Mémoire de recherche M2 attachement et peur maternelle 2008

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Mémoire de recherche M2 attachement et peur maternelle 2008
INSTITUT
UNIVERSITE
PARIS VIII
D’ENSEIGNEMENT
A
DISTANCE
Impact de la peur maternelle sur le lien
d’attachement
et le développement socio-affectif du jeune
enfant
Stéphanie Rossollin épouse Nicolas
177472
Sous la direction de Jean-Charles Houillon
Mémoire pour le Master 2 de psychologie
du développement et de l’éducation
Octobre 2008
Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de psychologie du développement et de
l’éducation
RESUME
La recherche a pour but d’analyser le rôle de la peur de la mère à l’égard de son enfant dans la
relation d’attachement et le développement socio-affectif de ce dernier. Selon B. GOLSE et
B. PIERREHUMBERT, cet aspect reste peu exploré dans le cadre de la théorie de
l’attachement. L’expérimentation (échantillon de treize mères d’une Halte-jeux dont les
enfants ont entre deux et trois ans) n’a pas permis d’établir clairement qu’une mère éprouvant
peu ou pas de peur pour son enfant - toute étape clé de la maternité confondue - soit de nature
plus Secure et à l’inverse, qu’une mère ressentant une peur intense et difficilement maîtrisable
soit de nature moins Secure. En revanche, il semble qu’il y ait une relation négative entre la
peur et l’attachement dans certaines conditions et une forte relation positive entre la peur et
l’évolution des compétences de l’enfant. Les résultats suggèrent d’explorer la peur dans sa
dimension traumatique – le ressentiment que la mère peut éprouver après l’événement
(culpabilité, honte ou doute) – et d’analyser la régulation physiologique et psycho-affective de
cette émotion dans la relation d’attachement et le développement socio-affectif de l’enfant.
Mots-clés : attachement, peur de la mère, compétences socio-affectives de l’enfant,
disponibilité maternelle, régulation neuro-physio-psychologique de la mère.
The mediational role of fear in explaining the relationship between attachment link and child
development was examined in this study. According to B. GOLSE and B.
PIERREHUMBERT, this aspect hasn’t been analysed yet. The study (among thirteen mothers
and their child, age between two and three years old) did not confirm clearly that a mother
with few fear was more Secure and at the opposite, a mother with high intensity of fear and
out of control was less Secure. Neverthless, the study shows a negative relationship between
mother’s fear and Secure attachment and a strong and positive relationship between mother’s
fear and child’s skills development. Results suggest to investigate mother’s fear in its
traumatic dimension – resentment that mother can feel after the end of the event (culpability,
shame or doubt) – and analyse mother’s physiological and psycho-affective regulation of this
emotion in the attachment link and the child’s socio-afffective development.
Keywords : attachment, mother’s fear, socio-affective skills of the child, mother’s
receptiveness, mother’s neuro-physio-psychological regularation.
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l’éducation
SOMMAIRE
1
INTRODUCTION
5
2
CADRE THEORIQUE
7
2.1
LE LIEN MERE-ENFANT ET LA THEORIE DE L’ATTACHEMENT
2.1.1
Origine de la théorie de l’attachement
2.1.2
Présentation de la théorie de l’attachement
2.1.3
Le père et l’attachement
2.1.4
Le développement de l’attachement
2.1.5
L’activité neuropsychologique de l’attachement
2.1.6
L’interculturel et l’attachement
2.2
LA DISPONIBILITE DE LA MERE A L’EGARD DE SON JEUNE ENFANT
2.2.1
La dimension psychique de la mère
2.2.2
L’expérience de la vulnérabilité maternelle
2.2.3
L’incidence de la disponibilité maternelle sur la relation mère-enfant
2.3
L’ATTACHEMENT ET LE DEVELOPPEMENT DES COMPETENCES SOCIO-AFFECTIVES DU JEUNE ENFANT
2.3.1
L’émergence des capacités relationnelles chez le jeune enfant
2.3.2
Les compétences sociales du jeune enfant
2.3.3
L’incidence de l’attachement sur le développement du jeune enfant
2.4
UNE DISPONIBILITE MATERNELLE A TOUTE EPREUVE POUR FAVORISER LE DEVELOPPEMENT DE
L’ENFANT
2.4.1
La mère comme modèle de régulation émotionnelle pour l’enfant
2.4.2
La parentalité comme voie d’épanouissement pour l’enfant
2.4.3
Remédiation
7
7
8
13
15
17
18
19
19
21
26
28
28
32
35
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37
38
38
3
PROBLEMATIQUE
44
4
METHODOLOGIE
45
4.1
POPULATION D’ETUDE
4.1.1
Population choisie
4.1.2
Echantillon retenu pour l’expérimentation
4.1.3
Biais du choix de l’échantillon
4.2
CONSIGNE GENERALE ET OUTILS D’EVALUATION
4.2.1
Consigne générale
4.2.2
Outils d’évaluation
5
RESULTATS
45
45
45
47
48
48
48
56
5.1
PRESENTATION DES RESULTATS
56
5.1.1
Résultats de l’évaluation de l’attachement pour adulte
56
5.1.2
Résultat de l’évaluation de la peur de la mère à l’égard de son enfant selon les étapes clés de la
maternité
59
5.1.3
Résultat de l’évaluation des compétences des enfants en Halte-jeux
61
5.1.4
Analyse des relations entre les trois évaluations
63
5.2
INTERPRETATION DES RESULTATS
70
6
DISCUSSION
6.1
6.2
6.3
7
EVALUATION DE L’EXPERIMENTATION
IMPLICATION THEORIQUE
PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIE
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77
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l’éducation
REMERCIEMENT
C’est avec une grande reconnaissance que je remercie tous ceux qui m’ont aidée à élaborer ce
travail de recherche passionnant, notamment…
Catherine Fribourg, pour sa confiance et son témoignage, ainsi que les parents et les
enfants du Grapesa,
Jean-Charles Houillon, pour son accompagnement et ses réflexions,
Yaël, pour son enthousiasme et son énergie,
Ambre et Omaël, pour leur joie et leur indulgence,
Ma mère, pour sa disponibilité auprès des enfants,
Mon père, pour son assistance informatique sans faille,
Et toux ceux qui ont été présents durant cette aventure !
Je dédis ce travail à toutes les mères et tous les pères
qui souhaitent voir grandir leur(s) enfant(s) dans l’Amour
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l’éducation
1
INTRODUCTION
Dans le cadre du stage effectué dans un Club de prévention, le Grapesa1, il m’a été donnée
l’occasion de rencontrer pendant un an des mères de jeunes enfants (entre 2 et 3 ans) inscrits à
la halte-jeux de l’association. Les actions de cette dernière sont de natures très diverses :
écoute, soutien à la scolarité, accompagnement socio-éducatif, soutien à la parentalité, etc.
C’est dans ce dernier volet que le stage et le travail de recherche s’est inscrit, avec pour
finalité la prévention des difficultés d’adaptation liées aux exigences scolaires en soutenant
les apprentissages premiers. La halte-jeux a deux objectifs principaux : d’une part, contribuer
au développement harmonieux de l’enfant sur les plans moteurs, intellectuels et affectifs, par
l’éveil de leur potentiel, et d’autre part, répondre à une demande d’aide éducative de la part
des parents pour une meilleure compréhension des besoins et des possibilités de l’enfant.
Chaque mois, toutes les mères et un père participent à un groupe de réflexion animé par une
psychologue. C’est l’occasion pour les parents de témoigner, réfléchir ou prendre de la
distance face à des difficultés rencontrées au quotidien avec leur enfant. Lors de ces échanges,
nous avons observé que la peur sous-tend beaucoup de questionnements. C’est comme si leurs
préoccupations principales les ramenaient toujours à une peur qui va ensuite dicter leur
attitude à l’égard de l’enfant : par exemple, céder à une demande de l’enfant de peur qu’il ne
s’étouffe en faisant une crise de colère, rester devant la halte-jeux après y avoir déposé son
enfant de peur qu’il soit triste, ne pas inscrire son enfant en école maternelle de peur qu’il y
soit mal aimé, etc. Les témoignages révèlent que les mères qui ont le plus peur pour leur
enfant semblent être celles qui supportent le moins l’expression des émotions de leur enfant,
notamment les pleurs et les cris. De plus, les enfants rencontrant le plus de difficultés socioaffectives dans les activités de la halte-jeux semblent souvent correspondre aux enfants de ces
mères qui ont le plus peur pour eux. Aussi, il semble intéressant d’approfondir l’analyse de la
peur et l’attachement mère-enfant afin de mieux comprendre le lien et l’incidence possibles
sur le développement socio-affectif de l’enfant.
Les études abondent depuis quelques décennies sur la force du lien mère-enfant cherchant,
pour certaines, à montrer l’effet de l’attitude maternelle et du tempérament de l’enfant sur la
nature de ce lien et sur le développement des compétences sociales du jeune enfant. Ces
dernières s’avèrent déterminantes pour l’acquisition des apprentissages et la réussite scolaire
d’une manière générale. Les rapports de l’OMS (2004)2 et de l’Inserm (2005)3 appuient tous
1
Groupe de Recherche et d’Action pour la Prévention pour l’Education Spécialisée et l’Accueil à Fréjus
World Health Organization, Department of Child and Adolescent Health and development (2004). The
importance of caregiver-child interactions for the survival and healty development of young children.
2
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l’éducation
deux l’importance de la relation parent-enfant pour la santé et le développement
neurophysiologique, physique et psychologique de l’enfant. Le cadre théorique synthétise les
recherches sur le lien mère-enfant en s’appuyant sur la théorie de l’attachement, l’analyse de
l’état mental de la mère et le développement des compétences du jeune enfant.
L’objectif de l’expérimentation consiste, dans un premier temps, à étudier la relation entre la
peur entretenue par la mère à l’égard de son enfant et la nature de son attachement. Il est
supposé que plus la mère est inquiète (attitude insecure) pour son enfant, plus son
attachement sera de nature détachée ou préoccupée. Inversement, plus la mère est confiante
(attitude secure, c’est-à-dire sans inquiétudes), plus son attachement sera de nature autonome.
Dans un second temps, les résultats seront confrontés à une évaluation de l’enfant en
collectivité (halte-jeux) afin d’analyser le lien entre la nature de l’attachement mère-enfant, la
peur de la mère à l’égard de son enfant et le développement des compétences cognitives,
sociales et émotionnelles de l’enfant et ce, à la veille de son entrée à l’école maternelle.
Les résultats et la discussion nous conduiront à mieux comprendre l’expérience maternelle et
à proposer des axes de réflexion sur l’accompagnement des femmes dans les premiers temps
de la maternité et ce, dans une perspective préventive. Cette période s’avère particulièrement
importante pour l’enfant qui se prépare à entrer à l’école et acquérir les apprentissages
premiers.
3
INSERM (2005). Attachement et pratiques éducatives parentales. Expertise collective « Troubles des conduites
chez l’enfant et l’adolescent ».
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2
CADRE THEORIQUE
2.1 Le lien mère-enfant et la théorie de l’attachement
2.1.1 Origine de la théorie de l’attachement
Les échanges mère-enfant impliquent, dès la naissance, l’élaboration de liens affectifs
déterminants. Il semble que le nourrisson se développe à condition qu’une réponse tant
matérielle qu’affective lui soit apportée, comme en témoignent certaines expérimentations.
Citons notamment les travaux de SPITZ4 qui révèlent dans les années 50, que les enfants
allaités par leur mère pendant les trois premiers mois, puis placés en institution avec peu de
disponibilité de l’adulte, présentent des retards d’acquisition motrice (ils restent inexpressifs
de longues heures allongés dans leur lit sans initiative). Si la carence est prolongée, le
quotient de développement diminue (balancement de la tête, stéréotypie des mains, etc.). Si
cela ne dure que quelques semaines, il y a possibilité d’une amélioration dans le
développement de l’enfant, sinon le rattrapage de développement est difficile, surtout à un
moment du développement des repères perceptivo-moteur, des schémas relationnels et des
premiers échanges vocaux et verbaux (AIMARD, 19965). Ainsi, pour un grand nombre
d’auteurs, la carence affective est à l’origine de troubles de développement de l’enfant et
l’affection semble être un facteur de développement tout aussi important que les soins
matériels dispensés à l’enfant.
Ces quelques observations faites sur l’être humain corroborent les travaux effectués en
éthologie, sous l’impulsion de LORENZ en 1935 et 1941 qui présente la théorie de
l’imprinting en étudiant le poussin en milieu naturel (H. MONTAGNER, 20046). Il distingue
deux composantes :
1.
un comportement inné de poursuite du premier objet en mouvement que l’oisillon rencontre à l’éclosion de
l’œuf, le plus souvent la mère ; mais cela peut être l’éleveur, un autre oiseau ou un chat (COSNIER, 19947).
Il semble qu’il existe une période sensible ou critique de 36 heures pour cette fixation au premier objet
mobile qui s’avère irréversible et se trouverait à la base de l’attachement
2. l’apprentissage d’une discrimination sélective de l’objet permanent de proximité. Face à un danger,
l’oisillon se précipite vers le groupe et sa mère qui fournit la base de sécurité (COSNIER, 1994).
De son côté, HARLOW et al. étudient de 1958 à 1971 les conséquences de l’isolement social
4
Spitz R.A. (1968). De la naissance à la parole. P.U.F., Paris.
Aimard P. (1996). Les débuts du langage chez l’enfant. Dunod, Paris.
6
Montagner H. (2004). Nouvelle lecture du processus d’attachement et du fonctionnement de l’enfant. Texte
communiqué par l’INSERM, Bordeaux.
7
Cosnier J. (1994). La psychologie des émotions et des sentiments. Retz, Paris.
5
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chez le singe rhésus. Dans leurs observations, ils se rendent compte que la recherche du
contact corporel et la recherche de la sécurité ordinairement fournie en se blottissant au
contact du corps maternel, ne se confondent pas avec la recherche alimentaire, ni même avec
la recherche des mamelles. Dans l’expérience, le jeune singe préfère se réfugier dans les bras
d’une « mère en peluche » plutôt que d’une « mère en fil de fer », ZAZZO (1979)8 précisant
que « chez le bébé singe, la recherche de nourriture est volontiers sacrifiée à la recherche du
contact avec la mère ». Lorsque l’isolement social dure plusieurs mois, le jeune macaque
développe des déficits, troubles et anomalies du comportement. Ils sont plus ou moins
marqués et durables selon la durée de l’isolement, ou selon qu’il s’agisse d’un isolement
partiel ou total. Prostré dans sa cage, il présente en particulier des comportements de type
autistique (repli social). HARLOW et al. concluent de leurs observations l’importance des
contacts corporels dans le développement des comportements sociaux.
Les travaux orientés sur la relation mère-enfant se sont donc initialement portés sur l’absence
d’attachement (séparation précoce entre la mère et l’enfant) auxquels ont succédé les travaux
sur les relations précoces entre la mère et son enfant. Cela a conduit à des théorisations
différentes mais dans lesquelles on retrouve deux points communs : les ruptures majeures de
la relation parent-enfant sont des facteurs de risque de troubles ultérieurs et la relation parentenfant est d’une importance critique immédiate pour l’enfant (GUEDENEY, 2006)9.
2.1.2 Présentation de la théorie de l’attachement
BOWLBY, inspiré des travaux de SPITZ et des éthologues LORENZ et HARLOW, étudie
dès 1944 les ruptures relationnelles chez de jeunes voleurs qui se montraient, intelligents, sans
autre psychopathologie, et avaient connu, pour la plupart, des séparations répétées et une
exposition à la violence intra-familiale. Cela l’amena à travailler sur la carence des soins
maternels et les réactions à la séparation qui servira plus tard de socle à sa théorie de
l’attachement (1958-1980). L’Organisation Mondiale de la Santé le nomme responsable d’une
étude sur les besoins des enfants orphelins qui donnera lieu à un rapport de l’OMS en 1949,
Maternal Care and Mental Health. BOWLBY postule que l’attachement est un besoin
primaire, aussi important pour l’enfant que de dormir, boire et manger et que le bébé humain
a, comme l’animal, des compétences innées d’attachement dont les fonctions sont de réduire
la distance, ou encore d’établir la proximité et de permettre le contact corporel avec la mère. Il
8
Zazzo R. (1979). L’attachement. Delachaux Niestlé, Paris.
Guedeney N. (2006). Séparation ? Attachement ? Quelques éclairages par la théorie de l’attachement.
Présentation à l’Institut Mutualiste Montsouris, Paris.
9
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l’éducation
précise que parmi toutes les variables pouvant déclencher de la détresse, la perte de la mère
est pour l’enfant celle qui a le plus de poids. Pour BOWLBY (CUPA, 2000)10, les
comportements d’attachement représentent une double fonction de protection d’une part et
d’ouverture d’autre part, se basant sur quatre systèmes de comportement : 1. exploration de
l’environnement immédiat par le nourrisson 2. affiliation ou apprentissage de la vie avec
d’autres êtres humains 3. prudence et peur du nourrisson qui se familiarise avec le danger et
la sécurité 4 attachement dans la recherche de proximité avec la figure d’attachement et
l’émergence d’un sentiment de sécurité. Toute séparation, induirait chez l’enfant les trois
phases de comportement suivants (BOWLBY, 1978) :
Comportements
Signification
Protestation : l'enfant pleure, se jette par terre et est à
L'enfant cherche à retrouver sa figure maternelle
l'écoute des indices annonciateurs de la mère
Désespoir : l'enfant pleure de manière monotone et
L'enfant réagit comme s'il vivait un deuil
intermittente, il se retire et est passif
Détachement : l'enfant ne réagit plus à l'environnement, il se
Perte du sens du maternage et du contact humain
centre sur lui et démontre une stabilité superficielle
Ces comportements seront évalués par deux élèves de BOWLBY, M. AINSWORTH en 1978
avec la Strange situation et M. MAIN en 1985 avec l’Adult Attachment Interview.
M. AINSWORTH s’intéresse au niveau minimal d’interaction nécessaire à la formation de
l’attachement (AINSWORTH, 1983)11. Son travail se fonde notamment sur le concept de base
de sécurité (secure12 base) à partir d’une analyse sur les effets de la séparation et du sevrage
en Ouganda. AINSWORTH et al. proposent ainsi, en 1978, l’évaluation de l’attachement chez
le bébé d’un an avec la situation étrange. La procédure consiste à classifier les patterns de
conduite observés dans une interaction expérimentale, alternant huit situations de réunion et
de séparation entre les mères et leur enfant de 12 mois. Dans un premier temps, l’enfant et la
mère sont en interaction, puis la mère laisse l’enfant seul dans la pièce avant de revenir, puis
une personne étrangère rentre dans la pièce avant que la mère ne sorte de nouveau de la pièce,
puis la mère revient. Chaque situation, présentée dans cet ordre chronologique, est censée
procurer un niveau de stress croissant à l’enfant. De cette étude est naît huit patterns de
comportement reflétant l’attitude de l’enfant au cours de la réunification. Les trois principaux
patterns, corrélées de façon significative à la sensibilité de la mère, sont présentés ainsi par M.
10
Cupa D. (2000). L’attachement. Perspectives actuelles. E.D.K., Paris.
Ainsworth M. D. S. (1983). L’attachement mère-enfant. « Enfance »
12
Dans le dictionnaire d’anglais Collins : Secure est synonyme de unworried : tranquille, sans inquiétude ; a
child must be emotionally secure : un enfant a besoin de sécurité sur le plan affectif, un enfant a besoin d’être
sécurisé.
11
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l’éducation
AINSWORTH :
1.
Patterns B – attachement « secure » : les mères traitent leur enfant avec sensibilité et de façon adaptée à ses
besoins. Les enfants se servent de leurs mères comme une base de sécurité à partir desquelles ils font de
l’exploration pendant les épisodes pré-séparation. Leur comportement d’attachement est intensifié fortement
pendant les épisodes de séparation (diminution de l’exploration et risque d’apparition de la détresse).
Pendant les épisodes de réunion, les enfants sollicitent le contact, la proximité ou une interaction quelconque
avec leur mère.
2.
Patterns C – attachement « insecure ambivalent » : les enfants ont tendance à manifester des signes
d’anxiété même pendant les épisodes de pré-séparation. La séparation provoque une intense détresse et la
réunion, une ambivalence (ils recherchent tout à la fois le contact et la résistance au contact, comme s’ils
résistaient au besoin d’être réconfortés).
3.
Patterns A – attachement « insecure évitant »: les enfants du groupe A sont en net contraste avec les autres.
Ils pleurent rarement pendant les épisodes de séparation et évitent la mère pendant les épisodes de réunion,
avec des comportements mêlés de contact et d’éloignement ou bien d’ignorance totale.
Cependant, l’INSERM (2005) précise que les stratégies insecure représentent des stratégies
adaptatives et ne sont pas synonymes de pathologies13.
A la suite de ces travaux, M. MAIN (GOLSE et al., 2005)14 met l’accent en 1985 sur
l’évaluation de l’attachement adulte grâce à l’utilisation d’un questionnaire, l’Adult
Attachment Interview (AAI). De manière semi-directive, cet entretien repose sur l’expérience
d’enfance de l’adulte, ainsi que les événements qui constituent son histoire (séparations,
maladies, blessures) de manière à comprendre comment l’individu les a intégré en fonction du
discours qu’il élabore en tant qu’adulte. L’observateur en déduit un degré de cohérence de ce
discours qui révèle la capacité réflexive du parent. MAIN considère que les sentiments
d’insécurité de l’enfant sont directement issus de ceux de ses parents. L’AAI permet
d’identifier l’état d’esprit et donne lieu à trois types de discours (CUPA, 2000) :
1.
« autonome » : le parent accède à ses souvenirs avec assez d’aisance et accorde une importance significative
à ses expériences. Le parent est capable d’explorer ses souvenirs sans blocages ni ruptures.
2.
« détaché » : le parent semble émotionnellement désengagé, minimisant l’impact de ses expériences de
13
Un trouble de l’attachement de la première ou de la deuxième enfance est référencé dans le DSM-IV-TR et
présenté en Annexe I.
14
Golse B., Missonier S (2005). Récit, attachement et psychanalyse. Erès, Ramonville.
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l’enfance et l’accès aux souvenirs est restreint, parfois embelli (les exemples ne collent pas avec la réalité).
3.
« préoccupé » : la restitution se fait de manière incohérente, avec une difficulté à retenir ses émotions, avec
parfois une rancune encore vive à l’égard de ses propres parents et une possibilité de perte temporaire de
contrôle dans le raisonnement (le traumatisme « non résolu » n’ayant pas donné lieu à une élaboration
mentale suffisante).
Ainsi, MAIN (CUPA, 2000) montre la mise en jeu de la sensibilité ou « responsivité » de la
mère aux signaux de l’enfant. Cette « responsivité » s’apparente à la capacité de la mère à
interpréter les demandes de l’enfant et d’y répondre de manière adéquate. MAIN met en
valeur un lien entre l’état d’esprit de la mère (plus généralement, la figure parentale) et le
comportement d’attachement de l’enfant (CUPA, 2000 ; INSERM 2005) :
1.
enfant « secure » et figure parentale « autonome » : échanges mère-enfant sur une vaste gamme d’affects
2.
enfant « insecure évitant » et figure parentale « détachée » : tendance à négliger ou repousser les demandes
de l’enfant ou encore à répondre de manière inadéquate ou imprévisible, surtout quand l’enfant exprime un
affect négatif
3.
enfant « insecure ambivalent » et figure parentale « préoccupée » : même type d’interaction parent-enfant
que la situation 2.
Une étude de FONAGY (1991 ; MONTAGNER, 2003) montre que 75 % des mères dont les
représentations d’attachement sont caractérisées par l’autonomie ont des enfants aux patterns
d’attachement secure.
Malgré la pertinence de ce système de codage des comportements, plusieurs auteurs ont
relevé qu’un certain nombre de cas (10 à 20 % selon GOLSE, 2005) ne rentraient pas dans la
catégorisation ABC (PIERREHUMBERT, 1996)15. C’est ainsi que MAIN propose en 1985
une nouvelle catégorie : insécure « D » (désorganisé ou désorienté). Dans la situation étrange,
l’enfant s’approche du parent et reste figé, sourit avec un regard apeuré, comme s’il avait une
peur ou une gêne par rapport au regard du parent lui-même. Il semble que le comportement (la
stratégie) soit désorganisé par la présence du parent et non par la situation elle-même. MAIN
et HESSE en 1990 et 1992 (GOLSE et al. 2005) expliquent cette observation par l’absorption
inhabituelle du parent dans des souvenirs anciens. Cela a donné lieu à la création d’une
quatrième catégorie « anxieux désorganisé ou désorienté ». Sa particularité est que l’enfant
semble secure avec l’un des parents. Les facteurs de risque de la désorganisation ont été
analysés par DANTE et al en 1995 (GOLSE et al., 2005) mettant en avant la mise en échec de
toute stratégie de la part de l’enfant et une relation fréquente (80 % des cas) à la
problématique d’abus, de maltraitance ou de négligence de la part de la figure d’attachement
15
Pierrehumbert B et al. (1996). Les modèles de relations. Développement d’un auto-questionnaire
d’attachement pour adultes. Psychiatrie de l’Enfant.
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sensée apporter sécurité et protection. Cela génère une peur chez l’enfant qui rentre en conflit
avec sa pulsion d’attachement. Cette peur se révèle dans le cas de conflits parentaux
importants, d’épisodes dépressifs majeurs, de troubles bipolaires ou d’alcoolisme.
Le courant cognitiviste s’intéresse au processus de traitement de l’information dans la
régulation des conduites d’attachement de l’individu, notamment l’organisation des
conditions de vie habituelles par rapport aux particularités transmises de manière
intergénérationnelle (CUPA, 2000). Il est difficile de certifier que les parents transmettent
leurs schèmes d’attachement à leur enfant et comment ils le font. BOWLBY a proposé que les
méthodes habituelles de communication verbale et non-verbale influençaient la formation des
liens d’attachement sécurisant ou non. Cette transmission se faisait par leur manière de
répondre à leurs besoins, créant ainsi une représentation mentale du rôle de parents chez
l’enfant (REEBYE)16. La forte corrélation entre le mode d’attachement de la mère et celui de
l’enfant laisse présager la force de l’effet transgénérationnel, ce que BRETHERTON a appelé
en 1990 : la transmission intergénérationnelle des stratégies et des modèles d’attachement
(PIERREHUMBERT, 1996). Des éléments viennent cependant relativiser ce phénomène
puisqu’il semble que les parents disposent d’un modèle d’attachement spécifique pour chacun
des enfants (ZEANAH, 1989, PIEERHUMBERT, 1996). BRETHERTON et son équipe ont
ainsi proposé un outil permettant d’évaluer les modèles internes de l’adulte envers un enfant
en particulier, le Parent Attachment Review, s’intéressant à l’aspect parental de l’attachement.
De plus, dans les années 80, AINSWORTH, STERNBERG et PIERREHUMBERT (1996)
ont mené des études sur les relations entre attachement et amour. Il semble que les parents
secure pensent que l’amour (romantique) existe et qu’il est durable, les parents évitants
pensent que l’amour n’existe que dans les romans ou en tout cas qu’il ne peut durer
(personnes qui vivent en général des relations peu durables) et les parents ambivalents
pensent que les autres refusent de s’engager dans des relations durables.
L’attachement a été exploré par le courant psychanalytique, tant sur le plan théorique que
clinique, en portant un intérêt particulier sur la qualité émotionnelle des réponses de figures
d’attachement, notamment la sensibilité et les qualités réflexives des parents. A l’origine,
pour FREUD (JOLY, 2002)17, le tout petit est poussé par la pulsion de conservation qui
16
Reebye et al (non daté). Analyse documentaire de la théorie de l’attachement parents-enfants et des pratiques
interculturelles qui influencent la relation d’attachement. Rapport de recherche, Vancouver.
17
Joly F. (2002). Le jeu de la bobine. Article de Revue Spirale, Cairn.info.
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l’incite à investir l’objet de son besoin de manger, sa mère. Cette relation l’amène à faire
l’expérience de la frustration que FREUD, dans Au-delà du principe de plaisir (1920),
présente en analysant une activité de son neveu qui est muni d'une bobine attachée par une
ficelle. L'enfant joue à faire tomber la bobine puis à la ramener vers lui. En même temps, il
prononce Vor-Da (« Là-bas – là », dans l’idée de « loin – près » ou « pas là – là »). Le jeu
s'apparente à la reviviscence de l'alternance de présence et absence de la mère. Selon Freud, la
répétition d'une activité génératrice de déplaisir oblige Freud à modifier sa théorie de la
pulsion évoquant alors la notion de compulsion de répétition.
L’organisation du « Colloque imaginaire » par R. ZAZZO (1990) avec D. ANZIEU, J.
BOWLBY, R. CHAUVIN, K. LORENZ, P. MALRIEU, R. SPITZ, D. WIDLÖCHER a été
l’occasion pour D. ANZIEU de déclarer « j’ai trouvé que ZAZZO me faisait connaître
quelque chose d’essentiel…c’est lui le grand-père du Moi-peau ». Il propose que la pulsion
d’attachement et le moi-peau sont indissociables pour la construction du Moi et sa théorie de
la pulsion d’attachement se base sur quatre observations de BOWLBY : 1. la recherche du
contact physique de la mère par le petit est un facteur essentiel de développement affectif,
cognitif et social indépendamment du don de nourriture 2. la moitié des patients présentent
des états limites et souffrent, en particulier, d’un manque de limite entre le Moi corporel, le
Moi réalité et le Moi idéal (indifférence des zones érogènes, confusion des expériences
agréables et désagréables qui reflètent une faille narcissique et une insuffisance de la
structuration du Moi) 3. la tendance des participants du groupe à remplir le vide en s’installant
de manière homogène dans la salle 4. l’importance des échanges sensori-moteurs liés aux
premiers liens entre la mère et l’enfant. Ainsi D. ANZIEU a su allier la pulsion de
conservation de FREUD à la théorie d’attachement de BOWLBY.
