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weblextenso - 02/10/13 20:57 RDCO2012-2-050 Revue des contrats, 01 avril 2012 n° 2, P. 672 - Tous droits réservés Contrats La jurisprudence de la troisième chambre civile!: une politique des petits pas!? (*) Le titre de cette intervention peut troubler : la Cour de cassation mènerait-elle une politique ? Cela n'aurait rien d'étonnant en soi : la résonance qu'ont ses arrêts et la régulation que doit assurer sa jurisprudence, source attendue de stabilité juridique, le justifient. Une politique dite « des petits pas » traduit la nécessité d'une réflexion, la volonté de ne pas heurter de front et de s'inscrire dans le temps, mais aussi une recherche de consensus. Chacun se souvient de celle ainsi dénommée que menait Henry Kissinger dans les années 1970 pour ramener la paix dans un Proche-Orient en conflit. Nous ne sommes pas dans cette situation entre le Palais et l'Université sur notre analyse des avant-contrats, mais la volonté louable que manifeste l'université Montesquieu de nous rapprocher au travers de ce colloque souligne que nous avançons sans vraiment nous rencontrer, chacun à notre rythme. Celui de l'Université est soutenu dans ses critiques ; celui de la Cour, plus pondéré, pour répondre au revirement qu'une majorité d'auteurs lui réclame. Il me faut « avouer » aussi – ce qui n'est pas le propre du juge – que choisir ce titre a été en même temps le moyen d'éluder un problème statutaire lorsque Mme le professeur Sautonie-Laguionie m'a demandé l'intitulé de ma contribution. Il s'agissait pour moi de ne pas laisser percer le sens de l'arrêt du 11 mai 2011 dont j'étais rapporteur et qui était alors en délibéré. J'ai préféré conserver ce titre quelque peu incertain à mon intervention pour bien marquer qu'elle n'a pas pour objet de livrer mon sentiment personnel mais d'expliquer, en citant notamment la diversité des rapporteurs intervenus sur le sujet, que même dans l'étude approfondie des dossiers nous faisons œuvre collective. Car il est vrai que la Cour de cassation mène une politique au travers de ses arrêts. Celle, quoi qu'on en dise, du réalisme et de la cohérence de ses décisions, et rien ne nous chagrine plus que d'être parfois incompris, surtout par la doctrine universitaire. Puisque c'est le cas en l'espèce, voyons ce qu'il en est pour les deux avant-contrats qui nous occupent, le pacte de préférence (I) et la promesse unilatérale de vente (II). Nous les étudierons séparément, non pas pour nous plier à la règle des deux parties de la dissertation juridique, mais parce que chacune a suivi ou suit sa propre voie et que je n'envisage pas, au vu de notre jurisprudence, de proposer de les réunir sur la question de leur exécution. I – L'exécution du pacte de préférence 1. Elle tient dans un arrêt rendu en chambre mixte unifiant sur ce point la jurisprudence de nos chambres depuis 2006. a) C'est la première chambre civile qui, saisie de pourvois sur l'exécution d'un pacte de préférence, a, par arrêt du 25 octobre 2005 1 , renvoyé ces affaires, comme la loi l'impose lorsqu'il y a divergence entre les chambres, devant une chambre mixte. Vous trouverez l'état de cette jurisprudence, sans qu'il soit besoin de la détailler ici, dans le rapport de M. Bailly 2 , http://www.lextenso.fr.bcujas-ezp.univ-paris1.fr/weblextenso/article/print?id=RDCO2012-2-050 Page 1 sur 8 weblextenso - 02/10/13 20:57 conseiller rapporteur, et l'avis de M. Sarcelet 3 , avocat général, documents qui ont été publiés au Bulletin d'information et sur le site internet de la cour. En effet, elle ne présente plus qu'un intérêt historique puisque, comme le veut l'esprit de la loi – les élèves de Montesquieu que vous êtes n'y seront pas insensibles –, les chambres adoptent pour leurs propres décisions la solution arrêtée en chambre mixte. Les circonstances étaient les suivantes. Une donation-partage consentie en 1957 contenait un pacte de préférence de biens immobiliers situés dans une