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SYPHILIS SYPHILIS DEFINITION La syphilis ou vérole est une maladie infectieuse, très contagieuse. Elle est due à un spirochète Treponema pallidum subsp pallidum (tréponème pâle), appartenant à l’ordre des spirochétales et à la famille des Treponemaceae. Les spirochètes sont des bactéries spiralées, mobiles, de forme hélicoïdale (longueur : 8 à 14 μm et largeur : 0,15 à 0,20 μm). BIOPATHOLOGIE EPIDEMIOLOGIE La syphilis est transmise généralement par les rapports sexuels, plus rarement par voie transplacentaire (syphilis congénitale). Le risque transfusionnel est prévenu par le dépistage systématique du donneur. Une augmentation continue des cas de syphilis a été constatée en France entre 2000 et 2008 (hormis un léger recul en 2005, puis une relative stabilité entre 2007 et 2008), masquant toutefois de grandes disparités régionales. Fin 2009, une légère baisse du nombre de cas était observée en Ile-de-France. La syphilis touche des hommes, homosexuels, dans environ 80 % des cas. La syphilis congénitale n’est pas à déclaration obligatoire. Une première estimation, faite en 2004 via la base PMSI et les données recueillies auprès des hôpitaux, fait état de 6 cas identifiés : 2 enfants adoptés en Afrique du nord et 4 nés en France. Concernant les 4 enfants nés en France, trois étaient de mères nées à l’étranger, chez qui le diagnostic de syphilis avait été porté tardivement. CLINIQUE La syphilis non traitée évolue sous forme classique en plusieurs étapes : Période d’incubation silencieuse (environ 3 semaines). Elle correspond à la phase de développement des tréponèmes dans les épithéliums cutanés ou muqueux au site primaire d’infection. A ce stade, le sérodiagnostic est encore négatif. Syphilis primaire (1 à 2 mois) : apparition du chancre indolore (ulcération très contagieuse) et d’une adénopathie satellite. Les réactions sérologiques sont devenues positives (IgM puis IgG). Syphilis secondaire (6 mois à 1 an) : phase de dissémination à tous les tissus avec des poussées successives d’érosions des muqueuses très contagieuses et d’éruptions cutanées maculopapuleuses (adénopathies, fièvre…). Tous les tests sérologiques sont fortement positifs. Syphilis tertiaire ou tardive et symptomatique (plusieurs années après la contamination) : un tiers présentera des lésions cutanées ou viscérales, cardiovasculaires ou neurologiques. La syphilis congénitale est secondaire à la contamination du fœtus par voie transplacentaire. Elle est d’autant plus grave que la syphilis maternelle est récente et qu’elle est proche de l’accouchement. On distingue : – la syphilis congénitale précoce : elle survient dès la naissance jusqu’à l’âge de 2 ans (80 % des diagnostics s’effectuent dans la 1re année). – la syphilis congénitale tardive : elle se manifeste après 2 ans, le plus souvent entre 8 et 10 ans. INDICATIONS DU DOSAGE Signes de syphilis primaire (chancre), secondaire (éruptions cutanées maculo-papuleuses) ou tertiaire. Sérologie de la femme enceinte. RECOMMANDATIONS PREANALYTIQUES PRELEVEMENTS ET CONDITIONS DE TRANSPORT Frottis à partir de la sérosité d’une ulcération génitale. Dans le cas d’une ulcération cicatrisée : faire des scarifications sur les bords avec vaccinostyle et examiner dans les 30 minutes suivant le prélèvement. Sérum (5 ml de sang total prélevé sur tube sec) : transport à + 4 °C. LCR (en cas de méningite ou encéphalite) : transport à + 4 °C. METHODES DE DIAGNOSTIC DIAGNOSTIC DIRECT La recherche directe se fait uniquement lors de lésions primaires et secondaires. Cet examen doit être pratiqué avant tout traitement antibiotique. Microscope à fond noir : c’est une recherche à l’état frais, entre lame et lamelle. Les tréponèmes apparaissent mobiles, à spires régulières réfringentes, très contrastées sur le fond noir. Cette méthode manque de spécificité notamment au niveau des muqueuses buccale, anale et rectale où l’on peut retrouver des spirochètes non pathogènes. Son intérêt majeur est de pouvoir apporter un diagnostic rapide. Immunofluorescence directe : utilise un anticorps monoclonal réagissant avec l’antigène 47 kDa de T. pallidum. L’intérêt de cette méthode est de travailler sur des frottis fixés, ne nécessitant pas de microscope à fond noir. © 2012 Biomnis – PRÉCIS DE BIOPATHOLOGIE ANALYSES MÉDICALES SPÉCIALISÉES 1/4 SYPHILIS Méthode de coloration par l’imprégnation argentique (Fontana-Tribondeau) : de moins en moins utilisée. DIAGNOSTIC SEROLOGIQUE T. pallidum n’étant pas cultivable in vitro, le diagnostic biologique des tréponématoses est essentiellement sérologique. Les tests de dépistage reposent sur la combinaison de