2.1.3 Le père et l’attachement
Si les premiers travaux concernaient exclusivement la relation mère-enfant, les chercheurs ont
peu à peu élargi le champ d’exploration en étudiant la relation entre l’enfant et toute personne
incarnant cette fonction de protection ou de sécurité (père, grands-parents, nourrice, etc.),
appelée figure d’attachement ou protecteur.
L’approche classique consistait à se demander si le père était une figure d’attachement aussi
efficace que celle de la mère. La thèse de ZAOUCHE-GAUDRON () est que le père peut
jouer cette fonction à partir du moment où il a une implication parentale. Seulement, il semble
qu’il ne réponde pas au besoin d’attachement lorsque l’enfant est dans une situation de stress
(fatigue, maladie, présence d’une personne étrangère). Pour certains (MAIN et GROSSMAN)
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le style d’attachement est distinct entre le père et la mère, pour d’autres (LEBOVICI et
CYRULNIK) il est semblable.
La perspective nouvelle repose sur la bipolarité parentale où le père et la mère joue un rôle
complémentaire. Le père répondrait aux besoins de l’enfant dans sa quête de stimulation et la
mère dans sa quête de sécurité. Dans une expérimentation avec les pères, LE CAMUS
(CUPA, 2000) montre que l’enfant est plus sensible aux invitations du père et ose plus
s’aventurer. Selon lui, « les pères sont de meilleures rampes de lancement que la mère ». Pour
DABOVAL (2001)18, le père a un rôle socialisant qui semble représenter un pont linguistique
et psycho-linguistique : le père utilise plus fréquemment le prénom de l’enfant et des termes
techniques, il stimule plus souvent le langage chez l’enfant en lui demandant de reformuler
pour le comprendre. Leurs jeux favorisent l’anticipation du développement psychomoteur.
L’interaction père-enfant semble favoriser la capacité de l’enfant à s’intégrer dans un groupe
de pairs et à accepter les règles, représentant ainsi un tremplin social.
Selon la théorie de MILJKOVITCH et PIERREHUMBERT (1998)19, les pères
transmettraient les modèles sémantiques (réponse conforme aux attentes sociétales) par les
modèles internes opérants. La différence entre père et mère ne serait donc pas sur
l’attachement en tant que tel mais sur la nature de la transmission. Une étude sur la
complétude des histoires par l’enfant et la cohérence du discours de l’adulte révèle qu’une
histoire cohérente chez le père peut impliquer un état anxieux chez l’enfant (contrairement à
la mère : si son discours est cohérent, l’enfant est peu « anxieux »). A l’inverse, un père
incohérent tend à avoir un enfant à l’aise ayant une image positive de la fonction parentale. Il
semble que l’enfant détaché présente une image idéalisée du père qui se révèle dans son
discours déclaratif et sémantique (« j’ai eu les meilleurs parents du monde » et « mon père me
battait »). Il semble donc que le processus intergénérationnel soit différencié entre le père et
la mère : le père activant la transmission du contenu manifeste des représentations sur la base
d’information sémantique élaborée, tandis que la mère activerait la transmission du contenu
latent basé sur les informations bibliographiques, c’est-à-dire l’expérience subjective (CUPA,
2000).
En conclusion, on peut citer une phrase de GROSSMAN : « le père « stimulant » dans une
situation de jeu et la mère « réconfortante » dans une situation de stress permettent à l’enfant
18
Daboval (2007). Comment le père influence le développement de l’enfant ?. Présentation d’une conférence,
Université de Sherbrooke, Canada.
19
Pierrehumbert B. (1998). Gestion de la distance interpersonnelle, attachement et socialisation précoce.
Champ Psychosomatique.
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de trouver sa place sur le continuum attachement-exploration ».
2.1.4 Le développement de l’attachement
Selon AINSWORTH (1978), l’attachement n’apparaît pas à la naissance, mais se construit
dans les premières années de vie selon 4 étapes (CUPA, 2000) :
1.
1ers mois – pas d’attachement : même si reconnaissance de signaux sensoriels
2.
6-12 mois - attachement indifférencié ou « en train de se faire » (MALHER, 1980) : attirance pour la figure
humaine et la mère est irremplaçable
3.
12 mois - attachement spécifique : recherche active de la mère, perturbé par son absence, naissance de la
notion de « base de sécurité »
4.
2-3 ans – intériorisation de l’image de la mère : supporte d’avantage l’absence de la mère et plus grande
autonomie
Dans le développement de l’enfant, l’attachement se met en place selon trois fonctions
primaires dès 9-12 mois (GUEDENEY, 2006) :
1.
maintien de la proximité : rester à côté et résister aux séparations de la Figure d’Attachement (FA)
2.
base de sécurité : utiliser la FA comme une base pour explorer
3.
havre de sécurité : se tourner vers la FA pour chercher confort et soutien
Selon GUEDENEY, les forces de l’attachement dans le développement de l’enfant consistent
en une augmentation des chances de survie (instinct de protection), la régulation
psychophysiologique et celle des émotions négatives, ainsi qu’une base pour le
développement de l’intersubjectivité, des compétences personnelles et de gestion des crises et
conflits. La vulnérabilité de l’attachement repose sur le fait qu’il représente un besoin
prioritaire jusqu’à 5 ans et nécessite pour se faire la présence d’un adulte, la figure
d’attachement, ainsi que son accessibilité (disponibilité de la figure d’attachement). Cette
vulnérabilité représente autant de risques dans le développement harmonieux de l’enfant. Les
toutes premières expériences socio-émotionnelles semblent façonner le tempérament de
l’enfant qui s’imprègne de la personnalité de ceux qui l’entourent, ce qui persiste tout au long
de la vie. L’étude longitudinale de PIERREHUMBERT (1998) où les enfants sont évalués
deux fois, à 21 mois et à 5 ans, montre que les enfants évalués comme insécure à 21 mois
tendent à présenter des problèmes de comportement à 5 ans. Les enfants qui démontraient une
forte détresse de séparation tendent à présenter davantage de troubles psychosomatiques
(douleurs, nausées, allergies, maux de ventre) et les enfants qui s’accrochaient à leur mère
tendent à présenter des problèmes « internalisants » (anxiété, dépression). Déjà Bowlby (De
Cupa, 2000) déclarait que la cristallisation des expériences relationnelles de la prime enfance
en « modèles internes » (construction jusqu’à la 4ème étape de M. Ainsworth) perdurait
jusqu’à l’âge adulte. Cette compréhension initiale des comportements et motivations des
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autres guidera les propres attitudes de l’enfant devenu adulte dans les échanges
interpersonnels. FONAGY (2000)20 précise : « que l’attachement soit stable ou pas, de la
première année à l’adolescence, en passant par l’enfance, importe peu puisque la
prédictibilité vient des MII (mécanisme interprétatif interpersonnel) et non pas de la sécurité
de l’attachement en soi ». Cela pourrait expliquer la capacité de résilience de certains enfants
quelque soit le mode d’attachement aux parents. Selon une étude longitudinale menée par
TREBOUX (1995), auprès d’enfants de 1 à 20 ans, les modèles d’attachement perdurent tout
au long de l’enfance et de l’adolescence avec très peu de changements. Le narratif reste pour
lui la voie royale pour accéder au monde intérieur de l’enfant et évaluer son évolution dans le
temps (CUPA, 2000). Selon d’autres études, l’attachement dit « secure » semble ne pas être
fixé la vie durant ; il peut devenir « insecure » si les conditions d’environnement changent
(deuils, traumatisme, etc.) et, à l’inverse, l’attachement « insecure » peut devenir « secure »
(INSERM, 2005). Cependant, il semble être une condition de survie : « un attachement quel
qu’il soit sous peine de mort » (CUPA, 2000).
Il existe de nombreux points de convergence entre le fonctionnement des bébés et celui des
adolescents (GOLSE, 2001)21. Ainsi, l’adolescent réactiverait tout ce qui a été transmis
affectivement et de manière pré-verbale dans le corps à corps des premières années de la vie
où la mère transmet son état mental. Cela déterminerait la manière de socialiser de
l’adolescent et expliquerait les difficultés que l’enfant pourrait rencontrer (CYRULNIK,
2006)22. Une étude menée auprès d’adolescents ayant recours à la consultation psychologique
et ceux qui n’en ont pas recours (RAMU, 2004), montre que le style d’attachement secure est
plus fréquent chez ces derniers et qu’ils ont un meilleur niveau d’estime de soi. Cela a permis
à certains de conclure que la qualité de l’attachement, ainsi qu’une bonne estime de soi
sociale, représente des déterminants importants au niveau de la santé psychique des étudiants.
GUEDENEY (2006) précise les conditions d’extinction du système d’attachement en fonction
de l’âge :
1.
obtention de la proximité de la Figure d’Attachement (FA)
2.
assurance de la disponibilité de la FA
3.
accessibilité à la FA qui passe par deux stades :
20
Fonagy P. (2001). Développement de la psychopathologie de l’enfance à l’âge adulte : le mystérieux
déploiement des troubles dans le temps. La psychiatrie de l’enfant, PUF.
21
Golse B. (2001). Attachement et psychanalyse. Impact sur la rencontre avec les bébés et les adolescents. Texte
présenté à la journée d’étude du GERCPEA, Luxembourg.
22
Cyrulnik (2006). Le murmure des fantômes. Texte du colloque « comment accompagner vers l’âge adulte les
enfants et les adolescents dans le contexte des mutations sociales d’aujourd’hui, Marseille.
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a. pour l’enfant ayant plus de trois ans : volonté du parent d’agir comme un consolateur et un protecteur
quand l’enfant a peur
b. pour l’enfant plus grand : croyance que la communication sera ouverte avec la Figure d’Attachement, que
l’accessibilité physique existe et que la FA répondra si on l’appelle pour de l’aide.
Le développement de l’attachement semble donc révéler qu’à tout âge (variation du degré
d’autonomie physique, émotionnelle et cognitive), l’enfant a un besoin décroissant de
compter sur une personne adulte, représentant la protection et la sécurité face aux menaces et
peurs éventuelles de l’environnement, tant intérieures qu’extérieures. L’attachement
disparaîtrait naturellement lorsque la personne accède à sa complète autonomie.
2.1.5 L’activité neuropsychologique de l’attachement
Dès la grossesse, il semble que l’activité neuro-hormonale spécifique de la mère ait une
influence directe ou indirecte sur la vie du fœtus (MONTAGNER, 2005)23. Même si nous
disposons de très peu de preuves scientifiques actuellement, MONTAGNER considère qu’il
semble difficile de dissocier l’état affectif durable ou envahissant de la mère, de son activité
hormonale qui est elle-même en lien direct avec la vie fœtale. Il envisage la possibilité d’une
transmission mère-enfant des six émotions reconnues comme universelles (joie, peur, colère,
tristesse, surprise et dégoût), supposant que l’enfant, dès la gestation, perçoit l’état psychique
de la mère.
Au regard de l’éthologie et du phénomène de bonding (attachement maternel chez l’animal
qui consiste à se montrer particulièrement attentif à son petit et agressif vis-à-vis des autres),
W. TREVATHAN souligne (1987 ; PIERREHUMBERT, 2004)24 les avantages du contact
immédiat post-partum pour la régulation physiologique du bébé (respiration, chaleur,
hydratation, apaisement) et pour la mère (relâchement d’ocytocine dans le système sanguin
maternel, stimulant les contractions de l’utérus, l’expulsion du placenta et inhibant
l’hémorragie post-partum). Il est montré le rôle essentiel de l’ocytocine (du grec « la
naissance rapide ») : les études indiquent que la descente du fœtus déclenche le relâchement
d’ocytocine dans le système nerveux de la mère et le bonding (KENNELL et al.) ne pourrait
se faire que si cette hormone est présente. On trouve cette même hormone dans le lait
maternel et durant toute la période de soins du bébé par la mère. L’ocytocine est connue pour
son effet apaisant (apaisement de l’anxiété et diminution de la douleur), elle stimule les
centres de la récompense et du plaisir, réduit les distances et augmente la sensibilité entre
23
Montagner H. (2005). Un nouveau modèle de communication chez l’enfant. Texte communiqué par
l’INSERM, Bordeaux.
24
Pierrehumbert B. (2004). L’amour maternel ... Un amour impératif. Spirale.
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individus (dans l’expression des émotions et la communication non-verbale) et elle aurait par
ailleurs un effet sur les comportements sociaux avec ses pairs ou ses partenaires sexuels. La
sécrétion de cette hormone s’avère notamment abondante dans les pulsions sexuelles
(orgasme féminin), l’accouchement et l’allaitement (ROUSSEAU, 2008)25.
Une autre étude, menée en Israël par R. FELDMAN (2007)26, a permis de montrer que les
niveaux d’ocytocine du premier mois de grossesse prédisaient les comportements
d’attachement. Les mères ayant les niveaux les plus élevés de l’hormone tout au long de la
grossesse et durant le mois suivant l’accouchement rapportaient plus de comportement
confirmant une relation exclusive et étaient davantage préoccupées par des pensées
concernant la sécurité de l’enfant et son avenir. Selon les chercheurs, l’ocytocine semble
préparer les mères à s’engager dans des comportements d’attachement, les résultats montrant
que l’hormone est reliée aux aspects mentaux aussi bien que comportementaux de
l’attachement. FELDMAN et al. ont montré dans des travaux précédents que les mères
souffrant de dépression post-partum avaient des niveaux d’ocytocine qui tendaient à être plus
faibles.
Ces différentes recherches mettent en valeur l’influence réciproque entre l’activité hormonale
et l’humeur de la mère ainsi que son incidence sur son comportement à l’égard de son enfant
et la nature de leur attachement.
2.1.6 L’interculturel et l’attachement
La relation d’attachement semble représenter une dimension universelle au-delà des pratiques
parentales qui se distinguent en fonction des cultures. MAIN (1963 et 1967) a montré, dans sa
première étude en Ouganda, que la relation d’attachement était présente dans les deux
groupes, malgré les différences sur le plan des comportements (les bébés ougandais tapaient
dans les mains au retour de la mère). Une étude interculturelle (REEBYE) confirme les
différences culturelles et les similitudes dans le phénomène d’attachement en tant que tel. Le
nourrisson semble réagir au comportement de sa mère d’une façon innée mais conforme aux
attentes de la communauté. Par exemple, dans les sociétés traditionnelles, l’allaitement
représente un événement de vie important (92,4 % en Amérique du Sud, 94,5 % en Asie et
Océanie et 98,4 % en Afrique, 99 % en Norvège et 56 % en France) destiné à créer un lien
affectif fort entre la mère et l’enfant. Au Mali, il existe un proverbe qui dit : "Si tu ne donnes
25
Rousseau P. et Lahay W. (2008). Attachement-détachement, la dynamique des liens familiaux. Présentation de
la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation – UMH.
26
Feldman (2007). Sans titre. Article de Psychological Science.
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pas le sein, l’enfant ne te reconnaîtra pas". De même, au Sri Lanka, on pense que le bébé qui
boit au biberon n’aimera pas sa maman. En Inde, c’est pendant la tétée que les femmes
transmettent leurs traits de caractère à leur petit.
La distribution des formes de liens d’attachement selon les pays est étonnamment similaire :
une étude transculturelle (INSERM, 2005) a montré qu’environ 65 % des enfants en
population générale étaient attachés de façon secure, 21 % étaient de type insecure évitant et
14 % de type insecure ambivalent. Cela a permis de montrer que ces trois types d’attachement
pouvaient être reliés de façon valide aux types d’interaction mère-enfant : sensibilité
maternelle, évitantes, imprévisibles ou rejetantes.
2.2 La disponibilité
de la mère à l’égard de son jeune enfant
A la lumière des travaux réalisés dans le domaine de l’attachement mère-enfant, il semble
important d’accorder une place importante à la disponibilité de la mère dans la relation qu’elle
établit avec son enfant. Par ses pensées et ses gestes, mais aussi son activité neuro-hormonale,
la jeune mère révèle son état intérieur, c’est-à-dire sa disposition psychique, ce qui favorisera
ou non une relation d’attachement sécurisante pour le développement harmonieux de l’enfant.
2.2.1 La dimension psychique de la mère
La maternité est évoquée comme l’occasion d’un remaniement psychique pour la femme
(DURAND, 2003)27. Selon lui, cela correspond à une nouvelle crise maturative, comparable à
maints égards à celle de la puberté, faisant intervenir de multiples facteurs hormonaux,
neuropsychologiques, sociologiques et ethnologiques conduisant à l’émergence d’une
nouvelle identité tant intime que sociale.
Le bonding28 semble mettre en évidence l’existence d’une période post-partum de
préoccupation maternelle. Cette notion a été décrite pour la première fois par WINNICOTT
(1956)29 : « ma thèse est que dans la toute première phase, nous trouvons chez la mère un état
très spécifique, une condition psychologique qui mérite une appellation telle que
préoccupation maternelle primaire ». Selon lui, elle se développe graduellement pour
atteindre un degré de sensibilité accrue pendant la grossesse et spécialement à la fin. Les
mères ne s’en souviennent que difficilement lorsqu’elles sont remises, pouvant avoir tendance
à en refouler le souvenir. Cela correspondrait à un état d’hypersensibilité qui procure à la
mère la capacité de se mettre à la place de son enfant et de répondre à ses besoins avec
délicatesse et sensibilité. Dans cette disponibilité, la mère communique alors de manière
27
Durand B (2003). Manifestations psychopathologiques de la grossesse. Revue du praticien
Présenté page 17
29
Winnicott D.W. (1956). La préoccupation maternelle primaire. De la pédiatrie à la psychanalyse. Paris, Payot.
28
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entière et globale avec l’enfant, par les intonations de sa voix (les mots importent peu), par sa
façon de le porter (holding), de le manier (handling) et de le bercer. Elle communique aussi
par sa respiration, ses battements de cœur et son adaptation à l’évolution progressive des
besoins quotidiens de son enfant. WINNICOTT résume cet échange en deux mots : fiabilité et
amour.
STERN (1998)30 parle d’une relation d’amour intime (relation primaire) qui se passe au-delà
de la parole et s’avère souvent inattendue pour la jeune mère qui est alors invitée à faire appel
à toutes ses capacités d’aimer, de partager, de communiquer, de donner et de recevoir.
L’interaction est puissante, confrontant la mère à des aspects de sa personnalité ce qui confère
à l’expérience une notion de révélation. STERN parle d’un accordage émotionnel, affectif et
rythmique (tempo des interactions) entre la mère et son enfant.
BYLDLOWSKI (2000)
31
propose le concept de transparence psychique pour décrire les
caractéristiques du psychisme maternel pendant la grossesse, à savoir une authenticité et un
radicalisme du psychisme maternel. Elle évoque notamment l’abaissement des résistances
habituelles face au refoulé inconscient qui marquerait chez la mère un surinvestissement de
son histoire personnelle et de ses conflits infantiles. La découverte de l’enfant devient alors
une mémoire de soi-même et la maternité, une expérience intime avec soi qui se présente
selon quatre étapes :
1.
transparence psychique (femme enceinte) : préoccupation maternelle du contenant et lien entre le bébé
concret à venir et bébé imaginaire, fantasmé, narcissique et mythique (Lebovici)
2.
préoccupation maternelle du bébé (préparation de l’accouchement)
3.
préoccupation maternelle du bébé en relation avec sa propre expérience infantile (nouveau-né)
4.
représentations internes en accord avec le bébé comme interlocuteur (quelques mois après la naissance).
BYLDLOWSKI (2000) précise que par l’enfantement, et singulièrement par le premier
enfant, la femme règle sa dette à l’égard de sa propre mère. Selon STERN (1998), la manière
dont une femme crée les liens avec son enfant est une question vitale qui dépend de son
histoire et de son expérience. C’est un processus largement inconscient et qui se situe à
l’origine de l’attachement, notamment avec les pensées et les rêves de la future mère. Ce
dernier commence pendant la grossesse avec les pensées et les rêves de la mère autour de son
bébé. Le récit de la naissance, histoire jamais complètement racontée et partiellement
explorée, va devenir une partie de l’identité maternelle, la naissance d’une mère.
BYLDLOWSKI (2000) parle de la maternité comme d’une expérience transmise. STERN
illustre cela avec un exemple d’interaction mère-enfant. Si la mère est en présence de l’enfant
30
31
Stern D. N. et Bruschweiler-Stern (1998). La naissance d’une mère. Odile Jacob, Paris.
Byldlowski M. (2000). Je rêve un enfant. L’expérience intérieure de la maternité. Odile Jacob, Paris.
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et s’avère préoccupée par une pensée, elle devient prisonnière de l’univers activé sans
pouvoir être réellement présente à l’enfant. Ce dernier met en place une stratégie afin d’établir
le contact, spécialement par le regard. Au travers du regard, précise Stern, l’enfant peut sentir
et suivre la vie psychique de sa mère. Même si elle a les yeux fixés sur l’enfant mais qu’elle
est « dans ses pensées », il est en contact avec la vie intérieure de sa mère. Ce n’est que
lorsque la mère redirige son attention vers l’extérieur, c’est-à-dire vers l’enfant, que ce dernier
sent réellement sa disponibilité pour lui, ce dont il a un fort besoin dans les premiers mois de
la vie.
Une méta-analyse menée par VON IJZENDOORN (CUPA, 2000) montre que cette
corrélation entre le « modèle interne » de la mère et le « pattern » de comportement
d’attachement de l’enfant, donne lieu à la notion de transmission intergénérationnelle des
modèles d’attachement : les échanges et les soins prodigués par la mère à son enfant seraient
un espace de transmission entre le psychisme de la mère et celui de son enfant.
Certains restent cependant prudents sur cette analyse, considérant qu’il existe d’autres
facteurs expliquant la « responsivité » et la transmission intergénérationnelle tels que le
tempérament de l’enfant, les facteurs génétiques et socio-culturels (CUPA, 2000).
2.2.2 L’expérience de la vulnérabilité maternelle
Percevoir la dimension psychique de la maternité, c’est comprendre que la période de la
maternité semble être une étape, dans la vie d’une femme, qui investit totalement son corps et
son esprit. L’expérience est avant tout marquée par une modification hormonale conséquente
qui interagit très probablement dans la disponibilité physique et affective de la mère à l’égard
de son enfant et ce, dès la naissance. De plus, il semble que la femme soit confrontée à vivre
dans une grande solitude une toute nouvelle vulnérabilité qui peut l’amener à expérimenter le
doute et la peur : Pourquoi je me sens si fatiguée ? Suis-je à même de m’occuper de mon
enfant ? Comment faire en sorte qu’il se développe bien ? etc.
De la fatigue physique à la fatigue nerveuse
La fatigue physique représente le premier indice de vulnérabilité de la mère. La sagesse
populaire rappelle que le secret d’une jeune mère est de savoir se reposer après
l’accouchement. Selon BRAZELTON (1993)32, presque toutes les mères qui ont un travail
dur pendant l’accouchement (une très grande majorité des femmes primipares) ont tendance à
être quelque peu déprimées au cours des premiers jours. Selon lui, cette période s’avère utile
32
Brazelton T. B. (1993). Points forts. Les moments essentiels du développement de votre enfant. StockLaurence Pernoud.
Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 21 /93
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l’éducation
pour la mère afin de ralentir le rythme de vie et de se remettre physiquement du stress de
l’accouchement. Pour lui, cela semble être un phénomène courant, normal et constitue une
fonction adaptatrice. Au japon, certaines mères restent couchées pendant un mois après la
naissance enveloppée dans un édredon. La mère ne doit rien faire d’autres que les soins de
son enfant pendant qu’on prend soin d’elles. Aux USA, comme en France, on attend que la
mère se relève rapidement pour faire face aux exigences de son nouveau rôle ; il est rare
qu’elle ait le temps de reprendre des forces. Or, une fatigue physique qui se cumule dans le
temps conduit rapidement à une fatigue nerveuse qui se manifeste par des signes d’irritabilité,
d’insomnie et autres troubles neurovégétatifs. BYLDLOWSKI (2000) évoque la période postnatale comme un moment émotionnel incompréhensible, de larmes, de tristesse subite et
transitoire, accompagné de conditions hormonales nouvelles. Le « blues » serait
l’exacerbation de cette « préparation de l’esprit maternel à saisir les indices en provenance de
son enfant », ce qui expliquerait son universalité et sa durée. Ainsi, le phénomène
physiologique de la fatigue physique semble largement renforcé par
le remaniement
psychique qui s’impose à la mère pendant cette période « critique ».
De la peur à l’angoisse
Les événements qui marquent le début de la maternité - notamment la grossesse,
l’accouchement et les premiers soins du bébé – sont très souvent vécus par la mère dans la
peur. Pour certaines mères, c’est la peur de ne pas être enceinte, pour d’autres, la peur de
l’enfant « anormal » ou de la douleur de l’accouchement ou encore la peur de ne pas pouvoir
l’allaiter, de ne plus avoir de temps pour soi, etc. Comme si ces peurs révélaient la peur de
changer ou de devenir mère. Selon BYLDLOWSKI (2000), le fait de « médiatiser » les
relations mère-enfant et d’identifier l’enfant comme un révélateur de soi-même renforce ce
phénomène. PIERREHUMBERT (2001) insiste sur la dimension sociale de la représentation
de l’amour maternel. Il précise que, tout comme l’enfant fait l’expérience de l’angoisse de
séparation et de perte à l’égard de la mère, celle-ci semble aussi faire cette expérience à
l’égard de son enfant. Ce qui peut conduire certaines mères à éprouver un sentiment de
sécurité par la simple présence de l’enfant que l’on appelle le role-reversing (renversement de
rôle faisant partie de la nomenclature des troubles de l’attachement, ZEANAH, 1993 ;
PIERREHUMBERT, 2001).
Par peur et culpabilité de ne pas être une « bonne mère », c’est en silence que beaucoup de
mères vivent cet état de doute qui les empêche de tisser avec leur enfant un lien secure, c’està-dire un lien tranquille et sans inquiétudes (selon les termes du dictionnaire d’anglais). La
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l’éducation
peur serait la seule émotion qui soit vécue dans une situation solitaire et qui s’exprime de
manière silencieuse (COSNIER, 1994). BYLDLOWSKI précise que ce silence de la honte
peut transformer la rencontre avec le nouveau-né en une épreuve douloureuse où le partage
quotidien joyeux peut faire défaut. Selon WINNICOTT (1992), l’instinct maternel ne se
développe pas dès la naissance si la mère a peur. Une mère en témoigne (STERN, 1998) : « Je
ne sais pas si j’ai plus peur que la moyenne des mères, mais je sais que ça me pèse et que ça
affectera nécessairement mon enfant. La seule chose que mes innombrables angoisses ont en
commun, c’est de mettre en péril le sentiment d’attachement que j’éprouve pour mon bébé. »
Boris Vian (BYLDLOWSKI, 2000) décrit bien cet état de la mère s’adressant à son enfant :
« Je t’aime tant que je ne pense qu’à ce qui pourrait t’arriver de pire ». Les craintes vis-à-vis
de l’enfant sont naturelles et diminuent avec le temps sans jamais disparaître, rendant sensible
la mère à l’égard de toute réflexion sur sa manière de faire ce qui peut aussi la conduire au
doute (STERN, 1998). Beaucoup de femmes témoignent qu’elles n’ont jamais éprouvé un
amour et une inquiétude aussi intense. Or la peur est une des six émotions les plus communes
qui semblent s’opposer directement à l’amour, la gaieté et la joie, selon le schéma de
COSNIER (2006). (Remarque : la souffrance semble correspondre à la tristesse).
La maternité semble introduire la nouvelle mère dans ce que COSNIER (2006) appelle un
épisode émotionnel qui se caractérise par un état émotionnel qui débute souvent dans
l’anticipation de l’événement (la naissance de l’enfant), subit son apogée durant l’événement
(l’accouchement) et persiste un temps plus ou moins long après l’événement. Selon
COSNIER, la rumination mentale accompagne cette période avec un retour intrusif de
pensées, d’images mentales ou de souvenirs liés à l’événement émotionnel passé. L’épisode
émotionnel entraîne une modification de l’humeur, définie par COSNIER comme une
disposition ou un état affectif qui constitue un arrière-plan plus ou moins durable imprégnant
et orientant positivement ou négativement le déroulement de la vie quotidienne. C’est ainsi
Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 23 /93
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que la mère fait l’expérience d’un ensemble d’émotions qui s’entremêlent de manière
singulière pouvant altérer son équilibre humoral. L’activité neurophysiologique qui en
découle est destinée à permettre que les comportements émotionnels et les états
motivationnels soient un élément fondamental des régulations individuelles de l’action et
donc de l’organisation et de la régulation de la vie sociale, notamment dans la relation
première du jeune enfant avec sa mère. Ainsi, refouler ses émotions (remémorations et
représentations), c’est prendre le risque de les voir ressurgir sur une autre forme. Il semblerait
que le refoulement soit en crise lors de l’attente de l’enfant, n’assurant plus sa fonction
protectrice (BYLDLOWSKI, 2000). L’approche cognitiviste des émotions, marquée par la
théorie de James et Lange tente une explication (COSNIER, 2006) : la personne confrontée à
une situation émotionnante réagit corporellement et c’est de la perception de cet état
physiologique que naîtra l’affect spécifique de la réaction. De là découle une théorie
cognitivo-physiologiste de SCHACHTER ET SINGER (1962) : un état émotionnel résulte de
la conjonction d’une activation physiologique et de(s) cognitions appropriées pour rendre
compte de cette activation et permettre de trouver la réponse adaptée.