île paradisiaque de Polynésie. L'une des parcelles avait été l'objet d'une seconde donation-partage, faisant mention du pacte de préférence, puis avait été vendue à un tiers. L'une des héritières de la bénéficiaire décédée, invoquant la violation de l'avant-contrat, demandait notamment sa substitution dans les droits de l'acquéreur. La cour d'appel de Papeete le lui avait refusé le 13 février 2003. b) La chambre mixte du 26 mai 2006 4 , regroupant les première et troisième chambres civiles et les chambres commerciale et sociale, a posé pour principe, par un « chapeau intérieur » s'agissant d'un arrêt de rejet, « que, si le bénéficiaire d'un pacte de préférence est en droit d'exiger l'annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d'obtenir sa substitution à l'acquéreur, c'est à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu'il a contracté, de l'existence du pacte de préférence et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir ». Poursuivant sur le cas d'espèce qui lui était soumis, elle a jugé « qu'ayant retenu qu'il n'était pas démontré que la société [tiers] savait que [l'héritière bénéficiaire] avait l'intention de se prévaloir de son droit de préférence, la cour d'appel a exactement déduit de ce seul motif, que la réalisation de la vente ne pouvait être ordonnée au profit du bénéficiaire du pacte ». Quelles conséquences en tirer ? D'une part, que la bénéficiaire de ce pacte de préférence avait échoué dans sa demande pour une question de preuve, laissée à l'appréciation du juge ; d'autre part, que la chambre mixte a admis la possibilité d'une substitution du bénéficiaire d'un pacte de préférence dans la mesure où celui-ci démontrait cumulativement : – que le tiers en avait connaissance lorsqu'il avait contracté ; – que lui-même, bénéficiaire, avait l'intention de s'en prévaloir et que le tiers le savait. c) Le « chapeau intérieur » et l'application du principe ont été repris, selon l'usage à la Cour, par la troisième chambre civile dès que l'occasion lui en a été donnée, c'est-à-dire par un arrêt publié du 31 janvier 2007 5 , au rapport de Mme Nési. Notre chambre a ainsi jugé, après avoir repris le « chapeau intérieur » pour marquer son adhésion à celui de la chambre mixte, « qu'ayant souverainement retenu qu'il n'existait aucune preuve de ce que le société [tiers] aurait eu connaissance de l'intention de la société [bénéficiaire] de faire usage de son droit de préférence, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter, a pu en déduire (...) que la violation du droit de préférence ne pouvait être sanctionnée que par l'allocation de dommages et intérêts ». Ne remplissant pas les deux conditions cumulatives énoncées, seule la démonstration d'une faute génératrice d'un préjudice était alors susceptible d'être invoquée. 2. Jurisprudence unifiée, certes ; mais jurisprudence à étoffer par chacune des chambres, et notamment la nôtre. a) D'abord, sur la question de l'époque à laquelle on devait se placer pour apprécier si l'exécution en nature, c'est-àdire la substitution, était possible lorsque le bien promis avait été aliéné. Un arrêt publié de la troisième chambre civile du 25 mars 2009 6 , rendu sous la présidence de M. Lacabarats au rapport de M. Jacques, a censuré la Cour d'appel de Grenoble ayant prononcé l'annulation d'une vente et la substitution du bénéficiaire du pacte de préférence qui se plaignait de n'avoir été avisé de l'opération qu'entre la promesse synallagmatique et sa réitération par acte authentique. Peu sûrs de leur fait, les juges du second degré avaient émis la supposition que dans la mesure où le notaire avait http://www.lextenso.fr.bcujas-ezp.univ-paris1.fr/weblextenso/article/print?id=RDCO2012-2-050 Page 2 sur 8 weblextenso - 02/10/13 20:57 ouvert au bénéficiaire la possibilité de se prévaloir du pacte, ce ne pouvait être qu'avec l'accord des parties au « compromis », ce qui impliquait qu'elles avaient accepté que celui-ci ne produise pas les effets