Droits de regards - Amnesty International
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Droits de regards - Amnesty International
Droits de regards Réf : SF 12 EDH 08 - Document externe - avril 2012 Livret d’accompagnement de « Droits de regards » 1961-2011 : Amnesty International et les photographes Photo poche Société, Actes Sud - 2011. Pistes pédagogiques Édito Singuliers, ces regards portés sur les droits, pluriels aussi car déclinés en trois supports : le recueil de photos, « Droits de regards », qui en comporte 59, est repris en partie dans une exposition qui a lieu « physiquement », mais qui sera aussi visible sur internet. Cette richesse de propositions a suscité ce livret d’accompagnement qui souhaite donner différentes perspectives à quiconque veut utiliser les ou des photos du livre. Chaque photo est accompagnée d’une légende et d’un rappel historique, d’une part, mais aussi de pistes pour la lecture de la photo en elle-même. Des itinéraires thématiques sont également proposés. Vous pouvez donc découvrir les photos en direct, sur internet ou sur papier, dans un ordre aléatoire, selon un des itinéraires. Des rapprochements sont suggérés. Le livret aborde toutes les photos, mais toutes ne sont pas présentées dans les deux expositions. A vous de choisir… La commission éducation aux droits humains Sommaire Photo couverture •Amnesty International et les photographes p 3 •Au fil des photos p 6 •Itinéraires p39 Mandela, 1994 Afrique du Sud, 1994. © Ian Berry / Magnum Photos. 2 Droits de regards Commission éducation aux droits humains Amnesty International et les photographes Depuis plus de 50 ans, Amnesty International témoigne de la violence du monde Ses rapports, fruits d’enquêtes menées sur les terrains les plus variés, identifient, dénoncent et nomment les violations des droits humains commises chaque jour dans le monde. La force de ces écrits a entraîné des prises de conscience et des mobilisations de citoyens du monde entier. Des chefs d’États, des gouvernements, des décideurs se trouvent ainsi mis régulièrement face à leurs responsabilités. La mise en valeur de ces photos Une association, Que l’esprit vive, s’attache à montrer que l’art peut faire prendre conscience des problèmes de société. Dans sa galerie, Fait et Cause, elle se consacre à la photo à caractère social. C’est dans ce cadre que sera présentée l’exposition « physique » des photos de « Droits de regards », illustrant les combats contre les violations des droits humains. L’exposition virtuelle sera présentée sur le site www.sophot.com dont le but est de promouvoir la photo sociale. L’ensemble forme un lien entre les photographes, les institutions, le public, les associations. Promouvoir la photo comme incitation à la prise de conscience, à l’action, c’est le but de ces trois supports qui vous proposent des sélections différentes de photos. Attention : l’exposition, quelle que soit sa forme, ne présente qu’un choix de photos, seul le livre contient les 59 photos présentées dans le livret. Le lien étroit qui depuis ses débuts lie Amnesty International aux photographes La sélection de « Droits de regards » le rappelle et constitue un constat flagrant de la barbarie des dernières décennies : de l’exécution sommaire d’un prisonnier à la fuite éperdue d’une petite fille dont le village vient d’être bombardé au napalm, des crimes génocidaires aux massacres d’opposants, Commission éducation aux droits humains Droits de regards - 3 de la détresse des réfugiés et des immigrés à celle des femmes battues, des enfants en esclavage ou prostitués aux femmes et hommes jetés à la rue par les lois de l’économie… Mais que l’on ne s’y trompe pas, il s’agit ici moins de recenser les horreurs de ce monde que de souligner le rôle joué par la photographie dans le combat pour les droits humains. Par leur caractère emblématique, certaines de ces photographies ont durablement contribué à modifier la perception des événements dont elles témoignent. D’autres représentent des personnes dont toute la vie a été consacrée au combat pour les droits humains et qui en sont devenues des figures emblématiques, comme Martin Luther King ou Nelson Mandela. Beaucoup enfin sont des témoignages de victoires : comme par exemple, celles de femmes qui votent, se forment, l’emportent sur les assassins de leurs enfants… Des photos, à quoi bon ? Dans cette histoire contradictoire des droits humains - qui est sans doute la grande épopée de notre temps - la photographie joue un rôle essentiel. Elle montre et elle témoigne dans le moment même, des événements. Et, au-delà, elle garde vive notre mémoire individuelle et collective. Elle constitue également un appui déterminant dans le travail des organisations et des mouvements qui se donnent – comme Amnesty International – la mission d’identifier, de nommer, de dénoncer les violations des droits humains. Le rôle des éducateurs est fondamental Ils peuvent sensibiliser les publics des jeunes aux droits humains, modifier les comportements et transformer les mentalités. Voici pourquoi sont présentées ici des photos portant sur les événements qui ont jalonné 50 ans de l’histoire des droits humains et qui recoupent les prises de position et les combats depuis la création d’Amnesty International en 1961. Ce travail s’est concrétisé dans la publication d’un livre (publié aux Éditions Actes Sud) et l’organisation d’une exposition qui sera présentée du 11 avril au 2 juin à la Galerie Fait & Cause (58 rue Quincampoix, Paris 4ème). Beaucoup des plus grands noms de la photographie actuelle sont réunis dans ce projet et l’envergure du « panorama » constitué par l’ensemble de leurs images peut être facilement adaptée aux élèves en fonction des besoins des enseignants. Il existe d’ailleurs des outils pédagogiques appropriés que nous mettons à votre disposition. 4 Droits de regards Commission éducation aux droits humains Le livret vous aide à un travail avec des jeunes en milieu scolaire ou parascolaire : •Légendes des photos précisant le contexte et les circonstances. •Découverte des photos en elles-mêmes : construction, lignes, dénotation (sens global), connotation (échos éveillés en chacun)… •Itinéraires thématiques par exemple autour des grands noms de la lutte pour les droits humains, des femmes, des enfants, des migrants… Les points à prendre en compte pour une lecture de l’image Les couleurs ou le noir et blanc Pour les photos, cela ne dépend pas seulement de l’époque, mais aussi d’un choix du photographe. La photo de presse est souvent en NB, des photos publicitaires de produits de luxe aussi (parfums). Les couleurs permettent de jouer sur les codes (couleurs froides, chaudes, complémentaires…). L’itinéraire du regard Une image, une photo, se découvre, surtout quand elle est grande. Le regard est porté vers des points précis, différents selon l’image, puis vers d’autres, peut opter pour un mouvement circulaire ou en zigzag… Les lignes de l’image Elles sont en général symboliques. La pyramide, très usitée, donne une idée positive, au contraire du carré qui suggère souvent un enfermement. Des lignes peuvent barrer l’image et rappeler la prison, une spirale peut apparaître et évoquer une ascension… etc. Et encore Les contrastes (surtout dans le NB), les détails incongrus, les oppositions / convergences avec le texte d’accompagnement (éventuellement), les valeurs accordées aux différents plans, la possibilité d’une histoire avant et après la photo, ou au contraire une image donnée telle quelle. Enfin L’activité du spectateur est importante, mais elle est liée à celle du photographe avant lui et elle s’en émancipe. Chaque spectateur a son histoire, sa culture et son interprétation de l’image. La dénotation permet de se mettre d’accord sur une explication a minima, mais la connotation est ensuite la plus intéressante. Commission éducation aux droits humains Droits de regards - 5 Au fil des photos Pour chaque photo nous vous proposons une légende (texte en écriture italique) qui en précise le contexte, puis une aide à la lecture de l’image brute. Photo 1 : Gandhi, 1948 Gandhi, New Dehli, 1948. Toute sa vie, Gandhi a combattu de manière non violente toutes les formes d’oppression et de discrimination principalement dues au colonisateur britannique. © Henri Cartier-Bresson / Magnum Photos. La difficulté vient de la différence d’âge, de mémoire et de culture entre les jeunes et ceux qui leur montrent les photos. Les notions qu’on veut apporter sur le plan historique le seront APRES la découverte de la photo, donc de façon plus active et efficace. On peut questionner les jeunes sur le vêtement, l’âge et l’origine du personnage, le cadrage décalé, les gestes et surtout le regard. Des hypothèses peuvent être alors conduites sur l’intérêt de cette photo et ensuite on donnera les infos. Photo 2 : Le Dalaï Lama, 1959 Le dalaï-lama et les réfugiés tibétains fuient en Inde, 1959. © Marilyn Silverstone / Magnum Photos. Même difficulté que dans la première photo, mais le dalaïlama est plus facilement identifié par les jeunes. Des points à souligner : •La construction pyramidale implique la prééminence du personnage sur les autres, mais sans notion de domination (sourire, guirlandes, attitude des gens). •Étude des regards, ce qui implique de penser à celui du photographe et au nôtre. D’où a été prise la photo ? D’un point qui domine les gens, presque au niveau du dalaï-lama. Empêche aussi l’idée de domination. •La situation : les indices temporels (le train) et spatiaux (Asie) demandent des explications qui seront données à ce moment. 6 Droits de regards Commission éducation aux droits humains Photo 3 : ANC, 1961 Soweto, Johannesburg, Afrique du Sud, 1961. Dans le township de Soweto (symbole de la discrimination raciale instituée par la doctrine de l’apartheid), la police matraque des manifestants de l’ANC (African National Congress) qui dénoncent cette politique privant la majorité noire de la plupart des droits fondamentaux. © Ian Berry / Magnum Photos. La photo instantanée nous raconte une histoire : une manifestation ou une révolte, un policier noir va matraquer un autre Noir, mais le policier porte une tenue de colon blanc. On aperçoit des mouvements de fuite, la douleur du manifestant, des barbelés. Cette photo appelle un récit, des interrogations, et ensuite des explications. Photo 4 : Berlin, 1963 (en rapport avec la photo 29) Deux frères se retrouvent à l’occasion des fêtes de Noël, Berlin, 1963. © Ian Berry / Magnum Photos. Cette photo évoque a priori un film comique, des années 50 ou 60, avec le sourire, l’allégresse, le pas de danse, une manifestation surjouée de la joie. Mais le décor, qu’on regarde ensuite, pose question et on sent que ce n’est sans doute pas une comédie. La tragédie affleure, déjà là à l’époque de la photo, mais encore légère par rapport à la suite. Là aussi viendront explications et narration de la suite, jusqu’à la chute du mur. Commission éducation aux droits humains Droits de regards - 7 Photo 5 : Algérie, 1962. Alger, 1er juillet 1962. Veille du référendum sur l’indépendance de l’Algérie qui a pour la première fois permis aux femmes de prendre part au scrutin. © Marc Riboud / Magnum Photos. La dénotation : des femmes voilées, vont voter dans une langue qui n’est pas la leur, pour un référendum. La connotation : cette photo repose sur des paradoxes. Les femmes sont voilées, mais ont le droit de vote ; elles sont algériennes, la question est en français ; le référendum est un choix, mais la réponse est imposée au mur avec une flèche impérative. Les regards des femmes, peu visibles, semblent interrogateurs ou soucieux, la présence du photographe y est pour quelque chose, mais la situation aussi. Au total, on sent une présence écrasante de la France qui offre un choix qu’elle voudrait guider. Photo 6 : Martin Luther King, 1964. Baltimore, États-Unis, 31 octobre 1964. Martin Luther King, de retour aux États-Unis après avoir reçu le prix Nobel de la paix. Il a joué un rôle prépondérant dans les mouvements pour les droits civiques et les droits fondamentaux, dénonçant la ségrégation dont la population noire était la cible. © Leonard Freed / Magnum Photos. Comparer avec la photo 2 (Dalaï Lama - voir page 6) : le personnage semble jouir de la même ferveur, mais dans la joie. La composition de la photo est très différente : elle est saturée et semble enserrer Martin Luther King dans la foule, il est au milieu d’elle, à son niveau. Gros plan sur les mains nouées, très symboliques. Les seuls blancs sont deux policiers. Symbolique aussi. 