Slackline: à vos sangles, prêts, départ

Transcription

Slackline: à vos sangles, prêts, départ
Alpinisme
et autres sports
de montagne
Alpinismo e altri sport
di montagna
Alpinismus, Bergu. a. Sportarten
Un nouveau sport conquiert
la Suisse
Slackline : à vos
sangles, prêts, départ !
A l’origine du slack, dans les années
1960, est l’ennui qui s’emparait des
grimpeurs dans leurs campements de la
vallée de Yosemite lorsque la pluie interdisait tout programme d’escalade. Ils
tuaient alors le temps à des exercices
d’équilibre et de concentration sur les
chaînes barrant les routes ou sur des
cordes. Au début des années 1980, ils se
mirent à utiliser pour ces jeux leur
propre matériel d’escalade : on vit bientôt apparaître, à 900 mètres au-dessus de
la vallée de Yosemite, une longue sangle
attachée au bec rocheux du Lost Arrow
Spire. Ce nouveau sport, qui arrive
maintenant en Suisse, commençait alors
une existence indépendante.
Depuis le tournant du millénaire, le
slack a entrepris un tour du monde
triomphal. Des cours sont proposés pour
grands et petits, des manuels pratiques
sont publiés, des entreprises modestes et
des grands de l’équipement sportif alpin
comme Mammut mettent sur le marché
des sets de slack pourvus de dispositifs
spéciaux de tension, et les sportifs d’élite
y voient une nouvelle méthode d’entraînement. Signe de grand succès, Google
propose 367 000 références à la recherche
de slackline.
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LE S ALPE S 7/2009
Photo : Caroline Fink
C’est une activité inventée dans la
vallée de Yosemite par les grimpeurs
en mal de distraction. Elle arrive
maintenant en Suisse sous le nom de
« slackline » ou plus brièvement
« slack ». Tout un chacun s’y met,
grimpeur du dimanche, hockeyeur
ou nonne.
Des allumés du funambulisme slack
Deux Suisses font pour ce sport un bel
effort de promotion dans notre pays :
Patricia Heiniger, collaboratrice du Club
Alpin Suisse dans le domaine du marketing du sport d’élite, et Matt Gehri,
maître de sports d’hiver et graphiste. Organisant dans tout le pays des ateliers de
formation, ils ont observé que ce nouveau sport suscitait curiosité et enthousiasme dans toutes les couches de la population. Particia Heiniger nous dit :
« Au cours d’un atelier à Brigue, nous
avons même vu une nonne répondre à
notre invitation, ôter ses chaussures et
grimper sur la sangle. » A quoi Matt
Gehri ajoute que lors d’une journée de
présentation à Fribourg, une retraitée a
prié son mari de lui donner la main pour
Marcher sur une sangle : le
slackline, un nouveau funambulisme, fait fureur en Suisse
l’aider à faire ses premiers pas sur la
sangle.
Ces exemples montrent bien que les
grimpeurs ne sont depuis longtemps
plus les seuls à faire de l’équilibre sur les
slacks. La pratique ne dépend plus maintenant de l’âge ni de l’état d’entraînement sportif, mais intéresse tout un chacun selon Patricia Heiniger. Et Matt
Gehri raconte que lors d’un atelier public organisé à Lucerne, il a vu tenter
leurs premiers pas dans le même groupe
des gens aussi différents que Kurt Fürst,
membre d’une équipe participant à la
Swiss Inline Cup dans la catégorie Speed,
Photo : visualimpact.ch | Cory Richards
Le grimpeur américain
­Justin Wood en démonstra­
tion à Majorque, quittant
le slackline d’un saut
périlleux.
Premiers pas sur le slack­
line. Patricia Heiniger
­instruit un participant à ­
un cours, à Thoune.
Photo : Caroline Fink
et Evelyn Buri, costumière au théâtre de
Lucerne. « Le déplacement sur le slack
exige la même coordination de l’épaule,
du genou et du pied que le patinage in­
line », déclare Kurt Fürst, et Evelyn Buri
ajoute : « Tout simplement, ça arrache ! »
Mais d’où viennent donc la curiosité
suscitée et le plaisir procuré à tout âge
par le slack ? Patricia Heiniger pense que
l’aspect social joue un rôle, ainsi que les
mouvements élémentaires mis en œuvre
sur la sangle. Il n’y aurait ainsi pas de démarche juste ou fausse, et le slack se pratique souvent en groupe, comme l’escalade de bloc : on observe les prouesses
des autres, on bavarde de tout et de rien
et chacun fait ses propres tentatives. Il
s’agit aussi d’apprendre un mouvement
élémentaire, comparable aux premiers
pas de l’enfant. Apparemment, ce type
d’apprentissage exerce toujours, et sur
tous, la même fascination.
