Le monde des objets de collection

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Le monde des objets de collection
Mieux vivre
Le monde des
objets de collection
Dans la plus vieille maison
de vente aux enchères
du Canada
Le parquet de la bourse n’est pas le seul
endroit où des acheteurs et des vendeurs
se rencontrent pour peaufiner des marchés
valant des millions de dollars. Nous avons
demandé à un des principaux propriétaires
de l’industrie de la vente aux enchères
de nous donner un aperçu du monde très
particulier des objets de collection.
Duncan McLean
président, Waddington’s
122 investissements renaissance
En tant que président de Waddington’s, la
maison de vente aux enchères légendaire de
Toronto dont l’origine remonte à 1850, Duncan
McLean est le gardien d’un héritage dont la
genèse s’est étalée sur près de 160 ans.
« Il se passe toujours quelque chose
d’intéressant dans le domaine de la vente aux
enchères », déclare M. McLean. « Certes, il y a
du stress et de la tension, mais on ne s’ennuie
jamais. C’est un lieu magique où des objets rares
et magnifiques vont et viennent entre les mains
de personnes passionnées et fascinantes ».
C’est aussi un secteur d’activité qui attire les
foules. Selon M. McLean, la plupart des
gens qui assistent à des ventes aux enchères
traditionnelles ne sont même pas des enchérisseurs. « Ils viennent pour voir, apprendre ainsi
que vivre ces moments où il y a de l’électricité
dans l’air parce que de nouveaux records sont
établis par un enchérisseur au téléphone qui
livre bataille à une personne debout à l’arrière
de la salle ».
En fait, cet aspect « théâtral » est un des
éléments que M. McLean préfère dans la
gestion d’une maison de vente aux enchères. Il
aime bien aussi le fait que le stock d’objets
d’art et de pièces de collection qui s’y trouve
change tout le temps.
« Les gens collectionnent tous les types
d’objets », souligne M. McLean. « J’ai vendu aux
enchères une peinture de Sir Alfred Munnings,
au prix record au Canada de 3,1 millions de
dollars, de même que des soldats jouets
anciens à cinq dollars. Nous voyons aussi des
articles et produits excentriques, comme une
consultation avec un psy, la possibilité de se
retrouver dans un message publicitaire à la
télévision, un repas avec une personne célèbre
et même une sculpture en bronze de sousvêtements et, j’hésite à le dire, mais cette
sculpture orne maintenant mon bureau! »
« La collection d’objets est une pratique qui
remonte à l’Antiquité. Les pharaons égyptiens
collectionnaient des livres de toutes les régions
du monde. À l’époque de la Renaissance, la
collection de la famille des Médicis à Florence
est à l’origine de la Galerie des Offices de cette
ville, connue dans le monde entier; plus récemment, notons au Canada la collection de la
famille Thomson ».
Rester dans la famille
Duncan McLean est le fils de Ronald McLean,
qui a acheté la maison de vente aux enchères à
la famille Waddington en 1962. Ronald McLean
est une institution dans le domaine de la vente
aux enchères au Canada; il était connu pour
son esprit vif et pour les railleries et blagues qu’il
lançait du haut de la tribune de l’encanteur.
Pendant qu’il était étudiant, Duncan McLean
se contentait de donner un coup de main à son
père dans l’établissement jusqu’à la survenance d’un événement charnière en 1978.
Cette année-là, un propriétaire de galerie bien
connu de Toronto, du nom de William Eccles,
est décédé sans testament, de sorte que sa
succession – comprenant plus de 400 œuvres
d’art inuit – devait être vendue aux enchères
par un fiduciaire. Duncan McLean, récemment
diplômé en anthropologie, a alors saisi
l’occasion de prendre la direction des opérations.
Cette vente aux enchères a été couronnée de
succès et a fait l’objet d’une publicité considérable. Aujourd’hui, son père étant à la retraite, Duncan McLean, en plus de gérer
l’entreprise familiale, est considéré comme
l’une des principales autorités du monde en art
inuit. Il travaille avec ses deux frères – soit
Alastair, l’aîné, qui est encanteur principal, à la
tête des services de l’ameublement et de
l’évaluation, et Donald, le benjamin, qui dirige
le service de la bijouterie et des montres.
Suivre l’évolution du marché
Le marché des objets de collection présente
de nombreux points communs avec le
marché boursier. En effet, il est constitué de
nombreux segments, chacun ayant ses
propres caractéristiques de rendement, et les
diverses évaluations qui en sont faites ne sont
pas toujours inspirées.
