Le français, parlons-en.

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Le français, parlons-en.
Le français, parlons-en.
Née au Québec, d’une famille de langue anglaise, je ne vous cacherai pas mes origines ni mon
bilinguisme. Pour dire vrai, à la maison, nous parlions en anglais la majeure partie du temps. Par
contre, ma mère a toujours obligé ses sept enfants à parler un français juste et à ne pas se limiter à la
langue anglaise. En fait, dès notre bas âge, maman nous astreignait à suivre des cours de diction, je
l’en remercie aujourd’hui. Je crois qu’à mon tour, dans mon rôle d’épouse et de mère, je me suis
toujours efforcée de transmettre l’importance de la langue française à ma famille. C’est donc sans
prétention que je me présente devant vous, aujourd’hui, pour vous livrer la passion et les convictions
d’une femme aux racines anglophones, mais éduquée dans le seul coin francophone de l’Amérique du
Nord.
Accorder de l’importance au français, ce n’est pas uniquement créer des lois sur l’affichage ou
organiser des concours dans les écoles primaires et secondaires, ce n’est pas non plus la raison de ma
présence aujourd’hui ou la vôtre, lui accorder de l’importance, c’est le vivre pleinement au quotidien.
Le français c’est une priorité de tous les jours, tant dans ma vie familiale, professionnelle ou
personnelle. Il ne suffit pas pour moi de vous lancer des beaux mots aujourd’hui et de dire « toé pis
moé » une fois rendu à la maison.
De plus, c’est un devoir pour les gens qui le parlent et l’écrivent bien, de le transmettre à leurs pairs.
Mes enfants m’en ont longtemps voulu de les reprendre, de leur rappeler constamment que les « si »
n’aiment pas les «rais», mais aujourd’hui, quand ils réalisent que c’est un automatisme pour eux de
bien s’exprimer, qu’ils se présentent pour des entrevues et qu’ils n’ont pas à se soucier de dire les bons
mots au bon moment, ils me sont reconnaissants. Trop de personnes, par peur du rejet ou par simple
lâcheté ne se donnent pas la peine d’éduquer leurs proches, et c’est là le problème. En fait, je me
demande bien qui est le plus fautif entre celui, à qui on n’a jamais appris les bases d’un bon parlé, et
qui dit encore : « Je pense qu’elle ne m’a pas entend » et celui qui le sait, mais qui ne se donne pas la
peine de le corriger. Quand je parle de priorité de tous les jours, c’est à cela que je pense. C’est aussi
aux professeurs, et ne croyez pas que je me permets de juger, ici, leur travail, mais apprendre le
français à des étudiants de secondaire I, veut dire leur apprendre à écrire le participe passé, mais aussi
à s’exprimer dans un langage décent.
Mais ne vous méprenez pas, je continue de croire que trop longtemps et encore aujourd’hui les
Québécoises et Québécois ont eu un sentiment très fort d’infériorité face à leurs cousins français, et
non du soi-disant bon français. Mais notre parler n’est pas le même que le leur et ne le sera jamais.
Nous parlons franco-québécois et cette langue unique est pourvue d’un million de charmes.
Louise
Mc
Kenzie, décembre, 2000.
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Le français, parlons-en.
Ainsi, quand nous parlons de bon français et de toute son importance, nous ne voulons pas enlever à
celui-ci son caractère unique, et vous comme moi, nous utilisons des expressions qui ne sont pas
justes, mais accorder du prestige et de la valeur à la langue française c’est d’abord et avant tout de
savoir que ce n’est pas correct, de prendre conscience de notre erreur, et de nous efforcer à une
amélioration constante, tout en préservant le charme!
De plus, ne nous leurrons pas, il est illusoire de croire que nous n’avons pas besoin de nous exprimer
en anglais, en espagnol ou dans quelque autre langue que ce soit. Même si nous avons une envie folle
d’arrêter la mondialisation des marchés, de croire que nous évoluons dans un univers entièrement
francophone et sans frontières, le monde étant ce qu’il est nous ne pourrons guère arrêter l’avancement
de la planète. Il faut nous y adapter et en tirer le meilleur parti. Et pour ce faire, que nous le voulions
ou non, la connaissance d’une langue seconde est un atout indispensable. En parallèle, et croyez-moi
sur ce point, maîtriser une langue seconde ne signifie pas nécessairement négliger ou mépriser le
français, loin de là. Le français reste ma langue première, et représente plus qu’une simple utilité, plus
qu’un moyen de communication, en fait parler, lire et écrire en
français est plaisir.
Tant de
possibilités, de mots et de façons de les interpréter, de les écrire et de les conjuguer, de les dire et de
les entendre. Je ne pourrais imaginer vivre dans un endroit où je n’aurais jamais plus le privilège
d’utiliser cette langue « de France aux accents d’Amériques », mais je sais pertinemment que la langue
anglaise m’a ouvert plusieurs opportunités dans la vie, et c’est cela qui me pousse à vous dire
qu’accorder de l’importance au français, ne signifie pas qu’il faille éliminer toutes autres formes de
langage.
J’aurais bien envie de conclure en vous citant une grande phrase de Félix Leclerc sur la beauté de
notre langue ou encore de Gilles Vigneault, mais je vais plutôt vous citer Louise Mc Kenzie, en toute
modestie, en vous disant que la langue française est importante, parce qu’elle nous appartient, qu’elle
symbolise notre histoire et notre fierté, parce que c’est notre petite guerre à nous et que nous devons
continuer de nous battre. Au même titre que nous défendons nos idéaux et nos principes, que nous
protégeons nos enfants, nous avons le devoir de préserver la qualité de l’écrit et du parler de nos
futures générations.
Louise
Mc
Kenzie, décembre, 2000.
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