tests utilisant des antigènes non tréponémiques (cardiolipidiques) détectant des anticorps antiphospholipides, avec des tests à antigènes tréponémiques détectant des anticorps spécifiques de tréponèmes pathogènes. L’association du TPHA et du VDRL (ou RPR) permet de dépister une syphilis primaire ou secondaire avec une sensibilité de 84 %. L’immunofluorescence indirecte ou FTA-abs permet en général une confirmation précoce d’un TPHA positif. En France, le sérodiagnostic de la syphilis est bien codifié : deux réactions sont obligatoires dont au moins une de chaque groupe (groupe 1 : VDRL latex, VDRL coloré, VDRL charbon ; groupe 2 : TPHA, FTA abs, EIA). En cas de réaction positive ou dissociée, un titrage doit être pratiqué sur chaque groupe ainsi que la recherche des IgM spécifiques. Groupe 1 : test utilisant des antigènes non tréponémiques (cardiolipide). VDRL (Veneral Disease Rechearch Laboratory) utilise un antigène constitué d’une suspension de microcristaux de cholestérol sur lesquels sont adsorbées des molécules de cardiolipide. Les anticorps apparaissent en 7 à 10 jours après la formation du chancre. Peu coûteux et rapide, le VDRL quantitatif est le test usuel d’évaluation de la réponse au traitement. Il se négative environ 1 an après traitement d’une syphilis primaire et 2 ans après traitement d’une syphilis secondaire. Des réactions faussement positives peuvent apparaître chez des personnes ayant des anticorps antiphospholipides ou dans différents syndromes inflammatoires. Groupe 2 : tests utilisant des antigènes tréponémiques TPHA (Treponema pallidum Hemagglutination Assay). C’est une réaction d’hémagglutination passive dont l’antigène est constitué par un lysat de T. pallidum adsorbé sur des hématies. Les résultats sont exprimés qualitativement en « + » ou quantitativement en inverse de dilution. Elle se positive un peu plus tard que le VDRL et le FTA, soit 10 à 15 jours après l’apparition du chancre. Les titres d’anticorps TPHA sont peu influencés par l’antibiothérapie. FTA-abs (Fluorescent Treponemal Antibody testAbsorbed). L’antigène est constitué par une préparation de T. pallidum fixés sur la lame. Le titre est exprimé par l’inverse de la dernière dilution qui donne un résultat positif. C’est la réaction la plus précoce et la plus durable en cas de syphilis non traitée ou traitée tardivement. Elle permet de caractériser une réponse en IgG ou IgM à l’aide d’anticorps anti-IgG ou IgM humaines marqués par la fluorescéïne. L’intérêt des IgM est de pouvoir mettre en évidence une infection active, une syphilis congénitale et une neuro-syphilis. La présence d’IgM dans le LCR confirme le diagnostic de neurosyphilis. ELISA (techniques immuno-enzymatiques) Elles utilisent des antigènes tréponémiques natifs ou recombinants fixés sur la phase solide d’une plaque de microtitration. Différentes études ont montré une sensibilité et une spécificité excellentes par rapport au TPHA, et ce, à tous les stades de l’infection. Ces tests automatisables sont particulièrement adaptés au dépistage qualitatif de grandes quantités d’échantillons dans les établissements français du sang (EFS). Leur utilisation est limitée par un coût réactif important par rapport à la cotation de la nomenclature. Les anticorps IgM Deux types de techniques permettent la détection des IgM anti-tréponémiques : – le FTA-abs IgM sur sérum total, ou le 19S (IgM) FTAabs sur sérum fractionné par ultracentrifugation ou filtration sur gel, – des techniques immuno-enzymatiques de type ELISA IgM après immunocapture des IgM. La découverte d’IgM positives témoigne d’une infection active. Les IgM sont les marqueurs sérologiques les plus précoces. Ils sont inconstants au stade tertiaire. Chez un patient ayant une syphilis latente, non traitée, la découverte d’IgM fait redouter une infection encore active. Un traitement efficace s’accompagne d’une disparition des IgM. Chez le nouveau-né, la détection d’IgM anti-tréponémiques témoigne d’une syphilis congénitale ; une réponse négative n’exclut cependant pas ce diagnostic. Chez un patient suspect de neurosyphilis mais ayant une barrière méningée intacte (rapport albumine LCR/albumine sérique normal), la découverte d’IgM dans le LCR confirme le diagnostic de syphilis et impose le traitement. Test de Nelson Il met en présence une suspension de T. pallidum vivants, le sérum du patient décomplémenté et du complément de cobaye. Les IgG sériques provoquent en fixant le complément, l’immobilisation et la lyse des tréponèmes. Le test de Nelson ne devient positif qu’à la phase de syphilis secondaire et révèle des taux d’anticorps élevés (1 000 à 2 000) qui déclinent très lentement