INTRODUCTION La thrombose veineuse profonde et l - S-ECN
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INTRODUCTION La thrombose veineuse profonde et l - S-ECN
INTRODUCTION La thrombose veineuse profonde et l’embolie pulmonaire sont habituellement traitées par de l’héparine durant 5 jours au minimum, un traitement par warfarine étant débuté parallèlement puis poursuivi durant au moins 3 mois. L’approche habituelle pour le traitement initial est d’administrer l’héparine non fractionnée en injection intraveineuse continue, avec ajustement permanent de la dose en fonction des temps de céphaline activé (TCA). Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) en administration sous-cutanée, à dose fixe déterminée en fonction du poids, sont progressivement en train de remplacer l’héparine non fractionnée. Les HBPM peuvent être utilisées en dehors de l’hôpital du fait de leur administration en sous-cutané et de l’absence de nécessité d’une surveillance biologique, ce qui réduit fortement le coût des soins bien que les HBPM soient plus chères que les héparines non fractionnées (1,2). Bien qu’en pratique actuellement la règle soit d’administrer l’héparine non fractionnée par perfusion intraveineuse et d’adapter les doses en fonction des résultats des TCA, ce type de traitement n’est peut-être ni nécessaire ni optimal. Des essais qui ont comparé injections sous-cutanées et perfusion intraveineuse pour l’administration d’héparine non fractionnée en traitement initial de la thromboembolie veineuse ont constaté que la voie sous-cutanée était aussi sûre et aussi efficace (3,4). Que la voie d’administration choisie dans les études antérieures ait été sous-cutanée ou intraveineuse, la dose d’héparine non fractionnée était adaptée en fonction des valeurs du TCA. Cependant la pertinence clinique des évaluations du TCA est incertaine chez les patients traités par héparine parce que les valeurs diffèrent en fonction des réactifs et des coagulomètres utilisés pour le dosage (5) qu’elles sont augmentées en cas de traitement concomitant par warfarine (6) et que leurs liens avec l’efficacité et la sécurité d’emploi sont incertains. Bien que certaines analyses aient montré une association entre des valeurs basses de TCA durant l’héparinothérapie et le risque de récurrence de thromboembolie veineuse, la dose de départ d’héparine utilisée dans les études incluses dans ces analyses était souvent inférieure à celle que l’on recommande actuellement (7-9). Dans les analyses n’incluant que des études dans lesquelles les patients recevaient des doses initiales d’héparine identiques à celles actuellement recommandées, aucune association entre valeurs basses de TCA et thromboembolies veineuses récurrentes n’a été constatée (10-12). De même, il n’y a pas d’association évidente entre les valeurs hautes de TCA et le risque hémorragique, indépendamment de la dose d’héparine administrée (13,14). En outre, dans les premières études d’évaluation de l’héparine en traitement de la thromboembolie veineuse, la dose initiale d’héparine n’était pas proportionnelle au poids des patients alors qu’une dose basée sur le poids est actuellement recommandée (12,15). Si l’héparine non fractionnée pouvait être administrée en injections sous-cutanées sans surveillance de la coagulation, elle serait plus facile à utiliser et pourrait convenir pour traiter les thromboembolies veineuses en dehors de l’hôpital, le traitement étant alors moins coûteux qu’avec une HBPM. Nous avons donc effectué un essai randomisé comparant une héparine non fractionnée et une HBPM en traitement initial de la thromboembolie veineuse, les 2 médicaments étant donnés par voie sous-cutanée, 2 fois par jour, à dose fixe déterminée en fonction du poids. Notre hypothèse était qu’en utilisant cette voie d’administration, l’héparine non fractionnée serait aussi sûre et aussi efficace que l’HBPM. METHODES Patients de l’étude Tous les patients âgés de plus de 18 ans ayant eu un diagnostic récent de thrombose veineuse profonde de la jambe ou d’embolie pulmonaire étaient susceptibles d’être recrutés dans l’étude. Les patients devaient avoir une thrombose veineuse