d'une vente. À vouloir trop bien faire, on encourt la censure. La troisième chambre civile, intransigeante, a repoussé cette tentative de sauvetage pratiquée par la juridiction du second degré : « La connaissance du pacte de préférence et de l'intention de son bénéficiaire de s'en prévaloir, affirme-t-elle, s'apprécie à la date de la promesse de vente, et non à celle de sa réitération par acte authentique, la cour d'appel [n'ayant] pas constaté que les parties avaient entendu faire de celle-ci un élément constitutif de leur engagement ». Nous verrons ultérieurement, avec un arrêt très récent, qu'elle refuse cependant de couvrir un semblant de fraude. b) Ensuite, s'est posée la question de la mise en œuvre de la substitution. C'est ainsi que le pacte de préférence a été jugé opposable au tiers acquéreur par un arrêt publié de la troisième chambre civile, rendu le 14 février 2007 7 à mon rapport. La solution était guidée par celle adoptée en chambre mixte quelques mois auparavant. L'arrêt retient dans une situation complexe dont il ressortait que le tiers acquéreur avait eu connaissance de l'existence du pacte de préférence et de la volonté du bénéficiaire de s'en prévaloir que « la cour d'appel, qui en a exactement déduit que le pacte de préférence était opposable à la SCI et qui a souverainement retenu (...) que les parties à l'apport n'avaient cessé de manifester leur volonté de maintenir leurs obligations et droits (...), a légalement justifié sa décision » en prononçant la nullité de la vente. La preuve à rapporter n'est donc pas impossible, diabolique, comme certains ont pu le craindre. J'ajoute, pour répondre cinq ans après à une critique isolée qui avait été faite à l'arrêt, que si l'exécution en nature n'a pas été prononcée par le jeu de la substitution, c'est que celle-ci n'était pas demandée. c) Enfin, l'arrêt rendu par la troisième chambre civile le 3 novembre 2011 8 au rapport de M. Maunand et qui sera publié, justifie que les circonstances peuvent conduire la Cour de cassation à être moins exigeante pour admettre l'annulation de la vente et une substitution, lorsqu'un contexte malsain le justifie. Les faits étaient ici encore un peu compliqués, mais significatifs. Une société marchand de biens avait consenti, le 8 janvier 2002, une promesse synallagmatique de vente à une société civile puis avait conclu, le 11 mars 2002, avec effet rétroactif au 1er janvier 2002, un bail commercial accordant un pacte de préférence au locataire. Le bénéficiaire du pacte averti le 17 novembre 2002 de la vente réitérée par acte authentique le 7 novembre précédent, en avait obtenu l'annulation prononcée par la Cour d'appel de Douai et la réalisation à son profit. La troisième chambre civile approuve cette décision qui avait pris soin de constater que les deux sociétés, marchand de biens et tiers acquéreur, étaient représentées par une même personne physique lors des opérations litigieuses et qui avait souverainement retenu que le tiers acquéreur avait connaissance de l'existence du pacte de préférence et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir. Elle tire deux conséquences de cette connivence, même si le mot n'est pas employé, entre marchand de biens et tiers acquéreur : – d'une part, que les juges du second degré, après avoir relevé cette identité de représentants des personnes morales, ont retenu « à bon droit, que la promesse synallagmatique de vente consentie par la société B. le 8 janvier 2002 ne pouvait priver d'effet le pacte de préférence dès lors que le contrat de bail prenait effet, en toutes ses clauses et conditions, au 1er janvier 2002 » ; – d'autre part, que « la cour d'appel a pu déduire de ces seuls motifs que la vente de l'immeuble avait été réalisée en violation du pacte de préférence et qu'elle devait être annulée ». Il n'est pas fait état d'une substitution dans la réponse apportée par notre chambre, peut-être pour éviter les critiques passées sur le caractère paradoxal d'une substitution dans une vente annulée, mais l'exécution en nature du pacte de préférence était prononcée. 