Prenons l’art comme exemple. Étant donné
que les cours de l’or ont atteint récemment des
niveaux jamais vus depuis le début de la décennie
1980, on pourrait s’attendre à ce que les bijoux
en or soient un produit très recherché. Mais,
selon M. McLean, dans la bijouterie de qualité,
la valeur du métal lui-même ne représente
qu’une petite partie de la valeur globale de
l’article. Par conséquent, la hausse des coûts
de l’or a eu peu de répercussions sur la valeur
de la bijouterie de qualité.
En fait, c’est la valeur de la bijouterie de
consommation courante qui a connu une
appréciation. « Dans certains cas, le prix de
simples bracelets, anneaux et chaînes a presque
doublé sur le marché secondaire au cours des
deux dernières années. Cette situation a entraîné
une forte augmentation de la demande parce
que de plus en plus de gens recherchent des
objets en or dont ils se départissent ensuite
pour profiter des cours du métal précieux »,
ajoute-t-il, soulignant la popularité récente
des séances d’échange de bijoux et le fait que
les commerçants diffusent des messages
publicitaires dans lesquels ils offrent d’acheter
de la bijouterie en or.
Ci-contre, de gauche à droite : Nymph and Frog par Edward McCartan (Américain), estimation entre
15 000 et 20 000 $. Tapas (sculpture de cheval) de Joe Fafard (Canadien), estimation entre 15 000 et
20 000 $. Tête d’un Inuit par John Tiktak (Inuit canadien), estimation entre 7 000 et 10 000 $. Orient
and Flume, vase en verre irisé américain, estimation entre 200 et 300 $. Cloisonné russe émaillé plaqué
argent (coupe) de Ivan Khlebnikov, estimation entre 2000 et 3000 $. Cybel-nue (torse en bronze) de
Roger Charles Cavalli (Français) estimation entre 2000 et 3000 $.
Tapas (sculpture de cheval) de Joe Fafard
(Canadien), estimation entre 15 000 - 20 000 $
Joe Fafard est un sculpteur canadien
notamment célèbre pour son œuvre de
vaches grandeur nature intitulée Le pâturage,
exposée dans le quartier financier du centreville de Toronto. L’artiste a reçu de nombreux
honneurs, dont celui d’Officier de l’Ordre
du Canada (1981) et l’Ordre du mérite de la
Saskatchewan (2002).
Collier en or blanc 18 carats serti de
13 diamants jaunes de coupe marquis (poids
total env. 10,51 carats),369 diamants de coupe
marquis et 96 diamants de coupe brillante
(poids total env. 38,50 carats), longueur
16 pouces (40,6 centimètres) 88,7 grammes.
Prix réalisé : 45 600 $
investissements renaissance 123
Les œuvres du légendaire Groupe des Sept
continuent à susciter énormément d’intérêt et à
faire monter les enchères.
(Gauche) L’œuvre Creek at Khartoum de A.Y. Jackson,
huile sur toile, Ontario, en train d’ être débarrassée
par un restaurateur du vieux vernis et des salissures
accumulées.
(Droite) View From A Height, Algonquin Park, 1916,
croquis à l’ huile de 8 x 10 po de Tom Thomson vendu
1 207 500 $ en 2009 par Joyner’s Canadian Fine Art,
filiale de Waddington’s.
Malgré le bondissement des cours de l’or, M.
McLean lance l’avertissement suivant : « La
recherche du prochain artiste ou de la
prochaine technique en vogue est une activité
qui peut être stimulante, mais dont les résultats
sont souvent décevants. Les collectionneurs
affrontent le même défi que les gestionnaires
de portefeuilles : un marché relativement efficace
dans lequel chacun a accès à un énorme bassin
de données. Dans ce genre d’environnement,
les trésors cachés ont tendance à ne pas le
demeurer longtemps ».
« En résumé, plus la
qualité est élevée, plus le
placement est sûr ».
Donc, comment faire un profit? Les collectionneurs peuvent réaliser des gains importants
au sommet de tout marché, mais ils risquent de
subir de lourdes pertes lorsque les acheteurs
se ruent sur la qualité et que ceux qui ont trop
payé pour obtenir des œuvres médiocres sont
laissés de côté. « Lorsqu’un marché perd de sa
vigueur, c’est la catégorie des articles de
qualité moindre qui en souffre en premier »,
dit M. McLean.