profonde symptomatique ou une thrombose veineuse profonde asymptomatique identifiée par un dépistage postopératoire chez des patients à haut risque. Les thromboses veineuses profondes proximales symptomatiques pouvaient être diagnostiquées par échographie avec compression ou par phlébographie (16). Pour les thromboses veineuses profondes symptomatiques limitées aux veines surales, comme pour toutes les thromboses veineuses profondes asymptomatiques, un diagnostic par phlébographie était obligatoire (16). Les embolies pulmonaires devaient être symptomatiques et diagnostiquées objectivement soit par un aspect de haute probabilité à la scintigraphie de perfusion/ventilation, soit par des constatations établissant un diagnostic de thrombose veineuse profonde en cas d’incertitude diagnostique à la scintigraphie pulmonaire soit par l’existence d’un défaut de remplissage de l’artère pulmonaire à un niveau segmentaire ou plus proximal à l’angioscanner (17). Les patients remplissant les critères d’inclusion étaient refusés dans les cas suivants : contre-indication à un traitement sous-cutané (par exemple, intervention chirurgicale majeure ou choc dans les 48 heures précédentes), hémorragie active, espérance de vie inférieure à 3 mois, traitement aigu pour thromboembolie veineuse commencé depuis plus de 48 heures, prise d’un traitement anticoagulant à long terme, contre-indication à l’héparine ou à l’injection d’un produit de contraste radiographique, taux de créatinine supérieur ou égal à 200 μmol/l (23 mg/l), femme enceinte, patient recruté dans une étude concurrente ou ne pouvant se déplacer pour le suivi en raison de l’éloignement géographique. Il n’y avait aucun critère d’exclusion en fonction du poids du patient. Les participants ont signé un formulaire de consentement éclairé et l’étude a été approuvée par les comités d’éthique de tous les centres hospitaliers participant. Randomisation et traitement La randomisation était générée par ordinateur, avec des blocs de taille 2 ou 4. Elle était stratifiée par centre hospitalier et était réalisée par appel téléphonique de chaque centre à un système centralisé automatique. Le traitement initial attribué aux patients en ouvert était soit de l’héparine non fractionnée (groupe expérimental) soit une HBPM (groupe témoin), chacun de ces traitements étant administré en sous-cutané, 2 fois par jour, à des doses déterminées en fonction du poids du patient, sans que des tests de coagulation ne soient utilisés pour modifier ces doses (l’évaluation du TCA et l’héparinémie étaient interdits) (voir Figure). L’héparine non fractionnée a été donnée à une dose initiale de 333 UI/kg suivie de doses ultérieures de 250 UI/kg (ampoules multidoses de 25 000 UI/ml) (1,18). Ce schéma thérapeutique a été établi en prenant en compte 3 éléments : quand l’héparine est donnée en sous-cutané 2 fois par jour, la dose doit être plus élevée de 10% par rapport à celle qui est nécessaire en cas d’administration par injection intraveineuse continue (12,19) ; l’héparine intraveineuse doit être donnée au départ en un bolus basé sur le poids de 80 UI/kg suivi par une perfusion de 18 UI/kg/heure lorsque l’on traite une thromboembolie veineuse (12,15) ; et les résultats d’une étude préliminaire ont montré que les niveaux thérapeutiques d’anticoagulation étaient habituellement atteints rapidement avec ce type de schéma thérapeutique souscutané (18). L’HBPM a été donnée à raison de 100 UI/kg pour toutes les doses (ampoules multidoses de 10 000 UI/ml). L’HBPM utilisée était soit de la daltéparine soit de l’énoxaparine selon la disponibilité locale. L’héparine non fractionnée ou l’HBPM a été donnée durant au moins 5 jours et jusqu’à ce que l’INR (international normalized ratio, rapport international normalisé) soit supérieur ou égal à 2,0 pendant 2 jours consécutifs. La warfarine a été habituellement débutée le même jour que l’héparine et poursuivie durant un minimum de 3 mois, à des doses adaptées de manière à ce que l’INR soit compris entre 2,0 et 3,0. Suivi et critères de jugement Les patients avaient une évaluation à 3 jours, 1 mois et 3 mois après la mise en route du traitement