impôt-recherche
sanctuarisé pour 5 ans.
• doublement du
nombre des apprentis.
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ACTUALITÉ
Christian
Icard,
cabinet Icard
A. LECOINTRE
(Marseille)
C
hristian Icard
dirige un cabinet
d’expert-comptable – et ses sept collaborateurs – créé par son père
en 1959 à Marseille. Accent qui chante et sourire
communicatif, ce père de famille de 41 ans, animateur de secteur auprès des EDC, cite les Psaumes
pour dire combien il lui est indispensable d’être
autant « chrétien » que « patron ».
Comme expert-comptable, il n’est pas directement concerné par les mesures du rapport Gallois.
Mais il est aux premières loges par les nombreux
chefs d’entreprise qu’il reçoit. Et ce qu’il entend
l’inquiète : « Les patrons sont aujourd’hui asphyxiés
par la lourdeur administrative, l’environnement
fiscal qui évolue en permanence, et le droit social
trop rigide… »
Le « choc de compétitivité », proposé dans le
rapport Gallois aurait été « très adapté aux entreprises, qui ont besoin d’aide maintenant. Mais le gouvernement est trop frileux en proposant un pacte »,
dont les effets sur la compétitivité ne seront pas
observés avant 2014. Plutôt dubitatif, Christian
Icard « attend de voir comment ces mesures seront
appliquées ».
Lorsqu’il assiste les chefs d’entreprise lors de
procédures de licenciement, Christian Icard mesure
l’ampleur des difficultés. « C’est très souvent un
dilemme, surtout pour les patrons chrétiens : faut-il
protéger le plus faible, ou assurer la pérennité de
l’affaire ? » Ce professionnel du conseil déplore
les nombreux obstacles auxquels sont confrontés
les directeurs qui doivent congédier des salariés.
« Chaque licenciement est un cas de conscience complexe, à la fois social, financier et spirituel. Or, en
temps de crise, les entreprises ont d’abord besoin de
souplesse, sinon elles cassent », résume-t-il. Quant
aux patrons, ils ont surtout besoin d’être « considérés » pour le travail qu’ils fournissent. Et il attend
toujours une mesure « enfin » favorable à ces
« moteurs » de l’économie française.
Le dessin de la semaine
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