L`ordonnancement « Total Productive Kanban » : Synthèse de dix

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L`ordonnancement « Total Productive Kanban » : Synthèse de dix
Logistique & Management
L’ordonnancement
« Total Productive Kanban » :
Synthèse de dix années
d’expériences vécues
Yves MILLE,
Directeur Général, GOPAL International
Gadget d’atelier, système d’ordonnancement incomplet, empirisme de mise en
œuvre, incompatibilité avec les systèmes MRP… : Fallait-il condamner et abandonner la méthode Kanban ? Fallait-il au contraire chercher une autre voie plus
conforme au vécu et résultats obtenus de TOYOTA ? C’est cette voie choisie en 1986
qui a permis d’aboutir au « Total Productive Kanban ». La synthèse présentée
s’appuie sur plusieurs centaines d’applications concrètes balayant une grande
diversité de technologies. Elle évoque l’historique, les points-clés de la méthode,
les résultats obtenus et la cohabitation avec les systèmes ERP.
Une concurrence accrue des entreprises
industrielles est apparue dans les années
75-80, d’abord dans l’Automobile, puis dans
les années qui suivirent dans l’Aviation
Civile, l’Electronique, l’Electro-Ménager,
etc.
Après une période dominée par les méthodes
introduites par Shigeo SHINGO (cinq zéros,
flux tendus,…), le rapport du Massachussets
Institute of Technology (MIT) a constaté en
1988 le maintien des écarts de productivité
entre l’Industrie Automobile occidentale et
les meilleurs Japonais.
De cette prise de conscience d’une compréhension insuffisante du cheminement suivi
par TOYOTA est né progressivement
l’ordonnancement « Total Productive Kanban ».
C’est l’objet du présent article qui, après avoir
rappelé les limites respectives des méthodes
d’ordonnancement classique calculé et du
Kanban classique, présentera les fondements du système d’ordonnancement complet
Vol. 6 – N°2, 1998
« Total Productive Kanban » et les résultats
qu’il a permis d’obtenir sur plusieurs centaines d’applications réalisées en douze années.
Il présentera également les nouveaux outils
de gestion d’atelier intégrant d’une part, la
visibilité offerte par les tableaux d’ordonnancement et d’autre part, la décomposition analytique des stocks.
L’adoption de ce nouvel outil d’ordonnancement véritablement décentralisé, ajouté
à ceux plus connus relatifs à la Qualité Totale
(Autocontrôle et MSP), la « Total Productive
Maintenance » (automaintenance, etc.), la
Flexibilité (changement d’outils rapides
[SMED], polyvalence,…) conduira à l’accélération des actions de progrès continu réalisées par les équipes autonomes.
A la recherche de la compétitivité
et du « modèle » japonais
(1975-1985)
En 1987, un spécialiste américain (1) avait
résumé comme suit les conclusions des voya-
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ges d’études effectués au Japon par les Industriels de l’Automobile américaine :
l
La productivité à la « Japonaise » n’est pas
liée à des facteurs socio-culturels.
l
Les concepts sont simples.
l
La mise en œuvre est difficile.
l
Les mot-clés sont « Qualité » et « Travail »
sur le processus.
l
Les vues sont à long terme et non à court
terme.
l
L’implication de l’opérateur de base dans
le cadre d’une Direction Participative est
essentielle ainsi que la construction d’un
partenariat avec les Fournisseurs.
Cette formule résumait bien l’état d’esprit des
industriels occidentaux 10 années environ
après le « choc japonais » qui avait conduit les
entreprises occidentales à constater l’existence d’un écart de productivité de 30 à 50 %
avec les meilleurs constructeurs automobiles
japonais…
C’est la grande période du « 5 zéros » et des
flux tendus promue par Shigeo Shingo, Ingénieur Consultant chez TOYOTA. Dans cette
démarche, la mise en place du Kanban
n’intervient qu’en dernier lieu…(2, 3, 4). En
clair, il faudrait être proche du zéro panne, du
zéro défaut et être très avancé au niveau du
changement d’outil rapide (SMED) et de la
segmentation en petits lots pour appliquer le
système Kanban.
Néanmoins, dans toute cette période et sans
forcément qu’il y ait eu un lien significatif
avec les méthodes japonaises, un effort particulièrement important a été réalisé pour
réduire les stocks et en-cours, souvent divisés
par un ordre de grandeur de 3 à 5 sur une
période de 5 ans : ainsi un besoin aigu de trésorerie durant la période de 1980 à 1985 a pu être
comblé…
De très gros efforts ont en effet été déployés à
cette époque pour promouvoir les systèmes de
gestion de production informatisés et les
méthodes MRP I et MRP II. Par ailleurs, le
Juste-à-Temps tel qu’il a été conçu par Taïchi
OHNO est encore loin d’être assimilé et ne
fait l’objet que de comparaisons très superficielles et confuses avec les systèmes MRP
(cf. par exemple 5).
En 1985, des progrès sont constatés, surtout
au niveau des stocks, mais en matière de productivité, on est loin des 30 à 50 % attendus et
cela malgré une accélération de la robotisation… : l’étude MIT qui compare les perfor-
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mances mesurées en 1988 des principaux
constructeurs constate qu’en dépit d’une amélioration significative, l’écart entre les meilleurs Japonais et les principaux occidentaux
n’a pas été significativement réduit…(7)
Quels outils d’ordonnancement
et de planification ?
L’outil de planification vise à préparer à long
terme, puis moyen terme et court terme (Plan
Directeur de Production (PDP)) l’outil de production par l’exploitation de prévisions :
charges prévisionnelles (installations et personnel), détection des goulots capacitaires,
actualisation des niveaux de stocks, expressions de besoins prévisionnels ou fermes
envoyés aux fournisseurs, etc.