8 Droits de regards Commission éducation aux droits humains Photo 7 : Pacifisme, 1967. Washington, 21 octobre 1967. Marche pour la paix au Viêtnam devant le Pentagone. Cette image -devenue emblématique de l’opposition pacifiste à la guerre du Viêtnam- symbolise les nouvelles formes de contestation qui ont marqué la fin du XXe siècle.. © Marc Riboud / Magnum Photos. Cette photo très célèbre est parfaitement symbolique. On peut expliquer le contexte, mais c’est surtout le message qu’elle porte qui est remarquable. La composition joue sur des oppositions : une jeune femme / des soldats, une fleur / des fusils et des baïonnettes, un sourire / des masques impassibles, la liberté d’action / l’attente des ordres, la volonté de paix / la menace. La tension (les armes sont pointées sur la jeune femme) est en partie annulée par la part importante que prend la jeune femme dans la photo pourtant séparée en deux parties égales (elle semble plus grande que les soldats). La fleur est placée à peu près au « nombre d’or » d’une composition, ce qui nous donne cette impression d’équilibre et de sérénité malgré la situation. Photo 8 : Viêtnam, 1968. (à voir avec la suivante/public averti) Au cours de la guerre du Viêtnam, exécution sommaire en pleine rue d’un officier viêt-cong par le chef de la police sud-vietnamienne. Cette photo, offrant un visage moins honorable de ce conflit dans lequel leur armée était engagée, a contribué à retourner l’opinion des Américains. © Eddie Adams/AP/SIPA. C’est également une photo très célèbre. Son impact est comparable à celui que subit le prisonnier en attendant la mort. La composition est parlante : un décor urbain en guerre (chars), pas de « civils », un point de fuite barré par un char et surtout un jeu de regards et des expressions qui résument les horreurs de la guerre, civile surtout. Le soldat de gauche exprime la hâte (et la satisfaction) d’en finir, le tireur est calme et froid, le victime ferme les yeux sur son destin et nous regardons, intensément, l’horrible qui va se produire, ce que nous ne voulons pas voir. Se pose aussi la question du photographe : regarder, témoigner, agir, cautionner… ? Commission éducation aux droits humains Droits de regards - 9 Photo 9 : Viêtnam, 1968 (en lien avec la photo 8 voir p 9) Marines maltraitant un civil vietnamien capturé pendant l’offensive du Têt, Hu © Don McCullin / Contact Press Images. (public averti) C’est une situation proche, même sans exécution ici. Dans la photo 8, les protagonistes sont du même pays, mais dans des camps opposés. Ici, des soldats alliés s’en prennent à un civil. La photo 8 était ouverte, celle-ci est fermée, saturée, le cercle des trois soldats domine et écrase le civil humilié, attaché, un chiffon sur le visage. Une construction en triangle, mais au lieu d’exprimer l’élan (quand le sommet du triangle est vers le haut), elle impose la défaite, le malheur. Le regard des trois marines est braqué sur le prisonnier, mais celui du photographe et le nôtre aussi. Et nous voilà dans le cercle des tortionnaires… Photo 10 : Prague, 1968. L’entrée des chars soviétiques dans Prague porte un coup d‘arrêt définitif aux espoirs soulevés par le « Printemps de Prague » qui avait vu éclore la théorie d’un « socialisme à visage humain » censé introduire un certain nombre de libertés et de réformes. © Josef Koudelka / Magnum Photos. Sans les références historiques, la photo parle d’ellemême et décrit les malheurs de la guerre moderne et surtout de ce que l’on sent comme une invasion ou la répression d’une révolte. C’est le décor urbain qui marque, quotidien (autobus, maisons), en principe hors des champs de bataille… Mais le XXème siècle nous a appris les guerres urbaines. 10 Droits de regards Commission éducation aux droits humains Photo 11 : Irlande, 1968-69 East End, Londres, 1968 Un sans-abri irlandais agonisant en pleine rue. La prospérité engendrée par la croissance économique des Trente glorieuses ne met pas un terme aux phénomènes de pauvreté. L’indifférence des opinions ou des autorités contribue gravement à la marginalisation des oubliés de la croissance. © Don McCullin / Contact Press Images. La référence à l’Irlande apporte des précisions sur le contexte, mais cette photo dépasse le cadre historique. C’est la pauvreté extrême, la négation des droits élémentaires : pas de toit, même en carton. Il est sans doute mort, dans le plus grand dénuement. Son corps sera peut-être transporté sur la charrette à bras que l’on voit derrière, scène évoquant les épidémies, les guerres de jadis. Ce corps abandonné interroge le spectateur sur les laissés pour compte de notre société, sujet particulièrement crucial aujourd’hui. Photo 12 : Mexico, 1968 Athlètes américains manifestant contre la discrimination raciale aux ÉtatsUnis, Jeux olympiques, Mexico, 1968 © Raymond Depardon / Magnum Photos. Pour des jeunes, la photo est claire : un podium de JO (les marches, les trois personnes, les gens curieusement vêtus au second plan, mais c’est l’attitude des trois lauréats qui interroge. Celui de gauche est figé dans une attitude prévisible, les deux autres sont surprenants : le premier lève un bras, l’autre croise les deux. La commentaire nous apprend que l’on joue alors l’hymne américain, mais cela demande un commentaire historique et sociologique pour faire saisir les enjeux de la situation. Dans la photo, ce sont les regards et les attitudes des trois athlètes qui révèlent un malaise. Commission éducation aux droits humains Droits de regards - 11 Photo 13 : Viêt-Nam, 1972 Village de Trang Bang, Sud-Viêtnam, 8 juin 1972. Cette photographie de cette petite fille, Kim Phuc, fuyant les bombardements au napalm, a eu un énorme retentissement dans le monde entier. Elle a nourri les condamnations déjà vives de la guerre du Viêtnam et contribué au retrait des troupes américaines. © Nick Ut / Ap / Sipa. Cette photo célébrissime est parfois mal interprétée, on y voit Hiroshima par exemple, mais cela n’a finalement pas tellement d’importance. C’est dire sa force de suggestion : tout joue sur des contrastes qui nous heurtent. Une fillette nue au milieu de la photo, seule parmi des enfants et soldats habillés. Des enfants / des adultes soldats. Des adultes protecteurs ou menaçants ? Un ciel noir de nuages, une route, une fuite… Tout est dit sur la guerre moderne : les victimes sont des civils, la fuite et l’exode s’imposent, les soldats ont un rôle ambivalent, l’enfance n’est plus à l’abri. Les cris des enfants et leurs pleurs sont violents à nos yeux, à nos oreilles, même muets, et à nos consciences, peut-être. Le commentaire insiste sur la figure emblématique qu’est devenue la petite fille, mais aussi sur les interrogations qui ont amené l’agence à décider de publier ou non la photo de cette enfant nue, comme si c’était plus grave que l’attaque elle-même. 12 Droits de regards Commission éducation aux droits humains Photo 14 : Atacama, 1999 Route panaméricaine, désert d’Atacama, Chili, juin 1999. Ce désert a servi de lieu de relégation et d’exécution pendant la dictature du général Pinochet (1973-2006) marquée par d’innombrables violations des droits humains (plus de 3 000 morts ou disparus, plus de 35 000 personnes torturées). © Patrick Zachmann / Magnum photos. Une route, du sable, des cailloux, c’est tout. La route rappelle le tracé d’une rivière, mais justement, il n’y a pas d’eau, rien dans ce désert. Le partage en 1/3 – 2/3 de la photo met au premier plan les cailloux et l’absence totale de végétation, de vie. L’arrière-plan est tout aussi désolé, mais garde une trace de vie : la route ; or, elle-même n’est que minérale. On aurait pu avoir une belle photo de dune, on ne voit que la désolation. Elle est liée à un lieu, mais là encore, la photo symbolise les déserts, leur avancée, leur menace mais aussi celle des hommes, leur violence (les exécutions).. Photo 15 : Cambodge, 1995 Chambre de torture, Tuol Seng (S-21), Cambodge, 1995. Entre 1975 et 1979, ce lycée de Phnom Penh est transformé par les Khmers rouges en centre de détention et de torture. Sur ses 16 000 à 20 000 détenus aucun ne s’est échappé et seuls sept survivants ont été retrouvés à la libération du camp. En 2007, Duch (ancien dirigeant du camp) a été inculpé pour crimes contre l’humanité. © Bernard Faucon / Agence VU’. Nous sommes dans un montage, puisqu’il s’agit de la photo d’un musée et non de la cellule elle-même. La photo au mur donne une construction en abîme et ajoute la présence de grilles, rappel de la destination du lieu (prison, torture). Le décor est nu, austère, menaçant avec la boîte au premier plan dont on imagine la destination (torture). Le lit, banal et pitoyable, est aussi menaçant (les chaînes) et en même temps nous arrache un sourire avec sa décoration de fer forgé destinée à d’autres usages, faire joli, en un temps où cela avait un sens. La nudité laisse libre cours à notre imagination. Hélas. Commission éducation aux droits humains Droits de regards - 13 Photo 16 : Argentine 1999 Buenos Aires, juillet 1999. Depuis 1977, chaque jeudi, les “mères de la place de mai” se rassemblent devant le palais gouvernemental pour réclamer vérité et justice sur leurs proches disparus. On estime à plus de 30 000 le nombre de disparus lors de la dictature Videla (1976-1983). © Patrick Zachmann / Magnum Photos. À première vue, une photo de manifestation parmi d’autres, mais ici ce ne sont que des femmes, assez âgées, un foulard blanc sur la tête, qui brandissent des pancartes avec photo et une banderole faite de petites photos. Elles suscitent une interrogation : qui sont-elles et que font-elles ? La narration d’après la photo dit des femmes, des mères, l’absence d’hommes (découragés, morts, disparus ?), des photos de disparus, morts ? Une jeune femme au premier plan, écho lointain des manifestantes. Ce n’est pas la violence qui émerge, ni la résignation, mais la présence, la ténacité : la banderole, par le nombre de petites photos, indique un combat qui concerne une multitude. Le regard de la première femme est symbolique : fixe, dur comme son visage, résolu. Photo 17 : Floride, 1980 (à rapprocher de la 30) Réfugiés cubains, Floride, 1980. L’arrivée de Fidel Castro au pouvoir à la Havane en 1959 a entraîné différentes vagues d’émigration. Fondés sur des considérations économiques ou politiques, ces exils se sont souvent déroulés dans des conditions effroyables. © Owen Franken. Sans connaître la situation, on est frappé par le nombre de lits, la régularité de leur alignement, la quasi-absence de mouvement des personnes. Ces rangées pourraient n’avoir pas de fin, comme les tentatives d’exode ou de fuite ? Les personnes, des hommes apparemment, ne sont pas caractérisées, ce sont des « migrants », comme si la situation leur faisait perdre leur spécificité. La ressemblance des lits et literies évoque la vie militaire. Les exilés de Cuba connaissent d’abord l’uniformisation. On pense à d’autres camps, moins carrés, moins propres, mais avec la même perte d’identité. 