Du stress à la dépression maternelle
La fatigue physique accompagnée d’une peur qui s’installe dans la durée constitue les
ingrédients du stress. LAZARUS33 confirme que les petits ennuis du quotidien (comme les
désagréments du jeune enfant) participent, par leur répétition monotone, tout autant que les
grands événements (comme l’accouchement), à entretenir un stress aussi dangereux
mentalement que physiquement (COSNIER, 1994). NASSE T. (2000)34 considère que le
stress physiologique devient de l’anxiété (stress pathogène) lorsque trois conditions
essentielles sont remplies :
1.
le sentiment de l'imminence d'un danger : ce sentiment s'accompagne d'élaboration de fantasmes tragiques
amplifiant toutes les images à la proportion d'un drame.
2.
l'attitude d'attente devant le danger : véritable état d'alerte envahissant la personne toute entière vers une
catastrophe immédiate.
3.
le désarroi, c'est-à-dire la conviction de l'impuissance absolue et le sentiment de la désorganisation et de
l'anéantissement devant le danger.
L’activité hormonale reflétant l’état intérieur de la personne, l’exposition à une situation à
laquelle elle est particulièrement sensible entraîne une réponse neuro-hormonale qui
déclenche la sécrétion de cortisol d’une part et d’adrénaline d’autre part, ainsi que la
33
Lazarus, auteur d’une théorie sur le stress de la double évaluation de la situation, considère le stress comme
une impossibilité à mettre en place les ressources pour faire face à une situation menaçante.
34
Nassé T. (2000). Anxiété, angoisse, stress, dépression en hormonologie. Freud Editions, Site internet.
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commande motrice de la réponse au stress35. Le schéma ci-dessous illustre cette activité
physiologique en cas de stress qui s’installe dans la durée (T. NASSE, 2000).
Mise en route d’une réaction d’anxiété et de stress
(Nassé, 2000)
1. FACTEUR
INITIAL
CERVEAU
SANG
2. REPONSE
HORMONALE
NERFS
3. REPONSE
NERVEUSE
4. SECRETION
CORTISOL
SURRENALE
5. SECRETION
ADRENALINE
REIN
REACTION: ANXIETE –
ANGOISSE - STRESS
Cette mise en route de l’anxiété explique ainsi les répercussions sur l’ensemble du corps
humain et la possible dérégulation neuro-végétative : problèmes de digestion, de sommeil, de
thermorégulation, etc. Selon lui, la personne exposée de manière prolongée à une situation où
il semble dépourvu de ressources (situation normalement stressante) se fatigue jusqu’à
l’épuisement. Cet épuisement, si rien ne change, finit par se transformer en fatigue nerveuse
(apparition de l’irritabilité), puis en anxiété, puis en angoisse et enfin en maladie physique
(ulcères gastro-intestinaux, troubles cardio-vasculaires, etc.) ou mentale (dépression par
exemple). Selon lui, plus le sujet est « avancé » dans cette chaîne causale sans modifier
quoique ce soit dans son environnement intérieur ou extérieur, plus il lui sera difficile de s’en
extraire.
BRAZELTON (1993) confirme que les sentiments de joie qui accompagnent l’accueil d’un
enfant sont aussi accompagnés d’une angoisse bien naturelle : « tous les parents
profondément aimants seront anxieux ». STERN (1998) parle aussi de la naissance – surtout
pour le premier - comme un événement à la fois miraculeux et traumatisant, chargé
d’émotions et de conséquences inoubliables, si primordial et si profond qu’il est difficile de
l’assimiler complètement et d’en parler. Pour BRAZELTON, l’anxiété peut avoir une
fonction vitale qui renforce l’énergie de la mère et aide à assumer de nouvelles
responsabilités. A chaque demande du bébé, la mère se questionne, ce qui fait monter
35
Présentation de l’activité cérébrale de l’Institut MACGILL en Annexe II
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l’adrénaline et déclenche une réaction d’alarme et donc les forces nécessaires pour trouver
une solution. Si la réponse est adéquate, la mère se renforce dans son rôle de manière positive,
si les tentatives ne semblent pas satisfaire l’enfant, une tension et une angoisse vont se mettre
en place chez la mère. Cependant, si l’anxiété submerge la nouvelle mère, elle peut aussi la
renfermer sur elle-même ou l’amener à la dépression. Or une jeune mère déprimée n’est plus
disponible pour répondre aux sollicitations de son enfant et c’est ainsi qu’un mère anxieuse et
perturbée par les cris du bébé risque de les renforcer (BRAZELTON, 1993). BYLDLOWSKI
(2000) précise cependant que la dépression post-partum reste massivement méconnue et
s’avère souvent passée sous silence, évoquant le sentiment de honte ou de culpabilité alors
que le bébé est là. Car si la proximité et l’échange affectueux procure un plaisir partagé entre
la mère et son enfant, la distance et les expressions de rejet sont ressenties comme
désagréables et pénibles par les deux aussi (BOWLBY, 1978).
2.2.3 L’incidence de la disponibilité maternelle sur la relation
mère-enfant
Fatigue physique, peur et remaniement psychique semblent être tout aussi important que la
joie qui accompagne la naissance d’un enfant. Ainsi, la manière de vivre la maternité semble
prédestiner la mère à une plus ou moins grande disponibilité à l’égard de son enfant,
impliquant une prise de risque significative. Comme le précise BOWLBY (1978), l’affect (le
sentiment, l’émotion) est d’une façon ou d’une autre la cause d’un comportement, c’est-à-dire
qu’il nous fait agir.
En effet, CRAMER (2002)36 précise que la période post-partum est particulièrement exposée
à la psychopathologie maternelle du fait que la grossesse et la naissance représentent un
bouleversement en soi qui fragiliseraient le psychisme de la mère. DURAND (2003) confirme
que le post-partum représente un moment de grande vulnérabilité psychique surtout pour une
primipare, où le recours à l’hospitalisation psychiatrique est le plus élevé dans la vie d’une
femme. Selon une étude actuelle de Nicole (PIERREHUMBERT, 2004), lors des naissances
à haut risque et la présence d’une menace pour la survie du bébé, le traumatisme causé chez la
mère entraînerait une menace de désengagement émotionnel ou alors une sur-implication
confuse et anxieuse. Dans les deux cas, les mères tendent à présenter un manque de sensibilité
aux besoins autonomes de l’enfant. Dans les cas extrêmes, l’insensibilité émotionnelle peut
conduire à la maltraitance ou l’infanticide (« syndrome de Munchausen » par procuration où
le parent veut avoir toute l’attention que le bébé dérive).
36
Cramer B. (2002). Les dépressions du post-partum : une pathologie de la préoccupation maternelle primaire ?
Article de Devenir.
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De plus, MAIN et HESSE (1990, 1992 ; GOLSE et al. 2005) explique que la naissance de
l’enfant peut déclencher l’absorption inhabituelle du parent dans des souvenirs anciens si ces
derniers ont été traumatisants et pourrait entraîner des états modifiés de conscience lorsqu’un
indice rappelant l’événement traumatique se présenterait à elles. Face au bébé, elles
revivraient la terreur et l’effroi de la situation d’origine, lui transmettant son sentiment de
peur qui reste inexpliqué aux yeux du bébé : le bébé saisit l’angoisse du parent. Cependant, du
fait de son jeune âge, il n’a pas à sa disposition les moyens psychologiques de faire face à la
peur ressentie, sachant qu’il devrait pouvoir se tourner vers sa figure d’attachement pour
apaiser ses craintes, or cette dernière ne représente pas, dans l’instant, un havre de sécurité.
L’enfant maltraité est confronté au même dilemme, à savoir, le conflit entre le désarroi et
l’échec de l’attachement (GOLSE, 2005). BYLDLOWSKI (2000) précise que la mère joue
avec son enfant, dès les premières semaines, les conflits et les angoisses qui ont fondé son
mode de relation primaire. Ainsi, du fait de la plasticité du nouveau-né et en dépit de ses
compétences, le tout petit peut devenir le lieu de cristallisation de ces conflits.
CRAMER (2002) avance une hypothèse qui tend à faire un lien entre la dépression postpartum et la préoccupation maternelle primaire. Jusqu’à 10% des femmes présenteraient une
dépression post-partum (études épidémiologiques de MURRAY ET COOPER37). Il semble
que ce soit les facteurs non-spécifiques qui déterminent sa présence (dépression préalable à la
maternité, facteurs socio-économiques, difficultés conjugales, manque de réseau de soutien).
STEIN et al (1989)38 montre que la qualité de fonctionnement du couple et – particulièrement
– le soutien par le mari apparaît comme un des prédicateurs les plus fiables. L’expérience
clinique dans les psychothérapies mère-bébé militent en faveur d’un rôle spécifique des aléas
de la relation mère-enfant précoce s’appuyant sur deux constats : les conflits interpersonnels
dans les rapports mère-bébé implique un bouleversement psychique (préoccupation
maternelle primaire) et l’action thérapeutique améliore les symptômes fonctionnels du bébé et
l’état thymique de la mère.
Les chercheurs anglo-saxons sont ceux qui ont le plus étudié l’impact de la dépression postpartum sur le développement de l’enfant. COOPER (1991)39 mettait en évidence le lien entre
la dépression maternelle et les perturbations émotionnelles de l’enfant supposant l’influence
sur leur interaction réciproque. La mère déprimée semble être moins disponible à l’enfant par
37
Murray L. et Cooper P. (1997). Effects of postnatal depression on infant development. Archieves of Disease in
Childhood.
38
Stein et al. (1991). The relationship between post-natal depression and mother-child interaction. British
Journal of Psychiatry, Angleterre.
39
Cooper P. et al. (1991). The relationship between post-natal depression and mother-child interaction. British
Journal of Psychiatry, England.
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les symptômes qu’elle présente : tristesse, auto-préoccupation et problème social ou marital,
mais aussi perte d’intérêt, d’énergie et de confiance et irritabilité. Les résultats semblent
révéler la pauvreté des échanges mère-enfant dans le cas des mères déprimées qui sont
souvent confrontées à un contexte social et personnel difficile (MURRAY et COOPER,
1997), mettant l’accent sur la manière de répondre de la mère plutôt que le phénomène
dépressif en tant que tel. Cependant la dépression de la mère peut être influencée par l’attitude
de l’enfant et son tempérament. Ainsi, une mauvaise compréhension du tempérament de
l’enfant par la mère risque de créer une mésentente qui peut conduire à l’insécurité de l’enfant
(CUPA, 2000). Aussi, MURRAY et COOPER concluent qu’il semble que mère et enfant
puissent se retrouver en situation de ne pas faire l’expérience d’une interaction propice à un
attachement rassurant ce qui peut entraver le développement cognitif et affectif de l’enfant.
L’impact semble sensible à l’intensité et la durée de la dépression, mais aussi du contexte
personnel et social. Une autre étude (STEIN et al., 1991) confirme ces résultats en précisant
que les mères semblent jouer un rôle moindre de facilitatrice et les enfants montrent moins
d’échanges affectifs et prennent peu d’initiatives avec les personnes étrangères. Il ajoute que
les facteurs sociaux et maritaux renforcent l’observation. De plus, les mères rencontrant des
troubles du post-partum semblent plus enclin à des relations difficiles avec leur propre mère
(DURAND, 2003).
2.3 L’attachement et le développement des compétences socioaffectives du jeune enfant
2.3.1 L’émergence des capacités relationnelles chez le jeune enfant
Pour BOWLBY, les expériences relationnelles du jeune enfant se cristallisent dans le temps
sous forme de modèles internes lui permettant la compréhension des comportements et
motivation des autres. C’est la notion de Modèle Interne Opérant (MOI) qui implique la mise
en œuvre de stratégies comportementales dans une visée adaptative d’aménagements
psychologiques particuliers. Les premières expériences de la vie permettent à l’enfant
d’ajuster le modèle qui, dans un deuxième temps, servira de référence aux expériences
nouvelles même si celles-ci diffèrent dans leur nature à celles précédemment modélisées
(Inserm,
2005).
Selon
BOWLBY,
(FONAGY,
2001),
les
principaux
processus
psychologiques permettant un partenariat corrigé quant au but (utilisation de plusieurs
réponses différentes avant d’atteindre finalement un résultat particulier) commencent vers 3
ans. Ils se présentent sous quatre systèmes représentationnels :
1.
anticipation des interactions (0-1 an)
2.
représentations d’événements dont les expériences d’attachement sont encodées et récupérées
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3.
souvenirs autobiographiques reliés entre eux (narratif personnel continu et développement de la
compréhension de soi)
4.
compréhension psychologique d’autrui.
Pour AINSWORTH, (GUEDENEY, 2006), les enfants apprennent dès le début à organiser
leurs comportements autour du caregiving (pratique parentale) qu’ils reçoivent, à s’adapter à
l’environnement relationnel dans lequel ils se trouvent et ce, de différentes manières, appelées
stratégies :
1.
stratégie primaire : l’environnement interpersonnel répond de sorte que le système s’exprime librement et
totalement. C’est la capacité de l’enfant à reconnaître les figures d’attachement comme accessibles et à les
utiliser en cas de besoin (KODAK et al. 2003, PIERREHUMBERT, 1996)
2.
stratégies conditionnelles : l’environnement ne répond pas de manière adéquate pour permettre l’expression
optimale du système. L’enfant considère les figures d’attachement comme insensibles à ses demandes et les
réponses seront inadéquates ; l’enfant peut alors désactiver les comportements d’attachement pour éviter
d’être confronté à un rejet : insecure-évitant (défense par déni ou clivage) ou l’enfant sur-activera les
comportements d’attachement pour pousser l’adulte à répondre : insecure-ambivalent (stratégie bipolaire)
(KODAK et al. 2003, PIERREHUMBERT, 1996). L’état de préoccupation de la mère peut aussi inviter
l’enfant à adopter une autre stratégie que celle de la sollicitation, à savoir l’exploration. Il apprendra ainsi
« l’auto-réconfort » et développera une sensibilité intérieure en résonance à celle de sa mère (STERN,
1998).
Le processus d’activation-désactivation de l’attachement est opérant dans la première
stratégie, mais pas dans la seconde (PIERREHUMBERT, 1996). Ainsi, cela peut prédire le
mode de fonctionnement du système émotionnel : en stratégie primaire, le système
d’attachement prédit l’équilibration émotionnelle, en stratégie secondaire, le système
d’attachement prédit, soit la désactivation prématurée des émotions (coupure de la source de
l’anxiété et détourne son attention des émotions), soit l’hyperactivation émotionnelle
(irruption incontrôlable d’information, de représentations ou souvenirs maintenant l’anxiété
trop activée et la demande de réconfort reste trop élevée pour être réalisable).
Dans le cadre de la théorie de l’esprit, une étude récente (DELEAU, 2007)40 met en évidence
que la diversité du vocabulaire des mères relatifs aux états mentaux lorsque les enfants ont 3
ans est un prédicateur de leurs performances six mois plus tard dans des tâches d’attribution
d’émotions d’une part, et de croyances d’autre part. Il précise que la capacité à prendre en
compte la perspective d’autrui dans les conversations serait un facteur important de
40
Deleau M. (2007). Le développement de la « théorie de l’esprit ». Nouveau cours de psychologie – Master de
Psychologie du développement et de l’éducation. PUF, Paris.
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l’élaboration de la représentation des croyances. Cela suppose donc la maîtrise de ces états
mentaux par la mère. De plus, TOMASELLO et al. (1993 ; DELEAU, 2007), toujours dans le
cadre de la théorie de l’esprit, soulignent que tous les enfants n’arriveraient donc pas à l’école
avec les mêmes ressources en termes de représentation d’états mentaux (certains résolvent des
tâches de fausses croyances dès 3 ans et 10 mois alors que d’autres échouent encore à 5 ans).
Il semble donc que les enfants ne soient pas tous armés de la même manière pour affronter les
formes scolaires d’apprentissage.
FONAGY (2001) souligne l’importance de l’expérience singulière de l’environnement par
l’enfant, selon sa propre appréciation, évoquant la notion de filtre dans l’expression du
génotype en phénotype. C’est ainsi que RUTTER a montré en 1998 qu’il existait une
variabilité inter-individuelle dans les réponses au stress et à l’adversité. Les facteurs
environnementaux déclencheraient ou non l’expression d’un gène en fonction de la manière
dont l’enfant les expérimente, elle-même fonction des expériences d’attachement et autres
expériences intrapsychiques. Ainsi l’attachement est-il une possibilité de développer
l’intelligence sociale et la production de sens. LAIBLE et THOMPSON ont rapporté en 1998
que les enfants secure avaient des compétences accrues dans la compréhension des émotions
négatives. Les recherches longitudinales de ces vingt dernières années tendent à montrer que
la sécurité de l’attachement dans la toute petite enfance est fortement corrélée à la précocité
du développement d’un certain nombre de capacités requérant des compétences
interprétatives et symboliques (exploration et jeu, intelligence et aptitude au langage, contrôle
de soi et « résilience », tolérance à la frustration, curiosité, reconnaissance de soi, capacités
cognitives sociales, etc.). C’est ce que WINNICOTT (AIMARD, 1996) expliquait en disant
que les relations premières entre l’adulte et l’enfant lui permettent d’apprendre à gérer
l’absence de la mère et à trouver un compromis entre avoir besoin de sa mère et se passer de
sa mère. Pour lui, cette période d’interactions privilégiées représente une période de
frustration supportable nécessitant l’intégration progressive du principe de réalité (concept
freudien). Elle représente un espace transitionnel, une aire intermédiaire d’expérience, c’est-àdire un lieu de l’illusion, du jeu, de l’activité gratuite, des activités culturelles, ludiques et de
créativité. Ainsi, la sécurité de l’attachement présage des compétences émotionnelles,
cognitives, etc. qui sont nécessaires à une capacité interprétative interpersonnelle, structurante
pour le traitement des expériences sociales (FONAGY, 2000).
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De très nombreuses études cognitives ont montré l’importance des différences individuelles
obligeant parfois à négliger 80 % des échantillons étudiés (CUPA, 2000). Selon LEBOVICI
(2007)41, c’est le bébé qui fait de la mère une mère attachante ou non. Un enfant apathique
prend moins d’initiatives et est moins gratifiant pour la mère et il tend à être négligé alors
qu’un enfant qui réagit beaucoup et de manière imprévisible peut exaspérer sa mère
(BOWLNY, 1978). Or, il semblerait que l’attraction de la mère par le bébé représente un
comportement doté d’un pouvoir de calmer le jeune enfant en détresse (COSNIER, 2006).
Cela a incité certains chercheurs à mieux tenir compte de la réactivité et des « états du bébé ».
Les cognitivistes se sont ralliés à la réflexion sur le lien entre l’attachement et le
développement cognitif à partir du moment où a été intégrée l’étude de l’affectivité du jeune
enfant. Selon BALLEYGIER (1898, CUPA, 2000), le tempérament est un style émotionnel,
une manière émotionnelle d’agir et de réagir. Il existerait quatre périodes pendant les trois
premières années de la vie :
1.
0-3 mois : période néonatale : faible et forte tension
2.
3-8 mois : baisse de l’irritabilité et ouverture au monde
3.
8 mois – 2 ans : peur de l’étranger et anxiété de séparation, colère d’impuissance, opposition violente aux
contraintes
4.
3ème année : meilleur contrôle de soi et action socialisée ; BOWLBY (1978) précise que le comportement
d’attachement manifesté avec violence et régularité perdure jusqu’à la fin de la troisième année
Ce développement en quatre temps a été observé chez tous les enfants étudiés avec une
différence individuelle sur la durée des périodes et l’intensité des principaux facteurs de
tension et contrôle.
Les travaux de BRETHERTON dans les années 90 ont permis d’évaluer l’organisation des
émotions de l’enfant en rapport avec la figure d’attachement (GOLSE, 2005). Sur la base de
six petites histoires (Attachment Story Complétion Task, ASCT) utilisant des poupées en
guise des acteurs de la famille, l’enfant est invité à continuer l’histoire que commence
l’expérimentateur. Les thèmes évoqués cherchent à activer le système d’attachement :
1.
la figurine renverse son verre de sirop sur la table
2.
elle tombe d’un rocher alors qu’elle joue dans un parc
3.
elle a peur d’un monstre dans sa chambre
4.
elle est séparée de ses parents qui partent quelques temps
5.
elle les retrouve après leur absence
6.
elle a perdu son chien.
41
Lebovici S. (2007). Attachement instinctif. Revue Psychologies Hors Série
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Cette expérience a été complétée par les méthodes de codage des narratifs de Dusseldorf et les
cartes pour complément d’histoires ou CCH de MILJKIVITCH, donnant lieu à quatre formes
d’attachement :
1.
réponse sécurisée : production aisée, engagement facile dans la tâche, bon contact avec l’expérimentateur,
reconnaissance des affects négatifs et positifs, proposition de résolution pour rétablir sentiment de sécurité
2.
réponse avec désactivation du système d’attachement : inactivité, déni des affects négatifs et pas de
résolution
3.
réponse avec hyperactivation du système d’attachement : réaction intense voire anxieuse et pas de résolution
4.
réponse désorganisée : perte de contrôle, fins des histoires tragiques, absence de figure parentale, pas de
résolution, nombreuses incohérences, manque de distance symbolique
Selon FONAGY (2000), il existe deux axes majeurs de comportement face à une situation
sociale difficile à gérer : un axe sécure-évitant et un axe évitant-préoccupé. En cas de
vulnérabilité, l’enfant peut se mettre, soit en retrait et valoriser la représentation de soi par
rapport à la représentation de l’autre, soit exagérer et magnifier la représentation de l’autre
dans un but de protection. Il s’agit dans les deux cas de séparer les représentations de soi et de
l’autre. PIERREHUMBERT (2001) rappelle que BOWLBY insistait sur l’importance, outre
de la « proxémie (concept employé par HALL dans "La dimension cachée") », de la présence
d’émotions dans les relations d’attachement. La rupture de proximité, voire la simple menace
d’une telle rupture, déclencherait en effet chez le jeune enfant une tension interne (anxiété)
qu’il va chercher à apaiser en rétablissant la proximité, développant pour cela des stratégies
comportementales variant selon l’âge, les capacités maturationnelles et l’histoire propre
(pleurer, sourire, vocaliser, ramper, etc.). PIERREHUMBERT précise que la simple évocation
mentale de la figure absente pourra, chez l’enfant plus âgé, réduire la tension. Cette recherche
d’équilibre dynamique entre activation et désactivation des comportements d’attachement
représente l’ébauche d’un modèle de régulation émotionnelle. La fonction de base secure
assurée par la figure d’attachement dans la petite enfance, rendrait ainsi possible une certaine
autonomie de la personne dans la régulation de ses affects. Le sentiment de sécurité
constituerait ainsi une sorte de besoin primaire dont la réalisation serait essentielle à son
développement mental ainsi qu’à l’éclosion de la sociabilité.
2.3.2 Les compétences sociales du jeune enfant
Plusieurs théoriciens ont particulièrement étudié les compétences sociales du jeune enfant au
regard de la théorie de l’attachement, dont J. BRUNER (2004)42 qui parle de dons innés et H.
42
Bruner J. (2004). Comment les enfants se mettent à parler. Retz, Paris.
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Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de psychologie du développement et de
l’éducation
MONTAGNER (2004, 2005) qui évoque les compétences-socles du jeune enfant.
2.3.2.1
Les dons innés de J. Bruner
J. Bruner (2004), inspiré des travaux de VYGOTSKY sur la transmission culturelle des
interactions entre l’enfant et l’adulte, a tenté une synthèse orientée sur les interactions mèreenfant et la naissance du langage chez ce dernier. Les interactions précoces s’inscrivent dans
des scénarii où l’enfant apprend progressivement le sens culturel des objets et événements.
Pour lui, les acquisitions linguistiques collent aux acquisitions culturelles, car au-delà des
mots, il y a une action : l’enfant apprend ce qui est possible, permis, admis, etc. et acquièrent
ainsi une expérience culturelle de son environnement. Son étude se centre sur les dons innés
cognitifs du jeune enfant et les compétences de la mère dans son rôle de transmission
culturelle. Cette prédisposition de l’enfant fournit les processus fondamentaux, au nombre de
quatre, qui aident l’enfant à acquérir le langage, et donc la culture :
1.
La disponibilité orientée vers les moyens et les fins : le petit être humain est doté d’une variété de processus
biologiques qui assurent son alimentation initiale, son attachement initial à un protecteur, son contact
sensoriel initial avec le monde. Il présente dès le départ une disposition active à rechercher des moyens dans
la poursuite d’une fin.
2.
La transactionnalité : l’activité de l’enfant durant la première année et demie de sa vie est
extraordinairement sociale et axée sur la communication. L’interaction semble aller de soi et trouver sa
récompense en elle-même. Les observateurs du comportement du tout petit enfant comme BOWER T.
constatent qu’une réaction sociale à l’action de l’enfant est le soutien le plus puissant que l’on puisse utiliser
dans les expériences ordinaires d’apprentissages. MELTZOFF A. révèle la capacité du nouveau-né à imiter
les mimiques de son interlocuteur dans la relation en face à face, renforçant cette hypothèse de capacité
innée. Tandis que l’attachement de la mère et l’enfant est assuré au début par un ensemble de réactions
innées, il s’établit rapidement une réciprocité que le tout petit va désirer et sur laquelle il compte vraiment.
TRONICK E. montre que si la mère prend un visage neutre et fixe pendant le jeu, l’enfant fait moins de
sourires et détourne la tête plus facilement. La diversité des signes efficaces de la mère (rythme cardiaque,
présentation visuelle et surtout de ses yeux, odeur caractéristique, son et rythme de la voix) sont convertis en
un système d’anticipations réciproques très complexe qui change l’attachement biologique initial entre la
mère et l’enfant en quelque chose de plus subtil et de plus sensible aux particularités individuelles et aux
formes de pratiques culturelles.
3.
La systématisation : un acte est appliqué successivement à une grande série d’objets. Dès le départ, l’enfant
est tout disposé à « réaliser beaucoup de choses avec des riens ». Il s’emploie à manipuler de toutes les
manières possibles un ensemble d’éléments limités pour étendre le champ de ses possibilités.
4.
L’abstraction : les petits enfants, au cours de leur première année, semblent avoir des règles pour traiter
l’espace, le temps et même la causalité. Mise en évidence par PIAGET, l’enfant semble disposer d’une
structure logique appliquée dans la recherche de ce qui est immuable dans son univers. Cela induit de mettre
en œuvre, dès le début de la vie, des règles abstraites.
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l’éducation
2.3.2.2
Les compétences-socles de H. Montagner
Les travaux de H. MONTAGNER (2004, 2005) se basent sur la psychophysiologie, la
psychopathologie du développement ainsi que la chronobiologie. Sur la base de la théorie de
l’attachement de BOWLBY, il présente un modèle des compétences-socles du jeune enfant,
encore appelées noyaux d’organisation permettant à l’enfant d’agglomérer, d’associer, de
combiner et d’intégrer les différentes informations de l’environnement, tout en les rendant
compatibles avec ses singularités, que celles-ci soient innées (présentes à la naissance) ou
acquises au fil des jours, qu’elles soient biologiques ou psychologiques. Il distingue cinq
compétences-socles :
1.
L’attention visuelle soutenue : l’échange entre la mère et l’enfant, dès les premiers instants de la vie, « les
yeux dans les yeux », permet d’activer le processus d’association, de combinaison et d’intégration
d’informations visuelles, mais aussi olfactives, auditives, somesthésiques et proprioceptives (messages
pluri-sensoriels) donnant à l’enfant un sens global des « conduites » de ses partenaires. Selon Montagner, le
bébé lit dans les yeux le livre des émotions et des affects véhiculés par le regard et le visage de l’autre, en
combinaison avec leurs vocalisations, paroles, caresses, etc. Le nouveau-né a ainsi la possibilité de décoder
six émotions considérées comme universelles et innées (joie, colère, peur, tristesse, surprise et dégoût). Il
peut ajuster ses réponses aux émotions, affects et rythmes de la mère et entrer ainsi dans un jeu
d’interactions accordées. Cette interaction peut se faire aussi avec le père ou toute autre personne bien
attentionnée de son entourage. Du contact visuel yeux dans les yeux, la mère et l’enfant vont diversifier le
mode d’échange en incluant le regard porté simultanément sur un même objet ou une même scène, ce que
l’on appelle l’attention conjointe. Dès lors que la mère détourne son regard, l’enfant l’imite jusqu’à la
prochaine interaction (situation dite « still face »).
2.
L’élan à l’interaction : est le mouvement par lequel le bébé sollicite sa mère pour qu’elle réponde à son
besoin quel qu’en soit la nature (alimentaire, désagrément, peur, etc.). Par un geste, une vocalise ou autre,
l’enfant active la proximité de sa mère qui en retour, par la mobilisation de représentations et perceptions
d’attachement, répondra de manière appropriée.
3.