L’outil d’ordonnancement met à disposition
de l’outil de production et des fournisseurs des
ordres exécutoires classés par priorités, à priori non négociables.
Les méthodes MRP : limites et critiques
L’adoption des systèmes MRP1 et MRP2 a
permis et permettra encore à de nombreuses
entreprises de progresser dans la maîtrise de
leur planification et de leurs résultats.
Toutefois, certaines limites de ces systèmes ne
peuvent être ignorées.
Définition du Juste-à-Temps et limites des systèmes d’ordonnancement calculés (MRP,
OPT…)
La définition bien connue du Juste-à-Temps
peut être résumée comme suit : « Produit
voulu en quantité voulue en temps voulu
à l’emplacement voulu ». L’objectif est
d’assurer la satisfaction du client à chaque
étape de production.
L’explication précise de l’expression « quantité voulue » permet d’avoir une compréhension
plus précise des différences les plus importantes existant entre les systèmes MRP et Kanban :
Dans le premier cas, les quantités voulues
sont le résultat de calculs :
Aussi pour un système de programmation
journalier, les quantités à livrer sont calculées
chaque jour avec des hypothèses moyennes et
la prise en compte des commandes des clients.
l
Pour déterminer les quantités à produire ou à
livrer, un système d’ordonnancement calculé
ne peut que relier entre elles les valeurs
moyennes calculées sur la base des paramè-
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tres moyens (rebuts-retouches, durée des pannes et de préparation, temps-cyles...).
Figure 1
Pour une ligne de presse par exemple, les durées
journalières de pannes peuvent être en moyenne
d’une heure ; mais combien de temps cette ligne
sera-t-elle en panne demain ? Cela peut être aussi bien un quart d’heure que deux heures.
C’est la limite du système calculé MRP : les
estimations moyennes ne correspondent jamais à la réalité du moment.
Figure 2
Il en résulte l’existence systématique de ce
qu’on appelle un « système réclamation » :
c’est une course permanente nécessaire pour
s’adapter à l’écart entre les valeurs moyennes
et réelles. Des corrections de stocks, des
déplacements d’opérateurs, des modifications
de programmation doivent ensuite être effectués pour pouvoir produire et livrer chaque jour
les quantités demandées. Tout cela génère
ensuite des surcoûts indirects et gaspillages.
Dans le deuxième cas, les quantités demanl
dées résultent de la seule circulation physique
des produits et des commandes clients. C’est
l’idée originale et géniale du système de production TOYOTA de Taiichi OHNO sur
laquelle nous reviendrons plus loin.
Pour souligner cette limite du système
calculé, l’échec du système OPT comme outil
d’ordonnancement doit être mentionné : malgré des concepts et des règles de programmation dont le bien fondé apparaît peu
discutable, la confrontation d’un échéancier
d’ordres de livraison à l’ensemble des ressources disponibles conduit à la mise en évidence de goulots d’étranglement… mais tout
cela avec des paramètres moyens.
OPT est donc un excellent outil de préparation
(8, 9) et de « réglage » de l’appareil de production, mais pas plus, d’où l’échec final de cette
méthode lorsqu’elle a été utilisé comme outil
d’ordonnancement dans les entreprises souvent citées comme références (General
Motors, Bendix, Alusuisse, …).
Ambiguïté et fiabilité des temps-cycles
Le temps-cycle ou lead time des systèmes
MRP est devenu aujourd’hui un paramètre
trop grossier en regard des performances
attendues des systèmes modernes de gestion
de production.
Comme l’illustre le schéma de la figure 1, le
temps-cycle est une addition des temps de
défilement mesurables avec des couvertures
de stock souvent exprimées en jours de
consommation.
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Cette donnée, utilisée pour ordonnancer les
ordres de fabrication, est en général « maximisée » (pour lancer les ordres à une date au
plus tôt couvrant la dispersion [Figure 2]).
Compte-tenu du fait que le temps-cycle
comprend dans sa structure plus de 80 % de
stocks et d’attentes, son estimation apparaît
particulièrement problématique dans le cas de
lots de production de tailles variables.
Méthode de gestion du point de commande
inadaptée pour les petits flux et génératrice de
variations artificielles de programmes (cascade de programmation)
Cette méthode de gestion par point de
commande consiste à déclencher des besoins
lorsqu’un niveau de stock (exprimé en jours
de couverture de consommation) atteint un
seuil minimum.
Lorsque les tailles de lots (batches, unités de
manutention et de conditionnement) sont
importantes par rapport aux niveaux de
consommation ou que les consommations
subissent de fortes variations, la méthode de
gestion du point de commande n’est plus
applicable (cas des petits flux représentant
souvent plus de 80 % des articles).
Par ailleurs, la cascade de programmation
génère une amplification des variations
d’autant plus élevée qu’on remonte du client
vers les processus amont souvent capacitaires
(presses, usinage, fonderies, forges, extrusion). (Cf. annexe 1.)
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ANNEXE 1 : CASCADE DE PROGRAMMATION
1. Mode de calcul du programme journalier du mois m.
1.1 Hypothèses :
Le programme doit couvrir la consommation du mois m à venir et assurer le rééquilibrage du
l
stock commercial (en jours de consommation) à la fin du mois m.
La consommation et la variation de stock (abattement ou supplément) sont lissées sur le mois
l
considéré.
La valeur du jour de stock pour un article ne varie pas très significativement d’un mois à l’autre.
l
Le programme journalier Pi(m) du mois pour le produit i est donné par :
}
Pi = C i (m ) +
TDi
[C1 (m) − C i (m − 1)]
NJ(m )
Prévisions de consommation moyenne
journalière du mois m
Contribution moyenne journalière à l’ajustement de stock
Avec :
NJ (m) = nombre de jours travaillés pendant le mois m
Ci (m) = consommation moyenne jouranlière du produit i pendant le mois m.