14 Droits de regards Commission éducation aux droits humains Photo 18 : Pologne, 1980 Gdańsk, Pologne, 1980. Lech Walesa s’adresse à la foule pour annoncer l’accord du gouvernement ouvrant la voie à la constitution de syndicats indépendants. Cet accord couronne de succès la mobilisation de grévistes dans un pays alors totalement verrouillé. C’est aussi un de ces premiers bouleversements qui conduiront à l’effondrement du bloc soviétique. © Peter Marlow / Magnum Photos. C’est une construction pyramidale à droite, mettant en scène le côté charismatique de l’orateur (il faudra expliquer qui est Walesa), construction renforcée par la marée humaine à gauche, en contrebas. Le regard va de Walesa à la foule qui se presse, s’interroge sur les deux hommes à droite (ils veulent soutenir Walesa, le toucher ?), identifie la barrière florale qui délimite la tribune. On reconnaît la disposition habituelle des pays du bloc de l’Est, mais ce qui l’emporte, c’est la spontanéité, le côté improvisé, l’attitude de Walesa, à la fois assuré, souriant, et peu en équilibre. C’est son sourire qui reste, finalement. À rapprocher d’autres photos de liesse (ML King, le Dalaï Lama…). Page 19 : Moscou 1981 Moscou, 1981. © Gueorgui Pinkhassov / Magnum Photos. La dureté du milieu urbain est esquissée, à l’aide des formes massives et sombres des hommes, des ombres, des murs et du sol. Le photographe a saisi le moment où le couteau entre en contact (jusqu’où ?) avec le corps qui tressaute, ce qui est d’une extrême violence qui n’apparaît pas au premier regard. Nous sommes alors attirés par le visage de l’agressé, puis par celui de l’agresseur et enfin nous tentons de voir ceux des passants. Peur et surprise pour le premier, froideur pour le deuxième, rien pour les autres. On peut parler de la xénophobie qui suscite des attentats « au faciès » en Russie. Nous devons alors reconstituer un sens à cette scène, une causalité. Ceci nous amène aussi à nous interroger sur le rôle du témoin et du photographe en particulier. Commission éducation aux droits humains Droits de regards - 15 Photo 20 : Salvador, 1982 (public averti) El Mozote, Salvador, 1982. De 1980 à 1992, ce pays est le théâtre d’une guerre civile entre l’extrême droite (ARENA) et guérilleros marxistes. On estime à plus de 100 000 le nombre de victimes (majoritairement civiles) de ce conflit marqué par plusieurs massacres, comme celui du village d’El Mozote en décembre 1981 dans lequel plus de 1 000 personnes ont trouvé la mort en une journée. © Susan Meiselas / Magnum Photos. Cette photo difficilement soutenable frappe par sa crudité, mais aussi par le contraste qu’elle offre entre la mort, le charnier, le massacre et la nature en second plan. Quel enjeu a déterminé ce massacre ? La mort fut violente, l’abandon des corps rapide, peut-être un peu enfouis. Ils sont désarticulés, comme la mort les a saisis. On pense à Villon et à la Ballade des pendus, fort peu au Dormeur du val de Rimbaud. Ces morts n’ont rien de paisible, la nature autour d’eux est abîmée aussi, la guerre apparaît dans sa cruauté, son absence de sens et c’est aussi le mépris des « règles » de la guerre qui éclate. Photo 21 : Inde, 2004 (public averti) Hôpital de Bhopal, Inde, 2004. Le docteur Sathpattry présente des foetus de victimes du gaz libéré lors de l’explosion d’une usine chimique survenue à Bhopal le 3 décembre 1984. Cette explosion a fait plus de 4000 morts et plus de 360 000 victimes à des degrés divers. Elle reste à ce jour la plus grave catastrophe industrielle. Plus de 25 ans après les faits, les multinationales impliquées tardent à s’acquitter de leurs responsabilités. © Raghu Rai / Magnum Photos. La première idée qui vient, c’est celle des cabinets de curiosités, des collections morbides du XIXème siècle. Les boîtes /bocaux contenant les fœtus sont de taille croissante et dégagent un espace mettant en scène la personne qui parle sûrement d’eux. Le décor de bureau devrait banaliser ces corps tordus, difformes, et au contraire nous avons la certitude que quelque chose de banal, d’ordinaire, a produit ces atrocités. La scène pourrait évoquer des médecins nazis et leurs expériences sur les bébés, mais on a l’impression que cet homme, au contraire, se bat contre ce qui a tué ces fœtus. Il s’appuie sur leur présence pour nous persuader, par le geste, la voix, mais aussi l’émotion qui nous paralyse à la vue de ces trois fœtus. Et la première idée revient, celle de ces romans du XIXème où l’homme, ivre de science, joue les apprentis sorciers. 16 Droits de regards Commission éducation aux droits humains Photo 22 : Éthiopie, 1984 Éthiopie, 1984. Arrivée massive au camp de réfugiés Bati : des personnes venues des zones environnantes ont entendu dire que l’on y distribuait de la nourriture. © Sebastião Salgado / Amazonas images. La foule se dirige vers le coin inférieur gauche de la photo, venant des trois autres côtés. Cette dynamique rend perceptibles le mouvement, la hâte de ces gens de tous âges, habillés traditionnellement ou non. Les taches plus claires guident notre regard : vers la famille au premier plan à G, puis chez les suivants, se perd au loin vers les tentes /maisons claires, revient vers l’homme à chemise blanche, le seul arrêté, un bâton à la main : qui est-il, que fait-il ? Le regard repart vers la foule plus indistincte, l’arrière-plan, isole des visages, des voiles, des attitudes. Et nous retenons cette urgence qui anime la foule. Peur, faim, exode, tout est ouvert. Photo 23 : Biélorussie, 1997 (public averti) Minsk, Biélorussie, 1997 L’explosion d’un des réacteurs de la centrale nucléaire de Tchernobyl (avril 1986) a eu des conséquences innombrables sur plusieurs générations et bien au-delà des frontières de l’Ukraine. On estime à plusieurs millions le nombre de personnes touchées, à divers degrés, par l’irradiation. L’asile de Novinski accueille des enfants qui en portent les stigmates. Malformés de naissance ; ils sont incapables de marcher. © Paul Fusco / Magnum Photos. Huit enfants sont au sol, tordus, un seul est presque assis, un seul autre semble occupé à un jeu. Tous présentent de graves difformités. Notre regard balaie la scène, le malaise est trop grand, il tourne autour des corps pour s’arrêter sur celui qui est assis. Que voit-il, les yeux à demi fermés ? Cinq des autres enfants regardent le photographe, signe d’une distraction sans doute rare. Le dernier regarde ailleurs. Ceux qui sont couchés symbolisent tous les hommes que la catastrophe a terrassés, les enfants qu’elle a engendrés. Au point symbolisant le nombre d’or, l’enfant assis semble crier une forme de révolte. Mais il est tourné vers la gauche, vers le passé, il n’a pas d’avenir. Là encore se pose le problème de notre regard et vide celui du photographe. Mais il faut témoigner. Commission éducation aux droits humains Droits de regards - 17 Photo 24 : Iran, 1986 Téhéran, Iran, 1986 Femmes voilées pratiquant le tir dans les environs de la ville. © Jean Gaumy / Magnum Photos. Cette photo joue d’un contraste fort : femmes / armes, femmes voilées et tradition / modernité des armes, femmes voilées / femmes émancipées ( ?) par la guerre, ombres des femmes, elles-mêmes ombres / soleil… La modernité (femmes s’entraînant pour la guerre) et la tradition (voiles) se heurtent, car on ne voit pas quelle évolution pourrait émerger de cette situation. La construction de la photo permet un gros plan sur une des femmes, grandie par la perspective, individualisée, alors que celles de droite ne se distinguent, surtout à la fin de la rangée, que par le nombre d’armes. Les trois de droite, dont la contreplongée réduit aussi la taille, sont spectatrices, en attente. Les contrastes de tons frappent aussi, le noir envahit la photo et la barre en son centre. Cette dramatisation peut être dénouée quand on pense à des scènes de films (les Sept mercenaires par exemple) hors de ce contexte. Photo 25 : Guatemala, 2003 Guatemala, 2003. Doña Julia avec ses enfants et sa petite fille. Elle a perdu sa mère et trois de ses soeurs, brûlées vives lors du massacre de Vipulay. Un des 626 massacres liés au conflit armé qui a ravagé le Guatemala entre 1960 et 1996. On estime à plus de 250 000 le nombre de morts ou disparus, dont 80 % de Mayas. © Miquel Dewever Plana / Agence VU’. Une photo frontale : les femmes et fillettes (4) assises, l’homme (un jeune garçon) debout, dans un environnement quotidien. C’est bien le code de la photo familiale un peu ancienne, de ces photos où l’on se soucie de montrer qui était là, avant tout. La fumée coupe le groupe, isolant le garçon ; les femmes sont proches aussi par le vêtement, mais tous les cinq fixent intensément le photographe, et nous avec. Nous cherchons dans le décor, leurs attitudes, ce qui justifie la photo et pensons un moment à une photo un peu ethnographique. La légende nous montre que c’est une photo de survivants : ils ont échappé à un massacre et voilà qui explique leur attitude, leur gravité. Nous revenons à la fonction première des photos de famille. 