La duloxétine - Amazon Web Services

Transcription

La duloxétine - Amazon Web Services
Fédération des médecins omnipraticiens du Québec
La duloxétine (Cymbalta)
et la desvenlafaxine (Pristiq)
des nouvelles molécules prometteuses, mais…
Mario Wilhelmy et Sarah Janecek
Vous voulez prescrire… ?
Lisez ce qui suit !
Malgré l’arsenal thérapeutique actuel, de 30 % à 50 %
des patients traités pour un trouble dépressif majeur
auront une réponse inadéquate à un premier antidépresseur, ce qui augmente le risque de récurrence et de
chronicité de la maladie1. Santé Canada a récemment
approuvé deux nouveaux antidépresseurs, soit la duloxétine (Cymbalta) et la desvenlafaxine (Pristiq), portant à trois le nombre d’inhibiteurs du recaptage de la
sérotonine et de la noradrénaline (IRSN) après la venlafaxine (Effexor).
Le succinate de desvenlafaxine, principal métabolite actif de la venlafaxine, ainsi que la duloxétine inhibent de façon compétitive le recaptage de la sérotonine et de la noradrénaline. Ils ont peu ou pas d’affinité
pour les récepteurs cholinergiques, histaminiques et
alpha1-adrénergiques, ce qui limite le potentiel d’effets indésirables liés au blocage de ces derniers2,3. Ces
deux molécules sont actuellement indiquées dans le
traitement du trouble dépressif majeur2-4. La dulo xétine est également approuvée au Canada contre le
trouble d’anxiété généralisée, la fibromyalgie et la neuropathie diabétique2,3.
Le Dr Mario Wilhelmy, omnipraticien, exerce en médecine générale au GMF du Lac, à Magog, et au CSSS
de Memphrémagog au sein du service hospitalier et au
laboratoire de cardiologie (épreuve d’effort) et en réadaptation cardiaque dans la collectivité. Mme Sarah
Janecek, pharmacienne, exerce à la pharmacie de quartier Francine Robert, en milieu ambulatoire au GMF
du Lac à Magog ainsi qu’en milieu hospitalier au CSSS
de Memphrémagog.
Quelques outils
pour vous aider à prescrire…
La desvenlafaxine
Métabolite actif de la venlafaxine, la desvenlafaxine
évite l’étape d’activation liée à l’isoenzyme CYP2D6
du cytochrome P450, enzyme hépatique pour laquelle
il existe des métabolisateurs lents (de 5 % à 10 % de la
population de race blanche) et des métabolisateurs rapides1. Ainsi, la desvenlafaxine devrait présenter moins
de variabilité interindividuelle en ce qui a trait à son efficacité et à son innocuité. Elle est offerte en comprimés non sécables (50 mg ou 100 mg) à libération prolongée permettant une administration uniquotidienne.
La dose recommandée pour le traitement du trouble
dépressif majeur est de 50 mg/j1,5,6. Des doses plus fortes
(100 mg, 200 mg et 400 mg) ne se sont pas révélées
plus efficaces, mais pourraient être associées à un taux
d’effets indésirables plus élevé menant à l’inobservance
du traitement1,6.
La duloxétine
La duloxétine semble avoir un effet sur le système
sérotoninergique et noradrénergique à faible dose comparativement à la venlafaxine, dont l’effet clinique sur
la noradrénaline serait lié à la dose3. Chez la majorité
des patients traités pour les indications reconnues, la
dose recommandée est de 60 mg/j (capsule à libération
retardée). Une dose initiale de 30 mg/j pendant sept
jours peut aider à mieux tolérer le médicament. Des
doses supérieures à 60 mg/j ne confèrent pas d’efficacité supplémentaire, surtout chez les patients n’ayant
pas répondu à une dose de 60 mg/j, et pourraient même
être associées à une augmentation des effets indésirables3. Une récente méta-analyse comparative évaluant les antidépresseurs de seconde génération en
Le Médecin du Québec, volume 47, numéro 4, avril 2012
85
Tableau I
Administration de duloxétine et de desvenlafaxine en cas d’insuffisance rénale et hépatique2,3
Duloxétine
Insuffisance rénale
Insuffisance hépatique
O Médicament contre-indiqué en cas
O Médicament contre-indiqué chez les patients
d’insuffisance rénale importante
(Clcr < 30 ml/min).