TDI = stock (en nombre de jours de consommation) disponible en fin du mois m de l’article i.
2. Illustration de la cascade de programmation sur un exemple.
2.1 Hypothèses :
Soit à fabriquer les produits A et B.
A est composé d’une pièce A1, elle même composée d’une pièce A2.
B est composé d’une pièce B1, elle même composée d’une pièce B2.
Les hypothèses de calcul sont résumées dans le tableau ci-dessous :
Produits
Stock de produits i
(Tdi en jours)
Consommation
Consommation
moyenne du mois
moyenne du mois
m-1 (Ci (m))
m (Ci (m) )
Variation
de consommation
A
30
50
55
+ 10 %
B
30
50
45
- 10 %
Composant
niveau 1
A1
4
50
B1
4
50
Composant
niveau 2
A2
10
50
B2
10
50
Produit fini
Le nombre de jours travaillés est considéré comme égal à 20 quelque soit l’article et le mois considérés.
2.2. Calcul des programmes de produits finis (A et B) et de composants de niveau 1 et 2 (voir
tableau 1).
A chaque niveau inférieur, la consommation théorique de référence du mois m est donnée
(comme l’indiquent les flèches) par le programme moyen du mois m du niveau immédiatement
supérieur.
Chaque niveau travaille donc en aveugle par rapport à la consommation du produit fini.
2.3. Variations des programmes calculés et mise en évidence des effets de la cascade de
programmation (voir tableau 2).
La variation de consommation de +/- 10 % sur le produit fini génère sur les composants :
- Une amplification quantitative du programme de production du mois m (+/- 45 % pour les
composants du 2e niveau).
- Des fluctuations artificielles de programme des articles de niveau 1 et 2 respectivement sur les
2 et 3 mois suivants.
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Tableau 1
l
Tableau 2
La méthode Kanban classique :
trop simpliste
Rappelée en annexe 2, cette méthode a, le plus
souvent, permis une réduction des urgences et
des gains d’en-cours (réduction du tempscycle). Mais son application s’est avérée très
rapidement limitée pour les raisons essentielles suivantes :
l
Domaine d’application limité aux gros flux
(en raison de l’utilisation de la méthode de
déclenchement des ordres sur point de
commande).
l
Conflits de priorités des ordres.
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Empirisme dans l’estimation de paramètres (temps de retour, variables de sécurité)
et donc du nombre de cartes kanban.
L’ensemble de ces causes et l’absence de
relations solides avec les valeurs de stocks et
en-cours ont rapidement discrédité chez
beaucoup l’intérêt de cette méthode.
En conséquence, les éditeurs de progiciels
GPAO actuels proposent dans la plupart des
cas des modules Kanban classiques dans lesquels l’ordre de fabrication calculé daté (OF)
par le système MRP est « menant » par rapport
à un ordre Kanban de remplacement.
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ANNEXE 2 : LE SYSTÈME KANBAN CLASSIQUE
1. Principe.
Application limitée aux seuls articles à gros volumes (20 % du nombre de références représentant
80 % du volume).
Les autres articles restent traités par un outil d’ordonnancement calculé de type MRP.
2. Règles de fonctionnement.
1 - ACCUMULATION DES ÉTIQUETTES DANS
CHAQUE COLONNE DU TABLEAU.
TABLEAU D'ORDONNANCEMENT
A
B
C
D
E
2 - LANCEMENT AUTORISE AU
FRANCHISSEMENT DE LA BARRE VERTE
- TAILLE DE LOT VARIABLE A
CHAQUE LANCEMENT
Lancement obligatoire
.
3 - LANCEMENT OBLIGATOIRE (URGENT) AU
FRANCHISSEMENT DE LA BARRE ROUGE.
Lancement autorisé
Emplacement d'étiquette
METHODE PLAN MERCURE CITROEN 1986
3. Calcul du nombre de cartes.
KANBAN CLASSIQUE : CALCUL DU NOMBRE DE CARTES
Stock
(jours de CMJ)
- POUR CHAQUE ARTICLE :
N=
Seuil
vert
Seuil
rouge
CMJ x TR + S
UC
CMJ = Consommation moyenne journalière
TR
= Temps de retour de l'ordre *
UC
= Unité de conditionnement
S
= Variable de sécurité (estimation très
empirique)
- SEUILS DE DECLENCHEMENT CALCULES
AU MOYEN DE LA METHODE DU SEUIL DU
POINT DE COMMANDE
* Estimation variant avec la taille de lot.
4. Critiques.
a) Elle est limitée aux gros flux à cause de l’utilisation de la méthode de déclenchement des ordres
sur point de commande.
b) Le Kanban classique vit dans le cadre d’un ordonnancement mixte MRP-KANBAN dans lequel
des conflits de priorités sont à gérer d’une part :
- entre ordres MRP et KANBAN et d’autre part,
- entre ordres KANBAN apparaissant au même niveau dans des colonnes différentes du tableau
d’ordonnancement.
c) Si les lots sont de tailles variables, comment peut-on maîtriser le temps de retour des étiquettes ?
d) La variable S de sécurité est déterminée empiriquement.
e) Le calcul du nombre de cartes conduit donc à des résultats très approximatifs, ce qui conduit à
des ajustements du nombre de cartes « par l’expérience » (cf. par exemple 10).
f) Les nombres de Kanban sont calculés indépendamment pour chaque référence.
Que se passe-t-il dans le cas de processus communs à plusieurs références ?
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Remplacement de consommation réelle
(RECOR et flux tirés)
Aux solutions classiques du flux poussé des
systèmes MRP, le remplacement des consommations réelles (RECOR par PEUGEOT
S.A., RCR pour VALEO, etc.) s’est limité
au traitement des ordres de remplacement
(renouvellement) de stock.