18 Droits de regards Commission éducation aux droits humains Photo 26 : Soudan, 1988 Kosti, Soudan, 23 octobre 1988. Réfugiés du Sud-Soudan. Parmi eux, des enfants sous-alimentés et donc trop faibles doivent être portés pour parcourir les 300 mètres qui les séparent du centre alimentaire © John Vink / Magnum Photos. Une route, deux personnages en portant deux autres marchent, de dos, vers un avenir incertain. La photo est prise au moment où la seconde personne passe près du photographe, ce qui donne un effet particulier. Seule, la silhouette de droite serait acceptable, la maigreur de l’enfant moins proche, le pas sûr de sa mère porterait à l’espoir. Mais la seconde silhouette montre de très près la maigreur de l’enfant, sous un angle qui nous oblige à « mettre le nez dessus » littéralement. Pas moyen de se cacher. Et si deux femmes si semblables portent un même fardeau, combien sontelles derrière la seconde ? Quelle urgence les pousse sur cette route stérile ? La légende nous le rappelle : la nourriture. Mais ensuite ? Commission éducation aux droits humains Droits de regards - 19 Photo 27 : Tian ‘anmen 1989 (en lien avec la photo 28 voir p 21) Place Tian’anmen, Pékin, 26 mai 1989. Au printemps 1889, plus de 100 000 étudiants se rassemblent sur cette place centrale de Pékin pour réclamer l’introduction de réformes dans un système communiste très centralisé. Cette occupation pacifique durera près d’un mois avant d’être violemment réprimée par l’armée dans la nuit du 3 au 4 juin 1989. © Stuart Franklin / Magnum Photos. Cette image en appelle d’autres, comme le tableau de Delacroix, La Liberté guidant le peuple, construit de façon proche. La construction pyramidale, avec le jeune homme au sommet du triangle, son ami qui le soutient et ferme un côté du triangle, la base avec la population sur la place. Ce triangle est très souvent utilisé pour symboliser l’espoir, l’élan Si l’on ne connaît pas la suite, on peut en rester à cette image positive, mais même en l’ignorant, on a des indices. Le ciel en arrière-plan est noir d’un orage que signalent aussi les parapluies et vêtements comme celui du 2ème homme. C’est un orage réel, qui se doublera peu après d’un orage avec la répression qui va s’abattre. Les abris de toile que l’on distingue, les drapeaux, tout ce qui montre un mouvement peut-être spontané, en tout cas bon enfant, tout cela sera facile à détruire quand les orages viendront. 20 Droits de regards Commission éducation aux droits humains Photo 28 : Pékin, 1989 (en lien avec la photo 27 voir p 20) Place Tian’anmen, Pékin, 4 juin 1989. « The Tank man » arrêtant une colonne de tanks T59, © Stuart Franklin / Magnum Photos. Même époque que la photo 27, une de celles qui ont fait le tour du monde, cristallisant un moment d’espoir. Les tanks, arrêtés par un seul homme, désarmé. Le commentaire donne le détail du contexte et des suites jusqu’à nos jours. Ce qu’on retient de cette photo, c’est l’instant suspendu : les tanks s’arrêtent, l’un après l’autre, le dernier va les imiter. Par ailleurs, la largeur de la route, les lignes et les flèches signalent une plus grande possibilité d’intervention, une nuée de tanks et d’autobus transportant les soldats pourrait arriver. Tout est en attente, tout est possible, un instant… Photo 29 : Berlin, 1989 (en rapport avec la photo 4 voir p 7) 11 novembre 1989. Photo La chute du Mur de Berlin (érigé en 1961) symbolise la fin de la Guerre froide et de l’opposition des blocs. © Raymond Depardon / Magnum Photos. Si on ignore la situation, la photo en elle-même suggère des hypothèses. Que fait là ce jeune homme, pourquoi ce cri ? Il est pris en contre-plongée, le mur semble monter en raison du point de vue, le cri monte également. On suppose que l’escalade n’a pas été simple (il porte des gants), pas d’arrière-plan, le jeune homme est seul, mais d’autres l’ont précédé (les tags). Quand la situation est élucidée, ce cri peut être interprété : douleur du passé, victoire au présent, défi à l’avenir ? Le jeune homme peut symboliser la jeunesse de la RDA, frustrée (et son costume montre un attrait pour l’Ouest). Commission éducation aux droits humains Droits de regards - 21 Photo 30 : Grèce, 1990 (à rapprocher de la photo 17 voir p 14) Station balnéaire et port de Prévéza, Grèce, 1990. La Grèce est une porte d’entrée de l’Europe pour de nombreux migrants. Parmi eux se trouvent des demandeurs d’asile en quête de protection. La Grèce est régulièrement montrée du doigt pour les conditions faites aux demandeurs d’asile, qui les privent d’une série de droits essentiels. © Nikos Economopoulos / Magnum Photos. La photo est organisée de manière à suggérer le nombre en ne montrant vraiment qu’une personne : les matelas attendent d’autres réfugiés. Partant de l’homme au premier plan, le regard remonte vers les autres matelas, arrive au personnage du fond (témoin, passant, réfugié ?). On ne voit aucun visage, le premier homme est réduit à ses sacs et sa position (ses richesses, son épuisement), le second à une vague silhouette. Anonymat, précarité, angoisse, incertitude, tout est suggéré par cette construction. Le seul élément de décor, les feuilles mortes, interroge sur le lieu : ces gens dorment donc dehors ? Quel accueil reçoivent-ils ? Si l’on compare avec la photo 17, le contraste est grand entre l’organisation quasi militaire d’un côté et cet abandon. Mais c’est le même anonymat, au fond. Photo 31 : Grèce, 1991 Grèce, 1991. Réfugié albanais arrivant en Grèce, frontière gréco-albanaise, . © Nikos Economopoulos / Magnum Photos. Un visage en gros plan donne des détails, celui-ci empêche au contraire de reconnaître la personne. On suppose qu’il s’agit d’un très jeune homme, il est réduit à ses yeux, levés vers le haut, regardant quelque chose que nous ignorons. De même, nous ignorons qui se tient à ses côtés (ami, policier ?), ce que sont les lumières au fond (ville, reflets, mer ?) et quelle est la situation. Les sourcils du jeune homme donnent une tonalité inquiète et interrogative à la photo. Et notre regard revient sur l’élément intrigant : le col roulé remonté, contre le froid, pour l’anonymat ? À nous de dire ce que la photo nous suggère. 22 Droits de regards Commission éducation aux droits humains Photo 32 : Mexique, 1992 Oaxaca, Mexique, 1992 Un père et sa fille cherchent à entrer aux États-Unis pour trouver du travail. © David Alan Harvey / Magnum Photos La dénotation de cette photo est sommaire. Un homme et un enfant / adolescent sont sur le bord d’une rue où passent des voitures. Nous sommes quelque part en Amérique latine, dans un lieu assez pauvre. La connotation nous suggère d’autres points : la rue peut indiquer une attente, une fuite. Le regard de l’homme est douloureux et il guette quelque chose, l’enfant ne regarde rien, comme vidé de toute énergie. La couverture qui l’entoure semble les désigner comme errants, vivant dans la rue. Les voitures sont en mauvais état et indiquent aussi une certaine pauvreté. Le regard se heurte aux deux pylônes / piquets qui encadrent les deux visages. Ils signalent l’enfermement, la prison, pas forcément physique. Ceci plus l’impression d’abandon colorent cette photo d’une profonde tristesse. Photo 33 : Thaïlande, 1993 Pattaya, Thaïlande, 1993. Une jeune prostituée avec son client (il paie 12 dollars) dans un hôtel. La Thaïlande est devenue un des hauts lieux du tourisme sexuel en Asie, impliquant de très jeunes femmes ou hommes. La prostitution enfantine se développe en raison de l’insuffisance des lois, de la pauvreté et de l’aliénation des femmes. © Patrick Zachmann / Magnum Photos. Le cadrage et le flou semblent indiquer une photo « volée ». La mise au point a été faite sur le visage de la jeune fille. Son regard est fixé sur l’homme, le regard du photographe domine la scène (en plongée) et le nôtre vient chercher les yeux de la jeune fille. Dans ce circuit, quelqu’un n’a ni regard, ni visage, c’est l’homme, flou, presque nu, réduit à une silhouette menaçante (en raison de la plongée et de la nudité). La scène parle d’elle-même, nous revenons sur le regard dans lequel nous pouvons alors lire la peur, celle que nous sentons devant cette situation. La banalité et la simplicité du décor nous indiquent que quelque chose de banal se produit régulièrement là. Banal ? Justement, non. Commission éducation aux droits humains Droits de regards - 23 Photo 34 : Bosnie, 1993 Bosnie, 1993. © Gilles Peress / Magnum Photos. Notre regard part du trou dans la vitre pour balayer le décor derrière, d’abord les tours, puis la ville, les montagnes au fond, avant de revenir sur la vitre. Ces tours penchées par la prise de vue montrent une ville en construction (la tour de gauche est inachevée), transformant son urbanisme (les maisons plus anciennes sont très différentes), et à ces soubresauts s’ajoute celui qui a causé le bris de vitre. Le trou indique une balle, la violence, une guerre, la prise de vue oblique suggère le déséquilibre, comme dans l’architecture. On s’interroge alors sur l’endroit d’où est prise la photo : une autre tour probablement ; et l’on visualise le décor, un monde ancien terrassé par ces constructions disproportionnées, mais aussi par la violence. Photo 35 : Rwanda,1994 Zaïre, 1994 Près de la frontière rwandaise, Goma. © Gilles Peress / Magnum Photos Ce qui frappe, c’est la saturation, pas d’espace libre, mais aussi le camaïeu de gris, les armes entremêlées. C’est une image qui s’impose, qui veut frapper, qui ne laisse pas place à la réflexion dans un premier temps. Un conflit, violent (le nombre), primitif (corps à corps, objets détournés de leur destination première, agricole essentiellement), terminé ou en passe de l’être (les armes ont été collectées). Le nombre implique aussi le nombre potentiel de victimes. La masse sombre, les gris, l’absence d’espace, quelque chose d’étouffant, de primitif : c’est de l’âme humaine et de sa partie sombre qu’il s’agit. C’est une photo ancrée dans un contexte, mais qui révèle un aspect de notre humanité. 24 Droits de regards Commission éducation aux droits humains Photo 36 : USA, 1994 Llano, Californie, États-Unis,1994. Le problème des sans domicile est largement occulté aux États-Unis où l’on estime pourtant que plus de 3,5 millions de personnes n’ont pas de logement. Les répercussions sur les enfants (exclusion des systèmes de santé, d’éducation…) sont très préoccupantes dans un pays pourtant prospère. Voici Crissy, Dean and Linda Damm. Le visage de Crissy parut si pathétique à Mary Ellen Mark lorsqu’elle arriva un matin et la trouva dans le lit de son beau-père qu’elle lui demanda ensuite s’il abusait d’elle. La fillette nia. Mais elle finit par reconnaître, quelques mois plus tard, qu’il la violait. Linda partit alors avec ses enfants. © Mary Ellen Mark. Au centre de la photo, le regard d’une fillette, seule éveillée quand les adultes (ses parents ?) dorment. On imaginerait plutôt le contraire. Le père (en réalité le beaupère) semble à la fois protecteur (ses bras enserrent la fillette) et menaçant (le spectre de l’inceste rôde), la mère ( ?) inexistante. Le regard se détache de celui de l’enfant pour voir le décor : tout signale la pauvreté, la vétusté, la négligence (la barquette à terre), mais aussi la drogue (sur la commode). Deux objets attirent l’œil : le Pepsi et la Vierge en plastique, couchée. Un raccourci d’un mode de vie ? L’œil revient sur la fillette et sur le bras de l’homme, fort, emprisonnant l’enfant. Et les yeux grands ouverts de la fillette qui regarde ailleurs nous dérangent. Que voit-elle qui la tient éveillée ? Commission éducation aux droits humains Droits de regards - 25 Photo 37 : Mandela, 1994 Afrique du Sud, 1994. Des partisans de Nelson Mandela grimpent sur un poteau pour le voir arriver dans son township natal. Libéré en 1990 après avoir passé 27 années en prison pour ses prises de position contre l’Apartheid, il devient en 1994 le premier président noir de l’Afrique du Sud et mène une politique de réconciliation nationale. Retiré de la vie politique, il reste très impliqué dans toute une série de combats. © Ian Berry / Magnum Photos. Mandela et la ferveur qu’il suscite, le tout dans une photo qui ne le représente qu’en photo… de photo. La prise de vue accentue la taille de la photo (un immense visage) par rapport aux spectateurs, des adolescents. Le visage est empreint de sérénité, le regard vers l’avenir, un sourire, c’est une icône. Pour le voir, les adolescents ont dû monter haut, ils dominent la scène et attendent, regardent. L’équilibre de la photo est assuré par l’enfant en train de grimper et celui de gauche, ils font contrepoids (virtuel) aux autres et au panneau. Notre regard, attiré par celui de Mandela, découvre aussi les failles, les déchirures, le papier qui se décolle. Une icône, mais fragile, menacée. 