O Dose initiale plus faible en cas
d’insuffisance rénale légère ou modérée
(Clcr entre 30 ml/min et 80 ml/min).
Desvenlafaxine
O Insuffisance rénale importante
atteints d’une maladie du foie entraînant
une insuffisance hépatique. Il ne doit
pas être prescrit à un patient dont
la consommation d’alcool est substantielle.
O Aucun ajustement.
(Clcr < 30 ml/min) et en phase terminale :
dose de 50 mg tous les deux jours.
Aucune dose supplémentaire après
la dialyse.
O Insuffisance rénale modérée (Clcr entre
30 ml/min et 50 ml/min) : dose maximale
de 50 mg/j.
phase aiguë du trouble dépressif majeur a conclu que
la mirtazapine, l’escitalopram, la venlafaxine et la sertraline entraîneraient une meilleure réponse que la duloxétine7. Par ailleurs, la duloxétine comme la venlafaxine aurait un moins bon profil d’acceptabilité que
l’escitalopram et la sertraline7. Contre la fibromyalgie,
la duloxétine semble efficace surtout chez les femmes,
atteintes ou non de dépression majeure, mais son efficacité devrait être évaluée après douze semaines de
traitement compte tenu de la durée des études pour
cette indication3,8. Dans le traitement de la douleur associée à la neuropathie diabétique, le délai d’action de
la dose de 60 mg/j de duloxétine semble court, soit une
semaine chez certains patients3. L’association avec un
autre agent serait probablement préférable à une augmentation de la dose au-delà de 60 mg/j.
Les pièges à éviter…
Malgré le fait que les deux antidépresseurs peuvent
être prescrits à dose thérapeutique dès le début du
traitement sans ajustement, il y a un risque de sevrage
lors de l’interruption du traitement. Les réactions signalées (étourdissements, nausées, maux de tête, irritabilité, insomnie, anxiété, fatigue) surviennent rapidement à la suite de l’arrêt et durent d’une à deux
semaines. Il est donc recommandé de réduire la dose
de desvenlafaxine à 50 mg tous les deux jours avant de
mettre fin au traitement étant donné que le comprimé
86
n’est pas sécable2. La dose de duloxétine pourra être réduite graduellement jusqu’à 30 mg/j3. Certains patients
pourraient bénéficier d’un transfert vers la fluoxétine
(demi-vie plus longue) pour limiter les symptômes au
moment de l’interruption.
Insuffisance rénale et insuffisance hépatique
Les ajustements recommandés sont présentés dans
le tableau I 2,3.
Je fais une réaction :
est-ce que ce sont mes pilules ?
Les effets indésirables des deux molécules sont généralement attribuables à la dose2,3. Les nausées sont
fréquentes (22 % pour la desvenlafaxine et entre 20 %
et 34 % pour la duloxétine), surviennent surtout en début de traitement (deux premières semaines) et sont
associées à l’abandon du traitement dans les études1-3.
Les effets gastro-intestinaux incluent également la
constipation, la diarrhée et la xérostomie2,3. D’autres
effets indésirables sont liés au système noradrénergique (tachycardie, augmentation de la pression artérielle et diaphorèse) et aux troubles du système nerveux (étourdissements, somnolence, céphalées)2,3. Les
problèmes sexuels, tels que les troubles érectiles, sont
plutôt rares (3 % pour la desvenlafaxine et ⭐ 5 % pour
la duloxétine)2,3. La desvenlafaxine a aussi été associée
à des troubles métaboliques, comme la perturbation du
bilan lipidique et l’augmentation des taux d’enzymes
La duloxétine (Cymbalta) et la desvenlafaxine (Pristiq) : des nouvelles molécules prometteuses, mais…
Principales interactions médicamenteuses avec la duloxétine9
Médicaments
ou substances
Voie
métabolique
Tabac
CYP1A2
Induction enzymatique de la duloxétine chez les fumeurs ⇒ ↓ des concentrations
de duloxétine de 30 %. Pas d’ajustement d’emblée de la posologie
Fluvoxamine
CYP1A2
Inhibition enzymatique de la duloxétine ⇒ ↑ significative de l’exposition
(aire sous la courbe) à la duloxétine. Association à éviter.