médicamenteux étudié. Il leur était demandé d’autre part de signaler immédiatement la survenue de tout symptôme évoquant une thromboembolie veineuse ou une hémorragie. Les symptômes évocateurs de thromboembolie veineuse récurrente étaient évalués en utilisant la méthode diagnostique standardisée précédemment décrite (20). Pour qu’une thromboembolie veineuse récurrente soit diagnostiquée, les critères qui avaient été utilisés pour diagnostiquer l’épisode initial de thromboembolie veineuse devaient être satisfaits dans un segment de veine profonde ou d’artère pulmonaire non précédemment touché par la thrombose. Aucun dépistage systématique n’était effectué pour détecter l’extension ou la récurrence asymptomatique de la thrombose ; tous les épisodes de récurrence de thromboembolie veineuse diagnostiqués étaient donc associés à l’apparition de nouveaux symptômes. Les morts subites inexpliquées étaient comptabilisées comme des embolies pulmonaires. Les hémorragies étaient définies comme graves si elles étaient cliniquement patentes et associées à une diminution du taux d’hémoglobine d’au moins 2,0 g/dl, qu’elles nécessitaient la transfusion de 2 culots de globules rouges ou plus ou qu’elles se trouvaient dans une zone critique (par exemple, rétropéritonéale ou intracrânienne). Le nombre de plaquettes n’a pas été systématiquement surveillé mais il était noté si l’héparinothérapie avait été arrêtée rapidement en raison de la survenue d’une thrombocytopénie. Les récurrences, les hémorragies graves et les décès étaient évalués par un comité central dont les membres ne connaissaient pas le traitement attribué au patient. Analyses statistiques Cet essai a été conçu pour déterminer si un traitement initial par une dose fixe d’héparine non fractionnée est aussi efficace qu’un traitement par HBPM (c’est-à-dire, non inférieur à l’HBPM). Une fréquence de 6% de récurrences de thromboembolie veineuse dans les 3 mois suivant le début du traitement était attendue avec l’HBPM (21-23). Par consensus, auquel nous sommes parvenus en interrogeant les spécialistes de la thromboembolie qui avaient prévu de participer, il a été décidé que l’étude devait avoir une probabilité de 95% de détecter une fréquence plus élevée de récurrences dans le groupe héparine non fractionnée (α = 0,05 pour test unilatéral) si le schéma de traitement par héparine non fractionnée était réellement associé à une augmentation absolue de 5% des thromboembolies veineuses. De plus, l’étude devait avoir une puissance de 90% de conclure que l’héparine non fractionnée n’était pas moins efficace que l’HBPM si les 2 traitements avaient réellement la même efficacité. Une étude comportant 824 sujets pouvait satisfaire à ces obligations (24) Lorsqu’une analyse intérimaire effectuée en aveugle, dans une période où le taux de recrutement diminuait, a révélé une fréquence plus faible qu’attendue de récurrences de thromboembolie veineuse sur l’ensemble des patients randomisés, le comité directeur a pris la décision d’arrêter le recrutement à 700 patients. Le critère principal de jugement de l’efficacité était la différence absolue constatée dans les proportions de patients retenus ayant eu une récurrence de thromboembolie veineuse dans les 3 mois. Le principal critère de jugement de la sécurité d’emploi était la différence absolue constatée dans les proportions de patients ayant reçu au moins une dose du médicament étudié et ayant eu un épisode d’hémorragie grave dans les 10 jours suivant la randomisation. Un petit nombre de patients randomisés par voie téléphonique automatique n’a pas été inclus dans ces analyses, le plus souvent parce qu’ils ne remplissaient pas les critères requis (voir Figure). La décision d’exclure ces patients des analyses de l’efficacité et de la sécurité d’emploi a été prise par le comité directeur, dont les membres ne connaissaient ni les traitements attribués aux patients ni leur évolution clinique ultérieure, et tous les patients sont décrits dans ce compte-rendu. Le test exact de Fisher a été utilisé pour comparer les proportions. Les données ont été analysées en utilisant le logiciel SAS, version 9.1 (SAS