26 Droits de regards Commission éducation aux droits humains Photo 38 : Tchétchénie, 1996 (en lien avec la photo 39) Tchétchénie, juillet 1996. Fatima, 18 ans, a été enlevée et vendue 1 000 dollars en vue d’un mariage forcé. Cette pratique demeure répandue dans le Caucase du Nord et témoigne des discriminations dont les femmes sont encore l’objet dans de très nombreux pays. © Stanley Greene / Noor Images. La Tchétchénie nous offre d’habitude d’autres images, violentes. Si on ne lit pas la légende, celle-ci ne nous touche pas particulièrement. L’éclairage par la droite met en lumière le visage de la mariée et de sa mère ( ?), mais laisse seulement deviner deux silhouettes féminines. On devine un mariage traditionnel (broderies, foulards, diadème), peut-être musulman. La légende introduit un contexte de violence invisible au premier abord, et du coup on remarque le cadrage serré, étouffant, la lumière que ne regarde pas la mariée. Au centre de la photo, le sourire épanoui ne « parle » pas de violence. Photo 39 : Grozny, 1996 (en lien avec la photo 38) Groznyï, Tchétchénie, juillet 1996. Ce mur couvert d’éclats d’obus témoigne de la violence de la première guerre de Tchétchénie. Cette guerre qui opposait les séparatistes tchétchènes à l’armée russe a fait plus de 100 000 morts et a été marquée par de très nombreuses et graves violations des droits humains. © Thomas Dworzak / Magnum Photos. Cette photo n’a pas besoin de légende pour visualiser la violence, les impacts de tirs en sont le signe patent. Les deux femmes sont au contraire dans une vie quotidienne, sans inquiétude apparente, les robes et chaussures indiquent une fête possible. On est frappé de voir qu’elles se protègent du soleil avec leur main, alors qu’elles ne regardent pas les impacts, plus traumatisants pour nous. Elles sont dans la violence routinière, quotidienne, elles vaquent à leurs occupations. La photo est déséquilibrée, les pieds des femmes sont coupés, le mur est oblique : c’est la prise de vue qui accentue l’écart entre la guerre latente et la vie quotidienne. Commission éducation aux droits humains Droits de regards - 27 Photo 40 : Rafah 1996 Rafah, Gaza, 1996. Passé successivement du contrôle égyptien au contrôle israélien avant d’être placé sous autorité palestinienne, le camp de réfugiés palestiniens de Rafah (sud de la bande de Gaza) est tristement caractéristique des bouleversements dont les populations peuvent être l’objet dans cette zone du Proche-Orient. © Nikos Economopoulos / Magnum Photos. Le regard va droit au billet de banque et au grand sourire de l’enfant, avant de se perdre dans la perspective de la ruelle et son point de fuite. L’impression première est contradictoire : misère et délabrement à l’arrière-plan, joie au premier plan. On peut bâtir une explication de cette image. L’enfant a travaillé ou mendié et a reçu ce billet en récompense. Il est dans un camp de réfugiés, la misère règne. Le sourire éclatant de l’enfant est ébréché (dent cassée), son tricot est sale (il a travaillé dur ? pas d’eau pour se laver ?), la ruelle est jonchée de détritus. Nous sommes à la fois dans le quotidien qui s’organise comme il peut, malgré la pauvreté et la précarité, et dans un événement extraordinaire, en filigrane, qui a abouti à ce billet. À nous de réfléchir. Photo 41 : Haïti, 2000 Haïti, 2000. Après avoir quitté l’île de la Tortue, ces réfugiés haïtiens tentent de rejoindre les États-Unis dans des embarcations de fortune, beaucoup trouvent la mort lors de ces traversées © Christopher Anderson / Magnum Photos. Cette photo pose la question de sa prise : qui, quand, comment ? Le danger semble imminent sur le bateau, visible par les rondins (il va couler, dit le commentaire), les regards affolés, les bouches crispées, le flou, le désordre… montrent que quelque chose d’inattendu se produit. Le photographe est-il un témoin extérieur ? Peu probable. Un témoin « embarqué » ? Plus sûrement. Pour montrer, dénoncer… On cherche alors des explications dans la photo : ces hommes sont sans doute à fond de cale, avec le témoin, ils ont peur, il fait chaud (celui du milieu est nu), mais l’un est couvert (pour se sauver ?). C’est encore les regards qui nous guident : l’un nous regarde, hagard, son voisin regarde vers l’extérieur du cadre, les deux autres ont les yeux cachés. Au centre de la photo, le flou sur la nudité attire l’œil aussi, symbole de ce qui bascule, de la fragilité. 28 Droits de regards Commission éducation aux droits humains Photo 42 : Tchétchénie, 2000 Tchétchénie, février 2000. Femme Russe, épouse d’un Tchétchène, Samashky. © Thomas Dworzak / Magnum Photos. Les couleurs sont ternes, sauf au centre (vêtements de la femme) et nous regardons d’abord ce visage, puis ce qu’elle regarde : l’ombre menaçante de l’arme assombrit la photo. Énorme, par l’effet du premier plan, l’arme semble menacer la femme, mais on sent que c’est une autre angoisse qui saisit celle-ci. L’arme symbolise la guerre, la violence, qui envahit le quotidien (tout l’arrière-plan témoigne de ce quotidien pauvre et en danger). Le chat, à l’abri sous la table, est une image de ce quotidien. L’expression de la femme, arrêtée dans son geste, montre l’impuissance devant la situation. Photo 43 : USA, 2000 Huntsville, Texas, États-Unis, 2000. La famille d’un condamné à mort se tient devant le pénitencier de Walls Unit durant son exécution. Sur les 192 États membres des Nations unies, 58 appliquent encore la peine de mort. Aux États-Unis, le Texas est l’État qui exécute le plus de condamnés : près de 40 % des exécutions y sont appliquées, principalement par injection létale. © Jérôme Brézillon / Tendance Floue. Cette photo ne peut se comprendre sans sa légende. Si on ne l’a pas, on voit une scène un peu étrange, trois personnes enlacées, l’homme soutenant deux femmes, lui-même accroché à un panneau ; une pochette et des objets à terre témoignent d’une agitation qui a précédé ce moment. Le décor ne donne guère d’indications, mais le mur à gauche, avec un système de protection, est un indice. La photo baigne par ailleurs dans le banal et le calme. Avec la légende, la perspective change et nous comprenons l’agitation qui a précédé le recueillement, nous supposons alors que ces gens prient ou / et se soutiennent mutuellement pendant qu’un de leurs proches meurt. C’est alors l’exclusion qui est montrée : la famille de la personne exécutée mise à l’écart, sa douleur non considérée par rapport à celle de la victime. Commission éducation aux droits humains Droits de regards - 29 Photo 44 : New York, 2001 New York, 11 septembre 2001. Après l’effondrement des tours du Wall Trade Center. © Gilles Peress / Magnum Photos. La photo est en couleur, mais les dégâts ont finalement suggéré une couleur assez proche de la sépia, tonalité des photos anciennes. Ceci suggère d’emblée une nostalgie, un monde révolu. C’est de cela qu’il s’agit, le 11 septembre a obligé le monde à un nouveau regard sur lui-même. La perspective est orientée vers la gauche (dimension du passé dans nos codes occidentaux), la rue qui y mène est encombrée de débris. La lumière éclaire un bel immeuble endommagé, son architecture triomphale (grand portique) est à la fois accentuée (lumière) et niée (dégâts). De même, au fond, les poutrelles tordues, les décombres, la fumée, tout évoque la guerre, un bombardement. Mais aussi un raz-de-marée ou un séisme, comme nous le savons depuis la catastrophe de Fukushima. Cette photo montre la réalité des dégâts, mais aussi la symbolique : un monde s’effondre, un autre va naître. Un séisme moral aussi bien que matériel a eu lieu. Photo 45 : Indonésie, 2001 Malacca Straits, Indonésie, 2001. Jeune pêcheur sur une plate-forme à 10 miles de la côte. Ces jeunes travailleurs sont quasi réduits en esclavage (peu payés, retenus des mois en mer…). L’emploi des enfants a beau être interdit par le droit international, on estime que près de 350 millions d’enfants travaillent à des degrés divers, mais toujours au détriment de leurs intérêts et droits spécifiques (dont l’éducation). © Francesco Zizola / Noor Images. Curieuse construction de cette photo : prise en plongée, l’objectif au-dessus du garçon, en biais (le ponton), décentrée (les petits poissons sont au centre), attitude peu naturelle du garçon et surtout la forme demi-circulaire qu’il dessine avec son corps et les poissons. Le cercle pour les êtres vivants ou non, les formes droites pour le décor. Ce pourrait être une photo heureuse : malgré sa pauvreté apparente, un jeune garçon est content de sa pêche et se repose. La légende détruit cette hypothèse : certes il est fatigué de sa pêche, mais il est prisonnier, esclave et son corps tordu peut exprimer la souffrance. Les poissons, au centre, nous rappellent que pour ses « patrons », il est moins important qu’eux. 30 Droits de regards Commission éducation aux droits humains Photo 46 : Inde, sans date Children Observation Home n°2, New Delhi. Dans cette prison gérée par l’État, le confinement est très sévère. Moment de la toilette et de lavage du linge. Un gardien fait la ronde au-dessus des prisonniers, de jour comme de nuit, et tape sur les barreaux pour accroître la tension auditive. © Lizzie Sadin. Construction classique, avec point de fuite et lignes de fuite symétriques. Un détail change l’impression : le point de fuite est situé au tiers inférieur de la photo, l’avenir qu’il suggère est minoré d’autant. Les lignes sont multipliées par la grille du haut et son ombre sur la gauche. Au total, cette construction est une prison, autant que le lieu représenté. Deux des personnes sont symboliques : l’un en bas, dans la prison, accroupi, lavant du linge ; l’autre, « dehors », en uniforme, marchant d’un pas ferme. Les autres sont réduits à des silhouettes au loin, aux vêtements pendus aux grilles. Ces vêtements et la lessive évoquent la vie quotidienne, mais toute la photo évoque un univers carcéral angoissant et le spectateur est dans la prison, sous la grille. Le fait que ce soit une prison pour enfants n’est pas perceptible. En revanche, on découvre l’absence de