Les comportements affiliatifs : sont tous les signes d’adhésion du comportement de l’enfant dans le discours,
les émotions, les affects, les représentations et les intentions. Ils représentent la base des conduites de
communication élaborée jusqu’aux processus de socialisation qui régule les interactions au sein du groupe.
4.
L’imitation : permet à l’enfant de reproduire le geste de la mère et d’apprendre ainsi de nouvelles
compétences motrices par exemple, mais aussi affectives (exploration des émotions) et sociales (jeux de
rôle)
5.
L’organisation structurée et ciblée du geste : permet l’exploration de l’environnement physique et affectif
Les expérimentations de l’équipe de H. Montagner montrent que les compétences-socles
représentent des indices comportementaux fiables pour refléter un attachement secure :
l’enfant ne manifeste pas de tristesse ou d’autocentrage en l’absence de sa mère, accepte et
initie l’interaction avec une personne étrangère et ne montre pas d’indifférence, d’évitement
ou de pleurs au retour de la mère. Les enfants entre pairs jouant dans un milieu éducatif
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semblent présenter naturellement ces cinq compétences-socles. Tout enfant ayant des
difficultés dans l’une d’entre elles (crainte, agresseur-destructeur) se régulera naturellement
sur les autres enfants. Ainsi, MONTAGNER précise que lorsque les jeunes enfants ont la
possibilité d’évoluer dans toutes les dimensions de l’espace avec des partenaires au même
niveau de développement, ils libèrent et structurent toutes leurs compétences-socles.
Ces dernières se situent à trois niveaux fonctionnels :
1.
L’installation de l’enfant sur le versant de la sécurité affective avec la prise en compte de son organisation
temporelle et de ses rythmes bio-psychologiques
2.
La libération sans retenue par l’enfant des six émotions qu’il apprend ainsi à « expérimenter », canaliser,
nuancer et maîtriser
3.
La libération des processus cognitifs latents et la maîtrise des capacités cognitives lui permettant
l’acquisition de nouvelles capacités à comprendre et à apprendre. Elle implique la libération de l’imaginaire
que l’on évalue à travers les productions de l’enfant (dessins, chansons, etc.)
2.3.3 L’incidence de l’attachement sur le développement du jeune
enfant
Une étude de THOMPSON (1984) présentée par L’INSERM (2005) révèle une relation entre
l’irritabilité du nouveau-né considéré comme « difficile » par sa maman et l’attachement
insécurisé ambivalent de cette dernière. Il fait l’hypothèse que l’instabilité du système
autonome (BELSKY, 1987) ou l’hyperactivité du système parasympathique (CALKINS,
1992) serait dû à une mère souvent anxieuse ou irritable avant la naissance ou par manque de
soutien social (CROCKENBERG, 1981). Les mêmes résultats s’observent avec une attitude
maternelle intrusive ou hyperactive (CUPA, 2000). Les conditions de vie de la mère
(chômage et célibat de la mère étant plus fréquent lorsque le niveau socio-économique est
faible) engendreraient un manque de sensibilité de la mère à l’égard de son enfant. SROUFE
démontre en 1979 que si la mère retrouve des conditions de vie favorables (nouvel emploi,
entente du couple) elle devient alors plus sensible aux besoins affectifs de son enfant et le
sécurise. La préoccupation maternelle de WINNICOTT se développe alors de manière
harmonieuse. Une autre étude reprise par BALLEYGUIER en 1991 de VAN DEN BOM
montre que les mères ayant les mêmes interactions à la naissance, se montrent plus
insensibles (moins de réponses aux signaux du bébé) par la suite lorsque le bébé est irritable
comme si elles étaient découragées par leur incapacité à calmer le bébé et leur difficulté à
supporter ses pleurs et ses cris. On observe surtout cette anxiété chez les mères primipares qui
renforce l’agitation du bébé. La théorie de l’attachement et les comportements antisociaux ont
conduit BOWLBY en 1988 à écrire que les individus dont les besoins de sécurité ne sont pas
remplis en viennent à voir le monde comme dépourvu de confort et comme imprévisible
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(INSERM, 2005). Les enfants secure semblent avoir des attentes et des attributions causales
de type positif et à se tourner vers les autres avec confiance alors que les enfants insecure
rencontrent des biais hostiles dans la perception de l’autre selon DODGE et al. en 1994
(INSERM, 2005). Une étude (MILJKOVITCH, 1969) sur les histoires à compléter par les
enfants révèle que si le discours de la mère est cohérent, l’enfant s’avère peu « anxieux » (en
référence aux trois attitudes possibles de l’enfant dans la complétude des histoires). Cela
conforterait la thèse de la transmission intergénérationnelle de l’attachement. Selon FONAGY
(1993, CUPA, 2000), la cohérence maternelle constitue la capacité de la mère à interpréter ses
propres états mentaux, sans exclusion défensive, ni débordement émotionnel. La cohérence du
narratif de la mère permettrait donc, selon lui, l’interprétation adéquate des états mentaux de
son enfant, les rendant ainsi représentables par l’enfant lui-même qui se révèlerait dans
l’expression cohérente des états mentaux de l’enfant dans son activité symbolique. Une autre
étude (OPPENHEIM et al., 1997 ; INSERM, 2005) confirme les liens entre la capacité
maternelle à soutenir l’élaboration de l’enfant dans une tâche mettant en jeu la séparation et la
capacité de l’enfant à élaborer les thèmes spécifiques de l’attachement dans les histoires à
compléter de MAC ARTHUR (Mac Arthur Story Stern Battery). Les récits les mieux
construits et les plus cohérents étaient liés à une attitude maternelle cohérente, sensible et
contenante. De plus, les études longitudinales américaines et allemandes ultérieures aux
travaux de AINSWORTH ont montré la capacité prédictive de l’attachement dit secure, en
termes de relation avec les pairs, d’aisance sociale, de stabilité de l’attention, d’affect positif,
de curiosité, de capacité d’exploration, de capacité de résilience et d’empathie (INSERM,
2005).
La recherche actuelle laisse penser que la sensibilité parentale, donnant lieu à un attachement
dit secure et à une régulation émotionnelle souple, façonne le réglage des systèmes inhibiteurs
et de contrôle cérébral de l’excitation (SHORE, 1994). En utilisant un protocole contrôlant la
part génétique du comportement, REISS et al. (1995) ont montré que le niveau spécifique
d’attitude négative des parents vis-à-vis d’un enfant prédisait le niveau de comportements
antisociaux de cet enfant. Ainsi, un grand nombre des comportements considérés comme des
précurseurs du trouble des conduites (colère, agression, opposition) peuvent être envisagés
comme des stratégies attachementales qui visent à gagner l’attention ou la proximité de
figures d’attachement généralement inattentives aux signaux habituels de l’enfant et ont pour
but de réguler le comportement parental.
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2.4 Une disponibilité maternelle à toute épreuve pour favoriser le
développement de l’enfant
Compte tenu de l’influence de la disponibilité de la mère à l’égard de son enfant sur le
développement de ce dernier, il semble que la jeune mère soit confrontée à une obligation
d’être « bien disposée ». Sa manière d’accueillir les modifications physiques et émotionnelles
qu’implique la naissance d’un enfant l’incitera à vivre avec enthousiasme ou anxiété sa
nouvelle fonction dite maternelle. Néanmoins, comme le précise WINNICOTT (1956), même
le meilleur des êtres humains connaît des défaillances, et c’est justement ce qui permet au
nourrisson d’en faire l’expérience. En palliant à ses défaillances, la mère et l’enfant sont
invités à s’adapter mutuellement pour trouver un accord harmonieux, dans un processus
circulaire avec des effets à longue portée, notion développée par BOWLBY (1978). Par contre
l’échec répété, selon WINNICOTT, est souvent un prédicateur des difficultés de
développement de l’enfant.
2.4.1 La mère comme modèle de régulation émotionnelle pour l’enfant
Le comportement d’attachement implique une approche par systèmes de régulation
(BOWLBY, 1978) qui sous entend que les besoins de l’enfant nécessite une vigilance
émotionnelle et une disponibilité particulière de la part de la mère (PIERREHUMBERT,
2001). Ces compétences sont destinées à reconnaître, au-delà des besoins physiologiques,
celles du bébé dans ses capacités relationnelles et ainsi, à entrer dans des interactions
complexes dans lesquelles la mère sert de modèle dans la régulation émotionnelle. C’est au
cours des interactions mère-enfant que la mère est comme un « régulateur émotionnel »
(PIERREHUMBERT, 2001 ; MONTAGNER, 2004) de l’intensité de la tension intérieure
vécue par la bébé qu’il ne peut réguler tout seul. L’homéostasie passe par l’intervention de
l’autre qui représente une fonction apaisante ou stimulante. Ainsi, l’enfant devient
indépendant quand il est à même de réguler lui-même sa tension intérieure, grâce notamment
à la maturation physiologique et émotionnelle qui passe par l’intériorisation de l’image
maternelle, procurant ainsi sécurité et donc autonomie (CUPA, 2000). Toute la théorie de
BOWLBY (1978) repose sur ce concept de rétroaction (feedback) où l’origine est aussi
importante que la cause pour mettre fin à un acte. L’attachement peut se définir comme la
recherche, par tous les moyens, de la présence de la personne qui lui garantit de ne pas être
submergé par une tension excessive. Si la mère et l’enfant arrivent à une entente mutuelle,
même un enfant dit « difficile » (hyperactif ou hypoactif) pourra avoir une adaptation
normale. L’attachement sécurisé dû à une bonne relation avec la mère est ainsi un modérateur
du tempérament de l’enfant (CUPA, 2000). Cela implique que la mère soit capable d’intégrer
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les émotions négatives et positives qui la traversent durant les différentes étapes de la
maternité afin d’assurer sa propre régulation émotionnelle ainsi que celle de son enfant
jusqu’à ce que ce dernier puisse le faire par lui-même. C’est ce qu’évoque BION en parlant
des éléments alpha de la mère qui permettent d’assurer une fonction contenante à l’égard de
l’enfant.
BOWLBY (1978) met en avant l’idée que les mères qui semblent jouir de la compagnie de
leur enfant répondent de manière plus adaptée que les mères pour qui l’enfant semble être un
fardeau exception fait des moments d’interaction. Cela impliquerait aussi que la mère soit
heureuse d’être mère, à tout moment compte tenu de la grande sollicitude du jeune enfant.
2.4.2 La parentalité comme voie d’épanouissement pour l’enfant
La naissance d’un enfant au sein d’un couple, c’est la naissance d’une famille et de la
parentalité pour le couple en lui-même.
Or, selon un rapport de l’Inserm (2005), la famille est le creuset de toute conduite sociale.
Actuellement, il est admis que les relations parents-enfants jouent un rôle important dans le
développement harmonieux de l’enfant. L’expertise collective sur les troubles de conduite
chez l’enfant et l’adolescent précise que « la chaleur parentale et la sécurité de l’attachement
entre parents et enfants figurent parmi les paramètres familiaux les plus pertinents ».
Aussi, non seulement la mère semble devoir être capable de réguler ses émotions et ainsi de
savoir être réceptive aux besoins de son enfant, mais elle doit aussi être dans une entente
mutuelle au sein du couple afin que la pratique parentale soit cohérente pour l’enfant et son
développement.
2.4.3 Remédiation
L’accompagnement thérapeutique de la mère
L’irascibilité et la dépression des parents sont très contagieux et se transmettent à l’enfant,
même petit (BRAZELTON, 1993). L’accompagnement des parents semble représenter la
première démarche à effectuer afin de favoriser le développement de l’enfant, sans avoir à
« traiter l’enfant ». Pour WINNICOTT (1987), les mères doivent avant tout se sentir
confiantes quant à leurs capacités à être mère et ne pas éprouver de sentiments d’impuissance.
Selon lui, il vaut souvent mieux apprendre par soi-même spontanément qu’en écoutant les
conseils des uns et des autres. Les professionnels, par exemple, ne devraient pas intervenir
dans les mécanismes délicats à l’œuvre lors de l’édification des relations interpersonnelles
comme celles qui se nouent entre le bébé et sa mère. Des processus naturels sous-tendent
toujours la naissance, ainsi le travail des professionnels est d’autant meilleur qu’il respecte et
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facilite ces processus naturels. Pour WINNICOTT, une personne en bonne santé n’est pas une
patiente : une personne mûre et parfaitement saine est tout à fait capable de prendre des
décisions importantes, notamment pour l’accouchement. C’est la femme immature sur le plan
affectif, déprimée, angoissée ou méfiante ou pleine de confusion qui a besoin d’être rassurée.
MAIN (GOLSE, 2004), dans le cadre de l’attachement et de la narration chez l’adulte,
propose de réduire l’écart entre les souvenirs spécifiques de l’adulte concernant son enfance et
les représentations généralisées qui servent ses comportements présents à l’égard de son
enfant. Cela doit permettre de mieux accorder les représentations au vécu personnel, ce
qu’elle appelle le metacognitive monitoring. Cela doit conduire à un récit cohérent de l’adulte
qui passe par la réorganisation des représentations liées à son histoire personnelle. FONAGY
(1993) évoque le principe de mirroring ainsi que la fonction réflexive (reflective fonction). Il
précise que la capacité de l’individu à construire une histoire cohérente de soi en y intégrant
les événements et les émotions négatives est source de sécurité émotionnelle (CUPA, 2000).
STERN (1998) explique que la réactivation du passé permet de comprendre la situation
actuelle, sachant que le contexte présent de remémoration est associé à un comportement
unique et « dépassé ». Ainsi, par l’auto-analyse, c’est-à-dire une compréhension objective et
adulte de la relation passée, la mère peut s’échapper de l’emprise de ce passé. STERN conclue
que la façon dont la femme sera mère ne sera pas simplement dictée par ce qui lui est arrivé
dans son passé, mais aussi par le travail qu’elle fera pour comprendre ce passé. Cela lui
permettra de faire connaissance avec la douleur et de développer une sensibilité intérieure,
accédant ainsi à une plus grande authenticité. L’expérience de mère devient une opportunité
de changer de l’intérieur. Pour BYLDLOWSKI (2000), il semble que donner la parole à
l’enfant que la mère a été peut suffire souvent à restaurer celui qu’elle accueille, permettant
ainsi la rencontre avec l’enfant réel et non plus imaginaire. L’état psychique particulier
qu’elle traverse s’accompagne souvent d’un appel à l’aide silencieux, à la recherche d’un
référent, tant les remémorations anciennes sont angoissantes. Ainsi le thérapeute permet de
rendre l’écho à la voix personnelle de la femme par l’évocation du passé. C’est pourquoi, il
apparaît pour BYLDLOSWKI si important d’intervenir au plus tôt auprès de ces femmes en
difficulté car le bébé n’attend pas : c’est dans l’essor de son plein développement que le petit
enfant risque d’être touché.
Selon les courants de pensée, il semble important de fuir ou de libérer, de gérer ou d’utiliser
intelligemment les émotions (COSNIER, 2006). FREUD insistait sur la nécessaire
verbalisation de la représentation refoulée, ce que les psychanalystes sont amenés à proposer
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aux mères. W. REICH met l’accent sur l’expression corporelle afin de relâcher le corps qui
sert d’assise aux affects. C’est ainsi que nombre de thérapies invitent les mères à se préparer à
leur maternité (Yoga ou la Sophrologie), sur la base de la technique de relaxation et de la
visualisation imagée. Ces techniques visent à détendre le corps par une action physiologique
d’exercice respiratoire (libération d’ocytocine et de sérotonine) et de calmer l’esprit par la
prise de distance vis-à-vis des émotions, c’est-à-dire par le détachement émotionnel, non pas
dans le sens du déni, mais de la reconnaissance des émotions afin de les accepter et de les
réguler. Cela permet de retrouver un équilibre émotionnel et donc humorale qui servira de
base à celui du jeune enfant. Il s’agit aussi de puiser dans ses ressources pour trouver une
manière plus appropriée d’agir dans des situations stressantes avec l’enfant. Les cognitivistes
proposent des techniques destinées à identifier l’événement déclencheur du stress, la
préparation à l’action (faire face) et l’évaluation de l’adéquation de l’action adaptative.
(LEVENTHAL, 1984, LAZARUS, 1982, COSNIER, 2006). Il semble ainsi qu’en agissant
tant sur le système corporel, le système émotionnel, le système discursif que sur le système
socio-familial, la mère puisse trouver une voie lui permettant de mettre en cohérence son
histoire personnelle afin de retrouver en elle sa capacité d’adaptation dans son nouveau rôle
de mère en faisant appel à sa spontanéité créative (selon MORENO, 1965)43.
L’accompagnement thérapeutique mère-enfant
KENNELL et KLAUS (EYER, 1992) ont observé pendant vingt ans les soins périnataux en
vue de les améliorer et se sont rendus compte que le contact physique mère-bébé dès les
premières heures postnatales favorisaient les comportements maternants, les chances de
réussite de l’allaitement et finalement la santé même du bébé en était améliorée. Ils ont ainsi
mis en évidence une période sensible pour l’établissement du lien mère-enfant qui permettrait
l’intégration par la mère de l’image mentale du bébé avec l’enfant réel. Pour certains, ce
phénomène relève d’une fiction scientifique. Ainsi, un soutien adapté auprès des mères les
encourage dans leur handling, impliquant aussi le père et les autres membres de la famille
(RUTTER, 1991). GUEDENEY (2002) rappelle que le caregiving permet notamment la
régulation interpersonnelle dans les situations de détresse.
STERN (1998) propose au couple mère-enfant de travailler sur la relation primaire, c’est-àdire la période pré-verbale où l’intimité est faite de soins, mais aussi de jeux. Ainsi, le jeu de
sons, d’expressions faciales, de regards ou de gestes procure une excitation physique chez
43
Moreno J. L. (1965). Psychothérapie de groupe et psychodrame. Quadrige / PUF, Paris.
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l’enfant qui lui permet de se familiariser avec le réflexe « tension-détente ». Cela nécessite
que la mère soit spontanée et sûre d’elle, qu’elle sache improviser et ne pas avoir peur de ce
qui va se passer. L’aisance permet de vivre une véritable chorégraphie vocale propice au
développement de l’enfant et notamment du langage.
Une étude montre que les enfants de mère les plus déprimées voient leur désespoir diminuer
le plus fortement après une thérapie mère-enfant (CRAMER, 2002), comparativement à des
enfants de mères faiblement déprimées ou de mères non dépressives. De plus, on observe une
amélioration significative de l’état thymique des mères et des bébés. Il semble donc que les
thérapies traitant la relation mère-bébé (avec tout ce que cela comporte de remaniement des
représentations, des affects, de la parentalité, etc.) améliorent simultanément l’état subjectif
des mères (surtout au niveau de l’estime de soi, par le biais d’une compétence et du plaisir
retrouvé) et des états de détresse de l’enfant.
Pour certaines auteurs (ROEGIERS ; MONTAGNER, 2003), il s’agit pour la mère, mais aussi
le père, d’avoir la capacité de concevoir un enfant non seulement dans sa dimension physique,
mais aussi dans sa capacité d’éprouver, de penser et donc d’avoir ses propres opinions. C’est
la notion de respect à travers le self-reflection (FONAGY, 1994) qui s’avère cruciale pour
toutes les relations et particulièrement dans le cadre de la relation primordiale, celle de la
transmission de la vie. L’enfant nous invite ainsi à découvrir notre liberté intérieure de se
comporter de manière destructive ou constructive.
De plus, les études révèlent que la présence du père s’avère tout aussi structurante pour
l’enfant que la relation primaire d’attachement à la mère. Ainsi, la nécessité de la présence des
deux parents apportant une aide à un enfant en sérieuses difficultés est de plus en plus
reconnue (MONTAGNER et STEVENS, 2003)44. STEVENS précise que la construction à
trois mère-père-enfant, dans le processus d’individuation et de socialisation, se fait dans le
nécessaire partage complémentaire des rôles entre doux et sévère. La solidité du trio est
soutenue par la force qui s’est établie dans l’histoire interactionnelle des adultes, notamment
au moment de la conception de l’enfant. GROSSMAN (CUPA, 2000) insiste sur la différence
de contribution du père et de la mère en utilisant la situation étrange pour la mère et une
adaptation de la situation étrange au jeu pour le père. Le père stimulant (dans le jeu) et la mère
réconfortante (dans une situation de stress) doivent permettre à l’enfant de trouver sa place sur
le continuum attachement-exploration. Cette approche s’inscrit dans l’accompagnement à la
parentalité.
44
Montagner H., Stevens Y. (2003). L’attachement, des liens pour grandir plus libre. L’Harmattan, Paris
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L’accompagnement de l’enfant
Pour WINNICOTT (1959), la tâche de l’enfant qui a le bonheur de recevoir les soins d’une
bonne mère ordinaire dépendent de trois choses : 1. le contact avec la réalité 2. l’intégration
stable (face au risque de désintégration) 3. le sentiment de son corps (face au risque de
dépersonnalisation). Pour lui, l’histoire de l’enfant qui grandit est celle d’un enfant qui passe
en tâtonnant de la dépendance absolue à l’indépendance, avec des moments de moindre
dépendance.
L’hypothèse de FONAGY (2001) sur les expériences précoces d’attachement comme facteurs
clés de modération d’expression du génotype individuel, permettrait de jouer plus facilement
sur les représentations de l’enfant que sur les éléments de l’environnement pas toujours
modifiables. Ainsi, il suppose que des soins particulièrement adaptés à l’enfant peuvent lui
permettre de développer des capacités spéciales de changement (résilience). FONAGY
précise comment la capacité réflexive, soit la capacité que doit acquérir le bébé, de concevoir
sa propre vie psychique puis celle de l’autre comme constituée d’états mentaux, vient en fait
s’interposer entre la typologie des schémas d’attachement et tout essai illusoire et fallacieux
de prédiction de l’éventuel avenir psychopathologique ultérieur de l’enfant (GOLSE, 2001).
Il semble que les enfants rencontrant des altérations dans une des cinq compétences-socles
(MONTAGNER, 2004) puissent retrouver un équilibre par l’interaction de l’enfant avec une
autre personne, comme en témoigne les enfants qui ont la possibilité de vivre régulièrement
des situations d’ajustement comportemental et d’accordage émotionnel avec des partenaires
qui développent sans retenue un élan à l’interaction des comportements affiliatifs dans une
ambiance sécurisante et structurante. Comme cela a été précisé précédemment, les enfants
entre pairs jouant dans un milieu éducatif semblent présenter naturellement ces cinq
compétences-socles. Tout enfant ayant des difficultés dans l’une d’entre elles (crainte,
agresseur-destructeur) régulera naturellement son comportement sur les autres enfants. Ainsi,
H. MONTAGNER (2004) précise que lorsque les jeunes enfants ont la possibilité d’évoluer
dans toutes les dimensions de l’espace avec des partenaires au même niveau de
développement, ils libèrent et structurent toutes leurs compétences-socles. Selon lui, il est
nécessaire de développer des stratégies relationnelles, des aménagements du temps et de
l’espace qui puissent permettre aux enfants, en particulier ceux qui sont « non sécure » ou
« insécure », de s’installer dans la sécurité affective, de libérer leurs émotions et leurs
compétences-socles ainsi que leurs processus cognitifs, leurs ressources intellectuelles et leur
imaginaire. Pour cela, il faut agir sur trois plans : discours déculpabilisant des mères et
familles, écarter l’idée d’un déterminisme biologique, familial ou social avec la mise en place
Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 42 /93
Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de psychologie du développement et de
l’éducation
d’une perspective qui permette à l’enfant de structurer sa plate-forme de lancement, quelque
soit son âge et son degré de fonctionnement.
TREBOUX (1995), évoquant l’importance du narratif comme voie royale d’accès au monde
intérieur de l’enfant, propose une thérapie où la recherche de la maîtrise du narratif peut
permettre une amélioration de la capacité de l’enfant à intégrer ses émotions, positives et
négatives, dans une histoire cohérente de lui-même dans les relations avec ses parents
(CUPA, 2000).
PIERREHUMBERT (2001) présente une étude de PICKLER qui révèle que les soins
attentifs, sans être maternels mais prodigués dans le respect de l’autonomie de l’enfant,
permettent d’éviter des effets dévastateurs de la carence maternelle décrits par SPITZ (1947)
chez les bébés institutionnalisés. Le respect de l’individualité de l’enfant sur le plan des
actions et des émotions constitue un élément clé de cette approche : l’adulte entre dans une
vraie relation, affective, stable, mais consciemment contrôlée, dans laquelle il évite de faire
peser sur l’enfant ses attentes et sa propre affectivité. Aussi, les mères étant très préoccupées
et effectuant un travail sur soi en profondeur, peuvent trouver un soutien en confiant leur
enfant en institution (crèche, halte-jeux, etc.) le temps de retrouver une nouvelle disponibilité
pour leur enfant. De plus, la capacité de l’enfant à choisir parmi ses proches les liens qui lui
conviennent lui assure une relative résilience (selon CYRULNIK), ou encore une capacité à
réussir, à vivre, à se développer malgré l’adversité, notamment lors de la défaillance d’une des
figures parentales.
L’information, la sensibilisation, la prévention
Cela passe aussi par l’information. Les médias ont tendance à exposer un champ du possible
où les mères peuvent entendre tout et son contraire. Elles ne savent plus ce qu’elles doivent
croire ou ne pas croire, ce qui peut les rendre confuses : elles se mettent à douter, comme
l’évoquait précédemment BYLDLOWSKI. Or, pour WINNICOTT, c’est la mère qui sait, les
professionnels ne devant être là que pour accompagner la mère à faire l’expérience de ce
qu’elle sait et qu’elle va apprendre spontanément. LEBOVICI (2007) souligne l’importance
de lire des « revues médiatisées » pour comprendre le niveau d’information diffusé au grand
public car, selon lui, c’est le grand public qui consulte et non des spécialistes. Cela permet
d’être conscient de l’écart entre ce qu’ils entendent dire et ce que nous maîtrisons d’une
problématique afin d’élaborer un discours qui puissent amener les parents à modifier leur
regard sur ce qu’ils ont entendu et ainsi à faire tomber les fausses croyances si nécessaire.
Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 43 /93
Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de psychologie du développement et de
l’éducation
3
PROBLEMATIQUE
La
maternité,
plus
généralement
la
parentalité,
semble
revêtir
une
dimension
développementale tout aussi fondamentale et structurante que la croissance même d’un
enfant. Aussi, par une meilleure compréhension de la vie intime des jeunes mères, que met en
lumière de nombreuses recherches scientifiques, il semble possible de mieux appréhender ce
qui se joue dans la relation entre une mère et son enfant. Le dialogue mère-enfant qui
s’instaure au fil des heures, des semaines, des mois et des années privilégie un lieu d’échange
qui invite chacun à un ajustement permanent et qui semble s’inscrire dans un développement
dynamique non linéaire où chaque interaction résulte des interactions précédentes et offrent
une possibilité infinie de réponses. Or, l’état psychique de la mère, révélée par son humeur
quotidienne, semble colorer cette relation à l’enfant qui exprimera alors une réponse
singulière en fonction de ses besoins et de son âge.
La manière d’être de la jeune mère semble donc avoir une influence plus ou moins directe sur
les capacités relationnelles du jeune enfant et ses compétences futures cognitives, affectives et
sociales. Cet éclairage nous permet donc de mieux comprendre l’importance de la
disponibilité de la mère à l’égard de son enfant et l’exigence d’un équilibre physique et
émotionnel qui s’impose à elle. Il semble que l’attitude secure, sans inquiétudes (selon la
traduction du dictionnaire d’anglais), soit celle qui contribue à la plus grande confiance et
capacité d’exploration de l’enfant, deux atouts indispensables pour entrer à l’école et faire de
cette nouvelle étape de vie une expérience enrichissante et épanouissante.
L’objectif de l’expérimentation consiste à étudier la relation entre la peur que peut ressentir la
mère à l’égard de son enfant et la relation d’attachement qu’elle entretient avec lui.
L’hypothèse première est que plus la mère a peur pour son enfant, plus son attachement sera
de nature insecure, c’est-à-dire détachée ou préoccupée. L’hypothèse inverse sera aussi
étudiée, c’est-à-dire, moins la mère a peur pour son enfant, plus son attachement sera de
nature secure (autonome). Les résultats seront ensuite confrontés à une évaluation des
compétences de l’enfant (autonomie, socialisation et langage oral) situé en collectivité (haltejeux) afin de vérifier la conséquence de l’intensité de la peur de la mère pour son enfant et la
nature de son attachement sur les compétences cognitives, sociales et émotionnelles de
l’enfant et ce, à la veille de son entrée à l’école maternelle. Les résultats doivent nous
conduire à mieux comprendre l’expérience maternelle afin d’identifier si sa disposition
d’esprit et la peur qu’elle est susceptible d’entretenir à l’égard de son enfant influencent le
développement de ce dernier.
Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 44 /93
Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de psychologie du développement et de
l’éducation
4
METHODOLOGIE
4.1 Population d’étude
4.1.1 Population choisie
L’expérimentation s’est déroulée dans le cadre du stage de Master 2 réalisé au sein du
G.R.A.P.E.S.A, Groupe de Recherche et d’Action pour la Prévention, l’Education Spécialisée
et l’Accueil. Cette association s’intègre dans la politique générale d’action sociale que le
département du Var souhaite mener en direction des populations en difficulté d’insertion
sociale et se réfère au Code d’Action Sociale et des Familles (art.L.12-2). Les actions sont de
natures très diverses telles que l’écoute, l’accompagnement socio-éducatif, le soutien à la
scolarité, le soutien à la parentalité, etc. Le stage s’inscrit plus précisément dans
l’accompagnement socio-éducatif et le soutien à la parentalité auprès de la petite enfance et de
leurs parents, avec pour finalité la prévention des difficultés d’adaptation liées aux exigences
scolaires en soutenant les apprentissages premiers. Le secteur de la petite enfance privilégie
trois actions : la Halte-jeux (enfants de 2 à 3 ans non scolarisés), les ateliers d’éveil éducatifs
(3 à 6 ans) et le centre de loisirs maternel d’été (4 à 6 ans). La halte-jeux a deux objectifs
principaux : d’une part, contribuer au développement harmonieux de l’enfant sur les plans
moteurs, intellectuels et affectifs, par l’éveil de leur potentiel et d’autre part, répondre à une
demande d’aide éducative auprès des parents pour une meilleure compréhension des besoins
et des possibilités de l’enfant.
La psychologue y intervient à plusieurs titres en tant que :
observatrice des interactions mère-enfant dans le cadre des activités de la Halte-jeux : les enfants y sont
présents deux demi-journées par semaine sans leur mère et une demi-journée avec leur mère pour des
activités partagées,
animatrice de groupes de réflexion mensuels (au nombre de quatre) avec les parents (participation
obligatoire) dans la structure même de la Halte-jeux. Les groupes de réflexion sont une opportunité
d’échanger et de partager des expériences afin de sortir de l’isolement, de prendre de la distance, de
dédramatiser, de puiser de nouvelles idées ou de modifier ses représentations, etc. Les parents dont l’enfant
est entré à l’école peuvent continuer à participer à des groupes de réflexion sous forme d’un Café parents
organisé de manière mensuelle par la psychologue,
psychothérapeute en proposant des entretiens individuels à l’issue des deux premiers types d’interaction ;
c’est l’occasion d’approfondir une problématique afin d’effectuer un véritable travail d’élaboration
psychique.
4.1.2 Echantillon retenu pour l’expérimentation
L’échantillon retenu est composé de 13 parents de la halte-jeux qui participent à un des
Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 45 /93
Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de psychologie du développement et de
l’éducation
groupes de réflexion animés par la psychologue (voir tableau 1). Cela s’est passé sur la base
d’un volontariat. Seul un père a participé à l’expérimentation. Les parents de l’échantillon
sont pour la plupart isolés ou d’un milieu dit défavorisé. La majorité d’entre eux sont
d’origine étrangère (70 % de l’échantillon est originaire d’Afrique du Nord) et peu de parents
travaillent. L’expérimentation a porté sur autant de filles que de garçons, dont l’âge se situe
entre 2 et 3 ans, soit une moyenne de 2,6 ans. 60 % des enfants concernés sont les derniers de
la fratrie tandis que les autres sont principalement les aînés.
Origine
Grpe Mère Père Fille Fils
1
6
7
Age
Fratrie
2,6
F
Autre
4
9
N°
4
12
1
JSC
1
1
2,5
1/3
1
2
JSC
1
1
2,9
2/2
1
3
JSC
1
1
2,8
1/1
4
MLG
1
1
2,9
2/3
Maroc
5
MLG
1
1
3
1/2
Maroc
6
JLG
1
1
2,7
1/2
Maroc
7
JLG
1
1
2,5
2/2
Maroc
8
MSC
1
1
3
2/2
Algérie
Maroc
9 MSC
1
1
2,6
2/2
10 MSC
1
1
3
2/2
1
11 MSC
1
2
1/1
1
2
3/3
Maroc
2
3/3
Tunis
12 MSC
13 MSC
1
1
1
1
1
Agérie
Tableau 1. Profil de l’échantillon Halte-jeux
Lors des échanges en groupe, elles sont pour la plupart participatives et expriment leurs
préoccupations diverses et variées : la rentrée en Halte-jeux et la première séparation,
l’attachement de l’enfant, la propreté, l’obéissance et la pose des limites, le sens de
l’éducation, l’arrivée d’un deuxième enfant, l’endormissement, la rentrée à l’école maternelle,
etc. Tous les témoignages révèlent la diversité humaine et la singularité de l’expérience d’être
mère, même si les étapes ou les épreuves du quotidien sont similaires.
D’une manière générale, les mères sont préoccupées par l’attitude de l’enfant lorsqu’il rentre
dans une crise de larmes ou de colère. Elles ont alors peur qu’ils se fassent mal, qu’ils
s’étouffent ou encore pour certaines, qu’ils meurent. Ce sont dans ces situations qu’elles
semblent le plus stressées, que les symptômes d’anxiété et d’irritabilité apparaissent et
qu’elles ont le plus de difficulté à faire face et à trouver une issue favorable pour leur enfant et
elle. Elles savent unanimement que plus elles ont peur pour leur enfant et sont énervées dans
une telle situation, plus elles renforcent l’attitude de l’enfant. Il semble que les mères se
trouvent alors dans un sentiment d’impuissance, ce que la psychologue tente de travailler en
Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 46 /93
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l’éducation
groupe de réflexion, de manière à ce qu’elles retrouvent confiance en elles et en leur capacité
à construire une entente mutuelle avec leur enfant, malgré épisodes de cris ou de larmes de ce
dernier.
L’expérimentation a été aussi effectuée auprès de 13 parents du Café parents (voir tableau 2).
Les parents concernés sont tous d’origine française et de divers milieux sociaux. Les résultats
seront comparés à ceux de l’échantillon Halte-jeux sur les aspects concernant l’attachement et
la peur éprouvée à l’égard de son enfant, puisque les enfants du groupe Café parents sont plus
âgés – la moyenne d’âge est de 8 ans - et n’ont pas fait l’objet d’une évaluation des
compétences sociales, cognitives et affectives. L’évaluation concerne un plus grand nombre
de filles (environ 70 %). La majorité des parents ont choisi leur enfant aîné pour faire l’étude
pour l’aîné, sinon principalement pour le cadet.
Mère
Père
N°
12
1
1
1
1
2
1
1
3
1
4
1
5
Fille Fils
9
1
1
1
1
1
1/4
2/3
5
1/1
6
1/2
5
2/2
9
1/1
7
1/2
4
3/3
1
13
1/2
14
8
1
12
2/2
8
2/2
1
1
7
1/2
1
11
1/1
7
8
1
4
25
7
1
8
1
1
9
Age Fratrie
1
6
10
4
1
1
1
1
1
Tableau 2. Profil du groupe Café parents
4.1.3 Biais du choix de l’échantillon
Certaines études relatives à la théorie de l’attachement révèlent des différences de résultats sur
la nature de l’attachement adulte, notamment en fonction de l’ordre de l’enfant dans la fratrie.
Par exemple, il semble que la mère soit particulièrement vulnérable à la maternité pour la
naissance du premier enfant. Dans le cadre de l’expérimentation, l’analyse des résultats ne
fera pas de distinction a priori entre les enfants et leur ordre dans la fratrie.
De plus, la Halte-jeux accueille tout autant les mères que les pères, or ce sont les mères qui
viennent au groupe de réflexion, à l’exception d’un père qui ne travaille pas et s’occupe des
enfants. Il en est de même pour le Café parents. Ces pères sont présents à chaque séance et se
Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 47 /93
Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de psychologie du développement et de
l’éducation
posent beaucoup de questions sur la condition maternelle et paternelle. L’auto-questionnaire
d’attachement étant fait pour tous les genres et les âges, l’expérimentation est aussi proposée
au père. Cependant, compte tenu de la minorité, nous ne traiterons pas, a priori, de manière
distincte les résultats.
Un certain nombre de parents est issu de la migration. Au regard de l’étude interculturelle sur
l’attachement mère-enfant (Reebye, ), il est possible que les pratiques maternelles soient
distinctes, cependant, cela n’induit pas forcément un mode d’attachement distinct. C’est
pourquoi, nous analyserons a priori les résultats, toutes cultures confondues.
Les biais évoqués ci-dessus, ordre dans la fratrie, figure d’attachement maternelle ou
paternelle et culturalité, sont identifiés afin d’écarter à priori toutes les possibilités de
« déviance » des résultats et ce, pour des raisons de simplification. Néanmoins, si les résultats
s’avèrent pertinents pour l’un ou l’autre des aspects, ils seront alors précisés et discutés dans
l’analyse.
4.2 Consigne générale et outils d’évaluation
4.2.1 Consigne générale
L’expérimentation a été présentée à l’équipe de la halte-jeux ainsi qu’à tous les parents
présents aux différents groupes de réflexion et aux parents du Café parents (dont les enfants
sont d’anciens inscrits à la halte-jeux)45. Elle s’est déroulée dans le cadre d’un espace-temps
dédié, le temps de deux heures pour chacun des 5 groupes : 2 groupes du quartier la Gabelle,
2 groupes du quartier Sainte-Croix et 1 groupe du Café parents.
La consigne générale consistait à :
1.
Introduire les travaux de recherche sur l’attachement parent-enfant, notamment le fait que l’enfant a besoin
de se sentir en sécurité et ce, dès les premiers jours de sa vie, afin d’explorer le monde environnant en toute
confiance
2.
Présenter l’évaluation en deux parties : un questionnaire d’évaluation de l’attachement de l’adulte (l’autoquestionnaire d’attachement pour adulte Ca-Mir de B. Pierrehumbert et son équipe de recherche suisse) et
une échelle d’évaluation de la peur qui a été créée pour l’occasion.
3.
Expliquer aux parents que la passation des tests et la restitution des résultats leur permettraient de mieux
comprendre ce qui peut éventuellement les préoccuper et donc, ce qui pourrait expliquer les difficultés qu’ils
rencontrent ponctuellement avec leur enfant.
4.2.2 Outils d’évaluation
L’expérimentation consiste à interroger les mères ce qui implique certaines limites telles que
45
Voir la fiche de présentation du projet d’expérimentation en Annexe III
Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 48 /93
Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de psychologie du développement et de
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le discours qui ne coïncide pas forcément avec la réalité de l’événement. Cependant, la
recherche portant sur l’état d’esprit de la mère, et non sur son comportement, il semble que le
mode déclaratif soit le plus approprié pour recueillir cet état d’esprit qui sous-tendrait son
comportement sans observer ce dernier, ni chercher à ce que les mères le commentent. C’est
ce que confirme J.F. Richard (1999)46 en précisant que seule l’interrogation permet d’aborder
les « états intérieurs » tels que : les opinions, les attitudes, les intentions, les affects, les
représentations, les croyances qui sont, par définition, inobservable. L’évaluation doit
permettre de mieux comprendre le lien mère-enfant en posant l’accent sur les différents
éléments qui le constitue, à savoir la mère, l’enfant et le lien. Selon Leutenegger (2003)47,
étudier le système d’interactions suppose qu’on se donne les moyens d’observer ce qui a trait
à chacune des instances de la triade du système (mère – enfant – lien d’attachement), tout en
conservant l’entité « système » comme unité théorique insécable. Il s’agit donc bien d’évaluer
la triade en supposant que la triangulation (selon Mucchielli, 1996) permette de vérifier la
justesse et la stabilité des résultats produits. L’originalité et l’envergure des points de vue
recueillis grâce à l’élargissement de l’échantillonnage théorique fera aussi ressortir de
nouvelles facettes du problème ou du phénomène étudié.
L’expérimentation consiste donc à étudier la triade à l’aide des trois outils suivants (voir
figure A) :
L’évaluation de l’attachement adulte à l’égard de son enfant, en prenant en considération ses préoccupations
passées et présentes et ses représentations. L’auto-questionnaire d’attachement pour adulte mis au point par
B. PIERREHUMBERT et al. (1996) sera utilisé et s’inspire de l’Adult Attachment Review de MAIN
L’évaluation de l’intensité de la peur ressentie par la mère à l’égard de son enfant et ce, à des moments clés
de la maternité (désir d’enfant, grossesse, accouchement, etc.). Une échelle de la peur a été créée pour
l’expérimentation afin de pallier à un manque d’outils disponibles actuellement dans les recherches
scientifiques ; elle s’inspire de l’échelle de la douleur (utilisée dans certaines maternités et dans les hôpitaux
plus généralement)
Les compétences sociales du jeune enfant. Une grille d’évaluation des compétences sociales de l’enfant est
remplie par les éducateurs, en début et en fin d’année, pour tous les enfants inscrits à la Halte-jeux.
46
Richard J.F. (1999). Cours de psychologie – Bases, méthodes et épistémologies. Chapitre 6. Les méthodes
statistiques Dunod, Paris.
47
Leutenegger F. (2003). Etude des interactions didactiques en classe de mathématiques : un prototype
méthodologique. Bulletin de psychologie / tome 56.
Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 49 /93
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l’éducation
LIEN D’ATTACHEMENT
(Ca-Mir)
ENFANT
(Evaluation des compétences)
MERE
(Echelle de la peur)
4.2.2.1
Auto-questionnaire d’attachement pour adultes Ca-Mir
L’Adult Attachment Interview (AAI) de M. MAIN a permis de repérer chez l’adulte des
modèles très proches de ceux du bébé, exprimant l’état d’esprit de la personne à l’égard de ses
relations personnelles durant sa propre enfance (comportement autonome, détaché et
préoccupé). Dans l’AAI, il est demandé au parent de décrire ses souvenirs avec les figures
parentales, d’envisager quelle pourrait être l’influence de ces expériences sur sa vie, ainsi que
de décrire ses attitudes envers ses proches dans sa famille actuelle. L’encodage ne prend pas
en compte uniquement le contenu du discours, mais aussi les qualités intrinsèques du narratif,
telles que la cohérence, l’irruption d’émotions (colère, tristesse), le blocage de souvenirs.
PIERREHUMBERT et al. (1996) propose un auto-questionnaire pour adultes, le Ca-Mir (Ca
pour CArtes et Mir pour Modèles Individuelles de Relations) dont le but est aussi d’identifier
les modèles de relations. Il semble être reconnu pour sa fiabilité. En effet, l’outil a été utilisé
dans le cadre de différentes études dont une menée par R. MILJKOVITCH sur la
correspondance entre la Ca-Mir, la Situation Etrange et l’AAI, une autre sur le Ca-Mir des
conjoints
(BRETHERTON
et
al.)
et
une
autre
encore
sur
la
correspondance
transgénérationnelle de 3 générations (PIERREHUMBERT, LEBOVICI et al.) avec le Ca-Mir
des mères et grands-mères.
Le questionnaire Ca-Mir consiste à évaluer les stratégies relationnelles inter-personnelles, en
supposant l’existence d’un modèle de soi-même et des autres dans ces relations. Il s’agit
d’identifier la nature des relations pendant l’enfance et les représentations de la personne
quant à ses besoins émotionnels et ceux des autres. Les questions couvrent quatre aspects :
1.
le présent (famille actuelle)
2.
le passé (expérience de l’enfance dans la famille d’origine)
3.
l’état d’esprit (appréciation actuelle à l’égard de l’implication des parents)
4.
la généralisation (représentation généralisée et sémantique de la parentalité, des besoins émotionnels des
enfants et adultes).
Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 50 /93
Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de psychologie du développement et de
l’éducation
Au travers de ces quatre niveaux de perception de la réalité, les stratégies primaires et
secondaires seront évaluées pour savoir si la personne valorise ou non le support social c’està-dire la sécurité relationnelle, au détriment de l’indépendance ou l’autonomie. Les questions
doivent pouvoir s’adresser à tous, quelque soit l’âge, le sexe et l’expérience de vie.
Le Ca-Mir utilise 72 items48 répartis selon 13 échelles :
1.
Echelle A : interférence parentale
8.
Echelle H : distance familiale
2.
Echelle B : préoccupation familiale
9.
Echelle I : rancune de rejet
3.
Echelle C : rancune d’infantilisation
10. Echelle J : traumatisme parental
4.
Echelle D : support parental
11. Echelle K : blocage du souvenir
5.
Echelle E : support familial
12. Echelle L : démission parentale
6.
Echelle F : reconnaissance de soutien
13. Echelle M : valorisation de la hiérarchie
7.
Echelle G : indisponibilité parentale
Il semble que ces échelles soient sensibles aux conditions et aux événements de vie et que ces
unités de représentation soient liées à l’histoire de l’individu. Les 13 échelles ont été mises en
rapport les unes avec les autres selon deux axes : l’axe « préoccupation (échelles ABC) autonomie (échelles DEF) - détachement (échelles GHI) » et l’axe « passé - présent – état
d’esprit ». Les échelles J et K reflètent la non-résolution et les échelles L et M sont liées à la
structuration du milieu familial (passé et état d’esprit uniquement).
Ainsi, les échelles peuvent être lues de la manière suivante :
Préoccupation
("E")
Autonomie
("F")
Détachement
("D")
Non-résolution
("U")
Structuration
Passé
A
Interférence
parentale
D
Support
parental
G
Indisponibilité
parentale
J
Traumatisme
parental
L
Démission
parentale
Présent
B
Préoccupation
familiale
E
Support
familial
H
Distance
familiale
Etat d'esprit
C
Rancune
d'infantilisation
F
Reconnaissance
de soutien
I
Rancune
de rejet
K
Blocage
du souvenir
M
Valorisation
de la hiérarchie
La consigne du Ca-Mir consiste à demander au sujet de trier les 72 items retranscrits sur des
cartes selon le protocole suivant :
1. Le sujet trie les cartes en trois piles «vrai », « ne me
concerne pas » et « faux »
48
La distribution forcée permet d’aplanir la courbe de Gauss et
de réduire une tendance humaine à mettre les cartes le plus
Voir la liste des items en Annexe IV
Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 51 /93
Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de psychologie du développement et de
l’éducation
2. Le sujet reprend la pile « vrai » et la répartit en « très
souvent dans la pile du milieu (effet de la désirabilité
vrai » et « plutôt vrai », il effectue la même chose avec
sociale des événements comme auto-référence du sujet dans
la pile « faux » et conserve la pile « ne me concerne
ses comportements effectifs). La subjectivité est ainsi
pas » ; on obtient ainsi des réponses en format Lickert
préservée et permet d’explorer l’expérience personnelle
(échelle en 5 points)
selon le point de vue propre du sujet et donc de ses
3. Le sujet reprend la pile « très vrai », retient les 12 cartes
représentations mentales.
les plus pertinentes et met le surplus éventuel de cartes
dans la pile « plutôt vrai ». Il effectue la même
opération avec la pile « plutôt vrai » de manière à ce
qu’elle contienne 15 cartes et met le surplus éventuel de
cartes dans la pile « ne me concerne pas ». Le sujet
effectue les mêmes opérations avec la pile « très faux »
et « plutôt faux » jusqu’à obtenir 18 cartes dans la pile
« ne
me
concerne
pas ».
La
procédure
Q-Sort
(Stephenson, 1935), permet de sérier les impressions du
sujet en les comparant.
Les manipulations sont effectuées à l’aide d’une « planche de travail »49 qui permet de guider
le déroulement du test. Les résultats sont inscrits par le sujet sur la planche qui sert de
référence à la saisie des résultats sur un logiciel de traitement des données. Le calcul de score
peut alors s’effectuer pour chaque sujet : chaque item obtient un score (de 5 « pour très vrai »
à 1 pour « très faux ») traduisant son degré de pertinence subjectif. Sur cette base, s’effectue
le calcul
du score moyen aux 13 échelles au regard des variables socio-
démographiques (parental - famille d’origine et familial - famille actuelle).
Il existe trois prototypes de Q-Sorts présentant le prototype détaché, le prototype préoccupé et
le prototype secure. La procédure consiste à corréler à chaque Q-Sort obtenu un prototype qui
conduira à trois coefficients de corrélation exprimant le degré de ressemblance du sujet à
chacun des prototypes. La corrélation avec le prototype secure exprimera la stratégie
primaire et la stratégie secondaire correspond à la soustraction des indices détaché moins
préoccupé.
Deux diagrammes sont ainsi construits pour chaque sujet à partir des résultats dont voici un
exemple :
49
Voir la planche de test en Annexe V
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l’éducation
Mode de relation à l'enfant
scores T (m. 50 é.t. 10)
100
50
0
Secure
Détaché
Préoccupé
Facteurs d'influence
100
au regard de l'expérience familiale passée :
scores T (m. 50 é.-t. 10)
3
9
1 2
50
Facteurs d'influence de l'état d'esprit du parent vis-à-vis de l'enfant et
4
5
6 7
8
0
10
12 13
11
1. La préoccupation est liée à l'expérience familiale de l'enfance
2. La préoccupation est liée à l'expérience familiale actuelle
3. L'état d'esprit est préoccupé par une rancune liée à un manque d'autonomie dans le passé
4. La famille d'origine est une base de sécurité et d'autonomie
5. La famille actuelle est une base de sécurité et d'autonomie
6. L'état d'esprit est sécurisé et autonome (reconnaissance du soutien familial passé et présent)
7. Le détachement est lié à une indisponibilité parentale par le passé
8. Le détachement est lié à une distance familiale dans le présent
9. L'état d'esprit est détaché du fait d'un sentiment d'avoir été rejeté dans l'enfance
10. Un conflit parental passé perdure
11. Le souvenir est bloqué du fait d'un conflit parental non résolu
12. La structuration du milieu familial est liée à la démission parentale passée
13. L'état d'esprit valorise la hiérarchie dans la structuration familiale
4.2.2.2
L’échelle de la peur de la mère à des étapes clés de
la maternité
Il n’existe à ce jour aucune échelle de la peur utilisée de manière aussi systématique que
l’échelle de la douleur. Cette dernière est présentée aux patients des hôpitaux et des centres
anti-douleur, notamment lorsque l’on doit administrer de la morphine en soins palliatifs ou
auprès des enfants qui rencontrent des difficultés à verbaliser leurs sensations physiques. La
douleur est évaluée sur une échelle de 0 à 10, où 0 représente une absence totale de douleur et
10 représente une douleur insupportable. L’échelle s’avère très utile pour estimer l’évolution
du patient quant à son ressenti physique de la douleur d’autant plus que cette perception
s’avère très subjective.
C’est dans cet esprit que l’échelle de la peur est proposée. Elle respecte la perception
subjective de l’émotion en étalonnant de 0 à 10 la perception de la peur que la mère ressent à
l’égard de son enfant. L’intensité 0 correspond à une absence totale de peur, l’intensité 5
correspond à une présence de peur qu’il est possible de contrôler et l’intensité 10 correspond à
une peur qui préoccupe totalement la personne et qu’il est impossible de contrôler.
La consigne consiste à mettre les mères en état de relaxation et à se remémorer
successivement différentes périodes de la vie passée. Ces périodes correspondent aux étapes
clés de la maternité : avant d’être enceinte (désir ou non d’enfant), pendant la grossesse, au
moment de l’accouchement, durant les premiers jours après la naissance de l’enfant, durant
les premiers mois de l’enfant, aux premiers pas de l’enfant et enfin actuellement. Pour chaque
Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 53 /93
Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de psychologie du développement et de
l’éducation
période, les mères sont invitées à percevoir ce qu’elles ressentent et à se demander si elles
sont habitées par une peur à l’égard de leur enfant et qu’elle est son intensité. Elles inscrivent
les résultats sur une fiche50 au fur et à mesure du test, comme cet exemple :
2. Visualiser une scène pendant la grossesse...Quelle est l’intensité de votre peur ?
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
A la fin, il leur est demandé de se remémorer la période de leur enfance avec leur mère et
d’évaluer l’intensité de la peur de cette dernière à leur égard.
Cette évaluation doit permettre aux mères d’accéder à leur intériorité et ainsi de privilégier la
subjectivité de leur ressenti.
Les résultats sont saisis dans un graphe où la peur de leur propre mère est inscrite sur la
globalité du graphe dont voici un exemple :
Evaluation de la peur à l'égard de son enfant
Intensité de la peur
10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
4.2.2.3
Peur de ma propre mère
Avant
grossesse
Pendant
grossesse
Pendant
accouchement
1ers jours
après la
naissance
1ers mois
après la
naissance
Les premiers
pas de
l'enfant
Désir enfant
Gestation
Naissance
Nouveau-né
Bébé
Autonomie
Aujourd'hui
Périodes
de la
maternité
Socialisation
La grille d’évaluation des compétences sociales
Chaque enfant inscrit à la halte-jeux est évalué en début et en fin d’année par les éducateurs.
Certains enfants ont été inscrits tardivement dans l’année ; l’évaluation se basera sur l’unique
évaluation qui est faite de leurs compétences.
La grille d’évaluation51 met en valeur plusieurs compétences :
1.
l’affirmation de sa personnalité (autonomie) : capacités à se séparer de sa mère ou d’un objet transitionnel,
accrocher son manteau, enlever ses chaussures, se laver les mains, jouer seul et exprimer ses désaccords.
2.
l’interaction de manière harmonieuse avec les autres (socialisation) : capacités à jouer avec les autres,
exprimer correctement ses désaccords, attendre son tour, remettre un objet à sa place, respecter les règles et
utiliser les formules de politesse
3.
la communication en utilisant les ressources de la langue (langage oral) : capacités à dire son prénom,
répéter les mots entendus, mimer et chanter une chanson, formuler des phrases courtes et formuler une
demande.
Une échelle similaire à celle utilisée en école maternelle permet de quantifier les
50
51
Voir la fiche d’évaluation de la peur en Annexe VI
Voir le modèle de grille d’évolution en Annexe VII
Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 54 /93
Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de psychologie du développement et de
l’éducation
observations :
1.
en vert : acquis (score = 3)
2.
en orange : en voie d’acquisition (score = 2)
3.
en rouge : chemine avec un peu de difficulté (score = 1)
Ainsi, l’équipe de la halte-jeux évalue les compétences de chaque enfant et ce, en début et fin
d’année avec une évaluation unique en fin d’année pour les enfants ayant été inscrits depuis
début 2008, comme dans l’exemple de graphe ci-dessous :
3
2
1
0
A
B
Autonomie
A
B
Socialisation
A
B
Langage oral
Compétences du jeune enfant
Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 55 /93
Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de psychologie du développement et de
l’éducation
5
RESULTATS
5.1 Présentation des résultats52
5.1.1 Résultats de l’évaluation de l’attachement pour adulte
Les résultats de l’évaluation de l’attachement pour adulte53 révèlent une grande hétérogénéité.
Les scores du mode de relation Secure varient de 25,6 à 57,1, sachant que le prototype Secure
a un score de 64,7 (voir graphe A). La moitié des mères ont un score Secure situé entre 46,5 et
49,9. Ces mêmes mères présentent des scores Détaché et Préoccupé d’un niveau moyen, à
l’exception de quelques unes d’entre elles où l’un des scores, Détaché ou Préoccupé, est élevé
(> 50). Les mères les plus Secure (score entre 56,6 et 57,1) ont des scores relativement faibles
pour le mode de relation Détaché (score de 47,4) et Préoccupé (score entre 44,3 et 46,1). Les
mères les moins Secure (score entre 25,6 et 34,3) ont des scores particulièrement élevés pour
le mode de relation Détaché (score entre 65,7 et 69,2) et Préoccupé (score entre 61 et 69,7), à
l’exception d’une mère dont le score Détaché est moyen (48,9). L’échantillon Halte-jeux est
d’un niveau Secure moyen (45,4) alors que le niveau Détaché (51,7) et Préoccupé (54,4) sont
plus élevé que le prototype Secure dont les score sont respectivement de 42,2 et 43,6.
Echantillo n HJ
Gro upe CP
Score T (m. 50 é.-t. 10)
Pro to type Secure
100,0
80,0
60,0
40,0
20,0
0,0
S
D
P
Graphe A. Mode de relation d’attachement des groupes au regard du prototype Secure
Les facteurs d’influence les plus élevés au regard du prototype Secure et qui expliquent les
résultats relatifs au mode d’attachement ci-dessus sont (voir graphe B) :
Interférence parentale (Echelle A)
Rancune d’infantilisation (Echelle C)
Indisponibilité parentale (Echelle G)
Rancune de rejet (Echelle I)
Traumatisme parental (Echelle J)
Démission parentale (Echelle L)
Les facteurs d’influence les plus faibles au regard du prototype Secure sont (voir graphe) :
52
53
Voir les fiches saisies par les sujets en Annexe XII
Voir le protocole de l’échantillon Halte-jeux pour l’évaluation de l’attachement pour adulte en Annexe VIII-A
Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 56 /93
Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de psychologie du développement et de
l’éducation
Support parental (Echelle D)
Support familial (Echelle E)
Reconnaissance de soutien (Echelle F)
Echanti llon HJ
Groupe CP
Prototype Secure
100,0
90,0
ScoreT(m
. 50é.-t. 10)
80,0
70,0
60,0
50,0
40,0
30,0
20,0
10,0
0,0
A
B
C
D
E
F
G
H
I
J
K
L
M
Graphe B. Score des facteurs d’influence des groupes au regard du prototype Secure
Concernant le seul mode d’attachement Secure, la moyenne des scores de l’échantillon Haltejeux est relativement faible (44,82), ce que confirme le calcul de la médiane (44,8). Les
indices de dispersion s’avèrent élevés, avec une variance de 109,16 et un écart-type de 10,45,
ce qui justifie le caractère hétérogène de la distribution du protocole (voir Tableau 3).