L’Industrie Automobile connaissait en effet
déjà les ordres synchrones qui consistent à
émettre, à partir de certains points de comptage du flux véhicule (produit composé) des
ordres « poussés » pour la préparation de
sous-ensembles (moteur habillé, planche de
bord, sièges assemblés, pare-chocs, etc.) qui
seront ensuite assemblés sur les véhicules
correspondants. Le système proposé consistait donc à associer deux techniques (12,
13, 14) :
Les ordres synchrones et coordonnés
l
(ordre poussé avec un préavis compté en
heures ou en jours J-X ou X < 5 jours).
l
Les ordres RECOR quand le système précédent ne peut être utilisé.
Remarque : les ordres coordonnés correspondant à une consommation certaine
doivent en principe être épurés de tout ajustement de stock dans l’horizon (J-X) des
ordres exécutoires . Les ajustements doivent
en effet être effectués sur des semaines prévisionnelles.
La méthode d’ordonnancement
« Total Productive Kanban »
Origine de la démarche
Après une longue suite de visites dans de
nombreuses usines et d’entretiens avec les
responsables, notre principale conclusion fut
la suivante : la voie suivie par TOYOTA a
sûrement été différente de celle recommandée
par Shigeo SHINGO et c’est ce cheminement
qu’il faut rechercher en repartant de zéro (14).
Il faudra 18 mois de recherches documentaires, d’expérimentations « sur le terrain » et la formidable synergie de l’équipe
espagnole de l’usine, pour démontrer
qu’effectivement, l’application des véritables
outils Kanban utilisés dans des usines
TOYOTA (dans les années 70 !) permettait
d’ordonnancer complètement des ateliers sans
aucun préalable technique ni investissement
significatif.
A la fin 1988, la Direction Générale, au retour
d’une visite à VILLAVERDE, demanda
l’application rapide de la méthode aux autres
usines. Les gains obtenus dépassaient en effet
les pronostics les plus optimistes !
Champ d’application :
pas de limite connue à ce jour
La méthode s’est considérablement améliorée
en dix ans. Elle est appliquée aujourd’hui dans
plusieurs centaines d’usines allant de la
Fonderie au Décolletage avec de multiples
opérations de reprise en passant par
la Frappe à froid, l’Emboutissage, la Plasturgie, l’Electronique, le Textile, le Câblage,
l’Assemblage, etc.
Les cadences annuelles de production vont de
quelques dizaines d’unités à plusieurs millions d’unités, les cycles de production de
quelques heures à plusieurs années, etc.
D’autres industries telles que les Industries
agro-alimentaires et la chimie, étudient
aujourd’hui l’application de ces méthodes y
compris dans leurs systèmes de distribution.
Hypothèses de travail dans les entreprises
industrielles aujourd’hui
Ce sont celles rencontrées dans la quasi-totalité des entreprises :
l
Des produits diversifiés en évolution permanente destinés à de nombreux clients présentant les caractéristiques suivantes :
–
durée de vie de quelques semaines à plusieurs années,
–
volumes variables distribués suivant le
loi des 80/20 : 20 % des produits représentant 80 % de l’activité (gros flux),
80 % des produits ne représentant que
20 % du volume (petits flux),
–
d’autres produits ne sont quasiment
jamais fabriqués ou sont produits en
masse sur une courte durée.
Nous sommes alors en mars 1986.
L’opportunité d’un champ d’expérimentation
se présente rapidement sur le site espagnol de
PEUGEOT-VILLAVERDE : une fonderie de
fonte grise distante de 6 kilomètres d’un atelier d’usinage, lui même relié à une unité
d’assemblage d’organes mécaniques, beaucoup d’aléas (des taux de pannes de près de la
moitié du temps d’ouverture pour certaines
installations, des temps de changement de
référence se comptant en heures, sans parler
des rebuts et retouches, etc.).
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l
Des installations et processus en constante
adaptation à des besoins variables :
51
Logistique & Management
–
–
–
lignes monoproduits et multiproduits, robotisées, automatiques ou
manuelles,
des processus capacitaires avec des
temps de changement de références
variant de l’instantané à plusieurs
dizaines d’heures,
existence d’aléas (pannes d’installations, rebuts-retouches).
Figure 3 : lignes de flux d’une usine de roues.
Les points-clés de la Méthode
Une description de l’existant des circuits
parcourus par tous les produits :
Indentification des lignes de flux (figure 3)
regroupant les circuits de tous les produits
passant par les mêmes processus.
l
Construction pour chaque ligne de flux des
gammes de flux (figure 4) décrivant le circuit
parcouru par chaque article avec identification des lots d’entrée et de sortie à chaque
étape.
l
Les tailles de lot sont fixes (ce qui implique
une planification de la production en lots fixes
– dates variables) (15).
l
Les temps moyens de chaque opération
sont renseignés, y compris pour les aléas.
l
Figure 4 : gamme de flux d’une usine de roues.
La notion de stock doit être précisée : « Stockage » ou « Attente ». (Cf. figure 5.)
Le « stockage » matérialise une rupture de
flux (avec sécurisation calculée), alors que
« l ‘attente » est un temps d’écoulement mesurable. Cette distinction est effectuée pour
chaque zone de stock et pour chaque produit.
Des horizons d’ordonnancement exprimés
en heures, matérialisant le temps d’attente
conventionnel entre la communication des
ordres et leur mise en production. Ils sont
définis pour chaque ligne de flux à partir,
d’une part, des temps moyens d’immobilisation des processus concernés sur un même
produit, et d’autre part, des contraintes
éventuelles (séquences d’ordonnancement,
organisation de poste…). Les horizons
d’ordonnancement sont exprimés en heures.
Des horaires de travaux sont renseignés au niveau des processus.
