À la croisée des chemins : la Politique de défense du Canada et la

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À la croisée des chemins : la Politique de défense du Canada et la
À la croisée des chemins : la Politique de défense du Canada
et la base industrielle canadienne en matière de défense
L’industrie canadienne de la défense et le marché de la défense
L’industrie canadienne de la défense est un secteur de l’économie nationale innovateur et orienté vers l’exportation.
Elle englobe plus de 600 petites, moyennes et grandes entreprises partout au Canada et est ponctuée de solides pôles
régionaux et de créneaux. Ces entreprises créent des emplois bien rémunérés et bon nombre d’entre elles ont aussi
adopté un volet commercial.
Selon une étude récente réalisée par Innovation, Sciences et
Développement économique Canada et Statistique Canada, en
2014, l’industrie canadienne de la défense comptait :
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63 000 emplois;
Quelque 10 milliards de dollars en ventes
annuelles, dont 60 % provenaient des exportations,
ce qui est 20 % plus élevé que la moyenne du
secteur manufacturier canadien;
Une rémunération des employés de près de 60 %
plus élevée que la moyenne du secteur
manufacturier canadien;
Près d’un tiers d’employés qui sont ingénieurs,
scientifiques, chercheurs, techniciens et
technologues.
Ces conclusions sont particulièrement importantes
lorsqu’on regarde le contexte du marché dans lequel
évoluent les entreprises de défense. Le marché mondial
pour les biens et services relatifs à la défense est
contrôlé et hautement réglementé : d’aucune façon il
ne s’apparente à un « marché libre ». Presque tous les
gouvernements contrôlent leur secteur de la défense
pour des raisons de sécurité nationale et d’économie
intérieure. C’est principalement pourquoi la défense est
exempte ou absente des accords commerciaux
internationaux.
Le Canada, au contraire, est un cas particulier. Les
gouvernements de ce pays ne contrôlent pas le marché
canadien de la défense et n’ont pas collaboré avec
l’industrie nationale dans la même mesure que ses
alliés. Cela présente donc une occasion d’améliorer la
position du Canada en matière de défense.
Politiques industrielles en matière de défense :
Trois études de cas
La politique industrielle du Royaume-Uni, le partenariat pour la
croissance de la défense (Defence Growth Partnership), a été
lancée en 2012. Il s’agit d’un partenariat officiel entre
l’industrie britannique de la défense et le gouvernement qui
vise à « garantir un secteur de la défense véritablement
concurrentiel, durable et fructueux à l’échelle mondiale […] qui
assurera au Royaume-Uni un secteur de la défense offrant
sécurité, croissance et prospérité à notre nation ».
Cette année, le ministère australien de la défense a lancé sa
déclaration politique sur l’industrie de la défense 2016
(Defence Industry Policy Statement, 2016). Ce document est
basé sur l’idée qu’une « étroite collaboration entre le ministère
et l’industrie est essentielle pour relever les défis de l’avenir et
mettre en œuvre le programme ambitieux du gouvernement »
et que « le partenariat entre le ministère et l’industrie de
l’avenir sera le fondement du travail des forces armées
australiennes et de son soutien dans l’avenir ».
Les États-Unis n’ont pas de document officiel énonçant leur
politique industrielle de défense. Au lieu de cela, ils ont une
politique industrielle de défense très élaborée et sophistiquée
à volets multiples qui englobe tout, du soutien massif à la R-D
du secteur privé en passant par la gestion de la structure et de
l’intensité concurrentielle de l’industrie américaine. Un
pourcentage élevé de leurs acquisitions est classé
« Strictement confidentiel pour les États-Unis ». Les États-Unis
invoquent la loi et les dispositions « Acheter américain ». Ainsi,
la plupart des principales plateformes sont achetées auprès de
fournisseurs nationaux.
RECOMMANDATION DES INDUSTRIES CANADIENNES DE DÉFENSE : L’industrie canadienne de défense presse le
comité consultatif ministériel sur l’Examen de la politique de la Défense du Canada de recommander que dans le livre
blanc de la défense, il s’engage à élaborer, en collaboration avec l’industrie, une politique industrielle « fabriquée au
Canada » en matière de défense, conçue en fonction des défis uniques du Canada relativement à la sécurité et aux
possibilités économiques. Cette recommandation permettrait au Canada de renforcer sa position pour ce qui est de la
défense, et de relier deux grandes priorités du gouvernement : l’Examen de la Défense et le Programme d’innovation,
afin de stimuler la prospérité du Canada.
Le lien entre la politique de défense et la base industrielle de défense
Il y a un lien essentiel entre la défense du Canada, la position du Canada sur la scène internationale en matière
de défense et la base industrielle de défense au Canada. Ce lien doit être compris et pris en compte dans
l’Examen de la Défense. L’efficacité de toute politique de défense dépend grandement de la capacité d’offrir de
l’équipement et des services en défense.