Dist r ibut ion des ef f ect if s de l'échant illon Halt e- jeux selon le score
d'at t achement Secur e
6
5
4
3
2
1
0
24,1 27,6
31,0
34,5
37,9
41,4
44,8
48,3
V aleur cent r al e d u sco r e
51,7
55,2
58,6
Classe
22,4 - 25,8
25,8 - 29,3
29,3 - 32,7
32,7 - 36,2
36,2 - 39,6
39,6 - 43,1
43,1 - 46,6
46,6 - 50
50 - 53,5
53,5 - 56,9
56,9 - 60,4
Valeur centrale
Effectif
Secure
Effectif cumulé
24,1
1
1
Moyenne
44,82
27,6
1
2
Variance
109,16
31,0
0
2
Ecart-type
10,45
34,5
1
3
37,9
0
3
41,4
1
4
1
5
50 % des effectifs
44,8
48,3
5
10
Coupure quasi-médiane
51,7
0
10
55,2
2
12
58,6
1
13
Tableau 3. Distribution des effectifs de l’échantillon Halte-jeux selon le score Secure et indices de dispersion
Concernant le mode d’attachement Secure, les résultats du groupe Café parents54 présentent
une grande hétérogénéité (voir tableau 4) marquée par un quart des parents dont le score est
très faible (entre 24,1 et 34,5) et un autre quart de parents dont le score est élevé (entre 51,7 et
58,6), à l’exception d’un parent dont le score est de 41,4 et qui se situe proche de la moyenne
(42,43). La valeur faible de la médiane (34,5) comparativement à la moyenne s’explique par
cette tendance à une courbe de Gauss inversée. Les indices de dispersion s’avèrent élevés,
avec une variance de 187,29 et un écart-type de 13,69, ce qui justifie le caractère hétérogène
de la distribution du protocole.
54
Voir le protocole du groupe Café parents pour l’évaluation de l’attachement pour adulte en Annexe IX - A
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Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de psychologie du développement et de
l’éducation
Distribution des effectifs de l'échantillon selon le score
d'attachement Secure
Classe
22,4 - 25,8
25,8 - 29,3
29,3 - 32,7
32,7 - 36,2
36,2 - 39,6
39,6 - 43,1
43,1 - 46,6
46,6 - 50
50 - 53,5
53,5 - 56,9
56,9 - 60,4
Effectif
4
3
2
1
0
24,1 27,6 31,0 34,5 37,9 41,4 44,8 48,3 51,7 55,2 58,6
Valeur centrale du score
Valeur centrale
Effectif
Secure
Effectif cumulé
24,1
2
2
Moyenne
42,43
27,6
1
3
Variance
187,29
31,0
1
4
Ecart-type
13,69
2
6
50 % des effectifs
34,5
37,9
0
6
Médiane
41,4
1
7
44,8
0
7
48,3
0
7
51,7
1
8
55,2
3
11
58,6
2
13
Tableau 4. Distribution des effectifs du groupe Café parents selon le score Secure et indices de dispersion
Quelques résultats distinguent nettement l’échantillon Halte-jeux et le groupe Café parents :
Les mères du groupe Café parents ont des scores moins élevés que l’échantillon Halte-jeux pour les
modes de relation Secure et Détaché, alors que le score Préoccupé est identique (graphe A)
Concernant les facteurs d’influence, le score du groupe Café parents nettement plus élevé que celui de
l’échantillon Halte-jeux est (graphe B) :
Support familial (Echelle E)
Le score du groupe Café parents nettement plus faible que celui de l’échantillon Halte-jeux est :
Préoccupation familiale (Echelle B)
Blocage du souvenir (Echelle K)
Démission parentale (Echelle L)
Valorisation de la hiérarchie (Echelle M)
Les résultats sont synthétisés dans le tableau suivant (tableau 5) :
Passé
Présent
Etat d'esprit
Préoccupation
A Interférence parentale
B Préoccupation familiale
C Rancune d'infantilisation
Echantillon HJ
Groupe CP
Secure
56,8
62,4
57,8
54,9
53,1
56,3
49,3
57,2
46,9
Autonomie
D Support parental
E Support familial
F Reconnaissance de soutien
Echantillon HJ
Groupe CP
Secure
48,8
49,0
50,0
44,4
54,7
46,8
61,5
56,0
57,2
Détachement
G Indisponibilité parentale
H Distance familiale
I Rancune de rejet
Echantillon HJ
Groupe CP
Secure
55,0
52,1
56,6
58,2
51,9
59,1
49,5
49,8
42,1
Non-résolution
J Traumatisme parental
K Blocage du souvenir
Echantillon HJ
Groupe CP
Secure
60,7
55,7
60,3
50,3
45,8
53,6
Structuration
L Démission parentale
M Valorisation hiérarchie
Echantillon HJ
Groupe CP
Secure
61,0
57,5
55,8
49,8
52,8
53,9
Tableau 5. Répartition des facteurs d’influence par groupe et au regard du prototype Secure (sur la base de la moyenne de chaque groupe)
Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 58 /93
Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de psychologie du développement et de
l’éducation
5.1.2 Résultat de l’évaluation de la peur de la mère à l’égard de son
enfant selon les étapes clés de la maternité
Les résultats de l’évaluation de la peur de la mère à l’égard de son enfant aux étapes clés de la
maternité55 révèlent une grande variété de résultats. La très grande majorité des mères (77 %)
ont rencontré à un moment ou un autre de la maternité une intensité de peur pour leur enfant
très élevée (score entre 8 et 10). Les périodes les plus évoquées sont l’accouchement (40 %) et
la période actuelle (40 %). Chaque période de maternité rencontre des scores très hétérogènes,
variant en moyenne de 9 points. Globalement, l’intensité moyenne de l’échantillon Halte-jeux
la plus élevée correspond à la période d’accouchement (score de 6)
alors qu’avant la
grossesse, le niveau moyen d’intensité de la peur est de seulement 3. Toutes les autres
périodes correspondent à une intensité moyenne de 5 (graphe C). La moitié des mères de
l’échantillon Halte-jeux éprouvent encore aujourd’hui une peur pour leur enfant d’une
intensité élevée (intensité > 5), tandis que d’autres n’ont pas peur (niveau 0) ou très peu peur
(niveau 1).
De plus, la peur moyenne de chaque mère correspond, à deux degrés d’échelle près, à
l’intensité moyenne de la peur que leur propre mère a éprouvé à leur égard durant l’enfance,
toute étape de la maternité confondue. L’intensité moyenne de la peur de l’échantillon Haltejeux est égale à celle du groupe que constitue leur propre mère, soit d’intensité 5.
Echantillon Halte-jeux
7 : actuel
6 : 1ers pas
5 : 1ers mois
4 : 1ers jours
l'accouchement
grossesse
3 : pendant
grossesse
2 : pendant la
Groupe Café parents
1: avant la
10,0
9,0
8,0
7,0
6,0
5,0
4,0
3,0
2,0
1,0
0,0
Graphe C. Evaluation de la peur éprouvée par la mère à l’égard de son enfant selon les étapes clés de la maternité
La moyenne des scores de l’échantillon Halte-jeux concernant la peur éprouvée à l’égard de
son enfant, toute période de la maternité confondue, est d’un niveau moyen (5,12), avec une
coupure quasi médiane à 4,5. Une petite majorité des mères partagent une même moyenne
d’intensité de peur, correspondant à une valeur centrale de 5,5. Les indices de dispersion
s’avèrent élevés, avec une variance de 2,76 et un écart-type de 1,66, ce qui justifie le caractère
hétérogène de la distribution du protocole (voir Tableau 6).
55
Voir le protocole de l’échantillon Halte-jeux pour l’évaluation de la peur en Annexe VIII-B
Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 59 /93
Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de psychologie du développement et de
l’éducation
8
Classe
0-1
1-2
2-3
3-4
4-5
5-6
6-7
7-8
8-0
9 - 10
7
Effectif
6
5
4
3
2
1
0
0,5
1,5
2,5
3,5
4,5
5,5
6,5
7,5
8,5
9,5
Valeur centrale de l'intensité de la peur
Secure
Valeur centrale
0,5
1,5
2,5
3,5
4,5
5,5
6,5
7,5
8,5
9,5
Effectif
0
1
1
0
2
7
0
2
0
0
Effectif cumulé
0
1
2
2
4
11
11
13
13
13
Moyenne
Variance
Ecart-type
5,12
2,76
1,66
50 % des effectifs
Coupure quasi-médiane
Tableau 6. Distribution des effectifs de l’échantillon Halte-jeux selon la peur ressentie par la mère à l’égard de
son enfant et indices de dispersion
Concernant le groupe Café parents, les résultats révèlent des différences significatives56. La
moyenne des scores du groupe café parents concernant la peur éprouvée à l’égard de son
enfant, toute période de la maternité confondue, est d’un niveau moyen plus faible (3,19),
avec une coupure quasi médiane à 2,5. Une grande majorité des mères a une peur moyenne
faible (entre 0 et 3). Une minorité de mères a une moyenne d’intensité de peur supérieure ou
égale à la valeur centrale 5,5. Les indices de dispersion s’avèrent très élevés, avec une
variance de 3,73 et un écart-type de 1,93, ce qui justifie le caractère hétérogène de la
distribution du protocole (voir Tableau 7).
Distribution des effectifs de l'échantillon selon le score
d'attachement Secure
Effectif
4
3
2
1
0
0,5
1,5
2,5
3,5
4,5
5,5
6,5
Valeur centrale du score
7,5
8,5
9,5
Secure
Valeur centrale
0,5
1,5
2,5
3,5
4,5
5,5
6,5
7,5
8,5
9,5
Effectif
1
3
3
2
2
1
0
1
0
0
Effectif cumulé
1
4
7
9
11
12
12
13
13
13
Moyenne
3,19
Variance
3,73
Ecart-type
1,93
50 % des effectifs
Coupure quasi-médiane
Tableau 7. Distribution des effectifs du groupe Café parents selon la peur ressentie par la mère à l’égard de son
enfant et indices de dispersion
Globalement, à chaque étape de la maternité, les résultats de l’échantillon Halte-jeux sont plus
élevés que ceux du groupe Café parents (graphe D). Cette différence représente 1 à 2,5 points
sur l’échelle de la peur.
En sélectionnant les items des échelles de l’attachement pour adulte qui évoquent la peur ou
l’inquiétude57, il est possible d’établir le prototype Secure de la peur. On appellera ces items
« items peur / inquiétude ». Ce dernier présente des scores spécifiques aux items concernés
56
57
Voir le protocole du groupe Café parents pour l’évaluation de la peur en Annexe IX-B
Voir le protocole de l’échantillon Halte-jeux pour l’évaluation des items « peur / inquiétude » en Annexe VIII-
C
Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 60 /93
Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de psychologie du développement et de
l’éducation
(graphe E). Les résultats révèlent que l’échantillon Halte-jeux a un profil « peur / inquiétude »
similaire à celui du prototype Secure, à l’exception des items suivants :
« Enfant, on m’a inculqué la crainte d’exprimer ses opinions » (score faible pour le
prototype Secure et score élevé pour l’échantillon Halte-jeux)
« Dans ma famille, chacun exprime ses émotions sans crainte » (score élevé pour le
prototype Secure et score faible pour l’échantillon Halte-jeux)
Les résultats du groupe Café parents au regard du prototype Secure58, présentent les
différences suivantes et avec un score nettement plus élevé pour le groupe Café parents :
« Enfant, j’étais inquiet d’être abandonné »
« J’étais un enfant peureux »
« A l’adolescence, personne dans mon entourage n’a vraiment compris mes soucis »
« Enfant, j’avais peur de mes parents »
Le seul item dont le score est nettement moins élevé de la part du groupe Café parents est :
« Je suis toujours inquiet de la peine que je peux faire à mon entourage »
Secure
4,5
4
3,5
3
2,5
2
1,5
1
0,5
0
Echantillon Halte-jeux
Groupe Café parents
Enfant, on m'a
Dans ma
Enfant, j'étais J'étais un enfant Enfant, on a été Je suis toujours La perspective Souvent, je me
A
sens
l'adolescence,
inculqué la
famille, chacun
inquiet(e) d'être
peureux
tellement
inquiet(e) de la
d'une
séparation
préoccupé(e) personne dans
crainte
exprime ses
abandonné(e)
soucieux de ma peine que je
santé et de ma
peux faire à
momentanée sans raison par mon entourage d'exprimer son émotions sans
opinion
craindre les
sécurité, que je mes proches en d'un proche me la santé de mes
n'a jamais
proches
vraiment
personnelle
réactions des
me sentais
les quittant
laisse un
emprisonné(e)
sentiment diffus
compris mes
autres
d'inquiétude
soucis
39
48
54
22
68
72
26
55
4
Enfant, j'avais
peur de mes
parents
33
Graphe E. Evaluation des items « peur / inquiétude » au regard du prototype Secure
5.1.3 Résultat de l’évaluation des compétences des enfants en Haltejeux
L’évaluation des enfants59 de l’échantillon Halte-jeux a été réalisée pour 11 d’entre eux en
termes d’évaluation finale (en fin d’année) et pour 6 d’entre eux en termes d’évolution des
compétences entre le début et la fin de l’année.
Evaluation finale des compétences : sous-groupe de 11 enfants de l’échantillon Halte-jeux
La moyenne du groupe est de 2,41 (tableau 8), tout domaine confondu, avec une note
maximale de 2,9. La très grande majorité des enfants a une valeur centrale de 2,5, à
l’exception d’un enfant dont le score est de 1,6. Les résultats montrent une faible dispersion
58
Voir le protocole détaillé pour l’évaluation des items de la peur en Annexe IX-C
Voir le protocole détaillé pour l’évaluation des compétences des enfants en Annexe VIII-D et le protocole
synthétisé en Annexe VIII-E
59
Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 61 /93
Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de psychologie du développement et de
l’éducation
avec une variance de 0,09 et un écart-type de 0,3.
Secure
Valeur centrale
0,5
1,5
2,5
12
10
Effectif
8
6
4
2
0
0,5
1,5
2,5
Effectif
0
1
10
Effectif cumulé
0
1
11
Moyenne
Variance
Ecart-type
2,41
0,09
0,30
Vale ur ce ntrale du s core
Tableau 8. Evaluation des compétences finales des enfants de l’échantillon Halte-jeux et indices de dispersion
Les scores du domaine « Socialisation » oscillent entre 2,5 et 3 pour la majorité du groupe à
l’exception de 2 sujets (graphe F). Les résultats sont similaires pour le domaine « Langage
oral », mais ne concernent pas exactement les mêmes sujets. Le domaine de compétence pour
lequel les scores sont les plus faibles est le domaine « Autonomie » avec 8 sujets qui
obtiennent un score inférieur ou égal à 2,5.
3,5
Valeur centrale duscore
3,0
2,5
Autonomie
2,0
Socialisation
1,5
Langage oral
1,0
0,5
0,0
7
8
10
4
5
2
9
12
13
11
1
N° du sujet
Graphe F. Répartition des scores finaux par domaine de compétences des enfants
Evaluation de l’évolution des compétences de 6 enfants de l’échantillon Halte-jeux :
La moyenne de l’évolution des compétences du groupe est de 1,17 points (tableau 9), tout
domaine confondu, avec une augmentation maximale de 1,6 points. Une grande majorité des
enfants a une valeur centrale de progression de 1,5, à l’exception de deux enfants dont le
score est de 0,5. Les résultats révèlent une faible dispersion avec une variance de 0,27 et un
écart-type de 0,52.
Distribution des ef fectifs de l'échantillon selon le score
d'attachement Secure
Classe
0-1
1-2
2-3
5
Effectif
4
3
2
1
0
0,5
1,5
Secure
Valeur centrale
0,5
1,5
2,5
Effectif
2
4
0
Effectif cumulé
2
6
6
Moyenne
Variance
Ecart-type
1,17
0,27
0,52
2,5
Valeur ce ntrale du s core
Tableau 9. Evaluation de l’évolution des compétences finales des enfants de l’échantillon Halte-jeux et indices
de dispersion
Les plus fortes progressions dans les compétences des enfants (graphe G) concernent le
domaine « Langage oral » pour la moitié d’entre eux et le domaine « Socialisation » pour
deux d’entre eux. Seuls 2 enfants connaissent une progression faible de l’ensemble de leurs
domaines de compétences, oscillant entre 0,2 et 0,7.
Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 62 /93
Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de psychologie du développement et de
l’éducation
Valeur centraleduscore
2,5
2,0
1,5
A utonomie
Socialisation
Langage oral
1,0
0,5
0,0
12
5
9
4
8
10
Suje ts
Graphe G. Répartition des scores de progression par domaine de compétences des enfants
5.1.4 Analyse des relations entre les trois évaluations
Les résultats sont présentés dans un tableau synthétique (tableau 10) afin de présenter :
1. Le profil des sujets de l’échantillon Halte-jeux
2. Les résultats obtenus au questionnaire d’attachement pour adulte en prenant en compte
la seule variable « Attachement Secure »
3. Les résultats obtenus à l’échelle de la peur en prenant en compte la moyenne de
l’intensité de la peur toute étape de la maternité confondue et l’intensité de la peur au
moment de l’accouchement
4. Les résultats obtenus à l’évaluation des compétences finales des enfants pour ceux qui
ont pu être observés en Halte-jeux, avec pour certains, la progression de leurs
compétences entre le début et la fin de l’année
PROFIL
Origine
Grpe Mère Père Fille Fils
N°
4
12
1
6
7
1
JSC
1
1
2
JSC
1
1
3
JSC
1
1
4
MSC
1
5
MSC
1
6
JLG
1
1
7
1
Age
Fratrie
2,6
LIEN
MERE
ENFANT
Peur
Compétences
F
Autre
Attachement
Secure
Moyenne
accouchement
Finales
Evolution
4
9
45,4
4,9
5,8
2,6
1,1
41,5
4,1
8,0
1,6
2,6
2,5
1/3
1
2,9
2/2
1
2,8
1/1
1
3
2/2
1
3
2/2
2,7
1/2
25,6
4,4
8,0
Maroc
29,1
5,1
4,0
Algérie
48,7
5,0
2,0
2,9
0,5
48,7
1,7
1,0
2,9
0,4
Maroc
54,9
2,4
2,0
1
JLG
1
2,5
2/2
Maroc
46,5
7,1
7,0
2,9
8 MSC
1
1
2,6
2/2
Agérie
49,9
5,1
6,0
2,6
9
MLG
1
1
3
1/2
Maroc
57,1
5,1
7,0
2,8
1,4
10 MLG
1
1
2,9
2/3
Maroc
56,6
5,1
9,0
2,8
1,3
11 MSC
1
2
1/1
48,6
5,3
4,0
2,4
2
3/3
Maroc
48,3
7,7
7,0
2,5
2
3/3
Tunis
34,3
5,0
10,0
2,4
12 MSC
13 MSC
1
1
1
1
1
1
1,3
1,6
MSC : Halte-jeux Sainte-Croix groupe du Mardi
JSC : Halte-jeux Sainte-Croix groupe du Jeudi
MLB : Halte-jeux la Gabelle groupe du Mardi
JLB : Halte-jeux la Gabelle groupe du Jeudi
Tableau 10. Protocole synthétisé de l’échantillon Halte-jeux
Un autre tableau synthétise les résultats du groupe Café parents (tableau 11), ce qui permettra
d’approfondir la réflexion, notamment sur l’analyse de la relation entre l’attachement Secure
et la peur de la mère à l’égard de son enfant.
Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 63 /93
Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de psychologie du développement et de
l’éducation
Fratrie
Attachement
Secure
Peur
moyenne
42,8
3,1
Mère
Père
Fille
Fils
Age
N°
12
1
9
4
8
10
1
1
5
2/2
60,4
0,0
13
1
1
4
3/3
59,9
7,9
1,4
4
1
1
14
1/4
55,6
11
1
1
9
1/1
55,1
2,6
8
1
1
5
1/1
55,1
3,4
12
1
1
7
1/2
52,7
5,6
7
1
1
8
2/3
41,7
4,4
3
1
6
1
5
1
1
1
8
1/2
35,8
2,4
25
1/2
35,3
3,3
1
7
2/2
29,8
1,4
1
1
1
4
1/1
27,6
4,0
2
1
1
7
2/2
25,5
1,9
9
1
1
6
1/2
22,4
2,4
Tableau 11. Protocole synthétisé du groupe Café parents
Relation entre l’attachement Secure et l’intensité moyenne de la peur de la mère pour
son enfant
Les résultats (graphe H et tableau 10) révèlent une grande dispersion dans la distribution des
effectifs de l’échantillon Halte-jeux60.
60,0
8,0
7,0
50,0
6,0
3
Scores
2,5
2
Effectif 1,5
40,0
5,0
30,0
4,0
3,0
20,0
1
Attachement Secure
Intensité moyenne de
la peur
2,0
0,5
8,5
4,5
Instensité de la
peur
0,5
51,7
58,6
37,9
Score attachement
Secure
44,8
24,1
31,0
0
10,0
1,0
0,0
0,0
5 4 6 9 10 8 11 12 7 1 13 3 2
Sujets de l'échantillon Halte-jeux
Graphe H. Répartition de l’échantillon Halte-jeux selon l’attachement Secure et l’intensité de la peur
Les mères les plus Secure (1/4 d’entre elles) ont rencontré une intensité moyenne de peur
variant de 2,4 à 5,1 tandis que les mères les moins Secure (1/4 d’entre elles) ont connu une
peur d’une intensité moyenne oscillant entre 4,4 et 5,1. La moitié des mères, dont
l’attachement Secure est moyen, ont vécu une intensité de peur variant de 1,7 et 7,7, sachant
que la majorité d’entre elles a rencontré une peur d’une intensité de 5,5. Globalement, ce sont
les mères les plus Secure qui ont la peur la moins élevé (la moyenne du sous-groupe est de
4,2, valeur en dessous de la moyenne du groupe qui est de 5,12), tandis que les mères
moyennement Secure et faiblement Secure ont connu une peur d’intensité plus élevée
(respectivement 5,2 et 4,9, valeurs proches de la moyenne du groupe) (tableau 12).
60
Voir la distribution des effectifs Halte-jeux selon l’attachement et la peur de la mère en Annexe X-A
Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 64 /93
Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de psychologie du développement et de
l’éducation
De plus, le calcul du coefficient de corrélation (tableau 12) fait apparaître une valeur de – 0,06
ce qui indique une absence de relation entre le score à l’attachement Secure et l’intensité de la
peur éprouvée par la mère à l’égard de son enfant.
ATTACHEMENT et PEUR
Peur / Halte-jeux
Peur / Café parents
Moyenne
Accouchement
Moyenne
Accouchement
4,2
6,0
3,2
4,8
5,2
5,0
3,4
2
4,9
7,3
2,8
2,2
-0,06
-0,07
0,21
0,52
Score Attachement
Elevé
Moyen
Faible
Coef de corrélation
Tableau 12. Moyenne de la peur (intensité moyenne et peur à l’accouchement) des sous-groupes de l’échantillon
Halte-jeux en fonction du Score d’attachement Secure et Coefficient de corrélation
En utilisant les scores de l’intensité de la peur à l’étape de l’accouchement, il apparaît les
résultats suivants (graphe I et tableau 10).
60,0
12,0
50,0
10,0
40,0
8,0
30,0
6,0
20,0
4,0
10,0
2,0
Scores
1
Effectif
9,0
5,0
51,7
1,0
58,6
37,9
Score attachement
Secure
44,8
24,1
31,0
0
Instensité de la
peur
0,0
Attachement Secure
Intensité de la peur à
l'accouchement
0,0
5
4
6
9 10 8 11 12 7
1 13 3
2
Sujets de l'échantillon Halte-jeux
Graphe I. Répartition de l’échantillon Halte-jeux selon l’attachement Secure et l’intensité de la peur
Les mères les plus Secure (1/4 d’entre elles) ont rencontré une intensité moyenne de peur
variant de 2 à 9 tandis que les mères les moins Secure (1/4 d’entre elles) ont connu une peur
d’une intensité moyenne oscillant entre 4 et 10. La moitié des mères, dont l’attachement
Secure est moyen, ont vécu une intensité de peur variant de 1 et 8. Globalement, ce sont les
mères les moins Secure qui ont la peur la plus élevé (la moyenne du sous-groupe est de 7,3,
valeur bien au-dessus de la moyenne du groupe qui est de 5,7), tandis que les mères les plus
Secure et moyennement Secure ont connu une peur d’intensité plus faible (respectivement 6
et 5, valeurs proche de la moyenne du groupe) (tableau 12).
De plus, le calcul du coefficient de corrélation fait apparaître une valeur de – 0,07 ce qui
indique une absence de relation entre le score à l’attachement Secure et l’intensité de la peur
éprouvée par la mère à l’égard de son enfant au moment de l’accouchement.
Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 65 /93
Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de psychologie du développement et de
l’éducation
Les résultats de l’analyse entre l’attachement Secure et la peur de la mère à l’égard de son
enfant (graphe J et tableau 11) révèlent aussi une grande dispersion dans la distribution des
effectifs du groupe Café parents61.
70,0
9,0
8,0
7,0
6,0
5,0
4,0
3,0
2,0
1,0
0,0
1
60,0
Scores
50,0
Effe ctif
40,0
30,0
20,0
9,5
6,5
Score attache ment Secure
51,7
Instensité de
la pe ur
0,5
58,6
37,9
44,8
3,5
31,0
24,1
0
10,0
0,0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10 11 12
Attachement Secure
Intensité de la peur
13
Sujets du groupe Café parents
Graphe J. Répartition du groupe Café parents selon l’attachement Secure et l’intensité de la peur
Les mères les plus Secure (1/2 d’entre elles) ont rencontré une intensité moyenne de peur
variant de 0 à 7,9 tandis que les mères les moins Secure (1/2 d’entre elles) ont connu une peur
d’une intensité moyenne oscillant entre 1,4 et 4. Une seule mère est moyennement Secure et a
vécu une intensité de peur de 4,4. Globalement, ce sont les mères les moins Secure qui ont
l’intensité de peur la moins élevée (la moyenne du sous-groupe est de 2,6, valeur en dessous
de la moyenne du groupe qui est de 3,19), tandis que les mères moyennement Secure et les
plus Secure ont connu une peur d’intensité plus élevée (respectivement 4,4 et 3,5, valeurs
proche de la moyenne du groupe). On observe que les deux mères qui ont le score
d’attachement le plus élevé ont vécu une intensité moyenne de la peur diamétralement
opposée puisque l’une d’elle n’a vécu aucune peur durant toutes les étapes de la maternité
alors que l’autre mère a vécu l’intensité moyenne de peur la plus élevée de l’échantillon
(score de 7,9) (tableau 12).
De plus, le calcul du coefficient de corrélation (tableau 12) fait apparaître une valeur de 0,21
ce qui indique une faible relation entre le score à l’attachement Secure et l’intensité de la peur
éprouvée par la mère à l’égard de son enfant.
Relation entre l’attachement Secure et les compétences de l’enfant
Les résultats (graphe K et tableau 10) révèlent une grande dispersion dans la distribution des
effectifs de l’échantillon Halte-jeux62.
61
62
Voir la distribution des effectifs Café parents selon l’attachement et la peur de la mère en Annexe XI
Voir la distribution des effectifs Halte-jeux selon l’attachement et les compétences de l’enfant en Annexe X-B
Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 66 /93
Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de psychologie du développement et de
l’éducation
5
70
3
4
60
2,5
50
3
2
40
Effectif
2
30
1
20
1,5
1
58,6
51,7
55,2
44,8
48,3
37,9
41,4
31,0
34,5
24,1
27,6
Attachement Secure
2,5
Compétences
0,5
finales enfant
Compétences finales de
l'enfant
0,5
10
0
Attachement Secure
0
0
5
4
11 12
9
8 10
7
1
13
2
Graphe K. Répartition de l’échantillon Halte-jeux selon l’attachement Secure et les compétences finales de
l’enfant
Les enfants dont l’attachement est le plus Secure ont un niveau de compétences égal à 2,8,
valeur au-dessus de la moyenne qui se situe à 2,6. Les enfants dont l’attachement est
moyennement Secure ont un niveau de compétences variant de 1,6 à 2,9 avec une moyenne de
sous-groupe de 2,5. Les enfants dont l’attachement est le moins Secure ont un niveau de
compétences entre 2,4 et 2,6, soit proche de la moyenne du groupe (tableau 13).
De plus, le calcul du coefficient de corrélation (tableau 13) fait apparaître une valeur de 0,35
ce qui indique une faible relation entre le score à l’attachement Secure et les compétences
finales de l’enfant.
ATTACHEMENT et COMPETENCE
Compétence enfant
Finale
Evolution
2,8
0,5
2,5
1,4
2,5
0,35
0,43
Score Attachement
Elevé
Moyen
Faible
Coef de corrélation
Tableau 13. Moyenne de la peur (intensité moyenne et peur à l’accouchement) des sous-groupes de l’échantillon
Halte-jeux en fonction du Score d’attachement Secure et Coefficient de corrélation
Les résultats liés à l’évolution des compétences (graphe L) révèlent que les enfants dont
l’attachement est le plus Secure ont le niveau d’évolution de compétences le moins élevé,
entre 0,4 et 1,6, soit une moyenne du sous-groupe de 0,5 qui est inférieure la moyenne du
groupe de 1,1. A l’inverse, les enfants dont le niveau d’attachement est moyennement Secure
ont un niveau d’évolution des compétences plus élevé, entre 1,3 et 1,4, soit une moyenne du
sous-groupe de 1,4 ce qui se situe au-dessus de la moyenne du groupe.