toit (arbres visibles au-delà des grilles), l’installation sanitaire sommaire, la vétusté. Photo 47 : Inde, 2002 Village de Chir, Rajasthan, Inde, 2002. École du soir animée par le Collège aux pieds nus. L’éducation est un élément fondamental du développement d’un enfant et d’un pays. Elle reste pourtant mal assurée dans de nombreux pays. © Marie Paule Nègre. La couleur correspond au message optimiste de cette photo, la scolarisation des enfants et des filles en particulier, dans un pays où les conditions ne semblent pas favorables : pas d’équipement à part les ardoises et le tableau, espace réduit et peu engageant. Le sourire des enfants traduit leur fierté, malgré la main visible à gauche, que regardent avec une certaine tension trois enfants et l’isolement de l’enfant à droite. Nous sommes en Inde, pays contrasté, et la légende nous explique le cadre de cette école « du soir ». La fierté des enfants se comprend mieux : ils sont sans doute exclus de l’école classique et c’est là leur seconde chance. Commission éducation aux droits humains Droits de regards - 31 Photo 48 : Irak, 2003 Prison d’Abou Ghraib, Bagdad, Irak, 2003. photo 1 Image obtenue par Associated Press montrant Lynndie England tenant un détenu attaché en laisse. Cette image choc a permis de révéler au monde les tortures et humiliations utilisées par l’armée américaine au cours de son intervention en Irak. ©AP/SIPA. La photo a fait le tour du monde, elle a été posée, dans une inconscience et une arrogance perceptibles. Sa construction est très structurée (de façon volontaire ou non) : au point de fuite, la tête de la femme ; son corps, celui de l’homme et la laisse dessinent un triangle rectangle qui met en relief la supériorité ressentie par Lynndie et l’humiliation de l’homme, nu, dont le corps est coupé par le cadre. Le décor accentue le malaise : les portes des cellules sont ouvertes, mais on se demande sur quelles horreurs, le linge pend, des papiers jonchent le sol, on se demande quel ordre règne ici. La réponse est dans le jeu de regards : celui, hautain, de la soldate vers le prisonnier, accentué par la raideur de son allure. Celui, désespéré, souffrant, du prisonnier qui doit être obligé de regarder l’objectif. La question du photographe est encore un élément du malaise : c’est un complice, un soldat aussi et nous n’éprouvons pas d’empathie avec lui, c’est le rejet qui domine. Quand les circonstances de la photo sont éclairées, on pense à toutes les formes d’oppression évoquées ici : du vainqueur au vaincu, de la femme occidentale à l’homme oriental, du militaire au prisonnier, du bourreau à la victime. Et peu importe que la victime ait pu peut-être agir en bourreau. 32 Droits de regards Commission éducation aux droits humains Photo 49 : Angola, 2002 Bié, Angola, 2002. Victime de mine antipersonnel. On estime que depuis 1965, plus de 100 000 personnes ont été victimes de ce type de mines dans le monde. La Convention d’Ottawa (1999) sur l’interdiction des mines a permis de faire reculer le nombre de victimes. Toutefois de gros producteurs de mines (États-Unis, Russie, Chine…) ne l’ont toujours pas signée. © Jane Evelyn Atwood / Agence VU’. Cette photo terrible repose sur un contraste saisissant entre le décor et le « sujet » : raffinement, recherche de l’harmonie et de l’équilibre dans le balcon, solidité de la base, le tout s’oppose à la jeune fille du premier plan. Son visage tendu est situé au « point d’or » de l’image, symbole en théorie d’un équilibre de la composition, harmonie en total désaccord avec la réalité : la jeune fille rampe sur des moignons de cuisses sans doute, on voit mal qu’elle a aussi perdu un bras. Toute l’harmonie de la photo éclate devant cette horreur et la guerre qui l’a provoquée. Le noir et blanc la dramatise sobrement. Photo 50 : Caracas, 2005 Barrio El Valle, Caracas, 2005. Ce bidonville est représentatif des pays et des villes qui se développent à deux vitesses. Souvent en périphérie, les bidonvilles concentrent les populations les plus pauvres, exclues des principaux services de santé, d’éducation… et de la croissance. Leur nombre ne cesse de croître et on estime qu’en 2050, ils compteront un tiers de la population mondiale. ©Jonas Bendiksen / Magnum Photos. Le format inhabituel de la photo (paysager) et la couleur tranchent sur les autres. La tonalité aussi, sans drame apparent. Lignes courbes, lumières douces, petites maisons, le tout semble banal. Tout au plus remarque-t-on des immeubles hauts et modernes sur les hauteurs à droite et à gauche, une antenne relais. On se demande alors pourquoi cette photo figure ici, c’est la légende qui le dit : c’est un bidonville. Or, il ne ressemble guère aux images classiques des bidonvilles, mais nous voyons alors le désordre des maisons, l’éclairage public restreint… Cette photo nous raconte la pauvreté qui suscite les bidonvilles, mais aussi l’organisation, la volonté de vivre normalement qui en émanent. Commission éducation aux droits humains Droits de regards - 33 Photo 51 : Cuba, 2006 Pison de Guantánamo, Cuba, juin 2006. Le centre de détention de Guantánamo est symptomatique des dérives liées à la « guerre contre le terrorisme » menée par les États-Unis depuis les attentats de septembre 2001. Les « ennemis combattants » y sont maintenus au mépris des règles les plus élémentaires du droit international. Deux jours après son élection, Barack Obama a signé un décret de fermeture, non appliqué en raison du blocage du Sénat. ©Pellegrin / Magnum Photos. Notre regard va vers le mirador et explore les lignes qui en partent : grillages, barbelés, rouleaux de barbelés sur les grillages, portails successifs, la photo est saturée de signes de l’enfermement, de la barrière. Pas d’humain, mais tout est fait contre eux, contre leur sortie/ leur entrée, les photos sont interdites, ce qui explique peut-être l’aspect oblique de l’image. Voulu ou non, cet effet accentue la menace véhiculée par la photo : le regard glisse vers le bas, le déséquilibre évoque celui de la situation de Guantanamo. Photo 52 : Darfour, 2007 Darfour, 2007. La guerre civile, commencée en 2003, a fait suite à plusieurs années de tensions ethniques qu’a connues cette région à l’Est du Soudan. Le conflit a fait près de 300 000 morts et entraîné le déplacement de 2,7 millions de personnes. Le procureur de la CPI (Cour Pénale Internationale) a lancé plusieurs mandats d’arrêt internationaux pour crime de génocide, crime de guerre et crime contre l’humanité. © Jan Grarup / Noor Images. La légende parle du Darfour (un Africain est visible au second plan), mais la photo est plus universelle : la femme pourrait être africaine, asiatique, elle incarne la misère et la douleur. C’est une grand-mère, sans doute. Son visage est au centre de la photo, en clair-obscur, ne laissant voir que les rides dues à l’âge et à la douleur, les deux mains sont en évidence et protègent l’enfant, dont le bras nu exprime toute la fragilité. La photo est centrée sur cette attitude resserrée d’une vieille femme protégeant celui qui symbolise l’avenir, l’espoir, mais aussi la précarité. Le linge blanc qui coiffe la femme éclaire cette scène dramatique, les silhouettes au second plan apparaissent menaçantes. 34 Droits de regards Commission éducation aux droits humains Photo 53 : France, sans date L’esclavage en France. L’esclavage est strictement prohibé par le droit international. Pourtant, des formes nouvelles et nombreuses d’asservissement se sont développées que l’on appelle « esclavage moderne ». On estime qu’il y aurait entre 200 et 250 millions d’esclaves dans le monde et les pays développés ne sont pas épargnés. Il s’agit alors souvent de travaux domestiques et d’une forme d’asservissement déguisé. La patronne avait donné une liste de mots : «oui, merci, bonjour et au revoir.» C’était les seuls qu’Aïna, 18 ans avait le droit de prononcer. Sa journée commençait à 6 heures, elle mangeait dans une assiette «à part» les restes du repas de la famille et dormait sur le carrelage de la salle de bain. Aïna avait quitté Tananarive sur la promesse d’un travail, de l’argent pour envoyer à sa famille et la possibilité de poursuivre des études. C’est une voisine qui a remarqué cette «jeune fille maigre qui ne parlait pas». Elle a appelé le CCEM (Comité Contre l’Esclavage Moderne). Ses employeurs ont été condamnés à six mois de prison avec sursis, et 4 500 euros d’amende. ©Raphaël Dallaporta Sans légende, la photo intrigue dans le contexte des autres. On pense au proverbe « l’arbre cache la forêt », même si c’est d’une maison qu’il s’agit ici. Un arbre, donc, qui cache une maison, le tout derrière une haie. Les couleurs et le décor sont anonymes, l’ordre se devine dans la haie bien taillée, l’aisance dans la taille du jardin et la distance des autres maisons, mais sans rien de démesuré. Nous en déduisons que des gens aisés habitent là. C’est la légende qui donne sens à la photo, l’esclavage derrière cette maison banale et proprette. L’isolement relatif devient alors signe d’exclusion pour la jeune femme qui a travaillé ici, elle n’était pas dans un monde solidaire et connu. Commission éducation aux droits humains Droits de regards - 35 Photo 54 : Chine, 2005 Guangdong, Chine, 2005 La plupart des ouvriers de cette usine textile viennent des provinces rurales et ne retournent dans leurs familles qu’une à deux fois par an. Ils sont en général très mal payés et exclus de l’accès à plusieurs de leurs droits (santé, syndicats…). Cette main-d’oeuvre malléable et corvéable incarne l’envers du miracle de la croissance chinoise. © Kadir Van Lohuizen / Noor Images. La contre-plongée agrandit le bâtiment qui déborde du cadre sur les côtés et semble donc très grand, mais surtout uniformément répétitif. Les lignes droites, dures, les alternances de rectangles sombres et d’aplats clairs, les carrés de volets métalliques et les câbles, tout cela évoque la répétition, la monotonie, une forme d’enfermement. Les vêtements pendus dans les loggias attirent le regard qui les balaie et y trouve une nouvelle forme d’uniformité malgré la diversité suggérée. La seule fantaisie réside dans les vêtements isolés, pendus à l’extérieur et qui rompent la régularité de l’ensemble. Mais ils suggèrent l’entassement et l’étroitesse des logements, obligeant à s’étendre à l’extérieur. C’est finalement une évocation de la Chine surpeuplée que nous décryptons. Photo 55 : Indonésie, 2007 Jakarta, Indonésie, 2007. Alors que sa maison a été emportée par les inondations qui ont dévasté la ville en février 2007, cet homme a trouvé refuge sous un pont autoroutier. © Jonas Bendiksen / Magnum Photos. La légende évoque une inondation, mais cet homme abrité sous un pont peut symboliser toutes les victimes de catastrophes naturelles ou sociales. La photo est construite sur une opposition entre les couleurs et le camaïeu de gris. Ce dernier montre un décor fissuré, en décrépitude, fournissant un abri très précaire. La couleur est concentrée sur l’homme et son abri, mais aussi sur les phares des voitures qui défilent au-dessus : autre opposition entre une vie qui continue et une misère extrême. Les cartons suggèrent d’autres occupants, mais seul l’homme est éclairé, de l’intérieur de son abri. Le regard du spectateur va d’abord à cet abri, balaie le sac et les cartons, remonte vers le haut et la droite, vers cet avenir qui semble oublier l’homme et ses semblables. 