Institute Inc., Cary, Caroline du Nord) et le logiciel StatXact, version 7.0 (Cytel Corp., Boston, Massachusetts). Examens biologiques Quand cela a été possible, une prise de sang a été faite aux patients 6 heures (on pouvait accepter entre 3,0 et 9,9 h) après l’injection d’héparine non fractionnée, le troisième jour (on pouvait accepter entre le deuxième et le sixième jour) de traitement, pour une évaluation du TCA en utilisant le réactif Thrombosil (Instrumentation Laboratory, Lexington, Massachusetts) et un coagulomètre STA Compact (Diagnostica Stago, Asnières, France). Toutes les évaluations du TCA ont été réalisées dans un laboratoire centralisé à Hamilton, Ontario, par des techniciens n’ayant aucune connaissance des informations cliniques. Les dosages ont été effectués après la fin de l’étude et les valeurs ont été classés comme basses si le TCA était inférieur à 60 secondes et comme hautes si le TCA était supérieur à 85 secondes ; ces valeurs correspondent, respectivement, à une activité anti-Xa (héparinémie) de 0,35 UI /ml et de 0,7 UI/ml (zone thérapeutique pour l’héparine intraveineuse dans le laboratoire d’Hamilton). Aucun résultat de TCA n’a pu être communiqué aux centres hospitaliers ou au comité central d’évaluation. RÉSULTATS Patients et traitements de l’étude Les patients ont été recrutés dans 6 centres hospitaliers entre le 1er septembre 1998 et le 29 février 2004. Sur un total de 2430 patients évalués, 1140 avaient au moins un critère d’exclusion et 582 qui répondaient aux critères d’inclusion ont refusé de participer (voir Figure). Les 708 patients restants ont été retenus pour la randomisation et ont reçu soit de l’héparine non fractionnée (355 patients) soit une HBPM (353 patients) (voir Tableau 1). Les patients des 2 groupes avaient des caractéristiques de base similaires (voir Tableau 1). Quatre-vingt pour cent des patients avaient une thrombose veineuse profonde symptomatique sans symptômes d’embolie pulmonaire, 19% avaient une embolie pulmonaire symptomatique et 1% avait une thrombose veineuse profonde asymptomatique. Au moment du diagnostic, il y avait 68% de patients externes et 32% de patients hospitalisés. Pour l’héparine non fractionnée, une première dose moyenne correspondant à 320 UI/kg de poids corporel a été donnée ; les doses ultérieures ont été en moyenne de 249 UI/kg (voir Tableau 2). Pour l’HBPM (daltéparine pour 74% des patients et énoxaparine pour 26%), la dose moyenne correspondait à 99 UI/kg (voir Tableau 2). Le médicament étudié a été donné durant une moyenne de 6,3 jours dans le groupe héparine non fractionnée et de 7,1 jours dans le groupe HBPM (voir Tableau 2) et a été arrêté avant le cinquième jour de traitement chez 84 patients dans le groupe héparine non fractionnée et chez 44 patients dans le groupe HBPM, le plus souvent parce que l’INR était supérieur à 3,0. Un patient a arrêté prématurément le médicament étudié en raison d’une thrombocytopénie (groupe HBPM) ; une thrombocytopénie induite par l’héparine n’a pas été suspectée. Un seul patient qui avait arrêté prématurément le médicament étudié a reçu par la suite l’autre traitement (groupe héparine non fractionnée). Le traitement a été effectué entièrement dans un cadre externe dans 72% des cas dans le groupe héparine non fractionnée et dans 68% des cas dans le groupe HBPM (p = 0,29) (voir Tableau 2). Récurrences de thromboembolie veineuse Une récurrence de thromboembolie veineuse est survenue chez 13 patients (3,8%) sur 345 dans le groupe héparine non fractionnée et chez 12 patients (3,4%) sur 352 dans le groupe HBPM (différence : 0,4% ; intervalle de confiance [IC] à 95% : -2,6% à 3,3% ; conformité à l’hypothèse de non-infériorité, p = 0,002) (voir Tableau 3). L’épisode récurrent de thromboembolie veineuse était une embolie pulmonaire chez 2 patients dans le groupe héparine non fractionnée (non mortelle dans les 2 cas) et chez 4 patients dans le groupe HBPM (dont 1 mortelle ; mort subite inexpliquée 81 jours après le recrutement) ; les autres épisodes étaient des thromboses veineuses profondes. Par ailleurs, 41 autres patients dans le groupe héparine non fractionnée et 40 dans le