3. Il nous faut marquer à cet instant une pause. http://www.lextenso.fr.bcujas-ezp.univ-paris1.fr/weblextenso/article/print?id=RDCO2012-2-050 Page 3 sur 8 weblextenso - 02/10/13 20:57 Parti de la jurisprudence de la chambre mixte de 2006, voici de quoi rassurer la doctrine universitaire : la Cour de cassation admet que non seulement le pacte de préférence ne peut rester impuni s'il est violé et alloue des dommages et intérêts, mais également qu'il doit s'exécuter en nature s'il l'est délibérément. Pourquoi donc ? Vraisemblablement – c'est la raison essentielle – parce qu'il y a eu échange effectif de consentements : A (promettant) vend son bien, B (bénéficiaire) se dit acquéreur mais C (tiers) le dit aussi et l'acquiert. L'échange de volontés entre vendeur et acquéreur(s) est parfait (il y a même trop de consentements). C'est simplement le contractant qui n'est pas le même et qui s'en plaint dans l'exécution d'un contrat qui n'est pas en soi intuitu personae. D'où la substitution ordonnée. Peut-être aussi – c'est la raison mineure – parce qu'il plane un parfum de fraude dans la vente à un tiers qui connaît l'existence d'un pacte de préférence et qui passe outre en sachant que son bénéficiaire entend effectivement le faire jouer. La substitution devient alors une sanction. Qu'en est-il, selon notre jurisprudence, dans l'autre type d'avant-contrat : la promesse unilatérale de vente ? Nous passons, si j'ose dire, de la « valse à trois temps » (promettant, bénéficiaire et tiers acquéreur) au « pas de deux » (promettant et bénéficiaire) qui, comme la sanction, s'en trouve allégé. Laquelle faut-il appliquer au promettant défaillant : dédommagement pour promesse non tenue, ou exécution en nature d'une vente mal formée ? II – L'exécution de la promesse unilatérale de vente Ici, nous n'avons pas comme précédemment un arrêt de chambre mixte qui efface le passé et impose le sens des décisions à venir. Nous vivions sur une jurisprudence 9 qu'a analysée le Congrès des notaires de France de 1964 traitant des avantcontrats 10 et qu'ont recensée quelques années plus tard deux anciens conseillers à la Cour de cassation et un ancien président de chambre à la Cour d'appel de Paris 11 ; laquelle – sans être « chaotique » 12 – était loin de présenter « l'apparence de long fleuve tranquille (...) pendant des lustres » que dépeint l'un d'entre nous 13 . Toutefois, le problème n'est pas de vérifier si l'arrêt de 1993 a constitué une rupture avec la jurisprudence antérieure, mais si nous sommes fondés à la maintenir. 1) L'arrêt de 1993 et ceux subséquents jugent que la promesse unilatérale de vente constitue une obligation de faire, c'est-à-dire qu'elle ne forme qu'un contrat de promesse. a) Les faits, dans cet arrêt de la troisième chambre civile du 15 décembre 1993 14 rendu au rapport de son doyen, M. Cathala, étaient simples. Le vendeur d'un immeuble avait consenti, le 22 mai 1987, une promesse unilatérale de vente acceptée, valable jusqu'au 1er septembre suivant, et l'avait rétractée dès le 26 mai. Les bénéficiaires, qui avaient levé l'option le 10 juin, avaient assigné le promettant en réalisation forcée de la vente en soutenant que « dans une promesse de vente, l'obligation du promettant constitue une obligation de donner ». La troisième chambre civile a rejeté le pourvoi en spécifiant que « la cour d'appel (en l'occurrence celle de Paris) ayant exactement retenu que tant que les bénéficiaires n'avaient pas déclaré acquérir, l'obligation de la promettante ne constituait qu'une obligation de faire et que la levée de l'option, postérieure à la rétractation de la promettante, excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d'acquérir ». La question étant posée sur l'obligation de donner, la réponse ne pouvait être plus claire : la Cour de cassation la rejetait et se prononçait en faveur de l'obligation de faire de