Source : logiciel TPK Software.
Figure 5 : distinction entre ATTENTE et STOCKAGE.
Des calculs de nombres de Kanban et de
stocks moyens sont effectués simultanément
avec les données suivantes (16) : gammes de
flux, horizons, prévisions de consommations
et informations complémentaires.
Les résultats des calculs (stocks et Kanban)
distinguent (figure 6) :
L’en-cours = nombre moyen de pièces correspondant à l’acheminement de la première
unité de manutention de la première à la dernière opération du tronçon de la ligne de flux
considérée.
l
L’effet de campagne (si le lot de production
est de taille supérieure à l’unité de manutention) matérialise un lot économique. C’est un
l
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stock « outil » imposé par des caractéristiques
d’installations.
Figure 6
Les sécurisations « consommation client »
l
calculées suivant la méthode exposée en
annexe 3 pour chaque point de « stockage ».
Les autres sécurisations sont, soit calculées
l
(aléas), soit renseignées directement en informations complémentaires.
L’ensemble des calculs est effectué au moyen
de logiciels créés par GOPAL qui permettent
également d’assurer l’édition et la gestion des
étiquettes Kanban.
Figure 7
L’ordonnancement « Total Productive Kanban » : visibilité des priorités, aléas et charges de travail à chaque étape de production
Règle fondamentale :
principe de fonctionnement
Tous les ordres de production et de livraison
ne sont générés que par la circulation physique des produits et les priorités d’acheminement vers les clients.
Un premier cas décrit sur la figure 7 est
celui d’ordres de remplacement (tirés) : les
consommations réelles sont constatées au
point de stockage par prélèvement de
l’étiquette sur l’emballage consommé par
exemple pour expédition vers le client.
L’accumulation des étiquettes est effectuée
pour un produit donné sur la colonne correspondante du tableau prévu à cet effet.
Lorsque le nombre d’étiquettes ainsi accumulées atteint la taille du lot du processus à
ordonnancer, les étiquettes rectangulaires et le
triangle matérialisant l’ordre de production
d’un lot sont déplacées vers le tableau
d’ordonnan-cement où il vient prendre la dernière priorité, « queue » d’un train d’étiquettes
triangulaires dont la première est l’ordre en
cours de production.
La longueur du train d’étiquettes est en principe égale à la durée représentée par l’horizon
standard.
Les étiquettes rectangulaires seront appliquées en sortie de processus sur les contenants
pleins fabriqués.
Le second cas est celui des ordres coordonnés
(poussés). Ces ordres sont déposés directement
au tableau d’ordonnancement lorsqu’il n’y a
pas de stockage. Ils seront ensuite « poussés »
jusqu’à la zone « d’attente ». Dans tous les cas,
l’ordre de production sera matérialisé par le
triangle créé chez TOYOTA avec le concept de
lot de taille fixe (15, 17, 18, 21).
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Visibilité des priorités, des aléas, affectations
machines et avances/retards
Si l’accumulation des ordres peut être dans
certains cas informatisée, l’affichage physique des priorités données par le tableau
d’ordonnancement dans l’atelier est impératif.
La situation de l’atelier y est en effet affichée
en permanence par le personnel :
l
Des « magnets » sont appliqués au-dessus
des ordres (figure 8) pour indiquer les installations qui les produiront ou les aléas qui interdisent leur production (outil cassé, manque
matière, etc.).
l
Des « trous » apparaissant dans le train
d’ordres mettent en évidence le retard mesurable des ordres prioritaires de la tête de train.
l
L’ensemble du train d’étiquettes fournit la
valeur de la charge instantanée de travail en
« attente ». Une comparaison de cette dernière
à la valeur à l’horizon « standard » donne la
situation de charge de l’atelier concerné.
En conclusion, chaque tableau d’ordonnancement constitue un tableau de bord visible
par tous, d’où une évidente meilleure réactivité par rapport aux événements.
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ANNEXE 3 : SÉCURISATION DES FLUCTUATIONS DE CONSOMMATION « CLIENT »
PAR DES STOCKS
1. Objectif.
Déterminer des sécurisations à mettre en place dans les deux cas extrêmes de fluctuations lisl
sées et totalement aléatoires de la consommation client.
l
Fournir aux utilisateurs un outil leur permettant de choisir dans cette fourchette la « sécurisation » juste nécessaire.
Remarques :
a) Le calcul ne traite que le cas de sécurisation des fluctuations de la demande du client.
b) Dans le cas d’un engagement pris par un client concernant les variations maximales de ces
besoins, la sécurisation à prendre en compte serait maximale et calculée sur la base du scénario
totalement aléatoire.
2. Méthode proposée.
2.1. Hypothèse.
A partir des prévisions, un nombre moyen de Nm de lots de taille fixe (unités de conditionnement,
palettes, etc.) consommés sur un intervalle de temps T a été déterminé et on suppose que cette
moyenne restera valable pour la période de référence.
Les ordres de fabrication ou de livraison sont exprimés en nombres entiers de lots de taille fixe (cas
général de l’Industrie).
2.2. Nombre moyen d’emballages (lots) consommés sur une durée T.
Il est donné par la relation générale :
Nm = Prévision de consommation par unité de temps x T
Taille de lot
Si un fournisseur livre des produits une fois par jour chez un client et si ces produits sont livrés par
palettes ou emballages complets dont l’unité de charge est UC, la relation s’écrira :
Nm = CMJ x 1
UC
ou CMJ est la prévision de consommation moyenne journalière résultant d’un calcul de besoins
brut épuré de tout calcul d’ajustement de stock.
2.3. Règles et calculs des sécurisations.
2.3.1. Consommation lissée.
La sécurisation minimum Nmin sera donnée par la relation :
Nmin : Partie entière de [Nm + 1]
Exemple : si Nm = 2,4 , on obtiendra Nmin = 3
2.3.2. Consommation aléatoire.
a) Loi de Poisson.