2
Evolution des
com pétences de
l'enfant
Effectif 1
55,2
0,5
58,6
48,3
51,7
37,9
41,4
Attachem ent Secure
44,8
27,6
31,0
0,5
34,5
24,1
0
70
60
50
40
30
20
10
0
2
1,5
1
0,5
Attachement Secure
Evolution des compétences de
l'enfant
0
5
4
9
12
8
10
Graphe L. Répartition de l’échantillon Halte-jeux selon l’attachement Secure et L’évolution des compétences de
l’enfant
Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 67 /93
Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de psychologie du développement et de
l’éducation
Le calcul du coefficient de corrélation (tableau 13) fait apparaître une valeur de 0,43 ce qui
indique une relation d’intensité moyenne entre le score à l’attachement Secure et le niveau
d’évolution des compétences de l’enfant en Halte-jeux.
Relation entre la peur de la mère et les compétences de l’enfant
Les résultats (tableau 10 et 14) montrent une distribution des effectifs de l’échantillon Haltejeux très hétérogène en fonction des variables retenues, tant au niveau de la peur de la mère
(intensité moyenne ou peur à l’accouchement) que des compétences de l’enfant (compétences
10,0
3,0
8,0
2,5
Score
compétences
2,0
6,0
1,5
4,0
1,0
2,0
0,5
0,0
Peur moyenne
mère
Compétences
enfant
0,0
5
1
2
4 10
9
Score compétences
Intensité peur
Intensité peur
finales ou évolution des compétences)63.
10,0
3,0
0,0
1
8,0
1,5
1,0
0,5
0,0
5 4 10 9 8 12
Sujets
échantillonHJ
Peur
moyenne
mère
Evolution
compétences
enfant
Score
Score
2,0
0,0
Compétences
enfant
2
4 10 9
8 12
Intensité
Intensité
10,0
2,0
1,0
Sujets Halte-jeux
Sujets Halte-jeux
4,0
Peur mère à
l'accouchement
0,0
5
8 12
6,0
2,0
5,0
10,0
2,0
8,0
6,0
1,5
4,0
2,0
0,5
1,0
0,0
0,0
5
4
8
12
9
10
Peur mère à
l'accouchement
Evolution
compétences
enfant
Sujets
échantillonHJ
Tableau 14. Graphes de relation entre la peur de la mère et les compétences finales de l’enfant
L’évolution des compétences des enfants s’avère plus faible pour les mères qui ont un niveau
d’intensité moyenne de peur faible (entre 0 et 4) que pour les mères qui ont un niveau de
d’intensité moyenne élevé (entre 7 et 10). Le niveau d’évolution des compétences de l’enfant
est respectivement de 0,4 et 1,6. La relation entre la peur de la mère et l’évolution des
compétences est donc élevée. Les mêmes résultats sont obtenus en utilisant la peur de mère au
moment de l’accouchement. Le coefficient de corrélation pour la peur moyenne et la peur à
l’accouchement est respectivement de 0 ,78 et 0,91 ce qui indique un degré de relation élevé
(tableau 14).
63
Voir la distribution des effectifs Halte-jeux selon la peur de la mère et les compétences de l’enfant en Annexe
X-C
Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 68 /93
Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de psychologie du développement et de
l’éducation
Les résultats liés aux compétences finales de l’enfant se distinguent. Cependant le niveau des
enfants est supérieur (2,9) pour les mères qui ont une faible intensité de peur, tant pour la peur
moyenne que celle éprouvée au moment de l’accouchement. Le niveau de compétences est le
moins élevé lorsque les mères ont eu le plus peur pendant l’accouchement alors qu’il est le
moins élevé dans le cas où les mères ont eu moyennement peur.
Le coefficient de corrélation est respectivement de – 0,05 et – 0,39 ce qui indique une absence
de relation entre la moyenne de la peur de la mère et les compétences finales de l’enfant et
une faible relation entre la peur de la mère au moment de l’accouchement et les compétences
finales de l’enfant (tableau 15).
PEUR / COMPETENCE
Evo comp
Comp finale
Moy
Acct
Moy
Acct Intensité peur
0,4
0,5
2,9
2,9
Faible
1,1
1,3
2,5
2,7
Moyenne
1,6
1,4
2,7
2,5
Elevée
0,78
0,91
-0,05
-0,39 Coef de corrélation
Tableau 15. Coefficient de corrélation des différentes relations entre la peur de la mère et les compétences de
l’enfant
Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 69 /93
Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de psychologie du développement et de
l’éducation
5.2 Interprétation des résultats
Globalement, les résultats de l’expérimentation semblent contre-intuitif au regard des
hypothèses formulées dans la problématique. En effet, l’hétérogénéité des résultats ne permet
pas de faire un lien direct et univoque entre l’attachement mère-enfant, la peur ressentie par la
mère à l’égard de son enfant et le développement de ce dernier.
Cependant, les résultats nous éclairent sur un certain nombre de points de même qu’ils nous
invitent à nous poser de nouvelles questions.
Tout d’abord, l’échantillon retenu semble particulièrement peu Secure avec une moyenne du
groupe bien en dessous du prototype Secure et les mères se montrent particulièrement
préoccupées. Cela pourrait s’expliquer par l’origine défavorisée de la majorité des mères
inscrites à la Halte-jeux. En effet, le questionnaire d’attachement pour adulte met en valeur la
capacité réflexive de la mère, notion développée par M. Main64, ce qui nécessite un certain
niveau de compétences cognitives. Cela pourrait être renforcé par les facteurs d’influence
dominants observés pour les mères du groupe. En effet, ils révèlent que les mères sont plus
vulnérables que le prototype Secure concernant les facteurs d’influence suivants :
l’interférence parentale, la rancune de rejet, le traumatisme parental et la démission parentale.
L’origine culturelle de l’échantillon, majoritairement originaire d’Afrique du Nord, peut aussi
expliquer ces observations. L’ethnopsychiatrie aborde le concept de traumatisme de la
migration (notion développée par T. Nathan) où un conflit s’instaure souvent entre génération
qui s’accompagne d’une démission parentale. De plus, les résultats montrent que le soutien
parental et familial fait défaut ce qui confirme la situation souvent « isolée » des mères de la
Halte-jeux.
Les mères du Café parents sont aussi des personnes qui étaient inscrites à la Halte-jeux par le
passé. Peut-être que cela expliquerait aussi la moyenne très basse au mode d’attachement
Secure. Elles trouvent cependant un plus grand soutien au sein de leur famille et semblent
rencontrer moins de difficultés avec leur famille d’origine. Il est intéressant de noter aussi que
le Café parents regroupent des parents ayant une plus grande expérience de la parentalité. La
moyenne d’âge des enfants pour lesquels l’expérimentation a été faite est de 8 ans alors
qu’elle est de 2,6 ans pour l’échantillon Halte-jeux.
!) l’origine socio-culturelle et le niveau de maturité parentale pourrait expliquer les
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Voir le cadre théorique page 10
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résultats relativement faibles obtenus pour le mode d’attachement Secure de l’échantillon
Halte-jeux et le groupe Café parents
Les mères ont globalement toutes ressenties de la peur à l’égard de leur enfant à l’exception
d’une mère qui est la mère la plus Secure de l’ensemble des deux groupes. Les variations
d’expérience de la peur se retrouvent tant au niveau de l’intensité et de la capacité à gérer
l’émotion que des moments clés de la maternité. La période de l’accouchement est la plus
vulnérable, suivie juste derrière par les premiers jours et la période actuelle. Cela semble
confirmer en partie ce que H. MONTAGNER (2004), en référence aux travaux de
LORENZ65, évoque en parlant de période critique de 36 heures à partir de la naissance et
TREVATHAN (1987, PIERREHUMBERT, 2004)66 en exposant les avantages du contact
immédiat post-partum pour la régulation physiologique du bébé. Il semble que le rang de
l’enfant dans la fratrie, son sexe et l’origine culturelle ne représentent pas des facteurs
déterminants dans l’expérience de la peur. Le fait que la peur moyenne de la mère
corresponde quasiment à celle de sa propre mère, et ce pour l’ensemble des mères, nous invite
à considérer la notion de transmission intergénérationnelle évoquée notamment par
BRETHERTON67.
Il est intéressant de noter la différence d’intensité de peur éprouvée par les mères de
l’échantillon Halte-jeux (moyenne de groupe de 4,9) et celle du groupe Café parents
(moyenne de 3,1). Une majorité des mères de l’échantillon Halte-jeux a ressenti une peur
moyenne similaire et égale à la moyenne, alors que les mères du groupe Café parents se
répartissent sur toutes les valeurs de l’échelle se situant en dessous de la moyenne. Ces
observations pourraient éventuellement s’expliquer par le facteur traumatique de la naissance
d’un enfant, comme l’évoque STERN (1998)68, qui présente un effet décroissant au fur et à
mesure de l’expérience parentale. Ainsi, la maturité des mères du groupe Café parents
pourrait expliquer que la peur soit plus faible que l’échantillon Halte-jeux et ce, quelque soit
les étapes clés de la maternité jusqu’aux 1er pas de l’enfant. BRAZELTON (1993)17 confirme
aussi qu’il est tout à fait normal d’être inquiet pour son enfant, que cette inquiétude est
nécessaire pour pouvoir répondre au mieux aux besoins de l’enfant et qu’elle diminue avec le
temps. Ainsi, les parents du Café parents ayant des enfants plus âgés sont-ils peut-être plus
éloignés dans le temps des événements qu’ils sont amenés à évaluer (accouchement, 1ers
65
Voir le cadre théorique page 17
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68
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l’éducation
jours, 1ers mois et 1ers pas) et de ce fait, il est possible qu’ils aient atténué le souvenir de leur
expérience au regard des nouvelles expériences vécues depuis. Le niveau de peur du groupe
Café parents reste cependant élevé pour la période de la grossesse et la période actuelle. Cette
dernière observation confirme bien ce que BRAZELTON disait sur l’anxiété qui sera toujours
présente chez les parents, même quand l’enfant grandit.
!) La maturité parentale pourrait éventuellement atténuer le souvenir de la peur
ressentie dans les premières étapes clés de la parentalité et expliquer que les mères de
l’échantillon Halte-jeux aient éprouvé une peur d’une plus grande intensité à toutes les
étapes clés de la maternité comparativement au groupe Café parents
Malgré le niveau de peur plus élevé des mères de l’échantillon Halte-jeux, ces dernières
présentent un profil très proche du prototype Secure lorsqu’on isole les items évoquant la peur
ou l’inquiétude. Les seules difficultés qu’elles semblent rencontrer concernent la peur de
s’exprimer quand elles étaient enfants et l’expression des émotions en famille. Cela pourrait
correspondre au manque de confiance en soi qui caractérise un bon nombre de jeunes mères.
Quant au groupe Café parents, dont le niveau de peur est moindre, il présente plus de
différences avec le prototype Secure concernant les items « peur / préoccupation ». Il semble
que les mères de ce groupe aient vécu une plus grande inquiétude dans leur enfance (peur de
l’abandon, nature peureuse et peur à l’égard des parents) tout en ne ressentant pas de peine à
l’idée de quitter ses proches.
L’évaluation des compétences est à considérer avec beaucoup de prudence, notamment les
résultats concernant les compétences finales. En effet, les enfants évalués en fin d’année sont
généralement prêts à entrer à l’école maternelle et les résultats montrent un niveau similaire
qui correspond à leur tranche d’âge. Cela se confirme par les résultats plus faibles des enfants
étant plus proche de l’âge de 2 ans que de l’âge de trois, or cette période connaît un
développement très fort chez l’enfant. L’autonomie reste le niveau de compétence le plus
faible. Or c’est ce domaine de compétence qui caractérise le développement de l’attachement
si on se réfère aux travaux de M. AINSWORTH (1985)69 qui considère la période de 2 à 3 ans
comme la période où l’enfant commence à supporter l’absence de sa mère et à faire preuve de
plus d’autonomie. Les résultats faibles concernant l’autonomie semblent donc cohérent avec
le niveau faible d’attachement Secure des mères du groupe. Ce phénomène pourrait être
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Voir le cadre théorique page 15
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renforcé par l’origine culturelle. En effet, les enfants de la migration sont le plus souvent à la
maison avant d’entrer à l’école maternelle et ne font que rarement l’expérience de la garderie.
Si l’évaluation des compétences finales donne peu d’indications sur les enfants, les résultats
de l’analyse de l’évolution semblent pour leur part enseigner plus de choses. En effet, en
prenant en considération l’enfant dans le temps, par l’évaluation de ses compétences en début
et en fin d’année, il est plus facile de percevoir une distinction dans la progression de chaque
enfant du groupe. L’évolution des compétences permet de percevoir le caractère dynamique
du processus de développement de l’enfant ce qui fait directement écho à l’attachement dont
le processus semble lui-même dynamique et non linéaire. De plus, l’évolution s’avère la plus
forte pour le domaine « Langage oral », ce qui confirmerait son aspect prioritaire dans le
développement d’un enfant entre 2 et 3 ans, mais aussi pour le domaine « Socialisation ». On
peut envisager que plus l’enfant maîtrise le langage oral, plus il est enclin à établir des
relations sociales avec autrui. La parole jouant un rôle de facilitateur des échanges
interpersonnels et réciproquement, les échanges facilitent l’apprentissage du langage oral. Ces
résultats montrent peut-être que l’autonomie est un domaine plus « personnel » et qui se
développe au rythme de chaque enfant et de sa capacité à se détacher de sa mère pour faire les
choses par lui-même.
!) Le caractère dynamique du développement de l’enfant expliquerait les résultats très
peu significatifs pour l’évaluation des compétences finales contrairement aux résultats
de l’évaluation de l’évolution des compétences de l’enfant.
En conclusion, le choix des mères n’a pas réellement été effectué en vue de l’expérimentation,
mais elles se sont portées volontaires pour participer à une expérimentation. Les premiers
résultats confirment l’importance du choix des participants à une expérimentation afin de ne
pas risquer de restreindre l’étude à une sous-population basée sur le critère socio-culturel ou
la maturité parentale. Ces deux critères sont d’autant plus structurants qu’ils déterminent les
compétences cognitives et donc la capacité réflexive des parents. De plus, l’évaluation des
compétences des enfants nécessite de respecter le caractère dynamique du développement en
utilisant l’analyse de l’évolution des compétences plutôt que les compétences finales.
Au-delà des limites identifiées précédemment, il est intéressant d’analyser les résultats qui
permettent de faire ou non un rapprochement entre les trois instances de la triade : mère,
enfant et lien mère-enfant. L’établissement des relations entre les différentes variables est plus
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Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de psychologie du développement et de
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ou moins évident, tendant à fermer certaines voies pour en ouvrir d’autres.
Tout d’abord, l’étude de la relation entre l’attachement Secure et la peur ressentie par la mère
à l’égard de son enfant révèle que pour l’échantillon Halte-jeux, les mères les plus Secure ont
la peur moyenne – tout comme la peur à l’accouchement - la moins élevée alors que les mères
les moins Secure ont une moyenne de peur plus élevée. Cependant, ce sont les mères
moyennement Secure qui ont une moyenne de peur la plus élevée. Aussi, les résultats ne
permettent-ils pas de faire une corrélation entre les deux variables, ce que confirme le
coefficient de corrélation inférieur à 0,1. Le groupe Café parents révèlent des résultats
opposés : les mères les plus Secure sont celles qui ont le plus peur, avec une peur moyenne
légèrement inférieure aux mères moyennement Secure, tandis que les mères les moins Secure
sont celles qui ont le moins peur. Les résultats sont encore plus significatifs pour la peur
ressentie au moment de l’accouchement. Il semble qu’il y ait une relation faible entre
l’attachement et la peur moyenne de la mère (coefficient de corrélation de 0,21) et une
relation moyenne entre l’attachement et la peur à l’accouchement (coefficient de corrélation
de 0,52). Ces observations faites sur le groupe Café parents vont à l’encontre des hypothèses
formulées dans la problématique puisqu’elles prédisent qu’un niveau d’attachement Secure
implique un niveau de peur élevé et qu’un niveau d’attachement Secure faible implique un
niveau de peur faible. De plus, il est intéressant de noter que les mères les plus Secure de
toutes les mères sont celles qui ont le profil de peur le plus diamétralement opposé. En effet,
l’une n’a jamais eu peur pour son enfant alors que sa propre mère avait une peur très élevée et
l’autre a la peur moyenne du groupe Café parents la plus élevée alors que sa propre mère n’a
jamais eu peur pour elle.
Toutes ces observations nous invitent à réfléchir sur la validité de la variable observée :
«l’intensité de la peur éprouvée par la mère à l’égard de son enfant». Il est possible que
l’intensité de la peur importe peu dans la relation d’attachement : d’après les résultats, que la
peur soit absente (niveau 0), présente et contrôlable (niveau 5) ou présente et incontrôlable
(niveau 10), les mères peuvent tout à fait avoir un attachement Secure satisfaisant. La période
critique post-partum peut apporter un éclairage. Les études présentées par TREVATHAN
(1987, PIERREHUMBERT, 2004) semblent montrer que le contact post-partum est bénéfique
pour l’enfant, que la mère ait éprouvé de la peur ou non pendant l’accouchement. Compte
tenu de tous les éléments qui précèdent, les résultats nous invitent à s’intéresser à un autre
aspect de la peur, non pas dans sa manifestation, mais dans les conséquences qu’elles
pourraient avoir, c’est-à-dire son caractère traumatique. En effet, si la maternité peut être
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assimilée à un épisode émotionnel tel que défini par COSNIER (2006)70, il se caractérise par
une rumination après la fin de l’événement qui peut s’accompagner de pensées, d’images
mentales ou de souvenirs. Culpabilité, doute ou sentiment d’impuissance par exemple
viennent ainsi altérer la disposition ou l’état effectif de la mère. C’est ce que STERN (1998)
évoque en disant que la naissance d’un enfant est à la fois miraculeux et traumatisant, chargée
d’émotions et de conséquences inoubliables, si primordial et si profond qu’il est difficile de
l’assimiler et d’en parler. Ainsi, ces exemples de ressentiments possibles face à la peur
semblent apporter plus d’éclairage sur l’état d’esprit de la mère que la peur en tant que tel. Il
serait intéressant de mieux comprendre la notion de « trace traumatique de la peur» afin de
voir si elle se prête mieux à l’évaluation des mères que la simple échelle d’intensité de la peur
utilisée dans l’expérimentation.
Les résultats concernant le lien entre la peur de la mère et les compétences de l’enfant
semblent renforcer l’hypothèse d’une relation contre-intuitive entre la peur de la mère et
l’évolution des compétences de l’enfant. En effet, si on laisse de côté l’évaluation des
compétences finales de l’enfant au regard des conclusions auxquelles nous sommes arrivées
au début de l’analyse (respect du caractère dynamique du développement), on s’aperçoit que
la relation entre la peur de la mère et l’évolution des compétences de l’enfant est significative
puisque le coefficient de corrélation est de 0,78 pour la peur moyenne et de 0,91 pour la peur
éprouvée par la mère au moment de l’accouchement. Cela signifie que l’évolution des
compétences est la plus élevée pour les enfants dont les mères ont le plus peur et qu’elle
s’avère la plus faible pour les enfants dont les mères ont le moins peur. Les résultats semblent
donc de nouveau s’opposer aux hypothèses initiales et sont de même tendance que ceux
observés dans le groupe Café parents : les mères les plus Secure ont le plus peur et les mères
les moins Secure ont le moins peur. Ils nous invitent à considérer de nouveau la fonction
positive de la peur dans le processus de maturation de l’enfant. En effet, une mère qui éprouve
de la peur, même de forte intensité et incontrôlable peut se réguler rapidement et ne pas avoir
de ressentiment vis-à-vis de l’événement qui a déclenché la peur. Cette expérience peut
revêtir une dimension toute à fait instructive pour l’enfant qui apprend qu’il est possible de
traverser les épreuves, renfonçant ainsi sa propre capacité d’adaptation. Cela met en valeur la
capacité à gérer ses émotions de la part de la mère comme modèle de régulation émotionnelle
chez l’enfant. C’est ce que semble confirmer FONAGY (1993)71 qui évoque la capacité de la
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mère à interpréter ses propres états mentaux, sans exclusion défensive, ni débordement
émotionnel et ceux de PIERREHUMBERT (2001) et MONTAGNER (2004)72 qui parlent de
la mère comme un « régulateur émotionnel »
Enfin, la relation entre l’attachement et les compétences de l’enfant est d’une signification
moyenne (coefficient de corrélation de 0,43) et ne confirme pas les travaux, tels que ceux de
M. AINSWORTH (1985)73, qui prédisent un niveau élevé de compétences de l’enfant pour un
attachement Secure élevé. On observe en effet que les enfants dont l’évolution des
compétences est la plus faible correspondent aux enfants des mères considérées comme les
moins Secure alors que les enfants dont l’évolution des compétences est la plus forte
correspondent aux enfants des mères moyennement Secure.
En conclusion, l’ensemble des différents résultats nous invitent donc à réfléchir sur la variable
« intensité de la peur de la mère à l’égard de son enfant », ne pouvant prédire une quelconque
relation univoque et généralisable au lien d’attachement et le développement de l’enfant.
Cependant, la réflexion théorique nous a permis de comprendre que les émotions de la mère
étaient transmises dans le cadre de la relation mère-enfant et qu’elles permettaient à l’enfant
de comprendre et construire sa représentation des relations interpersonnelles. Dans cette
perspective, il semble intéressant d’envisager la peur comme une simple information sur les
états émotionnels de la mère sans pour autant considérer que cette peur puisse influencer son
état d’esprit en profondeur. Or c’est l’état d’esprit de la mère qui, selon certains auteurs, peut
altérer sa disponibilité et donc une réponse adaptée aux besoins de l’enfant. En prenant en
considération l’effet traumatique d’une peur et non la peur en tant que tel, il serait peut-être
possible de se rapprocher de manière plus adéquate de l’état d’esprit de la mère et donc de ce
qui « nourrit » la relation à son enfant.
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73
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l’éducation
6
DISCUSSION
6.1 Evaluation de l’expérimentation
La nature subjective de l’expérimentation
L’expérimentation nous révèle une très grande variété de résultats qui nous préserve de toute
conclusion hâtive concernant l’expérience de la peur de la mère à l’égard de son enfant et ce,
dans le cadre d’une réflexion sur l’attachement et le développement socio-affectif du jeune
enfant. Cette hétérogénéité des résultats nous renvoie à la diversité humaine et l’expérience
singulière de toute mère que la nature très subjective de l’évaluation semble mettre en valeur.
En effet, les deux premières évaluations touchent l’aspect intime et la partie inconsciente de
l’être à laquelle les mères n’accèdent pas forcément au quotidien. Le déroulement même de
l’expérimentation fut riche d’enseignement sur le caractère très subjectif de l’expérience. Si
certaines des mères étaient concentrées et efficaces dans la manière de répondre spontanément
aux questions, d’autres ont rencontré beaucoup de difficultés, soit pour comprendre le contenu
ou trier les items de l’évaluation de l’attachement pour adulte, soit pour se remémorer certains
épisodes passés concernant la peur qu’elles ont pu ressentir à l’égard de leur enfant. Ce sont
ces mêmes mères qui ont été les plus agitées (monologue, soupir, etc.) et qui mettaient le plus
de cartes dans le paquet « ne me concerne pas » (Ca-Mir). Il est intéressant de noter que l’une
de ces mères a révélé le niveau d’attachement le plus secure (avec une intensité de peur
moyenne la plus élevée) alors que l’autre mère ayant le même niveau d’attachement (avec une
intensité de peur moyenne la plus faible) fut la plus silencieuse et rapide à effectuer
l’exercice. Il semble donc que la manière d’être de chacune ne soit pas spécifique du mode de
relation à l’enfant, préservant ainsi la fausse croyance qu’il y aurait un modèle de personnalité
maternelle.
Ce qui fait le lien mère-enfant semble bien se situer au-delà d’un stéréotype et faire appel à
l’originalité de chaque mère.
Le choix de l’échantillon
Les enfants inscrits à la Halte-jeux de l’association sont issus de familles dite défavorisées,
soit par leur origine culturelle (enfants de la migration), soit par leur origine sociale (classe
sociale défavorisée ou mère isolée). Les mères qui ont participé à l’expérimentation sont en
général peu cultivées, même si une majorité d’entre elles parlent correctement la langue
française. Cependant, la langue écrite peut représenter un obstacle à la réflexion, d’autant plus
que les items de l’évaluation de l’attachement pour adulte sont rédigés de manière très
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formelle, ce qui requiert un certain niveau de compétences cognitives. Or, le questionnaire
d’attachement pour adulte évalue spécifiquement la capacité réflexive des parents en
identifiant le niveau de cohérence de l’histoire personnelle des mères, tant au travers des
événements passés que présents. Le profil d’attachement Secure de l’échantillon n’a donc pas
permis d’exploiter au mieux les outils d’évaluation.
Le choix des outils
Si le Ca-Mir a fait ses preuves au niveau scientifique, il n’existe à ce jour aucune théorie sur
la peur de la mère pour son enfant qui permettrait d’identifier des outils d’évaluation fiables et
pertinents pour mesurer des émotions telles que la peur et leur incidence sur le comportement.
L’outil a semblé facile à utiliser pour l’ensemble des parents, mais cela ne garantit en rien une
fiabilité scientifique. Les résultats obtenus tendent à nous orienter vers l’aspect traumatique
de la peur et non le fait de ressentir de la peur et de pouvoir la contrôler ou non. Cependant,
les résultats obtenus marquant une forte corrélation entre la peur de la mère et l’évolution des
compétences de l’enfant nous amènent à considérer cet outil d’évaluation comme exploitable
et utile.
Enfin, l’évaluation des compétences des enfants a été effectuée par l’équipe de la halte-jeux
qui s’avère être juge et partie des résultats obtenus. La plupart des enfants évalués en fin
d’année et en âge de rentrer à l’école maternelle en septembre prochain ont obtenu les scores
optimaux dans les trois domaines de compétences. De plus, l’évaluation finale apporte
beaucoup moins d’informations que l’évolution des compétences, ce qui semble montrer
l’importance de l’aspect dynamique de la relation d’attachement et du développement de
l’enfant.
Le cadre scientifique de la recherche en psychologie
Malgré les faiblesses de l’expérimentation, le travail de recherche permet de réfléchir sur les
limites du cadre scientifique en matière de recherche en psychologie. Il semble qu’une donnée
clinique qui paraît unanime – « les mères qui ont le plus de difficulté avec leur enfant sont
celles qui semblent avoir le plus peur pour lui » - puisse être difficile à retranscrire en
hypothèses à valider dans le cadre d’une expérimentation. En effet, la peur est une émotion
aussi subjective que l’amour d’une mère pour son enfant. On peut supposer que les éléments
qui relèvent ainsi d’une grande subjectivité soient difficilement maîtrisables dans le cadre
d’une recherche scientifique, exception faite du domaine neuro-physio-psychologique qui
offre un champ d’étude certainement enrichissant, comme en témoignent par exemple les
Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 78 /93
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recherches sur le taux d’ocytocine de la mère et le lien d’attachement les travaux de
MONTAGNER (2005).
Peut-être que la limite entre la psychologie expérimentale et la psychologie clinique se situe
dans un espace où les outils ne permettent plus d’accéder à une forme de réalité qui s’avère
moins palpable ou plus subtile. C’est le cas en physique avec l’étude du vide qui, pour
certains scientifiques, ne se limite pas à un espace vide à partir du moment où on peut
observer, avec des outils spécifiques, des ondes de forme dans cet espace dit vide.
L’évaluation psychologique reste donc à la merci des outils et ces derniers sont limités par
l’objet même de l’étude. Les mères, en tant que sujet, se distinguent d’un objet d’étude ce qui
peut peut-être différencier le travail des psychologues cliniciens et des psychologues
expérimentaux. Il est intéressant de noter que les seuls chercheurs qui abordent la psyché de la
mère et l’attachement avec son enfant se soient tournés vers une analyse clinique et font
rarement référence à une expérimentation. Ils tirent seulement des tendances d’un nombre
important de sujets rencontrés et de témoignages recueillis. C’est ce qui semble s’être passé
dans l’analyse des groupes de réflexion où les mères sont capables d’exprimer leur peur pour
leur enfant dans des situations précises, notamment dans un contexte social. Ces témoignages
permettaient de distinguer les mères qui avaient le plus peur pour leur enfant qui s’avérait
présenter le plus de difficulté, des mères qui n’avaient pas peur et dont les enfants ne
présentaient pas de difficulté au sein du collectif.
Cette réflexion pourrait peut-être expliquer la lenteur d’investigation dans ce domaine
spécifique, sachant que l’être humain est aussi fait d’émotions. Ce constat permet de se
préserver de toute interprétation sauvage et de rester dans une relation humble à l’autre,
dénuée d’intérêt intellectuel et pourvue d’une grande empathie. La recherche scientifique au
sein du cursus de formation en psychologie semble nous enseigner cette grande qualité
humaine destinée à respecter l’individu dans sa singularité sans chercher à le « corréler » à
tout prix.
6.2 Implication théorique
Le sujet d’expérimentation
BOWLBY (1978) expliquait que les comportements parentaux de soins et les comportements
d’attachement du jeune enfant aux parents sont censés servir une double fonction adaptative :
la protection et la socialisation du jeune enfant. Ce mouvement de va-et-vient entre le repli et
l’ouverture – comme le mouvement naturel de la respiration - semble essentiel à l’enfant.
Basé sur l’aspect sécurisant des parents, il était donc intéressant d’explorer ce qui pouvait
Stéphanie Rossollin épouse Nicolas – Mise à jour le 17/03/2009 – Page 79 /93
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soutenir cette notion de « sécurité ». L’approche théorique nous a aussi permis de comprendre
que la disponibilité de la mère constituait un facteur de développement pour l’enfant et qu’elle
était en étroit lien avec sa condition physique et psychique, tout autant que son environnement
(situation familiale, sociale, etc.). Or, ces conditions de vie, intérieures et extérieures,
impliquent de la part de la jeune mère une maîtrise de son équilibre émotionnel qu’elle
semble avoir plus ou moins de facilité à réguler.