36 Droits de regards Commission éducation aux droits humains Photo 56 : RDC, 2009 République Démocratique du Congo, 2009. Joseph, 14 ans, enfant soldat démobilisé au centre Don Bosco à Goma, NordKivu. Les enfants soldats ont représenté jusqu’à 40 % des combattants des conflits successifs qu’a connus la RDC ces dernières années. Les programmes de démobilisation et de réinsertion restent insuffisants pour effacer les stigmates d’années passées au combat. D’autres pays : Sri Lanka, Mexique, Colombie... sont touchés par ce phénomène. © Cédric Gerbehaye/ Agence VU’. Photo qui raconte une histoire si on connaît la légende (un enfant-soldat démobilisé). Sans elle, c’est une photo posée, qui dégage une réelle beauté : le cadre est serré, en plan américain, l’adolescent est au centre, son visage dans le tiers du haut. Selon l’accrochage, il nous regarde dans les yeux ou de haut, il affronte le réel sans dureté ni mièvrerie. Son attitude va dans ce sens : bras croisés, torse nu, les muscles mis en valeur, le bord blanc de son pantalon fait ressortir les tons grisés de sa peau, sa coiffe sombre renforce son regard. Seule l’épaule penchant un peu indique un déséquilibre possible. En revanche, le décor délivre un message de fermeture, de barrière, de rigueur et suggère la dureté de la vie passée de l’adolescent. Et de son avenir ? Photo 57 : Égypte, 2008 Ezbet al-Haggana, Le Caire, décembre 2008. Le Caire est une mégalopole de prés de 28 millions d’habitants. Les problèmes d’infrastructures liés à sa croissance sont exponentiels et les autorités tardent à adopter les politiques adéquates. On estime que près de 40 % de ses habitants vivent dans des zones informelles ou des bidonvilles. Ils y sont en général privés des services de base (éducation, soin…). © Philippe Brault / Agence VU’. En couleurs, cette photo raconte une histoire. Notre regard se pose sur le visage de la fillette, au centre de la photo, interroge la trace sur le mur, balaie le décor sordide avant de remonter vers la main à droite et l’ombre de la personne hors cadre. Un parent sans doute. Le visage de l’enfant concentre la lumière, le pull multicolore illumine la scène et transcende un peu ce qu’on y voit. C’est la pauvreté : l’enfant a un toit, mais rien de plus. Que veut la personne qui se tient en retrait ? Le photographe nous montre, c’est tout, à nous de faire des déductions, des hypothèses : lui met en lumière la misère. Commission éducation aux droits humains Droits de regards - 37 Photo 58 : Turquie, 2006 Le long du pipeline BTC, Ilica, Turquie, 2006. Chargé d’acheminer le précieux gaz de l’Azerbaïdjan à la Turquie (et donc l’Europe), cet oléoduc « ignore » l’existence d’une des plus grandes communautés de déplacés du monde, victimes de conflits non ou mal résolus. © Grégoire Eloy. C’est également une photo qui nécessite une légende. Sans elle, nous voyons une scène un peu insolite, mais sans plus : des enfants jouent sur un terrain qui semble mouillé. La construction est triangulaire : la base est le terrain de jeux, la pointe se perd dans le virage en haut. Ceci donne un équilibre à la photo, illuminée par les zones blanches qui s’opposent aux silhouettes noires. Mais on s’étonne des vêtements et en regardant de plus près, on comprend que ce n’est pas de l’eau. Quoi donc ? Le texte nous parle de pipeline et de ravages dus à l’or noir. Cette vie quotidienne que nous apercevions est donc perturbée par la pollution et les enfants jouent dangereusement. La construction là encore révèle une perturbation sous un apparent équilibre. Photo 59 : France, 1996-98 Toulouse. Suite à une dispute cette femme a été battue par son mari sous le regard de ses enfants. Le SAMU est appelé en urgence par la police. La voisine est venue s’occuper de ses quatre enfants pendant son hospitalisation. La violence domestique continue de faire de nombreuses victimes et les autorités tardent à adopter des mesures à même de les protéger de manière durable. © Lizzie Sadin. Sans légende, cette photo donnerait lieu à des interprétations diverses : illustration de la détresse, de l’alcoolisme, de la dépression… La légende dit : violences conjugales. L’absence du mari est essentielle pour la photo qui illustre le tête à tête entre la mère, défaite, blessée au coude, désespérée et vaincue, et l’enfant dont on ne voit pas non plus le visage. On ne peut que supposer ce qu’il ressent : peur, amour, haine, impuissance… Cette confrontation muette, les visages cachés, le décor peu visible, l’enfant qui semble regarder les mains de sa mère que nous regardons aussi et qui, serrées, expriment la douleur, tout ceci montre l’impuissance des victimes, la nôtre aussi peut-être. 38 Droits de regards Commission éducation aux droits humains Itinéraires Ces itinéraires regroupent des photos ayant des points communs, par leur thème (réfugiés, pauvreté, etc) ou les personnes représentées (non-violence, célébrités). Proposition d’itinéraires •Itinéraire 1 : les célébrités de la lutte pour les Droits humains (DH) 4 ph •Itinéraire 2 : ils ont fait le choix de l’action dans la non-violence 8 ph •Itinéraire 3 : les catastrophes industrielles 3 ph •Itinéraire 4 : les génocides et les massacres 9 ph •Itinéraire 5 : la guerre et les barbaries humaines 6 ph •Itinéraire 6 : les centres de détention, zones de non-droit 4 ph •Itinéraire 7 : la pauvreté, l’exclusion 6 ph •Itinéraire 8 : les conflits et certaines de leurs conséquences humaines absurdes et tragiques 5 ph •Itinéraire 9 : les plus jeunes : partout, ils subissent 8 ph •Itinéraire10 : les femmes victimes de leur condition de femme 8 ph •Itinéraire11 : les discriminations raciales 6 ph •Itinéraire12 : les manifestations de foules protestations ou célébrations 6 ph •Itinéraire13 : émigrés, réfugiés, tous tentent de survivre •Itinéraire14 : la peine de mort 10 ph 1 ph •Itinéraire15 : les dictateurs ou gouvernements dictatoriaux à l’origine de situations dramatiques pour la population 6 ph •Itinéraire16 : les guerres qui, par leur durée, ont transformé la vie des populations 12 ph Commission éducation aux droits humains Droits de regards - 39 Exemple de démarche •Choix d’une thématique : les enfants et les violations de leurs droits (8 photos). •Étude des photos en elles-mêmes : en fonction du média choisi (mais le livre reste la référence puisqu’il les contient toutes). •Analyse des violations des droits : retour à la CIDE (Convention internationale relative aux droits de l’enfant) qui les garantit en théorie. •Recherche de solutions : réflexion sur le rôle de la photo pour changer les consciences et faire agir. •Création par les jeunes : photos prises par eux. Itinéraire 1 : les célébrités de la lutte pour les DH Ph 1, 1948. Gandhi, Inde : Il lutte pour l’indépendance de l’Inde qui aboutira en 1947. Il consacre sa vie à lutter contre les discriminations, les inégalités de communautés, pour les femmes. Ph 2, 1959. Le dalaï-lama, Tibet : autorité spirituelle et temporelle du Tibet, il défend l’indépendance de son pays face à l’état chinois. Ph 6, 1964. Martin Luther King, USA : son combat porte sur l’ensemble des droits humains et chacune de ses actions défendait une violation spécifique des droits humains. Ph 37, 1994. Nelson Mandela, Afrique du Sud . Son combat : contre la politique de ségrégation d’apartheid de son pays, pour la réconciliation nationale, pour la lutte contre les inégalités, contre la pauvreté et contre le sida. Itinéraire 2 : ils ont fait le choix de l’action dans la non-violence Ph 1, 1948. Gandhi : il met en place la « méthode de désobéissance civile non-violente » ; la grève de la faim, les rencontres avec les communautés, les discours sont ses leviers. Ph 2, 1959. Le dalaï-lama, Tibet : Autorité spirituelle et temporelle du Tibet, il défend l’indépendance de son pays face aux Chinois, par des manifestations, toutes violemment réprimées. Ph 6, 1964. Martin Luther King : ses outils : les boycotts et les rassemblements pour de grandes marches pacifiques. Ph 37, 1994. Nelson Mandela, Afrique du Sud : malgré une période d’action armée, il commence puis poursuit sa lutte non-violente. Son action se poursuit en prison (grève de la faim…). Ph 28, 1989. The tank man : Pékin. Un homme seul, un rebelle inconnu, sans arme, fait face à la colonne de tanks venus dégager la place Tian’anmen des manifestants qui l’occupaient. 40 Droits de regards Commission éducation aux droits humains Ph 7, 1967. La jeune fille à la marguerite et les baïonnettes, Marche pacifique contre la guerre du Vietnam devant le Pentagone. Ph 27. 1989, Manifestation à Pékin : devant le Grand Palais du Peuple, sit-in pacifique et grève de la faim illimitée des étudiants qui réclament la démocratie et le multipartisme. Ph 18. 1980, Pologne, malgré le régime communiste, une grève de deux semaines aux chantiers navals de Gdansk aboutit à un accord et ouvre la voie aux syndicats indépendants. Itinéraire 3 : les catastrophes industrielles Ph 21. 2004, En Inde, la catastrophe de Bhopal : 4000 morts, plus de 360 000 victimes. Malgré les alertes, une usine de pesticides laisse s’échapper un gaz mortel. Ph 23. 1997, Des enfants de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl : la responsabilité humaine est là aussi entière dans l’accident et dans la gestion catastrophique de ses conséquences planétaires. Ph 58. 2006, Les ravages de l’or noir : l’oléoduc qui traverse l’Azerbaïdjan, la Géorgie et la Turquie. Violations des droits humains : traitements inhumains et dégradants, non respect du droit à la santé, à l’eau, à l’alimentation, déplacements forcés. Itinéraire 4 : les génocides et les massacres Ph 14. 1999, Chili, disparitions des opposants à Pinochet : Plus de 3000 disparus, plus de 35 000 personnes torturées. Ph 13. 1972, Fuite d’une petite fille atteinte par les bombes au napalm, pendant la guerre du Viêtnam. Ph 15. 1995, Une chambre de torture : Cambodge, Génocide par les Khmers rouges : massacres par milliers, tortures sadiques de toutes les catégories de la population. Ph 20. 1982, Salvator, le massacre d’El Mozote : La guerre civile fait plus de 100 000 morts et plusieurs massacres marquent la population. Celui d’El Mozote a fait 1000 morts en moins d’une journée. Tenu secret et nié par le Salvador et les USA, il a été découvert grâce à de rares survivants qui ont tenu à témoigner. Ph 25. 2003, Guatemala, le massacre des Mayas : un peuple, jugé déstabilisateur en raison de ses différences (langue, religion, coutumes), sera victime d’un génocide : 625 massacres, 250 000 morts. Ph 34. 