groupe HBPM ont eu des explorations au cours du suivi pour suspicion de thromboembolie veineuse, ce diagnostic étant finalement exclu. Hémorragies Une hémorragie grave est survenue durant les 10 premiers jours chez 4 patients (1,1%) sur 348 dans le groupe héparine non fractionnée et chez 5 patients (1,4%) sur 352 dans le groupe HBPM (différence : -0,3% ; IC à 95% : -2,3% à 1,7%). Durant les 3 mois de suivi, une hémorragie grave est survenue chez 6 patients (1,7%) dans le groupe héparine non fractionnée et chez 12 patients (3,4%) dans le groupe HBPM (différence : -1,7% ; IC à 95% : -4,3% à 0,8%). Parmi les événements hémorragiques graves, 1 dans le groupe héparine non fractionnée (hématome sous-dural associé à un traumatisme 68 jours après le recrutement) et 1 dans le groupe HBPM (hématome épidural 3 jours après le recrutement) ont été mortels. Il y a eu une hémorragie intracrânienne non mortelle dans le groupe HBPM (hémorragie intracérébrale associée à une chute 26 jours après le recrutement). Un seul patient a eu à la fois un événement hémorragique grave (15 jours après le recrutement) et une récurrence de thromboembolie veineuse (27 jours après le recrutement alors qu’il était sous warfarine). Les nombres totaux d’hémorragies (hémorragies graves et peu graves confondues) dans les 2 groupes, à 10 jours et à 3 mois, n’étaient pas significativement différents (voir Tableau 3). Décès Il y a eu 18 décès dans le groupe héparine non fractionnée et 22 décès dans le groupe HBPM. Concernant les causes, il y a eu, dans le groupe héparine non fractionnée, 1 décès par hémorragie, 13 par cancer et 4 par autre cause. Dans le groupe HBPM, il y a eu 3 décès par embolie pulmonaire (2 sont survenues après un diagnostic de thromboembolie veineuse récurrente non mortelle), 1 par hémorragie, 16 par cancer et 2 par autre cause. Valeurs du TCA et résultats cliniques dans le groupe héparine non fractionnée Le TCA a été évalué à mi-distance entre les injections (6,0 h en moyenne après l’injection du matin), 2,8 jours en moyenne après le début du traitement, chez 197 patients du groupe héparine non fractionnée. Les valeurs du TCA étaient inférieures à 60 secondes chez 39 patients, situées entre 60 et 85 secondes chez 37 patients et supérieures à 85 secondes chez 121 patients. Au cours des 3 mois de suivi, il n’y a eu aucune récurrence chez les 39 patients dont le TCA était inférieur à 60 secondes et il y a eu une récurrence chez 5 patients (3,2%) sur les 158 ayant un TCA supérieur ou égal à 60 secondes (p = 0,58). Il n’y a eu aucune hémorragie grave dans les 10 jours suivant le recrutement chez les 121 patients ayant un TCA supérieur à 85 secondes et aucune chez les 76 patients ayant un TCA inférieur ou égal à 85 secondes (p > 0,99). DISCUSSION Cette étude montre que l’héparine non fractionnée administrée en sous-cutané, à dose fixe et sans surveillance est aussi sûre et aussi efficace qu’une HBPM administrée en sous-cutané, à dose fixe et sans surveillance, chez des patients ayant une thromboembolie veineuse aiguë. L’absence d’associations constatées dans le groupe héparine non fractionnée entre les valeurs basses de TCA et les récurrences de thromboembolie veineuse et entre les valeurs hautes de TCA et les hémorragies apporte des preuves supplémentaires qu’une surveillance par TCA n’est pas nécessaire avec ce schéma posologique. Plus de 75% des patients dans chaque groupe, dont une proportion notable de patients ayant une embolie pulmonaire, ont été traités soit partiellement soit entièrement en externe, ce qui indique que ce schéma de traitement par héparine non fractionnée est adapté à une utilisation extra hospitalière. Dans la mesure où le prix de l’héparine non fractionnée est inférieur à celui des HBPM, ce schéma thérapeutique paraît séduisant pour la pratique clinique (2,25). Si l’on se base, par exemple, sur un prix de vente moyen aux États-Unis de 7,42 dollars pour 1000 UI d’énoxaparine (26) (100 UI correspondent à 1 mg) et de 0,15 dollars pour 1000 UI d’héparine non fractionnée (26) le coût des médicaments pour un traitement de 6 jours et pour un patient de 80 kilos serait de 712 dollars avec