l'article 1142 du Code civil. Ceci d'autant plus fortement, qu'ici encore elle a employé l'adverbe « exactement » qui, dans son vocabulaire, marque une forte approbation, sinon une certitude. http://www.lextenso.fr.bcujas-ezp.univ-paris1.fr/weblextenso/article/print?id=RDCO2012-2-050 Page 4 sur 8 weblextenso - 02/10/13 20:57 Cette jurisprudence ne s'est jamais démentie depuis deux décennies. Je m'abstiendrai de faire état, à l'appui de ces explications, de l'arrêt de la troisième chambre civile du 28 octobre 2003 15 , cité par le demandeur au pourvoi de l'arrêt du 11 mai 2011, dont j'observais déjà dans le rapport qu'étant rendu en formule abrégée, il était difficile à interpréter 16 , comme l'est aujourd'hui celui du 6 septembre 2011 17 , si ce n'est au prix d'un contre-sens 18 . L'auteur qui s'y est risqué l'a reconnu dès ce matin et... bat à nouveau sa coulpe. b) C'est donc sur les bases de l'arrêt de 1993 qu'un pourvoi sollicitant en défense un revirement de la jurisprudence a été introduit. Dans ce contentieux qui revenait devant notre chambre 19 en 2010, cette fois-ci à propos de l'exécution de la promesse, un couple avait acquis en usufruit un immeuble dont la nue-propriété avait été achetée par l'enfant commun. Celui-ci avait consenti après le décès de son père une promesse unilatérale de vente acceptée, en stipulant que la réalisation pourrait en être demandée dans les quatre mois du décès de sa mère, usufruitière. Le promettant, ayant décidé de se marier, avait pris la précaution de faire signer trois semaines avant son mariage l'engagement par sa future épouse de respecter la promesse. Il mourrait un mois après la célébration de son union. Moins de deux ans plus tard, sa veuve assignait le bénéficiaire en annulation de la promesse et, en cours de procédure, notifiait dans le délai fixé le décès de sa belle-mère au bénéficiaire, qui levait l'option dans les quatre mois convenus. Tous les délais ont été respectés. Il y a bien rétractation de la promesse unilatérale de vente durant le laps de temps offert au bénéficiaire pour manifester sa volonté d'acquérir. La Cour d'appel d'Aix-en-Provence retient que l'ayant droit du promettant « devait maintenir son offre jusqu'à l'expiration du délai de l'option, sans aucune faculté de rétractation » et qu'elle « ne pouvait unilatéralement se désengager ». Par arrêt du 11 mai 2011 20 , nous avons cassé cette décision au visa des articles 1101 et 1134 du Code civil, en rappelant pour principe « que la levée de l'option par le bénéficiaire de la promesse postérieurement à la rétractation du promettant excluant toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d'acquérir, la réalisation forcée de la vente ne peut être ordonnée ». c) La solution qu'adoptera la cour d'appel de Montpellier, cour de renvoi, qui a bien entendu la possibilité de résister comme certains commentateurs de l'arrêt n'ont pas manqué de le suggérer et de provoquer une assemblée plénière, est attendue avec intérêt. Gageons toutefois qu'il ne lui échappera pas qu'une autre chambre de la Cour de cassation s'est prononcée depuis dans le sens de notre jurisprudence. Par un arrêt non publié mais rendu en formule développée le 13 septembre 2011 21 , la chambre commerciale a cassé, au visa des articles 1101, 1134 et 1583 du Code civil, sur le point qui nous intéresse, un arrêt de la cour d'appel de Paris relatif à une cession de parts. Elle reprend mot à mot le conclusif de notre arrêt du 11 mai 2011. 