De nombreuses personnes à la recherche
d’émotions fortes sont tentées par le monde
de l’art contemporain, que M. McLean décrit
comme une sorte de « marché à terme », dans
lequel on possède peu ou pas de références
pour vérifier la valeur d’une œuvre. « Avant la
récession, les œuvres d’art contemporain
s’échangeaient contre des montants énormes
et le marché carburait aux œuvres bien cotées
à ce moment-là. Il n’est pas difficile de trouver
des œuvres d’art contemporain, mais elles ont
un caractère très spéculatif et l’évolution de
leur valeur est inconstante et soumise aux
effets de mode, ce qui rend difficile
l’établissement d’une bonne collection. »
Trouver la valeur
La plupart des collectionneurs réussissent non
pas en spéculant, mais en investissant dans
les œuvres qui ont une valeur durable. Les artistes et les styles vont et viennent mais, à long
terme, la demande et le potentiel d’appréciation
sont plus grands pour les œuvres de qualité
supérieure, selon M. McLean. « En résumé, plus
la qualité est élevée, plus le placement est sûr. »
Selon M. McLean, c’est pourquoi une maison
de vente aux enchères traditionnelle peut
offrir une valeur ajoutée considérable si on la
compare à d’autres moyens comme les marchés
en ligne. « La connaissance, l’expérience et les
bons conseils sont les ingrédients d’une évaluation avisée de la qualité d’un objet. En effet, la
capacité d’évaluer l’état, l’âge, l’auteur, le
sujet et la période d’une œuvre, la matière et la
technique utilisées de même que d’autres
facteurs jouera un rôle essentiel dans le
rendement futur des placements ».
La présence d’un bon conseiller peut aussi
faciliter la gestion des exigences d’une
collection en croissance.
« Une collection d’objets d’art est une réalité
vivante », affirme M. McLean. « À un certain
stade, une personne peut avoir investi une
portion importante de sa valeur nette dans une
collection – dans certains cas, cette valeur
peut rivaliser avec celle de la maison ou du
bureau où elle se trouve. Pour conserver la
valeur des œuvres d’art, il faut les entretenir.
L’œuvre est-elle bien installée? Est-elle
répertoriée? A-t-elle fait l’objet d’une recherche
approfondie et a-t-elle été authentifiée? Est-elle
assurée suffisamment? Il faudra toujours se
charger de sa conservation et, malheureusement, peut-être même de sa restauration ».
Le point de départ
M. McLean conseille simplement à ceux
qui voudraient entamer une collection de
commencer par apprendre.
« Il faut d’abord trouver ce qui nous inspire, ce
avec quoi nous aimerions vivre et ce pour quoi
nous serions prêts à investir temps et argent.
L’éducation est essentielle pour prendre de
bonnes décisions lorsque l’on investit dans
une collection. Il faut lire, se rendre dans les
galeries publiques, sortir et assister aux ventes
aux enchères et aux expositions dans les
galeries d’art, non pas dans le but d’acheter
quoi que ce soit, mais simplement pour observer
et apprendre. »
Cinq points que chaque
collectionneur devrait
connaître
Duncan McLean dit que la connaissance
de ces cinq points peut aider quiconque
à établir une collection à la fois
gratifiante et rentable
1. Authenticité. Les faux sont un défi
constant dans pratiquement tous les
types de collections; il est donc
essentiel de faire affaire avec un
conseiller fiable qui peut authentifier
les œuvres.
2. Marché. Il est important d’avoir une
idée du marché pour éviter de payer
trop cher. Il existe maintenant de
nombreuses bases de données de
ventes aux enchères en ligne, comme
www.artfact.com.
3. Artiste. En connaissant bien un
artiste et l’ensemble de son œuvre,
l’acheteur potentiel est mieux à même
de cibler certaines œuvres intéressantes
et de bonne qualité.
4. État. Il faut examiner soi-même une
œuvre ou obtenir un rapport sur son état
avant de l’acheter. L’acquisition d’œuvres
endommagées à bon marché que l’on
fait ensuite restaurer est une façon de
collectionner les œuvres qui dépasse
habituellement le budget moyen.
5. Budget. Il faut toujours acheter les
œuvres de la meilleure qualité possible
selon notre budget. Si une personne
prévoit consacrer 10 000 $ par année à
sa collection, elle doit se procurer une
œuvre ou deux œuvres de qualité plutôt
que cinq ou six œuvres médiocres.
Duncan McLean est président de Waddington’s, la maison de vente aux enchères la plus ancienne du Canada. Les opinions exprimées dans le présent article sont celles
de Duncan McLean et ne doivent pas être considérées comme celles de Gestion d’actifs CIBC. Les images sont une courtoisie de Waddington’s. Reproduction autorisée.
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