une HBPM et de 37 dollars avec une héparine non fractionnée. Ces calculs supposent que les 2 médicaments soient administrés avec les schémas utilisés dans cette étude (c’est-à-dire, 2 fois par jour en utilisant des ampoules multidoses). Cette étude a un certain nombre de faiblesses potentielles que nous devons prendre en considération. Premièrement, le fait que le plan expérimental ait été en ouvert peut avoir conduit à un biais dans l’évaluation des résultats au cours du suivi. Ceci est en fait peu probable dans la mesure où tous les résultats étaient vérifiés par un comité central qui n’avait pas connaissance des traitements attribués et qui utilisait des critères standardisés. De plus, dans la mesure où il y a eu dans les 2 groupes un nombre similaire de patients considérés comme n’ayant pas de thromboembolie veineuse au cours du suivi, il n’y a pas d’arguments pouvant suggérer que les seuils mis en place par les centres hospitaliers pour rechercher une thrombose récurrente étaient différents dans chacun des 2 groupes. Deuxièmement, le nombre total de patients inclus dans cette étude a été plus faible que ce qui était prévu au départ du fait d’une baisse dans le recrutement. Bien qu’une diminution de taille d’échantillon réduise la précision des résultats, nous avons tout de même pu confirmer notre hypothèse que l’héparine non fractionnée n’était pas inférieure à l’HBPM (non-infériorité, p =0,002). En outre, nos données montrent qu’il est très peu probable que l’augmentation de la fréquence des thromboembolies veineuses récurrentes avec l’héparine non fractionnée soit aussi importante que 3,3% (voir Tableau 3) – les critères récemment utilisés pour conclure à l’absence d’infériorité du fondaparinux ou du ximélagatran par rapport au traitement standard pour traiter les thromboembolies veineuses aiguës sont donc remplis (27-29). Nous avons effectué un calcul de puissance après avoir pris connaissance des résultats. Pour ce calcul, nous avons supposé qu’il y avait 348 patients dans chaque groupe de traitement. En prenant une proportion observée de récurrences de thromboembolie veineuse de 3,6% comme prévu dans chaque groupe, un seuil α pour test unilatéral de 0,05 et une puissance de 90%, la limite de non infériorité était de 4,1%. Autrement dit, en prenant une hypothèse de noninfériorité, on excluait une fréquence de thromboembolies veineuses récurrentes dans le groupe héparine non fractionnée au cours de suivi de 7, 7% (3,6% ; 4,1%) ou plus. Par conséquent, dans la mesure où la proportion de patients ayant développé une récurrence de thromboembolie veineuse a été plus faible que ce qui était attendu (3,6% au lieu de 6,0%) et malgré un nombre de sujets recrutés plus faible (697 au lieu de 824 patients), l’étude avait une puissance plus grande (97%) de détecter une augmentation absolue de thromboembolies veineuses récurrentes de 5% dans le groupe héparine non fractionnée. Cependant, en exprimant la limite de non infériorité en termes relatifs, un nombre de sujets d’étude moins important et une proportion de thromboembolies veineuses récurrentes plus faible donnaient un risque relatif de non-infériorité plus important (2,14 [7,7% ; 3,6%]) que le risque relatif associé aux paramètres d’origine (1,83 [11% ; 6%]). Il y a une troisième limite potentielle à cette étude. Il y a eu plus d’exclusions après la randomisation dans le groupe héparine non fractionnée que dans le groupe HBPM (10 vs 1) et la décision d’exclure ces patients a peut-être pu être influencée par le type de plan expérimental (en ouvert). Cependant, comme la décision d’exclure de l’analyse finale ces patients randomisés a été prise par le comité directeur dont les membres ne connaissaient pas les traitements attribués et que seulement 2 des 11 exclusions faites après la randomisation (voir Figure) était dues à une préférence du patient ou du médecin (dans les 2 cas, le traitement attribué était l’héparine non fractionnée), il est peu probable que ces exclusions postrandomisation aient pu biaiser les résultats de l’étude. Cette étude a aussi des forces : sa méthode d’attribution aléatoire qui garantissait que le personnel