Ciprofloxacine
CYP1A2
Inhibition enzymatique de la duloxétine ⇒ ↑ des concentrations sanguines.
Association à éviter.
Paroxétine
CYP2D6
Inhibition enzymatique de la duloxétine ⇒ ↑ des concentrations de 60 %
de la duloxétine. Association à éviter.
Antidépresseurs tricycliques
(amitriptyline, imipramine)
Antiarythmiques
(propafénone et flécaïnide)
CYP2D6
Inhibition de la CYP2D6 par la duloxétine ⇒ ↑ des concentrations
de ces médicaments*. Prudence au moment de l’association.
Interactions et répercussions cliniques
Info-comprimée
Tableau II
* Médicaments à indice thérapeutique étroit
hépatiques, qui semblaient cliniquement non significatifs à court terme et réversibles à l’arrêt1,5. Des rapports de pharmacovigilance ont associé la duloxétine à
de rares cas d’élévation importante des taux d’enzymes
hépatiques et d’hépatite, d’où la contre-indication de
cette molécule en présence d’insuffisance hépatique
quel qu’en soit le degré3.
Y a-t-il une interaction
avec mes autres médicaments ?
Puisque l’activation de la desvenlafaxine ne dépend
pas, contrairement à la venlafaxine, du passage par
l’isoenzyme CYP2D6 et que la majeure partie de son métabolisme se fait par la glucuronoconjugaison, les interactions pharmacocinétiques sont réduites au minimum1.
La duloxétine est, quant à elle, métabolisée par les
isoenzymes CYP1A2 et CYP2D6 et posséderait également une action d’inhibition de faible à modérée
sur l’isoenzyme CYP2D69. De par son métabolisme,
elle est responsable de certaines interactions médicamenteuses, dont les principales sont énumérées dans
le tableau II.
Les deux molécules peuvent être en cause dans les interactions pharmacodynamiques telles que la toxicité
sérotoninergique lors de l’administration concomitante
de molécules agissant sur la transmission sérotoninergique (linézolide, IMAO, ISRS, triptans, tramadol, millepertuis, lithium)2,3,9. La prudence est de mise lors du
passage d’un IRSN à un IMAO ou vice-versa (délai de
quatorze jours entre la cessation de l’IMAO et le début
d’un IRSN et de sept jours entre la cessation d’un IRSN
et le début d’un IMAO)2,3,9. L’administration concomitante d’AAS, d’AINS et d’anticoagulants pourrait augmenter le risque de saignements gastro-intestinaux2,3,9.
Et le prix ?
Le prix d’un traitement de trente jours par la desvenlafaxine à 50 mg ou à 100 mg est d’environ 85 $ pour
les deux teneurs. Le prix d’un traitement de trente jours
par la duloxétine est de 58,74 $ et de 113,48 $ pour les
teneurs de 30 mg et de 60 mg, respectivement. En comparaison, la venlafaxine coûte environ 25 $ pour trente
capsules de 75 mg d’un générique et l’amitriptyline,
10,40 $ pour trente comprimés de 25 mg.
Est-ce sur la liste ou pas ?
La desvenlafaxine ne figure pas sur la liste de la Régie
de l’assurance maladie du Québec. La duloxétine, par
contre, est remboursée comme médicament d’exception dans le traitement de la douleur associée à une neuropathie diabétique périphérique ou à la fibromyalgie.