2) Notre jurisprudence n'exclut pas l'aménagement des effets de la promesse unilatérale. a) Il convient d'écarter certains arrêts rendus ces derniers temps par la troisième chambre civile qui ont été mis en exergue, mais ne sont pas significatifs. En premier lieu, l'arrêt du 25 mars 2009 22 , au rapport de Mme Nési, publié, qui censure une décision de la cour d'appel de Colmar : – non pas parce que les promettants avaient retiré (non pas rétracté) la promesse unilatérale de vente avant que la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer), à laquelle ils avaient consenti cette promesse, ne l'accepte ; – mais parce que les juges du fond n'avaient pas recherché, comme il le leur avait été demandé dans les http://www.lextenso.fr.bcujas-ezp.univ-paris1.fr/weblextenso/article/print?id=RDCO2012-2-050 Page 5 sur 8 weblextenso - 02/10/13 20:57 conclusions d'appel, si le retrait de la promesse unilatérale n'avait pas été notifié par les promettants à la SAFER avant que celle-ci n'eût déclaré l'accepter. De plus, la cassation, prononcée au visa des articles 1101 et 1134 du Code civil, est fondée sur un grief de manque de base légale, non sur la violation de la loi. Autrement dit, une fois la recherche faite et la réponse apportée, un rejet sur un éventuel pourvoi reste envisageable. En second lieu, l'arrêt du 8 septembre 2010 23 , rendu aussi sous la présidence de M. Lacabarats, au rapport de M. Jacques, ne pouvait passer inaperçu. Il s'agissait de déterminer si, lorsqu'un promettant décède en laissant un mineur parmi ses héritiers et que ceux-ci refusent de régulariser la vente, le bénéficiaire peut faire déclarer celle-ci parfaite. La Cour d'appel de Pau avait relevé qu'il était nécessaire de statuer au préalable sur la validité de la cession. Elle avait alors retenu qu'une promesse unilatérale de vente n'ayant pas pour effet de transmettre au bénéficiaire la propriété de l'immeuble et que l'obligation du promettant constituant tant que le bénéficiaire n'avait pas déclaré acquérir « non pas une obligation de donner mais une obligation de faire », l'autorisation du juge des tutelles était nécessaire. Nous avons cassé cet arrêt en jugeant « que le promettant avait définitivement consenti à vendre et que l'option pouvait être valablement levée, après son décès ». La doctrine a voulu voir là, mais on ne peut le lui reprocher, un possible assouplissement de la jurisprudence de la troisième chambre civile. C'était peut-être oublier que le promettant n'avait rien rétracté ; il était mort sans avoir retiré son engagement qui s'était figé à son décès 24 . b) On n'a vraisemblablement pas suffisamment insisté sur la possibilité reconnue par la troisième chambre civile de déroger conventionnellement à l'article 1142 du Code civil. Celle-ci a approuvé par arrêt du 27 mars 2008 25 , au rapport de Mme Gabet mais non publié – peut-être parce que l'énoncé du principe était évident et ne conditionnait pas directement la solution –, la Cour d'appel de Paris d'avoir relevé que « si les parties à une promesse unilatérale de vente étaient libres de convenir que le défaut d'exécution par le promettant de son engagement de vendre pouvait se résoudre en nature par la constatation judiciaire de la vente, force était de relever que les actes conclus entre (...) n'avaient pas stipulé que l'inexécution par [le promettant] de sa “promesse ferme” et de son “engagement ferme et définitif” de vendre se résoudrait par une autre voie que celle prévue à l'article 1142 du Code civil ». Toujours est-il que notre jurisprudence admet que l'on écarte l'application de l'article 1142 du Code civil et offre par voie conventionnelle la solution que préconise l'avant-projet de réforme du droit des obligations à laquelle le groupe de travail de la Cour s'était rallié en 2007 26 . En effet, ce sera là ma conclusion, les contractants à une promesse de vente ont aujourd'hui la possibilité d'établir, selon notre jurisprudence : – soit une promesse synallagmatique de vente qui autorise chacune des parties à demander l'exécution en nature du contrat conclu et notamment l'acquéreur à obtenir le transfert de propriété ; – soit une promesse unilatérale de vente sans stipulation de dérogation conventionnelle à l'article 1142 du Code civil, qui, dans l'hypothèse d'une rétractation du promettant pendant le délai de validité de levée de l'option, ouvrira droit à paiement de dommages et intérêts pour inexécution ; – soit une promesse unilatérale de vente