Entraînement pour gardiens
de but de hockey
L’intérêt suscité par le slack n’a pas manqué d’attirer l’attention des entraîneurs
de sportifs d’élite. C’est ainsi qu’Andy
Jorns, entraîneur des gardiens de but du
club de hockey d’Ambri-Piotta et grimpeur lui-même, a introduit le slack dans
le programme d’entraînement de ses
joueurs, surtout comme exercice d’équilibre. Il a remarqué en effet que des buts
étaient souvent marqués à la faveur
d’une perte d’équilibre du gardien, dont
le premier mouvement visait alors à rétablir son propre équilibre plutôt qu’à
défendre son portail. Les rapides progrès
sur la sangle d’équilibre ont encouragé
les joueurs à s’entraîner davantage à cet
accessoire, ce d’autant plus qu’ils y prenaient du plaisir. « J’installe la sangle de
slack pour les gardiens de but et les
autres joueurs veulent tout de suite s’y
mettre aussi. J’en installe une dans mon
jardin et tout le quartier fait la queue
pour s’y essayer », ajoute Andy Jorns avec
un sourire.
Tendance ou passade ?
La progression de la pratique du slack ne
faiblit pas au sein de la population et du
cercle des sportifs d’élite. L’avenir montrera s’il s’agit d’une mode passagère ou
d’un engouement durable. Matt Gehri
pense à une consolidation, car le slack est
depuis assez longtemps intégré dans le
programme d’entraînement des sportifs
d’élite et ne pourrait plus guère en être
évacué. Cela tient d’abord à une série de
facteurs physiologiques et psychologiques pour lesquels le slack offre un
champ d’entraînement : la coordination,
le contrôle de la musculature posturale,
la dynamique corporelle, la confiance en
soi et la capacité de concentration.
Le développement du slack en sport
de masse dépend de son évolution en
formes diverses adaptées à divers
groupes de pratiquants. On en voit déjà
l’ébauche, avec les tricklines, sangles classiques d’usage commun, les jumplines,
plus fortement tendues et servant
aux sauts, les longlines dépassant les
25 mètres de long, les waterlines tendues
au-dessus de l’eau et les highlines suspendues à grande hauteur.
Spectaculaires highlines
Ces dernières surtout ont attiré l’attention du public grâce à des highliners de
haut niveau comme Stephan Siegrist ou
L E S A L P E S 7 / 2 0 0 9
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Photo : visualimpact.ch | Fabiano Ventura
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LE S ALPE S 7/2009
L’alpiniste suisse de l’extrême
Stephan Siegrist traverse la
gorge d’El Chorro en Andalousie
sur un highline.
ALPINISME ET AUTRES SPORTS DE MONTAGNE
Photo : visualimpact.ch | Miguel Gonzalez
Informations pratiques sur le slack
Slackline On trouve dans le commerce spécialisé
(on peut aussi commander sur internet)
des sets de slackline dont la sécurité est
garantie, et qui comprennent des sangles
d’attache, des mousquetons ainsi que
des rochets spécialement conçus. Revendeurs en ligne : www.slacker.ch ;
www.islack.ch ; www.slacklines.ch ;
www.zurrfix.ch ; www.slackjack.ch
Sécurité Les attaches d’un slackline sont soumises
à des sollicitations dépassant facilement
une tonne. Il faut donc n’utiliser que des
éléments adaptés les uns aux autres et
respecter les prescriptions relatives aux
points d’attache, par exemple, s’il s’agit
d’un arbre, un diamètre minimal de
30 cm. D’autre part, les experts ne sont
pas unanimes quant à l’adéquation du
matériel d’escalade en termes de sécurité. Il faut encore insister sur le fait que
l’ancrage des highlines et l’assurage des
highliners exigent une grande expérience.
Cours On peut apprendre le slack sans suivre
de cours, mais les débuts sont facilités
par un enseignement. Diverses offres de
cours sont disponibles en Suisse à dates
fixes ou sur demande. Informations :
www.islack.ch ; www.slacker.ch ;
www.slackjack.ch
Bibliographie Fritz Miller et Franziska Friesinger,
Slackline – Tipps, Tricks, Technik, Panico
Alpinverlag 2009, 28 fr. 60
Scott Balcom, Walk the Line : The Art
of Balance and the Craft of Slackline,
Slack Daddy Press 2005, 38 fr. 70 a
Caroline Fink, Zurich (trad.)
Il est recommandé, pour
ce nouveau sport, de se
procurer un set de slack­
line dont la sécurité est
attestée, comprenant des
sangles de fixation, des
mousquetons et des rochets spéciaux.
Photo : Caroline Fink
Dean Potter. Parmi toutes les branches
naissantes du nouveau sport, elles ont
propulsé cette pratique au niveau de
discipline reine du slack en raison des
exigences mentales qu’elles posent aux
pratiquants. Les photos et surtout l’apparition sur Youtube de Dean Potter,
marchant sans assurage à 900 mètres
au-dessus de la vallée de Yosemite pour
gagner en vacillant le célèbre Lost Arrow
Spire, voilà un spectacle à faire dresser
les cheveux sur la tête et garantir une
publicité mondiale au highline.
Il n’est pas question de telles
prouesses (comparables, selon Patricia
Heiniger, à celles d’Ueli Steck en escalade
solitaire) dans les ateliers organisés par
islack.ch ou slacker.ch. Nos deux professionnels du slack tiennent surtout à
communiquer ce qui a dès les premières
heures motivé les slackers de Yosemite : le
plaisir d’une distraction conviviale en
groupe. Ou plus simplement encore : de
la joie à se faire plaisir.
Highline, la hauteur en
tout : Stephan Siegrist sur
le glacier proche du camp
de base du Gasherbrum II,
en Chine.
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