Il s’agit de tirer au hasard des emballages complets en fonction d’un nombre d’emballages
consommés par unité de temps.
Ainsi que cela a été vérifié sur plusieurs études statistiques relatives aux ordres de remplacement
émis par les lignes de montage de plusieurs usines d’assemblage véhicules (1986), les distributions de probabilité observées obéissent à des lois de Poisson dès que les fluctuations sont réellement aléatoires.
Ce cas extrême reste toutefois relativement rare et concerne en général des « petits » flux.
Le calcul de la sécurisation maxi Nmax sera donc effectué sur la base de cette loi en acceptant un
risque de ne pas disposer d’une sécurisation suffisante pour satisfaire l’ordre.
Une estimation des risques consentis par les approvisionneurs des usines de montage a été
effectuée en enregistrant sur des journées complètes le nombre d’ordres non satisfaits à l’heure
prévue et en le divisant par le nombre total d’ordres émis.
Les résultats obtenus varient de 0,02 % à 2 % en fonction de la nature des articles concernés (de la
pièce de sécurité à la fixation standard).
54
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Logistique & Management
b) Calcul de la sécurisation Nmax.
Compte-tenu de ce qui précède, la valeur de Nmax pourra être déterminée comme suit :
1. Choix d’un risque a (par exemple 0,5 %)
2. Rechercher pour la valeur de Nm calculée la valeur de Nmax en utilisant les tables de la Loi de
Poisson.
Exemple : si Nm = 2,4 , le résultat est Nmax = 7
2.3.3. Evolution des valeurs sécurisées Nmin et Nmax en fonction de Nm.
2
1
Nm
0,1
0,34
Nmin
Nmax
1
2
1
1,1
0,67
3
4
1,54
5
2
3
2,03
6
2,55
7
3
3,1
8
3,70
4
9
Le tableau ci-dessus et le graphique ci-dessous ont été construit avec les méthodes décrites
ci-dessus avec un risque égal à 0,5 %.
Il illustre très clairement les faits suivants :
pour les petits flux, l’effet des tailles de lot est prépondérant sur la variation de consommation : de
ce fait, le résultat pourra varier fortement si l’on change la taille de lot.
pour les plus gros flux, (Nm > 3), ce phénomène devient négligeable.
2.3.4. Règles d’utilisation.
Le choix de la valeur à retenir entre Nmin et Nmax est effectué par les utilisateurs.
En pratique, les références « gros flux » sont en général lissées et sécurisées à Nmin.
La plupart des autres flux sont sécurisés à des valeurs comprises entre 1 et 3 (Nm < 1).
2.3.5. Conclusion.
Cette méthode établie en 1986 est aujourd’hui largement validée par les centaines d’applications effectuées aussi bien en usine que pour la mise en place de liaisons Kanban entre clients et fournisseurs.
Elle remplace l’application de la méthode du point de commande pour les petits flux et permet
d’atténuer très sensiblement les effets de la cascade de programmation.
Indicateurs de performances
et résultats
Effets des dysfonctionnements d’un outil
d’ordonnancement
L’exigence de compétitivité des entreprises
industrielles a conduit à la disparition progressive de sur-équipements, sur-effectifs et
sur en-cours et stocks.
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En conséquence , toute production réalisée
« en avance » sur un produit aura pour contrepartie immédiate la création d’un retard sur
d’autres produits, et réciproquement.
Dans le même temps, on constatera donc
(figure 9) :
l
L’apparition de sur en-cours et stocks inutiles.
l
Des retards et ruptures avec les effets suivants :
55
Logistique & Management
dégradation du taux de service clients et
retards dans la réalisation du chiffre
d’affaires,
– mauvaise utilisation des moyens de production et dégradation de la productivité
(installation et personnel),
– accroissement des urgences et réclamations atelier et augmentation du temps
passé par l’encadrement atelier à les traiter.
Un allongement des temps de défilement.
–
l
L’ensemble de ces constatations constituera
une première approche permettant d’apprécier le fonctionnement d’un système d’ordonnancement.
Indicateurs de performances et évaluation
de l’ordonnancement « Total Productive
Kanban »
L’application de la méthode « Total
Productive Kanban » constitue une action
d’amélioration qui doit être ambitieuse au
niveau des résultats attendus.
Figure 8
L’expérience acquise sur plusieurs centaines
d’applications concrètes permet d’estimer
l’évolution de chacun des indicateurs de performances utilisés aujourd’hui (cf. définition
en annexe 4) :
Satisfaction du client et réalisation du
chiffre d’affaires (facturations) :
– Le taux de service, dans sa définition la
plus sévère doit atteindre rapidement
80 % (maîtrise des gros flux) puis
s’approcher de 95 % (la situation de
départ de cet indicateur est le plus souvent
de l’ordre de 40 %).
– Urgences et transports exceptionnels. Les
coûts et fréquences sont divisés par 4 ou 5.
– Meilleur lissage des facturations avec
résorption de retards de facturation pour
les clients exigeants.
l
Amélioration de l’utilisation des moyens
de production (installations goulots et personnel) :
– Le gain très répétitif est de l’ordre de 15 à
20 % obtenus au bout de 3 à 6 mois.
– Dans plusieurs cas, la capacité de certaines usines s’est trouvée augmentée sans
aucune intervention technique sur les installations, ni augmentation des ressources
en personnel.
l
Réductions du temps de défilement entre
20 et 50 % , des en-cours et de stock (de 10 à
20 % en valeur). Dans certains cas exceptionnels et compte-tenu de tailles de campagne
trop faibles, constatées sur des processus
lourds (tours de décolletage, frappe, petites
presses), les stocks de produits finis ont été
augmentés entre 10 et 20 % malgré la réduction des lead-times.
l
Figure 9
Charge de travail de l’encadrement atelier
consacrée à des actions curatives : elle est
obtenue par interview du personnel d’encadrement du premier niveau, le taux consacré
au traitement d’actions curatives est donné
entre 50 et 80 % .
l
Après l’opération, le retour à la sérénité de
fonctionnement de l’atelier est témoigné par
un taux déclaré compris entre 15 et 30 %.