Pour la fibromyalgie, la duloxétine est remboursée pour
une période initiale de quatre mois lorsque l’amitriptyline n’est pas tolérée, est contre-indiquée ou n’est pas
Le Médecin du Québec, volume 47, numéro 4, avril 2012
87
assez efficace au cours d’un traitement d’au moins
douze semaines. Pour la poursuite du traitement, la
duloxétine devra procurer une amélioration d’au
moins 30 % sur une échelle de douleur, une amélioration de l’état fonctionnel ou des bienfaits, comme
une réduction de la consommation d’analgésiques. 9
Le Dr Mario Wilhelmy est conférencier pour AstraZeneca en 201112. Mme Sarah Janecek n’a déclaré aucun conflit d’intérêt potentiel.
Ce que vous devez retenir…
O
La duloxétine et la desvenlafaxine semblent agir
à la fois sur les récepteurs sérotoninergiques et
noradrénergiques à faibles doses.
O
Les deux molécules semblent efficaces à doses
fixes (desvenlafaxine à 50 mg/j et duloxétine à
60 mg/j) et nécessitent peu ou pas d’ajustement,
ce qui peut être un avantage ou un inconvénient
au moment de l’introduction et du retrait du médicament, et en cas d’intolérance (nausées fréquentes en début de traitement) ou d’inefficacité.
O
La desvenlafaxine semble aussi efficace que la
venlafaxine par rapport au placebo dans les études
respectives. De par son métabolisme évitant l’activation par la CYP2D6, elle serait associée à moins
d’interactions médicamenteuses.
O
La duloxétine semble utile contre la douleur neuropathique. Cependant, l’amitriptyline semble
aussi efficace et à moindre coût.
O
La duloxétine et la desvenlafaxine coûtent plus
cher et ne sont pas inscrites au formulaire provincial des médicaments.
O
Ces deux nouvelles molécules sont donc intéressantes, mais sont réservées à des indications
particulières !
Bibliographie
1. Lourenco C, Kennedy SH. Desvenlafaxine in the treatment of
major depressive disorder: Expert Opinion. Neuropsychiatr Dis
Treat 2009 ; 5 : 127-36.
2. Association des pharmaciens du Canada. Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques. Monographie de la desvenlafaxine (Pristiq). Ottawa : L’Association ; 2011. p. 2200-4.
3. Association des pharmaciens du Canada. Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques. Monographie de la duloxétine (Cymbalta). Ottawa : L’Association ; 2011. p. 804-11.
4. Lam RW, Kennedy SH, Grigoriadis S et coll. Canadian Network
for Mood and Anxiety Treatments (CANMAT). Clinical guidelines for the management of major depressive disorder in
adults. III. Pharmacotherapy. J Affect Disord 2009 ; 117 : S26S43. Site Internet : www.canmat.org/resources/CANMAT%20
Depression%20Guidelines%202009.pdf (Date de consultation :
le 10 janvier 2012).
5. Boyer P, Montgomery S, Lepola U et coll. Efficacy, safety, and tolerability of fixed-dose desvenlafaxine 50 and 100 mg/day for major depressive disorder in a placebo-controlled trial. Int Clin
Psychopharmacol 2008 ; 23 (5) : 243-54.
6. Sopko MA, Ehret MJ, Gras M. Desvenlafaxine: Another “Me Too”
Drug? Ann Pharmacother 2008 ; 42 (10) : 1439-46.
7. Cipriani A, Furukawa TA, Salanti G et coll. Comparative efficacy
and acceptability of 12 new-generation antidepressants: a multiple-treatments meta-analysis. Lancet 2009 ; 373 (9665) : 746-58.
8. Curran MP. Duloxetine: in patients with fibromyalgia. Drugs
2009 ; 69 (9) : 1217-27.
9. Knadler MP, Lobo E, Chappell J et coll. Duloxetine: clinical phar-
88
macokinetics and drug interactions. Clin Pharmacokinet 2011 ;
50 (5) : 281-94.
Avant de prescrire un médicament, consultez les renseignements thérapeutiques publiés par les fabricants pour connaître la posologie, les
mises en garde, les contre-indications et les critères de sélection
des patients.
La duloxétine (Cymbalta) et la desvenlafaxine (Pristiq) : des nouvelles molécules prometteuses, mais…

Documents pareils