Assurer le stock national de technologies et de services clés en matière de défense est considéré par nos alliés
comme étant aussi important que leur indépendance d’action et leur sécurité nationale. Cela devrait peser lourd
dans la balance dans l’élaboration de la politique de défense dans notre pays. Les Canadiens tiennent souvent
pour acquis que si nous nous approvisionnons auprès de nos alliés, nous pouvons toujours compter sur eux pour
fournir la marchandise que nous voulons, au moment où nous la voulons, au prix que nous voulons. Cette
supposition pourrait s’avérer coûteuse en situation de crise, si nous avons besoin de la même chose que nos
alliés, et ce, au même moment.
Ce concept d’indépendance d’action s’applique également à la manière dont le ministère de la Défense
nationale (MDN) entretient l’équipement militaire. Au cours des dix dernières années, il y a eu une série de
processus d’approvisionnement remportés par les fabricants d'équipement d'origine (FEO) visant à offrir à la
fois l’équipement et l’entretien des flottes pendant leur durée de vie utile, généralement à l’extérieur du
Canada. Cet arrangement fragiliserait le levier du gouvernement si l’on devait déplacer l’équipement des Forces
armées canadiennes en première ligne alors que des réparations, des prolongements de vie ou des
améliorations de capacité sont nécessaires. À l’opposé, lorsque l’avion de chasse CF-18 a été acheté il y a 35 ans,
le gouvernement de l’époque a exigé que des ensembles précis de propriété intellectuelle et de données
techniques soient transférés au Canada. Cette décision a contribué à la mise en place d’un soutien en service
(SES) et d’une capacité d’entretien, réparation et révision (MRO) robustes des aéronefs militaires qui représente
aujourd’hui 20 % de tout le secteur de la défense, en termes de pourcentage des ventes. Cette sage décision du
gouvernement il y a trente ans a permis la création de synergies avec le marché commercial de SES et de MRO
au pays, en plus d’ouvrir les marchés d’exportation pour les entreprises canadiennes.
Le développement des capacités est essentiel non seulement pour les Forces armées canadiennes, mais aussi
pour l’industrie qui soutient les Forces dans la prestation de ces capacités. Ce concept était la fondation de la
Stratégie nationale d’approvisionnement en matière de construction navale. Le Canada doit prendre soin de sa
base industrielle de défense, comme le font ses alliés, ou elle va s’atrophier, ce qui aura des conséquences
désastreuses pour l’indépendance d’action du Canada et l’efficacité opérationnelle des Forces armées
canadiennes.
Une occasion de recapitalisation
Les Forces armées canadiennes sont au cœur de leur première recapitalisation majeure depuis une génération.
Cela a commencé il y a plus de dix ans, lorsque le MDN a bénéficié de la plus importante hausse de son
financement en trente ans.
Ce n’est toutefois qu’au cours des dernières années que cette hausse de financement a eu des répercussions sur
la recapitalisation de l’équipement de nos Forces armées. Et ce n’est que le début. Deux projets uniquement, le
navire de combat canadien et la prochaine génération de chasseurs qui ensemble sont évalués à 35 milliards de
dollars ou plus pour l’achat de l’équipement seulement, façonneront pour ainsi dire la base industrielle au pays
pour les trente prochaines années. Et le gouvernement doit clairement le comprendre. La manière dont le
gouvernement gérera ces processus d’approvisionnement reformera la base industrielle de défense du Canada
dans un avenir rapproché. Ce façonnement ne devrait pas se produire par des répercussions non
intentionnelles. La recapitalisation des Forces armées canadiennes constitue une occasion qui ne se présente
qu’une fois par génération si le Canada adapte sa façon de voir les processus d’approvisionnement en défense
et sa relation à la souveraineté et aux intérêts économiques du pays.
Documents clés :
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4.
Rapport du conseiller spécial à la ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, Le Canada d’abord – Exploiter l’approvisionnement militaire
en s’appuyant sur les capacités industrielles clés, février 2013 (http://www.tpsgc-pwgsc.gc.ca/app-acq/documents/eam-lmp-fra.pdf)
Gouvernement de l’Australie, ministère de la Défense, Defence Industrial Policy Statement 2016 – en anglais seulement
(http://www.defence.gov.au/whitepaper/Docs/2016-Defence-Industry-Policy-Statement.pdf)
Gouvernement SM, ministère des affaires, de l’innovation et des compétences, et le ministère de la défense, Defence Growth Partnership, 2014
(http://www.defencegrowthpartnership.co.uk/)
Christyn Cianfarani, section Report on Business, Globe and Mail, « Military procurement can help break Canada’s innovation logjam », 21 avril 2016.
http://fw.to/MGen6uM