En clair, la part de disponibilité des chefs
d’équipes et « team leaders » consacrée à des
activités d’animation et d’amélioration passe
de l’ordre de 25 à 75 %.
Ce résultat essentiel est le levier qui permettra ensuite l’accélération des gains obtenus par les actions de progrès permanent
des équipes autonomes.
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ANNEXE 4 : INDICATEURS DE PERFORMANCES (MÉTHODE GOPAL)
1.Satisfaction du client.
1.1. Taux de service.
Définition : rapport des lignes de commandes mises à disposition ou expédiées au total des lignes
de commandes à mettre à disposition ou à expédier du jour ou de la semaine.
Le suivi de cet indicateur peut être effectué par le client.
Remarques :
a) Cet indicateur étant indépendant du volume de chaque ligne de commande, il traite avec la
même pondération petits et gros flux : ainsi, plus de 95 % du volume peut ne correspondre qu’à
80 % des lignes de commandes. Il présente toutefois le gros avantage de bien mettre en évidence
les lignes de commande posant problème.
b) Le cumul de cet indicateur sur plusieurs journées améliore le résultat.
Résultats à viser
Il n’est pas rare que cet indicateur fasse apparaître des performances inférieures à 40 %.
Pratiquement, les résultats à viser sont les suivants :
Deux mois après le démarrage opérationnel et lorsque le fonctionnement du système est stabil
lisé, le taux de service journalier doit dépasser 80 %.
l
De 4 à 6 mois après le démarrage opérationnel, la meilleure maîtrise des petits flux par rapport
aux gros flux doit permettre à l’indicateur de dépasser sensiblement 90 %.
1.2. Réalisation du Chiffre d’Affaires (Facturations) :
Définition : c’est l’écart en valeur entre les chiffres d’affaires réalisés et prévus à l’expédition.
L’application du système « Total Productive Kanban » permet en général d’assurer un meilleur lissage des facturations sur les périodes de références (mois, semaine).
Ce résultat s’améliore en général au même rythme que le taux de service avec des situations de
départ très variables suivant les entreprises.
Les gains peuvent être importants (rattrapage par exemple sur 3 mois d’un retard de
15 jours de facturation).
1.3. Autres indicateurs.
1.3.1. Réclamations et urgences (incidence sur coûts : taxis, dépannages en urgence, etc.)
Si l’indicateur existe, il doit être divisé par 4 ou 5 au bout de 6 mois.
1.3.2. Avances/Retards (en évitant la confusion entre retard à la référence et retard de volume).
- Valeurs moyennes à réduire de 20 à 50 %.
- Dispersion réduite de 50 à 80 %.
1.3.3. « Manquants » (à chaque étape de production).
Ils sont rendus « visibles » dans l’atelier sur les tableaux d’ordonnancement (réduction de 30 à
80 %).
2. Amélioration de l’utilisation des moyens de production.
- Rendement synthétique des installations «goulots ».
- CA / personne ou rapport des heures produites aux heures payées atelier.
2.1. Pour des installations implantées et entretenues normalement, le gain de Rendement Synthétique TRS varie de 5 à 20 % (part du TRS non directement fonction de l’installation) pour les processus « goulots ».
Pour des installations souffrant d’une complexité d’implantation et d’ordonnancement, les gains
de TRS peuvent varier de 10 à 30 % suivant les processus « goulots ».
Pratiquement, pour toutes les applications réalisées depuis deux ans, le gain enregistré a toujours
été compris entre 10 et 20 %. Il a en outre souvent pour conséquence la suppression
d’investissements visant l’augmentation des capacités de production.
2.2. Pour les installations « non goulots », il est important de se référer en priorité à un indicateur
de performance du type :
Production valorisée ou heures produites
Heures de production payées
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Logistique & Management
Cet indicateur, qui se rapproche de la notion plus globale CA/personne, appréhende l’aptitude de
l’atelier à ajuster ses effectifs aux volumes produits (une amélioration du TRS n’aura qu’un intérêt
limité s’il n’est pas possible de constater ses effets sur l’utilisation du personnel).
Le gain à obtenir ici est de 5 à 20 %.
3. Réduction des temps de défilement.
Ce temps est compté de l’instant où commencent les opérations de changement de référence
(machine à l’arrêt) jusqu’à l’arrivée du premier emballage de la même référence au stade final.
C’est sur des temps d’attente que le gain est réalisé et peut atteindre 20 à 30 % sur quelques mois
(Automobiles) ou plus de 50 % sur un an (Aéronautique).
Lorsque des actions de réimplantation ont été réalisées dans le cadre d’un projet, des réductions
de temps de défilement de plus de 80 % ont été obtenues.
4. Réduction des stocks et des surfaces immobilisées.
Elle concerne les en-cours, les stocks « Produits finis » et matières. Le gain est en général de 10 à
20 % sur les stocks de fonctionnement (hors sécurisations contractuelles).
La réduction s’opère en règle générale entre le démarrage du système et sa stabilité de fonctionnement. Elle a pour origine la réduction des temps de défilement et le lissage des fluctuations de
consommation.
Ensuite, la baisse ne pourra résulter que d’améliorations avec incidence favorable sur les gammes
de flux : en principe, le nombre de cartes Kanban étant fixé pour chaque référence, les stocks
moyens sont figés (et calculés au moyen du logiciel GOPAL en même temps que le nombre de
cartes Kanban).