durant les phases latentes et tardives traitées ou non. Il permet de confirmer une syphilis évoluée mais est peu indicatif du caractère actif ou non de l’infection. C’est un test de réalisation complexe (nécessité d’une animalerie, entretien de la souche, manque de reproductibilité) qui n’est plus pratiqué en France depuis octobre 2003. © 2012 Biomnis – PRÉCIS DE BIOPATHOLOGIE ANALYSES MÉDICALES SPÉCIALISÉES 2/4 SYPHILIS Les immunoblot ou Western Blot La caractérisation d’antigènes immunodominants, séparés par électrophorèse d’un lysat de T. pallidum, permet une confirmation hautement spécifique de la sérologie par le Western Blot ou immunoblot (protéines recombinantes fixées sur une bandelette). Les protéines les plus spécifiques sont les protéines de 15 kDa, 17 kDa, 47 kDa et la protéine transmembranaire TmpA. Ces tests de confirmation sont inscrits depuis le 12 décembre 2005 à la nomenclature des actes de Biologie Médicale. Les études ont montré une excellente sensibilité du Western Blot par rapport au TPHA à tous les stades de l’infection, notamment en primo-infection. La spécificité semble aussi très bonne vis-à-vis de sérums présentant des anticorps susceptibles d’entraîner des réactivités croisées (cardiolipides, facteurs rhumatoïdes, anticorps anti-nucléaires, etc.). Notons toutefois que le Western Blot ne permet pas plus que les autres techniques de différencier les tréponématoses endémiques de la syphilis. Le Western Blot peut être actuellement proposé comme test de confirmation spécifique dans les cas ou les réactions « classiques » sont douteuses ou dissociées (maladies auto-immunes par exemple). L’intérêt majeur du Western Blot serait de présenter des profils caractéristiques de stades de l’infection, difficilement différentiables par les techniques actuelles (syphilis latente, cicatrice sérologique). INTERPRETATION Les différentes situations auxquelles le biologiste peut être confronté en réalisant les tests tréponémiques de dépistage sont présentées dans le tableau 1. Si le diagnostic d’une infection active en phase secondaire est généralement aisé du fait de titres très élevés d’anticorps, les problèmes d’interprétation se posent face à des sérologies modérément positives pour lesquelles, en l’absence de renseignement clinique, il est souvent difficile de différencier une syphilis latente, d’une cicatrice sérologique de syphilis anciennement traitée. Il semble judicieux de confirmer la positivité du TPHA par un FTA-abs IgG ou, en fonction du contexte, par un Western Blot. Il est ensuite important d’éliminer une infection active en vérifiant l’absence des IgM spécifiques (Elisa ou FTA-abs). La décision thérapeutique dépendra de la confrontation de nombreux facteurs tels que l’histoire du patient (notion de syphilis ancienne traitée ou non), les signes cliniques, l’âge et le sexe (femme jeune en âge de procréer…), le titre d’anticorps, la positivité du VDRL, etc. Un algorithme diagnostique est proposé sur la figure 1. En conclusion, la syphilis et les tréponématoses endémiques restent un problème mondial de Santé publique, malgré des disparités de prévalence selon les pays et selon la qualité de la prise en charge médicale. La méconnaissance des méthodes de dépistage et de suivi risquerait de faire émerger des formes graves telles que la syphilis congénitale et la neurosyphilis. T. pallidum reste sensible à la pénicilline, ce qui pourrait permettre d’envisager l’éradication des tréponématoses dont le seul réservoir connu est humain. POUR EN SAVOIR PLUS Le point sur la syphilis, numéro spécial, BEH n°35-36 (28 août 2001). http://www.invs.sante.fr/beh/2001/3536/index.htm Pagon B., Peugue-Lafeuille H., Infections sexuellement transmissibles : examens microbiologiques à faire et à ne plus faire. Feuillets de biologie 2011 ;303:7-14. Tableau 1 : Évolution des anticorps au cours des différents stades de la syphilis. Stade d’infection IgM (FTA) FTA-ABs VDRL TPHA Primaire débutante 10 à 80 200 à 400 Négatif* Négatif* Primaire évoluée 80 à 320 800 à 3200 2à8 80 à 320 Secondaire 320 à 640 12 800 à 81 900 16 à 4096 10 240 à > 1 million Latente non traitée 0à80 3200 à 12 800 8 à12 1280 à 10 240 Tertiaire 0à0 3200 à 51 200 16 à 28 10 240 à 655 360 Cicatrice 0 400 à 3200 0à4 160 à1280 d’après AP HAMELIN, Abrégés, Maladies sexuellement transmissibles, 1991:13-49 Attention à ne pas éliminer une infection syphilitique si la sérologie réalisée trop tôt (en même temps que l’apparition du chancre) est négative. © 2012 Biomnis – PRÉCIS DE BIOPATHOLOGIE ANALYSES MÉDICALES SPÉCIALISÉES 3/4 SYPHILIS Figure1 © 2012 Biomnis – PRÉCIS DE BIOPATHOLOGIE ANALYSES MÉDICALES SPÉCIALISÉES 4/4