des centres ne pourrait pas anticiper ou influencer le groupe dans lequel le patient serait affecté (c’est-à-dire qu’il y avait une dissimulation efficace des traitements attribués)(30) l’absence de patients perdus de vue dans le groupe retenu pour l’analyse de l’efficacité, la standardisation des investigations en cas de suspicion de récurrence de thromboembolie veineuse et l’évaluation de tous les critères de jugement par un comité central indépendant. Deux changements survenus dans la pratique clinique au cours de cette étude ont rendu plus difficile le recrutement des patients. Premièrement, il a été montré que l’administration d’HBPM une seule fois par jour pouvait être acceptée pour le traitement des thromboembolies veineuses aiguës (31) et, deuxièmement, la warfarine a été remplacée par les HBPM comme traitement préférentiel à long terme de la thromboembolie veineuse chez les patients cancéreux (32). CONCLUSION Cette étude nous permet de conclure que l’héparine non fractionnée administrée en sous-cutané à dose fixe est aussi efficace et aussi sûre qu’une HBPM pour le traitement initial des patients ayant une thromboembolie veineuse et que ce traitement est adapté à une utilisation extra hospitalière. Les résultats de cette étude permettent par ailleurs de s’interroger sur la valeur d’une surveillance par TCA chez les patients traités par héparine non fractionnée aux doses actuellement recommandées. Liens financiers : le Dr Kearon déclare qu’il a siégé au bureau consultatif pour Boehringer Ingelheim et GlaxoSmithKline. Le Dr Douketis déclare qu’il a reçu des honoraires en tant qu’orateur de Pfizer, Leo Pharma, et Sanofi-Aventis et des honoraires de Leo Pharma pour la réalisation d’une monographie de formation. Le Dr Ockelford déclare qu’il a reçu un soutien de l’industrie pharmaceutique, dont Sanofi-Aventis et de ses compagnies précédentes pour assister à des congrès internationaux. Il a participé en tant qu’investigateur ou investigateur contribuant à des essais cliniques sponsorisés par des compagnies pharmaceutiques dont Sanofi-Aventis, Boehringer Ingelheim, Bayer, GlaxoSmithKline, et Wyeth et a assisté à des dîners organisés par des représetnants locaux de ces compagnies. Il a siégé brièvement à un Australasian Clinical Board pour procurer des rapports sur le marché potentiel du fondaparinux en Australie. Le Dr Turpie déclare qu’il a siégé dans des comités consultatifs et reçu des bourses de Sanofi-Aventis, GlaxoSmithKline, Bayer, Portola, Pfizer, et TransTeh Pharma, et qu’il est coinvestigator pour des études financées par Boehringer Ingelheim. Le Dr Hirsh déclare qu’il a participé à des comités scientifiques ad hoc pour Sanofi, GlaxoSmithKline, Pfizer, Bayer, et Aryx et a été orateur à des meetings sponsorisés par Aventis et Pfizer. Aucun autre lien financier n’a été déclaré. Financement/soutien : cette étude a bénéficié du soutien de la Heart and Stroke Foundation of Ontario. Les Drs Kearon et Douketis ont bénéficié du soutien de la Heart and Stroke Foundation of Canada. Le Dr Ginsberg a bénéficié du soutien de la Heart and Stroke Foundation of Ontario. Rôle du sponsor : les sources de financement n’ont joué aucun rôle dans le schéma et la conduite de l’étude, dans le recueil, le contrôle, l’analyse et l’interprétation des données, ou la préparation, la revue ou l’approbtion du manuscrit. Remerciements : nous remercions Bridget A. Haupt, PharmD, University of Washington School of Pharmacy and Univerity of Washington Medical Center, Bruce L. Davidson, MD, MPH, Pulmonary-Critical Care Medicine, University of Washington School of Meidicne, and Henry I. Bussey, PharmD, College of Pharmacy, University of Texas at Austin and University of Texas Health Science Center at San Antonio, qui ont aidé à obtenir les coûts aux Etats-Unis pour l’héparine non fractionnée et pour les héparines de faible poids moléculaire BIBLIOGRAPHIE 1. Buller HR, Agnelli G, Hull RD, Hyers TM, Prins MH, Raskob GE. Antithrombotic therapy for venous thromboembolic disease : the Seventh ACCP Conference on Antithrombotic and Thrombolytic Therapy. 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