C’est ainsi que la peur semblait un élément important à analyser, notamment celle que peut
ressentir la mère à l’égard de son enfant et ce, tout au long des premiers temps de la maternité.
D’autant plus que la théorie de l’attachement repose sur la peur de l’enfant et que les études
montrent à quel point les émotions de la mère influencent celles de l’enfant. Après avoir
questionné certains chercheurs contemporains, il semble que cet aspect n’ait pas été encore
exploré dans le cadre de la théorie de l’attachement. Selon B. GOLSE74, il n’existe pas de
travaux véritablement documentés sur la question de l’impact des peurs maternelles précoces
sur la qualité de l’attachement mère-bébé ultérieur. Au regard des mères, il considère que
cette absence actuelle de travaux est « une très bonne chose ». De son côté, B.
PIERREHUMBERT74 considère la réflexion comme intéressante mais difficile, et précise que
son domaine de recherche porte essentiellement sur les peurs parentales qui accompagnent
une situation délicate telle que les naissances prématurées.
L’expérimentation n’a pas permi d’établir clairement qu’une mère éprouvant peu de peur pour
son enfant soit de nature plus Secure et à l’inverse, qu’une mère ressentant une peur intense et
difficilement maîtrisable soit de nature peu Secure.
En revanche, les résultats nous ont permis d’identifier que :
1. les deux groupes étudiés présentent des résultats opposés : dans l’échantillon Haltejeux, les mères les plus Secure semblent avoir moins peur pour leur enfant que les
mères les moins Secure et dans le groupe Café parents, les mères les plus Secure
semblent avoir plus peur pour leur enfant que les mères les moins Secure
2. les mères les plus Secure semblent avoir des enfants dont l’évolution des compétences
est plus faible que pour les mères les moins Secure
3. les mères qui éprouvent le plus de peur semblent avoir des enfants dont l’évolution des
compétences est plus élevée que pour les mères qui ont le moins peur
Ces résultats paradoxaux nous ont amenés à réfléchir sur le choix de l’échantillon, tant au
74
Echanges par messagerie au cours de ce présent travail de recherche
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niveau de l’origine socio-culturelle que de la maturité parentale (âge parental75) et des outils
d’évaluation afin de considérer non seulement l’intensité de la peur et la capacité de la mère à
la gérer, mais aussi l’impact de cette peur sur l’équilibre de la mère. En effet, l’aspect
traumatique de la peur peut amener à ressentir des émotions telles que la honte, la culpabilité,
le doute, bien après les événements liés à la peur. Le ressentiment – peut-être plus que la peur
en tant que telle - pourrait ainsi influencer l’humeur de la mère au quotidien et expliquer son
manque ou son excès de disponibilité à l’égard de son enfant. En même temps, compte tenu
de l’influence positive sur l’évolution des compétences, il semble que la peur soit utile à
l’exploration de l’enfant. Cela confirmerait la possibilité d’une « bonne peur » et d’une
« mauvaise peur » - en référence au « bon stress » (« homéostasique ») et au mauvais
« stress » (pathologique) dont parlent T. NASSE - qui pourraient se distinguer ainsi :
1. La bonne peur nous alerte, nous permet de nous adapter au mieux à une situation
menaçante et ne laisse aucun ressentiment une fois l’événement terminé
2. La mauvaise peur nous paralyse (inhibition) ou nous fait « sortir de nous-même »
(extraversion), ne nous permet pas de nous adapter à la situation menaçante et perdure
une fois l’événement terminé sous forme de ressentiment
Ainsi, le choix des hypothèses pourrait mieux cibler ce qui est réellement intéressant
d’analyser concernant l’attachement mère-enfant, la peur de la mère à l’égard de son enfant et
le développement de ce dernier.
Le paradoxe des émotions maternelles et l’enseignement émotionnel de l’enfant
La mère tout au long des étapes de la maternité passe par une série de deuils et de naissances.
La grossesse déclenche le deuil de la jeune fille et la naissance d’une femme enceinte. La
naissance de l’enfant déclenche le deuil de la femme enceinte et la naissance d’une mère ainsi
que le deuil du nouveau-né et la naissance d’un jeune enfant, etc. La nouvelle mère se trouve
du jour au lendemain face à un paradoxe : la joie et la tristesse qui se traduisent par la joie
d’accueillir un nouveau-né et la tristesse ne plus être enceinte, la joie de voir l’enfant
découvrir la nourriture et la tristesse de ne plus donner le sein, la joie de le voir trotter et la
tristesse de ne plus pouvoir le porter dans les bras. La joie de partager des moments intimes au
gré des envies et la tristesse de le laisser partir à l’école du matin au soir, et ainsi de suite. La
femme fait ainsi l’expérience de la fin d’une période et du commencement d’une nouvelle
période de manière répétée et à un rythme très rapide, ce dont les auteurs d’une manière
75
L’âge parental correspondrait à l’âge chronologique du premier enfant pour chacun des parents
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l’éducation
générale parlent très peu sinon pas.
Or, la dépression post-partum pourrait peut-être s’expliquer par un envahissement de la
tristesse qui caractérise le deuil de la femme enceinte - beaucoup de femmes témoignent de ne
s’être jamais senties aussi bien que pendant la grossesse - et d’une difficulté à réinvestir une
nouvelle étape, celle d’être la mère qui prend soin de son bébé. De là naît une culpabilité de
ne pas se sentir disponible pour leur enfant comme elles le souhaiteraient ; une culpabilité très
souvent silencieuse (BYDLOWSKI, 2000) qui peut rester présente pendant des années même
si la période de tristesse et de deuil n’a duré qu’un court instant. Le témoignage d’une mère
illustre bien ce paradoxe (STERN, 1998) : « Mon fils s’est mis debout tout seul pour la
première fois aujourd’hui. Alors que je le regarde en applaudissant frénétiquement, je suis
envahie de cette joie et de cette tristesse si caractéristiques de la maternité. Voilà presqu’un
an que je suis mère et j’ai appris à savourer ce drôle de mélange. »
A chaque étape, la mère voit ainsi sa représentation intérieure et extérieure changer. Ces
changements successifs impliquent qu’elle laisse derrière elle une part de connu et qu’elle
s’engage dans une part d’inconnu qui activera ou non en elle et de manière plus ou moins
intensive : « la peur de l’inconnu ». Aussi, la mère traverse cette période de grands
changements en fonction de son expérience propre et de son tempérament. Cela se traduit
dans ses gestes et paroles du quotidien à l’égard de son enfant qui répondra lui aussi en
fonction de sa toute jeune expérience et de son tempérament. La mère représente à ses yeux
l’enseignante privilégiée du monde physique et émotionnel. Et parce que la jeune mère est
avant tout sensible à cette palette d’émotions en apparence contradictoires, elle peut être à
même de les traduire à son enfant qui en comprend petit à petit le sens et peut alors devenir
capable de mettre des mots sur ses propres émotions. C’est ainsi que l’enfant découvre la joie,
la peur et la tristesse, tout en apprenant à se réguler.
La socialisation et la scolarité de l’enfant
Dans beaucoup de cultures traditionnelles, l’enfant est dans un premier temps éduqué pendant
7 ans sous l’influence de la mère et des femmes du groupe. L’enfant est ensuite sous la
responsabilité du père qui lui enseigne la vie sociale de manière à le préparer à son futur rôle
dans le groupe. Il semble que l’âge de 7 ans représente un stade de développement structurant
même en France, puisqu’il indiquait dans notre tradition française scolaire « l’âge de raison »
à partir duquel l’enfant peut recevoir une instruction intellectuelle. Au regard des travaux sur
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l’éducation
l’attachement, il semble que cette première période de vie soit essentielle pour le
développement émotionnel de l’enfant, comme si elle représentait un préalable à la « raison »,
impliquant ainsi l’hypothèse que « l’émotion précède la raison » dans le développement
humain. L’apprentissage de la régulation de ses émotions via les interactions mère-enfant
semblerait donc propice au développement de ses capacités intellectuelles futures, notamment
au moment d’apprendre à lire et écrire, c’est-à-dire à 7 ans.
Cette approche semble s’inscrire dans les écoles maternelles qui restent, comme son nom
l’indique, dans la continuité de cet enseignement de la mère évoqué précédemment. Il s’agit
avant tout pour l’enfant d’apprendre à réguler ses émotions notamment par l’utilisation des
jeux. Selon des directeurs d’écoles maternelles, tout est fait pour que les enfants apprennent à
vivre ensemble tout en se faisant plaisir. Selon certains, un enfant qui réussit son école
maternelle est un enfant heureux, qui ne pleure pas et qui sait s’inscrire dans les limites que
posent le groupe tout en démontrant une réelle autonomie et originalité. L’objectif de cette
première étape de socialisation consisterait donc à enseigner la régulation des émotions à des
fins de pouvoir instruire l’enfant à l’âge de 6 – 7 ans. Cette réflexion serait intéressante à
intégrer dans la réflexion en effectuant une étude longitudinale pour les enfants de 0 à 8 ans.
La « maternalité » et la parentalité
Dans l’expression du désir d’accueillir un enfant, l’homme et la femme sème une graine de
mère et de père dans leur esprit. La préparation mentale commence tant pour accueillir
l’enfant que pour se préparer à être père et mère. La grossesse fait germer cette graine de mère
qui a 9 mois devant elle pour accompagner la conception de ce nouvel être, ainsi que du sien.
La naissance de la mère est souvent vécue de manière plus ou moins douloureuse, dans une
société telle que la nôtre où la femme a peu de contact avec sa nature profonde.
L’accouchement tend à la médicalisation, l’allaitement tend à l’industrialisation et l’éducation
tend à l’institutionnalisation. Dans un tel contexte social, économique et culturel, les mères
ne savent plus qui et comment écouter, tant les informations affirment tout et son contraire
(LEBOVICI, 2007). Les femmes les plus sereines semblent être celles qui sont justement le
plus à l’écoute d’elles-mêmes (WINNICOTT, 1959). Elles savent naturellement ce qui est
bon pour leur enfant et font fi des observations extérieures. Ce sont ces mêmes femmes qui
trouvent un équilibre entre leur rôle de mère, d’épouse et d’actrice sociale dans le collectif.
Aussi il semble approprié de privilégier la relation mère-enfant dans ce qu’elle a de plus
naturel, c’est-à-dire l’écoute intérieure de la mère ou encore la capacité réflexive (FONAGY,
2001). La connaissance de soi permet en effet de développer l’intuition féminine qui s’ajuste
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au mieux aux besoins du jeune enfant qui ne parle pas. La confiance de l’enfant se construira
alors sur un sentiment d’être compris malgré l’absence de paroles et grâce au regard rassurant
de sa mère. Les auteurs parlent peu de cette dimension intuitive de la mère, comme si
l’intuition, qualité tout aussi fondamentale que l’intelligence cognitive, ne pouvait être
légitime dans un monde scientifique, alors qu’elle a tant a apporté dans les relations humaines
et affectives que révèlent la relation mère-enfant des premiers instants.
Etre père, est tout comme être mère, un cheminement vers une identité nouvelle qui invite
l’homme à créer un espace dédié à l’enfant. Cette capacité semble déterminante, tant pour le
couple que pour le développement de l’enfant comme en témoigne toutes les recherches
effectuées sur le sujet. L’OMS précise en 2004 qu’un soin sensible et approprié est requis
pour la santé et le développement neurophysiologique, physique et psychologique de l’enfant.
Au contraire, un soin inapproprié, discontinu et négligent induit des conséquences opposées
pour la survie, la santé et le développement de l’enfant. L’enfant et les parents sont préparés,
par l’adaptation évolutive, aux interactions de soins à travers lesquels le potentiel des
capacités humaines de l’enfant peut se réaliser. Les facteurs affectant le parent et l’enfant,
ainsi que les facteurs socio-économiques, influencent la qualité de cet échange parent-enfant.
L’OMS précise que la relation parent-enfant revêt des composantes universelles au-delà des
cultures et des différences spécifiques à la relation interpersonnelle. De son côté, l’Inserm
(2005) précise que les attitudes parentales et le mode d’éducation jouent un rôle déterminant
dans le comportement de l’enfant et son évolution, tandis que leurs perturbations pourraient
constituer un facteur de risque d’apparition de problèmes de comportement chez l’enfant.
Nombreux sont les auteurs qui mettent l’accent sur cette dynamique parentale à l’égard de
l’enfant. Selon WINNICOTT (1965), les compétences parentales jugées acceptables sont la
capacité des parents à s’occuper des besoins physiques fondamentaux de leurs enfants
(nourriture, vêtements, chaleur, sommeil) et de leurs besoins psychologiques (amour,
affection, empathie) facilitant ainsi leur adaptation sociale et orientant leur développement
cognitif (environnement stimulant, apprentissage de la résolution de problème, préparation à
l’école). S. LEBOVICI évoque la notion de parentalité réciproque selon laquelle le père est
désigné et reconnu par la mère et le père permet à la femme d’être mère. Les deux conjoints
se font ainsi parents mutuellement par ce processus de parentalité réciproque. B. GOLSE
(2001) précise que tout enfant a besoin de venir s’inscrire dans l’histoire de ses deux
filiations, maternelle et paternelle, afin de pouvoir s’affilier à son groupe familial, et cette
affiliation participe de son côté à la construction de sa filiation.
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l’éducation
Les recherches sur l’attachement ont permis de comprendre que la mère et le père avaient une
action complémentaire auprès de l’enfant, l’une rassurante (la mère console face au danger et
la peur de l’inconnu) et l’autre stimulante (le père aide l’enfant à dépasser ses peurs pour
découvrir l’inconnu). C’est dans cet espace même que se joue probablement le détachement
mère-enfant que le père favorise par son action stimulante. Au sein de la famille, il existe une
multitude d’interactions sous formes de dyades ou de triade : une dyade de réassurance (mèreenfant), une dyade d’exploration (père-enfant) et une dyade d’union de la réassurance et de
l’exploration (couple parental). Toutes ces relations constituent autant d’expériences qui
permettent de se réguler et de rechercher l’équilibre (homéostasie) au sein de la cellule
familiale. Il semble que ce soit un phénomène essentiel dans l’existence humaine si on prend
en considération le nombre important de personnes qui effectuent un travail sur soi pour
mettre en cohérence l’histoire familiale. La famille représente un lieu d’échanges et de
développement individuel dynamique et non linéaire, ce qui permet d’envisager de manière
positive la possibilité d’une résolution de tout conflit, notamment dans les interactions
sociales.
Conclusion
Le besoin d’attachement et d’exploration de l’enfant implique dans le temps un véritable
travail de détachement que beaucoup de mères peinent à effectuer, alors qu’elles sont de plus
en plus nombreuses à élever des enfants seules et que l’on connaît l’importance de la
participation du père. L’enfant peut ainsi devenir le sens de l’existence de la mère et
l’attachement représenter un nœud tellement serré qu’il ne permet pas à l’enfant d’explorer
son environnement et d’accéder à son autonomie.
La mère semble marquer le point de départ de l’enfant dans le monde, mais pas la destination
finale. Ainsi, l’intériorisation de l’image de la mère (AINSWORTH, 1978) comme mode de
régulation des émotions pourrait représenter une étape intermédiaire mais non une fin en soi.
La mère devrait favoriser l’internalisation de la propre confiance en soi de son enfant. Il s’agit
pour l’enfant d’apprendre à exprimer ses difficultés et à trouver des solutions par lui-même.
Chaque fois que la mère permettra ce mouvement de réflexion, elle permettra à l’enfant de
construire sa propre capacité réflexive et de réellement grandir. Cette autonomie conférera à
l’enfant une aisance en collectivité qui favorisera son développement et son désir d’apprendre.
Cette dynamique est fortement influencée par la participation du père et l’entente mutuelle au
sein du couple.
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6.3 Perspectives
L’approfondissement de l’expérimentation
Compte tenu de tout ce qui précède, il semble que la réflexion soit intéressante à approfondir.
Cela passerait tout d’abord par un choix des sujets qui permette de distinguer à priori le critère
d’attachement. Cela permettrait de comparer des groupes sur seulement deux variables : la
peur et l’évolution des compétences de l’enfant.
De plus, il conviendrait d’envisager une évaluation de la peur, comme celle utilisée dans
l’expérimentation, accompagnée d’une évaluation du ressenti après l’événement ou la période
où la mère a eu peur pour son enfant. Il serait intéressant de voir comment est évaluée
l’émotion dans d’autres domaines d’application, pour accéder à un outil scientifique de
référence que l’on pourrait alors transposer dans le présent cadre de recherche. On peut citer
en exemple une étude (CURY et al., 2006)76 menée dans le cadre de la recherche sur les
performances intellectuelles des enfants. Cette étude met en valeur l’incidence de la peur et de
l’entraînement sur les performances scolaires. Le test de la peur repose sur celle de la peur de
l’échec et ses implications notamment au niveau physiologique. Dans le cadre de leur
expérimentation, la peur semble favoriser une auto-régulation en situation de réalisation d’un
exercice intellectuel. Cette approche semble rejoindre la réflexion sur la « bonne peur » utile
aux parents.
A cela, devrait s’ajouter un outil spécifique pour réaliser l’évaluation des compétences des
enfants en dehors de l’équipe de la halte-jeux. L’outil pourrait s’inspirer de celui proposé par
H. MONTAGNER concernant les compétences-socles. MONTAGNER (2005) précise aussi
qu’il serait important que la recherche étudie les corrélations et influences réciproques entre
l’état psychique de la mère et les variations majeures dans les synthèses de ses
neurohormones ; ceci, en relation avec les événements extérieurs et, bien évidemment, avec la
génétique, l’histoire et le vécu de la personne. Selon MONTAGNER, ces phénomènes
pourraient
en
effet
avoir
une
incidence
non
négligeable
sur
les
régulations
psychophysiologiques et psychiques de l’enfant en cours de construction avant et après la
naissance, en particulier dans les phénomènes d’attachement. Ils pourraient aussi préparer ou
faciliter certains troubles ou dérégulations de son comportement ou de son système de
communication (hyperactivité, conduites autocentrées, peurs irraisonnées et phobies,
psychoses ou autisme) et désordre psychosomatique (sommeil, alimentation, etc.).
76
Cury F., Da Fonseca D., Zhan I, Elliot A. (2006). Implicit theories and IQ test performance : a sequential
mediational analysis. Journal of Experimental Social Psychology (elsevier.com).
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Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de psychologie du développement et de
l’éducation
Le réaménagement des outils et de l’échantillon permettrait donc de consolider les résultats
afin de confirmer ou d’infirmer l’hétérogénéité constatée.
Enfin, il serait intéressant de conduire des entretiens cliniques à l’issue de l’expérimentation
afin de bien clarifier les résultats obtenus. De cette manière, il serait peut-être plus facile de
comprendre en quoi notamment la peur peut représenter un élément intéressant et donc
comment améliorer l’investigation, tant dans le choix de l’échantillon que celui des outils.
La parentalité et l’enseignement en psychologie
L’objectif de ce travail consiste à mettre en évidence que l’on ne naît pas mère ou père mais
que la vie nous offre la possibilité de le devenir et que dans cette invitation, l’homme et la
femme vivent une nouvelle étape de développement tout aussi fondamentale que
l’adolescence et le vieillissement. Or, ces deux étapes font l’objet d’un chapitre à part entière
dans les formations de psychologie du développement et de l’éducation alors que la
parentalité n’est pas abordée en tant que telle. Il semblerait donc intéressant qu’un module de
formation, « la psychologie de la parentalité », soit intégré dans le cursus universitaire au
même titre que, par exemple, le chapitre 5 « la psychologie du vieillissement » de P.
LEMAIRE (du nouveau cours de psychologie – Master sous la direction de S. IONESCU et
A. BLANCHET – Psychologie du développement et de l’éducation par Jacques LAUTREY).
Il permettrait de décrire la dynamique des liens familiaux au fur et à mesure du temps, en
tenant compte des modifications tant physiques que psychiques. Depuis FREUD et tous les
courants psychologiques du dernier siècle, nous savons à quel point le père et la mère jouent
un rôle structurant dans le développement psychique de l’enfant, de sa conception à sa mort
physique. Prendre le temps d’enseigner le développement de la parentalité représenterait une
opportunité de légitimer les parents dans leur rôle à l’égard de leur enfant et de les
accompagner afin de favoriser l’autonomie des familles et de leur développement. Ce dernier
point semble être soutenu par l’émergence des Ecoles de parents un peu partout en France, sur
le modèle des associations d’enfants rencontrant des difficultés de développement qui se sont
multipliées ces dernières décennies.
L’implication en tant que future psychologue
L’enseignement en psychologie du développement et de l’éducation, ainsi que le travail de
recherche, permettent vraiment de se préparer à être psychologue. En tant que tel, il me
semble important de garder à l’esprit que la personne que l’on reçoit s’inscrit dans une
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Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de psychologie du développement et de
l’éducation
histoire singulière qu’il n’est pas forcément nécessaire d’investiguer, comme en témoignent
certaines thérapies telles que la thérapie comportementale cognitive. De plus, la recherche
nous met en garde contre tout interprétation sauvage qui rendrait le discours d’une personne
généralisable ou classifiable alors même que nous savons l’étiologie multifactorielle et
individuelle dans le domaine de la psychologie. Cet enseignement confère donc à l’écoute du
psychologue une ouverture et une empathie qui favorise la confiance et la réflexion de la
personne, toutes deux nécessaires à un « travail sur soi », et permet à l’autre d’accéder à sa
capacité réflexive et donc, son autonomie de l’esprit.
La démarche effectuée pour réaliser le travail de recherche a suscité un réel intérêt au sein du
groupe de parents, notamment dans le cadre du Café parents. Ils ont exprimé le souhait
qu’une conférence sur le sujet soit effectuée à la rentrée prochaine. Compte tenu de l’intérêt
de certains acteurs institutionnels tels que l’ASE et la PMI du département, il est envisagé
avec la psychologue de l’association, d’organiser une conférence publique. L’objectif consiste
à inviter les parents et professionnels de l’éducation à réfléchir, le temps d’une soirée, sur la
relation d’attachement parent-enfant. La présentation serait suivie d’un débat. J’effectuerai
ainsi une synthèse du travail de recherche de manière conviviale et accessible à tous ; un
article dans le journal local est envisagé. Présenter le cadre théorique aux acteurs sociaux et
parents peut être utile afin d’apporter une information minimum et partagée qui permettent à
chacun de mieux utiliser ces concepts sans en abuser.
L’expérience du stage et la participation au groupe de réflexion de manière active m’ont
permise de réfléchir à la manière dont je me serais inscrite dans ce type de structure en tant
que psychologue. Cela représente aussi un projet professionnel d’avenir possible puisque la
psychologue a démissionné en juin et que le responsable de l’association souhaite conserver
l’intervention d’une psychologue auprès des parents de la halte-jeux.
En début d’année, je proposerais de rencontrer individuellement chaque maman pour faire
connaissance. Cela permettrait d’identifier au plus tôt les mères qui sont en situation de
vulnérabilité afin de leur proposer des entretiens individuels ou la participation au groupe de
réflexion ; elles seraient libres d’accepter ou non (les groupes de réflexion sont actuellement
imposés à tous les parents). Les entretiens et groupes de réflexion viseraient à sortir des
situations récurrentes par une prise de conscience des mécanismes qui entrent en jeux, en
utilisant l’information théorique et pratique telle que la spirale du phénomène d’impuissance
face à une situation (Schéma B). Ce schéma présente la réaction en chaîne que toute mère vit
si elle ne trouve pas une manière de modifier son attitude face à une situation « menaçante ou
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Mémoire de Recherche – Master 2 professionnel de psychologie du développement et de
l’éducation
stressante ». Une situation est considérée comme telle lorsque la mère y est particulièrement
sensible et qu’une exposition répétée à la situation génère une tension intérieure et une
appréhension. Au fur et à mesure, elle se sent de plus en plus énervée et de moins en moins
disponible à l’égard de l’enfant, redoutant la « scène » dont elle a peur. Cela peut la conduire
à atteindre son seuil de tolérance qui, si elle ne change rien à cette chaîne causale, peut la faire
« craquer » par la parole, par l’acte ou encore la somatisation.
E N VIRO N N E M E N T
MENACE
Pression extérieure
4. Pourquoi la situation se répète-t-elle ?
(invitation à résoudre un conflit
= développement / évolution)
3. Pourquoi suis-je de plus en plus tendue
dans cette situation ?
(réponse inappropriée à la situation)
Perception à t2
Exposition
Amplification
Vulnérabilité
Perception de
situation à t1
Tension
intérieure
Sensibilité
intérieure
STRESS
PEUR
Activation
Fatigue
Nerveuse
(dérégulation
neuro-végétative)
Comportement
inadapté
Mécanismes
de défense
1. Pourquoi suis-je sensible
dans cette situation ?
( histoire personnelle,
pression intérieure)
M E RE
Confusion d’esprit
2. Pourquoi j’agis ainsi
dans cette situation ?
(peur de…)
DEFENSE / ALTERITE
Stéphanie Rossollin Nicolas- 2008
Schéma B. Spirale d’involution altérant la disponibilité de la mère à l’égard de son enfant
Accompagner les mères, c’est donc leur donner du temps pour réfléchir : Pourquoi suis-je
sensible dans cette situation précise ? Pourquoi la situation se répète-t-elle sans cesse ?
Pourquoi je me sens systématiquement impuissante dans cette situation ? Pourquoi suis-je de
plus en plus tendue face à cette situation ? Pourquoi ai-je peur que cette situation se répète ?
Répondre par elles-mêmes à ces questions (par exemple, par la discussion, le jeu de rôle ou la
relaxation), c’est prendre conscience qu’elles se trouvent dans une spirale d’involution qui les
pousse vers la fatigue, la fatigue nerveuse, l’anxiété, l’angoisse, voire la dépression. La simple
prise de conscience, par la compréhension de leur fonctionnement intérieur, leur permet
d’activer en elles les ressources nécessaires pour transformer la spirale d’involution en spirale
d’évolution (schéma C), constituant une action propice à la détente et à la maîtrise de soi en
tant que mère. Elles peuvent alors regagner de la confiance et de l’estime de soi et libérer
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ainsi leur créativité, indispensable pour s’adapter à toutes les nouvelles situations que leur
enfant les invitent à vivre. Les paroles et les gestes des parents deviennent alors réconfortants
à l’égard de l’enfant qui peut alors changer radicalement de comportement et investir son
environnement avec une plus grande confiance ce qui contribue directement à son
développement.
E N VIRO N N E M E N T
MENACE
Pression extérieure
Vigilance /
situation à t1
Disponibilité
Relâchement
intérieur
Activation
Sensibilité
intérieure
Equilibre
émotionnel
Connaissance
de soi
CONFIANCE
Comportement
adapté
ATTACHEMENT
Perception à t2
Clarté d’esprit et créativité
M E RE
RESPECT / ALTERITE
Stéphanie Rossollin Nicolas- 2008
Schéma C. Spirale d’évolution favorisant la disponibilité de la mère à l’égard de son enfant
Conclusion
La réflexion théorique, malgré les faiblesses de la présente expérimentation, semble révéler
que la maternité est une étape clé dans la vie d’une femme qui revêt un caractère singulier
dans la mesure où elle est invitée à vivre une transformation intérieure profonde
qu’impliquent l’accueil et une nouvelle interaction avec son enfant. Toute fatigue ou émotion
vécue pendant la grossesse et l’accouchement, mais aussi durant les mois qui succèdent la
naissance, paraît influencer sa disponibilité à l’égard de son enfant et donc, la construction de
la relation d’attachement et le développement même de l’enfant.
De son côté, l’enfant est, tout autant que la mère, dans un état de plus ou moins grande
disponibilité pour l’interaction avec sa mère. La gestation, la naissance et les premiers jours
dans l’environnement aérien sont autant d’étapes de développement qui peuvent être plus ou
moins bien vécues par l’enfant. Certains parlent du traumatisme de la naissance. Cette part
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l’éducation
que joue l’enfant indépendamment de sa mère semble être démontrée par l’existence de mères
tranquilles et sans inquiétudes qui peuvent être amenées à accueillir un enfant très « agité ».
Il semble donc que la relation mère-enfant et l’attachement qui en découle soient directement
liés à la rencontre entre deux « êtres naissants » : une mère et un enfant. Les différentes études
semblent révéler que plus les mères sont conscientes de cette période très singulière de la
maternité, plus elles sont à même de s’y préparer et de l’accompagner sans trop prendre de
risques, tant physiques qu’émotionnels. Une mère témoigne (STERN, 1998) : « S’il existe une
formule magique pour être une bonne mère, c’est de laisser son enfant s’épanouir et être là à
ses côtés ». Il s’agit bien d’être présente à l’enfant, au-delà des affects, des projections et de la
peur, afin de faire l’expérience d’une rencontre authentique avec le nouveau-né, le jeune
enfant, l’enfant, l’adolescent puis l’adulte, c’est-à-dire un être qui évolue en permanence. Cela
nécessite l’équilibre émotionnel de la mère et sa capacité à accepter que l’enfant explore et
s’éloigne progressivement. Cela est facilité par son ouverture à la présence réconfortante du
père et l’harmonie du couple qui offre alors une chaleur au foyer propice au développement
de l’enfant.
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