A noter enfin que dans certains cas, on préférera privilégier les gains sur les moyens et les ressources et maintenir des sécurisations suffisantes sur les stocks pour assurer un bon lissage de charges.Ensuite, la baisse ne pourra résulter que d’améliorations avec incidence favorable sur les gammes de flux : en principe, le nombre de cartes Kanban étant fixé pour chaque référence, les stocks
moyens sont figés (et calculés au moyen du logiciel GOPAL en même temps que le nombre de
cartes Kanban).
A noter enfin que dans certains cas, on préférera privilégier les gains sur les moyens et les ressources et maintenir des sécurisations suffisantes sur les stocks pour assurer un bon lissage de
charges.
5. Réduction de la charge de travail “court terme” consacrée a la gestion des flux de l’usine.
Elle se mesure par interview du personnel avant et après l’intervention (quatre mois après le démarrage opérationnel).
Pour l’encadrement atelier, les pourcentages de charge totale de travail curatif varient de 30 à
70 % (en fonction de l’usine concernée et du niveau hiérarchique : Chef d’Equipe, Contremaître,
etc.).
Après le démarrage du système et lorsque celui-ci est stabilisé, les ratios doivent tomber dans une
fourchette de 10 à 30 %. Le gain dégagé peut être utilisé comme suit :
- action de réduction du nombre de niveaux hiérarchiques et mise en place d’équipes autonomes,
- animation d’actions d’améliorations réalisées directement avec les opérateurs de façon « spontanée » ou « structurée » (cercle de qualité et plan d’actions de progrès),
- réduction d’effectif.
Pour l’ordonnancement atelier, la réduction de charge concernera des fonctions logistiques,
planning, magasin d’expédition, etc. directement en relation avec la production.
En pratique, dès que la charge d’ordonnancement est bien chiffrée, nous pouvons admettre
qu’elle est à réduire de 50 % après mise en place de la fonction d’audit et de surveillance du système Kanban.
Ces gains sont souvent considérés comme les plus importants car ils libèrent l’encadrement et
l’ordonnancement des tâches curatives au profit respectivement d’animations d’actions de progrès et d’une meilleure préparation de l’outil de production.
GOPAL International ©
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Logistique & Management
C’est la « prime » du management décentralisé avec responsabilisation des hommes : les
résultats supplémentaires obtenus concernent
souvent l’amélioration de la qualité et
l’efficience dont les gains totaux sur l’année
peuvent atteindre 30 à 40 % (au lieu des 15 à
20 % obtenus avec la seule application du
« Total Productive Kanban »).
Figure 10
Planning calcule pour préparer,
ordonnancement
« Total Productive Kanban »
pour éxecuter
Aux évolutions relatives aux algorithmes de
calculs et concepts de lead time près, les systèmes MRP I, MRP II et ERP sont des méthodes
de calcul qui ne peuvent exprimer que des tendances nécessaires pour préparer et paramètrer l’appareil de production (voir figure 10).
Une planification plus à court terme (hebdomadaire ou même journalière), pourra ensuite
permettre de réaliser des ajustements de
dimensionnements.
Le système d’ordonnancement « Total
Productive Kanban » constitue ensuite le seul
outil à mettre en œuvre : les ordres ne sont
générés à chaque stade de production que par
les priorités clients connues à l’expédition et
la circulation physique des produits.
A ce stade, l’ordre de fabrication (OF) GPAO
dont la date fut significative pour la planification y compris à court terme , sera asservi aux
ordres TPK dont les priorités apparaîtront sur
les tableaux d’ordonnancement TPK.
Remarques :
l
L’implantation du système d’ordonnancement « Total Productive Kanban » pose fréquemment le problème d’une cohabitation
avec les OF générés par les GPAO.
l
Les difficultés rencontrées le plus souvent
sont les suivantes :
– tendance à vouloir donner la priorité aux
OF datés sur les ordres TPK (en particulier dans le cas des ordres de remplacement). Ce point déjà abordé revient à
fonctionner avec le système MRP.
– La démarche qui consiste à vouloir
affecter systématiquement des ordres de
fabrication et clients à tous les stocks et
en-cours est incompatible avec la réalité
industrielle qui nécessite la reconnaissance de « stocks outils » résultant par
exemple des effets de taille de lots de
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production et de sécurisation aléas ou
clients. La plupart des systèmes intégrés
de gestion industrielle actuellement
commercialisés se heurte pratiquement
à ce dernier obstacle.
Il reste donc une « Révolution » à gagner en
l
synergie avec les financiers et comptables.
Les enjeux se mesurent en gains de stocks et
de productivité avec les indicateurs mentionnés précédemment.
l
La pérénisation de l’ordonnancement TPK
nécessite l’appropriation du système par les
hommes de terrain (encadrement atelier,
ordonnanceur, etc.), la réalisation d’audits de
fonctionnement et la surveillance des paramètres de fonctionnement.
Conclusion
L’expérience acquise ces dix dernières années
avec les contributions apportés par nos clients
et partenaires permet de bien maîtriser
aujourd’hui ce qui a permis à TOYOTA de
faire le bond en avant décrit plus haut (14, 15,
19, 20, 21, 22).
Le chemin à parcourir pour réduire l’écart est
maintenant clair. Il reste à avoir la volonté d’y
aller, de clarifier la circulation de produits
ordonnancés en « Total Productive Kanban »,
cela d’une part avec la mise en place d’un
management décentralisé, en responsabilisant
les hommes dans le cadre d’actions de progrès
continu, et d’autre part, avec la mise en cohérence (intégration ou interfaçage) des outils
informatiques TPK avec les nouveaux progiciels GPAO.
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Logistique & Management
Bibliographie
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Vol. 6 – N°2, 1998

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