Liberté économique – Sécurité économique
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Liberté économique – Sécurité économique
Liberté économique – Sécurité économique Fondé sur l’étude de Jane Jenson et Martin Papillon, The “Canadian Diversity Model”: A Repertoire in Search of a Framework (RCRPP, 2001). Le « modèle de diversité canadien » Liberté économique – Sécurité économique La démarche canadienne à l’égard de la diversité est depuis longtemps fonction d’un engagement envers l’égalité à l’intérieur d’un cadre de démocratie libérale. Cet engagement est le commun dénominateur reliant les quatre dimensions des choix qui ont été identifiées pour décrire les lignes de tension à l’intérieur de la collectivité politique. L’intégration et la participation de tous les citoyens à la vie sociale, économique, culturelle et politique de la collectivité sont donc le point de départ nécessaire pour parvenir à une gestion efficace de la diversité, ainsi qu’une fin en soi. Les liens entre les conditions économiques et sociales et la culture sont une préoccupation constante des Canadiens, qui sont fiers de l’engagement envers la justice que reflètent leurs politiques publiques. Des comparaisons exhaustives avec d’autres pays révèlent que le Canada est un pays qui a fait la promotion d’un agencement de valeurs libérales et sociales démocrates. L’équilibre changeant qui existe entre la liberté économique et la sécurité économique a des incidences sur le fonctionnement du modèle de diversité canadien. Le débat – concernant les points d’équilibre parmi chacune des quatre dimensions – et les choix collectifs – concernant l’agencement entre l’uniformité et la diversité – sont des éléments cruciaux du fonctionnement du modèle. La création de conditions, en vertu desquelles le débat et les choix collectifs sont possibles dans la société civile ainsi que dans le vie politique de tous les jours, doit être l’objectif fondamental d’une société diversifiée et pluraliste comme le Canada. Quatre dimensions majeures servent de fondement au modèle de diversité canadien. Chaque dimension des différences possède deux extrémités. Notre principal objectif dans ce cas-ci est de décrire les tensions propres à chacune des dimensions et, ce faisant, de faire ressortir les compromis qui caractérisent le modèle canadien actuel de diversité. Un autre objectif est celui d’identifier les enjeux non résolus qui sont susceptibles de façonner le discours politique dans les années à venir. Pendant les décennies antérieures, les relations de marché furent contenues au nom de la justice sociale, sans menacer l’engagement fondamental du pays envers les principes du capitalisme ou du libéralisme économique. Les programmes sociaux qui se veulent l’expression d’une notion de bien collectif – ce que les Canadiens se doivent les uns envers les autres – figuraient au cœur d’un régime antérieur de citoyenneté. Pendant les décennies du milieu du siècle dernier, ces engagements furent les plus visibles dans deux types d’intervention publique : une volonté exprimée de partager les coûts d’une répartition inégale des risques de la vie tant par l’intermédiaire de la création de programmes sociaux que par la redistribution spatiale – ou « péréquation » – des ressources entre les provinces bien nanties et les provinces plus démunies. Il en est résulté un schéma mixte. Le Canada n’est jamais allé aussi loin que plusieurs pays européens de plus petite taille, qui ont édifié un État- 2 providence généreux pour protéger les citoyens contre les nombreux effets d’une économie de marché. Dans la plupart des cas, les Canadiens ont plutôt choisi de définir des droits sociaux de citoyenneté sous forme de filets de sécurité, au lieu de promouvoir une plus grande égalité des conditions ou de structurer activement le marché du travail. Les programmes universels se sont limités à l’éducation, aux soins de santé, aux allocations familiales et aux régimes de retraite. Ces choix ont néanmoins permis de placer le Canada au milieu des deux extrêmes que sont la liberté économique et la sécurité économique. Le Canada a décidé de mettre en place un régime universel de soins de santé financé par les fonds publics plus tard que beaucoup de pays européens, mais au même moment que les États-Unis choisissaient d’accorder un soutien public aux démunis et aux aînés par l’intermédiaire des programmes Medicaid et Medicare. Dans la même veine, le Canada allait choisir de participer au financement de l’explosion de l’enseignement postsecondaire pendant les années 60 en instaurant un système public – bien que pas gratuit –, tandis que les familles américaines ont continué d’absorber les coûts élevés d’une formation universitaire prestigieuse. À l’ère actuelle de la mondialisation, ces choix sont remis en question. Nous sommes de nouveau confrontés à la question de déterminer l’ampleur de la diversité au chapitre des conditions socioéconomiques que nous sommes disposés à tolérer pour conserver la liberté de marché. La question se pose aussi de savoir si les dimensions de la diversité sociale et culturelle sont de plus en plus étroitement liées au positionnement économique, de sorte que certains groupes risquent d’être exclus du courant dominant de la société canadienne à cause de leur race, de leur origine ethnique, de leur sexe ou pour d’autres raisons. L’intégration au courant dominant de la société canadienne ne fonctionne peut-être pas aussi efficacement que par le passé, tandis que des formes d’inégalités économiques et sociales sont peut-être en voie de se cristalliser. On observe aussi des variations importantes et menaçantes dans les taux de réussite économique parmi les groupes ethnoculturels et religieux. Un rapport récent portant sur le Grand Toronto, fondé sur des données du recensement de 1991, révèle que les résidants d’origine non européenne affichaient des taux de chômage de beaucoup supérieurs à la moyenne, qui touchaient une personne sur cinq dans plusieurs groupes. Les taux de chômage parmi les jeunes étaient encore plus élevés, avec des taux de 30 pour cent parmi certains groupes, notamment chez des jeunes provenant des Caraïbes, de l’Afrique et de l’Amérique latine. Encore plus inquiétant pour l’avenir est le fait que la pauvreté infantile était endémique, dépassant largement le niveau de 50 pour cent parmi les familles d’Autochtones ou celles qui ont déclaré être originaires de l’Afrique, de la Jamaïque, du Sri Lanka, du Viêt-Nam, d’un pays arabe, de l’Asie occidentale, du Mexique et de l’Amérique centrale. Pour assurer à tous la sécurité économique, il faudra peut-être surmonter les obstacles qui empêchent certains groupes d’obtenir un accès véritable aux marchés et, donc, aux emplois et aux produits. Dans le cas des immigrants, par exemple, les vagues de nouveaux arrivants dans le passé pouvaient espérer accéder au bien-être économique en décrochant un emploi dans l’économie industrielle. Les économies actuelles de l’information et des services offrent beaucoup moins de certitude. Le racisme et d’autres formes de discrimination, la non-reconnaissance des titres de compétences éducationnelles et l’inexistence de réseaux sont autant d’éléments qui peuvent bloquer l’accès à ces marchés. La vigilance pour empêcher la discrimination et des efforts visant à promouvoir l’insertion sont donc encore plus nécessaires si le Canada veut devenir une société du savoir qui valorise la diversité sous toutes ses formes.