stipulant une dérogation conventionnelle expresse à l'article 1142 du Code civil et imposant une exécution en nature à laquelle le promettant ne pourra échapper. Autrement dit, notre jurisprudence qui valorise la liberté contractuelle et qui est confortée maintenant par celle de la chambre commerciale, propose un éventail de solutions. Elle offre un choix, ouvert à la discussion, qui peut se révéler des plus utile pour le promettant. Peut-être lui reprochera-t-on un manque de cohérence entre promesse unilatérale de vente et pacte de préférence. http://www.lextenso.fr.bcujas-ezp.univ-paris1.fr/weblextenso/article/print?id=RDCO2012-2-050 Page 6 sur 8 weblextenso - 02/10/13 20:57 Mais les situations sont différentes. Dans un cas, promettant et tiers acquéreur « fraudent » aux droits du bénéficiaire en passant outre à sa manifestation de volonté d'acquérir. Dans l'autre, le promettant commet seulement une « faute » en ne respectant pas son engagement avant que le bénéficiaire ne manifeste la sienne. Les sanctions peuvent donc être différentes, sans que cette diversité soit signe d'incohérence. Gilles ROUZET 1 (*) Le texte ci-après est la reprise littérale de l'exposé dont le style oral a été maintenu. 2 1. Cass. 1re civ., 25 oct. 2005, nos 03-19376 et 03-19495. 3 2. Bull. inf. C. cass. no 645, 1er août 2006, p. 27. 4 3. Ibid., p. 39. 5 4. Cass. ch. mixte, 26 mai 2006 : Bull. ch. mixte 2006, no 4. 6 5. Cass. 3e civ., 31 janv. 2007 : Bull. civ. 2007, III, no 16. 7 6. Cass. 3e civ., 25 mars 2009 : Bull. civ. 2009, III, no 69. 8 7. Cass. 3e civ., 14 févr. 2007 : Bull. civ. 2007, III, no 25. 9 8. Cass. 3e civ., 3 nov. 2011, no 10.20936. 10 9. Cass. req., 26 nov. 1935 : DP 1936, I, p. 37, rapp. Pilon – Cass. civ., 7 mars 1938 : S. 1938, 1, p. 186. 11 10. P. Sabatier, « La promesse de contrat », in Rapport CNN « La formation du contrat : l'avant-contrat », Perpignan, 1964, p. 140, même si Y. Bonnel, in « Sanction de la violation de la promesse de vente », cite la position de la cour (ibid., p. 363, § 3) et feint ensuite de l'ignorer (ibid., p. 367, § 1). 12 11. J. Nectoux et a., « Jurisprudence française 1807-1967 », Litec, 1970, t. 7, no 149. 13 12. S. Pimont, « Entre promesses et actes unilatéraux, les théories de la formation du contrat », in Actes des 7e Journées d'études Poitiers-Roma, LGDJ, 2011, p. 89 : « En la matière, la jurisprudence est chaotique. Elle affronte le délicat problème de l'exécution forcée de la promesse unilatérale de vente. Au début du XIXe siècle, certains arrêts ont pu laisser croire qu'au cas de retrait du promettant avant la levée de l'option, le bénéficiaire pourrait obtenir un jugement valant vente. Mais la question n'était pas définitivement résolue ». 14 13. D. Mazeaud, « Exécution des contrats préparatoires », RDC 2005, p. 61, no 1. 15 14. Cass. 3e civ., 15 déc. 1993 : Bull. civ. 1993, III, no 174. 16 15. Cass. 3e civ., 28 oct. 2003, no 02-14459. 17 16. JCP N 2011, no 20, p. 28. 18 17. Cass. 3e civ., 6 sept. 2011, no 10-20362. 19 18. F. Rome, « Le massacre des printemps », D. 2011, no 39, Édito. 20 19. Cass. 3e civ., 28 janv. 2009 : Bull. civ. 2009, III, no 27. 21 20. Cass. 3e civ., 11 mai 2011 : Bull. inf. C. cass. no 1163, 1er oct. 2011. http://www.lextenso.fr.bcujas-ezp.univ-paris1.fr/weblextenso/article/print?id=RDCO2012-2-050 Page 7 sur 8 weblextenso - 02/10/13 20:57 21 20. Cass. 3e civ., 11 mai 2011 : Bull. inf. C. cass. no 1163, 1er oct. 2011. 22 21. Cass. com., 13 sept. 2011, no 10-19526. 23 22. Cass. 3e civ., 25 mars 2009 : Bull. civ. 2009, III, no 69. 24 23. Cass. 3e civ., 9 sept. 2010 : Bull. civ. 2010, III, no 153. 25 24. Cass. 3e civ., 10 déc. 1997 : Bull. civ. 1997, III, no 223. 26 25. Cass. 3e civ., 27 mars 2008, no 07-11721. 27 26. C. cass., « Rapport du groupe de travail sur l'avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription », 15 juin 2007, no 47. http://www.lextenso.fr.bcujas-ezp.univ-paris1.fr/weblextenso/article/print?id=RDCO2012-2-050 Page 8 sur 8