1993, La guerre de Bosnie : les Serbes visent une purification ethnique. Déportations massives, massacres, tortures, viols, pillages… Commission éducation aux droits humains Droits de regards - 41 Ph 35, 1994. Le génocide rwandais : entre 800 000 et un million de personnes sont massacrées sauvagement dans l’indifférence internationale. Ph 52, 2007. La guerre civile au Darfour : plus de 300 000 morts, 2,7 millions de personnes déplacées. Ph 39, 1996. La première guerre de Tchétchénie. Elle fit près de 100 000 morts. Itinéraire 5 : la guerre et les barbaries humaines Ph3, 1961. L’apartheid Ph 8, 1968. Exécution sommaire pendant la guerre du Viêtnam Ph 9, 1968. Maltraitance d’un civil pendant la guerre du Viêtnam Ph 13, Fuite d’une petite fille atteinte par les bombes au napalm, Viêtnam Ph 48, 2003. Irak, à la prison d’Abou Ghraib, Lynndie England, soldat américain, tient un détenu, nu, en laisse. Ph 49, 2002. Angola, victime de mine antipersonnel Itinéraire 6 : les centres de détention, zones de non-droit Ph 51, 2006. Cuba, la prison américaine de Guantanamo. Ph 48, 2003. Irak, à la prison d’Abou Ghraib, Lynndie England, soldat américain, tient un détenu, nu, en laisse. Ph 15, 1995. Cambodge, le lycée de Tuol Sleng transformé en centre de torture. Ph 46, Neh Delhi : Children Observatoire Home n°2 : saleté, promiscuité, violence, mauvaise alimentation, détentions sans inculpation ni jugement. Itinéraire 7 : la pauvreté,intégrée ou marginale, l’exclusion Ph 50, 2005. Les barrios de Caracas, les bidonvilles. Le nombre de personnes vivant dans les bidonvilles croît dans le monde au rythme de 30 à 50 millions de personnes par an. Ph 57, 2008. Un bidonville du Caire : Ezbet al-Haggana, au pied du Sinaï, a, alors, une population d’un million d’habitants, totalement ignorée des autorités ; insalubrité, insécurité y règnent. Ph 11, 1968-1969. La pauvreté disqualifiante. Sans-abri irlandais à Londres : cette nouvelle pauvreté, fruit de la montée de la précarité. En Europe, le nombre de SDF se chiffre par centaines de milliers. Ph 55, 2007. Les inondations à Jakarta, Indonésie : un refuge sous un pont autoroutier. 42 Droits de regards Commission éducation aux droits humains Ph 36, 1994. Les exclus aux États-Unis : on estime en 2011 à 3,5 millions le nombre de personnes sans abri dont 1,4 million d’enfants. Ph 19, 1981. L’insécurité à Moscou : dans toutes les grandes villes, occidentales en particulier, la pauvreté, les difficultés économiques, le chômage, les conditions de logement, les déséquilibres trop visibles dans nos sociétés de consommation, parfois des forces de l’ordre corrompues, sont à la source de réactions d’agressivité, de violences et de dérives de toutes sortes. Itinéraire 8 : les conflits et certaines de leurs conséquences humaines absurdes et tragiques Ph 4, 1963. La construction du mur de Berlin : deux frères se retrouvent à l’occasion de Noël Ph 29, 1989. Chute du mur de Berlin : Jeune homme enjambant le Mur. Ph 16, 1999. « Mères de la place de Mai » à Buenos Aires. Défilé hebdomadaire des mères des jeunes disparus du régime de Videla. Ph 42, 2000. Femme russe, épouse d’un Tchétchène, pendant la seconde guerre de Tchétchénie, qui ne peut pas faire de choix. Ph 44, 2001. L’attentat du 11 septembre 2001 : 2995 morts victimes du terrorisme politique. Itinéraire 9 : les plus jeunes : partout, ils subissent Ph 13, 1972. Fuite d’une petite fille atteinte par les bombes au napalm, la guerre du Viêtnam. Ph 56, 2009. Les enfants soldats au Congo : plusieurs centaines de milliers dans le monde en 2011. Utilisés aussi comme espions, porteurs, esclaves sexuels, ils représentaient jusqu’à 40% de certains groupes armés (dont quelquefois 40% de filles). Ph 46, Children Observatoire Home n°2 à Neh Delhi : saleté, promiscuité, violence, mauvaise alimentation. Détentions sans inculpation ni jugement. Ph 45, 2001. Indonésie, l’esclavage des enfants. Ph 57, 2008. Les bidonvilles du Caire : les enfants sont les plus atteints par la pauvreté. Ph 33, 1993. Tourisme sexuel en Thaïlande : la pauvreté, le statut inférieur des filles fait que la prostitution enfantine est en forte augmentation. Ph 36, 1994. Les exclus aux États-Unis : on estime en 2011 à 3,5 millions le nombre de personnes sans abri dont 1,4 million d’enfants qui, dans ces conditions de promiscuité, sont la proie de tous les abus. Commission éducation aux droits humains Droits de regards - 43 Ph 47, 2002. Le droit à l’éducation : l’un des États les plus pauvres de l’Inde a ouvert son « Collège aux pieds nus ». Itinéraire 10 : les femmes, victimes de leur condition de femme Ph 59, 1996,1998. Violences conjugales à Toulouse : toutes sortes de violences, de privations et de contraintes très souvent cachées, tues et niées par les victimes elles-mêmes. Ph 5, 1962. Référendum sur l’indépendance de l’Algérie : les femmes sans visage ne seront qu’une somme de bulletins contrôlés. Ph 24, 1986. Iran, femmes armées pour la guerre contre l’Irak : victimes de leur condition de femmes, elles sont aussi soumises aux abus sexuels. Ph 53, France, esclavage domestique : sous menaces de sévices corporels ou psychologiques, un très grand nombre de jeunes femmes étrangères sont asservies. Ph 54, 2005. La discrimination dont les femmes sont globalement victimes en Chine : Les jeunes travailleuses de l’industrie textile ; leurs conditions de travail, leur parcours, qui sont-elles ? Ph 38, 1996. Le rapt des fiancées au Caucase : Fatima, 18 ans, est une fiancée enlevée. Elle a été vendue 1 000 dollars. Ph 16, 1999. « Mères de la place de Mai » à Buenos Aires. Défilé hebdomadaire des mères des jeunes disparus du régime de Videla. Ph 47, 2002. Le droit à l’éducation : l’un des États les plus pauvres de l’Inde a ouvert son « Collège aux pieds nus ». Le soir, un cours est spécialement adapté aux femmes. Itinéraire 11 : les discriminations raciales Ph 12, 1968. Manifestations pendant les jeux olympiques de Mexico. Ph 37, 1994. Nelson Mandela, Afrique du Sud : malgré une période d’action armée, il commence puis poursuit sa lutte non-violente. Son action se poursuit en prison (grève de la faim,…). Ph 3, 1961. L’apartheid en Afrique du Sud : les noirs, constituant 70% de la population étaient privés du droit de vote, soumis à une ségrégation résidentielle. Les relations sexuelles interraciales étaient interdites. Ph 6, 1964. Martin Luther King, USA : son combat qui vise à faire garantir les mêmes droits civiques à tous les citoyens américains, a commencé par le boycott des bus de Montgomery, après la condamnation d’une femme noire ayant refusé de donner sa place dans un bus à un homme blanc. Ph 34, 1993. La guerre de Bosnie : les Serbes visent une purification ethnique. Déportations massives, massacres, tortures, viols, pillages… 44 Droits de regards Commission éducation aux droits humains Ph 25, 2003. 36 ans de tueries au Guatemala, dont 10 ans de « politique de la terre brûlée » contre le peuple des Mayas : jugé déstabilisateur en raison de ses différences (langue, religion, coutumes), il sera victime d’un génocide : 625 massacres, 250 000 morts. Itinéraire 12 : les manifestations de foules, protestations ou célébrations Ph 10, 1968. Le Printemps de Prague : en Tchécoslovaquie, les mouvements de contestation contre les abus du régime ont pris corps et leur pression fait peur : les troupes russes investissent Prague. La population offre une résistance passive mais comptera près de 90 tués et plusieurs centaines de blessés. Ph 16, 1999. « Mères de la place de Mai » à Buenos Aires. Défilé hebdomadaire des mères des jeunes disparus du régime de Videla. Ph 7, 1967. La jeune fille à la marguerite et les baïonnettes, marche pacifique contre la guerre du Vietnam devant le Pentagone. Ph 27, 1989. Manifestation à Pékin : devant le Grand Palais du Peuple, sit-in pacifique et grève de la faim illimitée des étudiants qui réclament la démocratie et le multipartisme. Ph 18, 1980. Pologne, malgré le régime communiste, une grève de deux semaines aux chantiers navals de Gdansk aboutit à un accord et ouvre la voie aux syndicats indépendants. Ph 6, 1964. Martin Luther King. Ses outils : les boycotts et les rassemblements pour de grandes marches pacifiques. Itinéraire 13 : Émigrés, réfugiés, tous tentent de survivre Ph 26,1988. Réfugiés du Sud-Soudan : sur une population de l’ordre de 9 millions d’habitants, on estime que les deux guerres (pendant 40 ans) ont fait plus de 2 millions de morts et que 4 millions ont été déplacées. Ces exodes se sont faits dans les pires conditions (guerres, famine, sécheresse) Ph 22, 1984. Éthiopie, camp de réfugiés au Sahel : la fuite des grandes sécheresses et des conditions inhumaines de survie, malgré les interventions humanitaires. (famine, émigration environnementale) Ph 52, 2007. La guerre civile au Darfour : plus de 300 000 morts, 2,7 millions de personnes déplacées (guerre, sécheresse, famine). Ph 31, 1991. L’exode albanais : réfugié albanais arrivant en Grèce. Entre 1990 et 1991, le nombre d’Albanais fuyant la pauvreté est estimé à environ 200 000. Commission éducation aux droits humains Droits de regards - 45 Ph 41, 2000. Haïtiens clandestins vers les côtes américaines : Haïti, pays ruiné, exsangue, où les trois quarts des habitants vivent sous le seuil de pauvreté ; c’est la population la plus pauvre, peu instruite, souvent analphabète, qui tente d’émigrer vers les États-Unis sur des barques surchargées et sans sécurité et qui est exploitée par les passeurs (migration économique). Ph 17, 1980. Réfugiés cubains en Floride : le gouvernement de Castro commence par des expulsions des Cubains dont il ne veut plus, vers les États-Unis. Par la suite, à cause des difficultés économiques, d’autres exodes suivront, là encore, sur des embarcations de fortune, pour un destin incertain (exode économique). Ph 32, 1992. L’immigration mexicaine aux États Unis : au Mexique, un père et sa fille cherchent à entrer illégalement aux États-Unis, leur situation les conduit vers des risques qu’ils ne peuvent mesurer : les passeurs arnaqueurs, les eaux du Rio Bravo, le désert de l’Arizona. S’ils arrivent, ils devront se cacher et seront la proie des exploiteurs. Ph 30, 1990. Immigrés clandestins en Grèce : la Grèce viole nombre des droits des demandeurs d’asile, les textes internationaux et les règlements de l’Union européenne concernant les conditions faites aux migrants. Ph 40, 1996. Camp de réfugiés palestiniens à Rafah, Gaza (guerre ). Ph 4, 1963. La construction du mur de Berlin : 2,5 à 3 millions d’Allemands fuient la RDA. Itinéraire 14 : La peine de mort Ph 43, 2000. La peine capitale aux États Unis : le frère de M. Kitchen et sa famille durant son exécution, devant le pénitencier de Walls Unit, au Texas. Itinéraire 15 : les dictateurs ou gouvernements dictatoriaux à l’origine de situations dramatiques pour la population de leur pays Ph 14, 1999. Chili, disparitions des opposants à Pinochet : plus de 3000 disparus, plus de 35 000 personnes torturées. Ph 15, 1995. Une chambre de torture : Cambodge, Pol Pot, génocide par les Khmers rouges. Massacres par milliers, tortures sadiques de toutes les catégories de la population. Ph 16, 1999. « Mères de la place de Mai » à Buenos Aires. Défilé hebdomadaire des mères des jeunes disparus du régime de Videla. Ph 17, 1980. Réfugiés cubains en Floride : le gouvernement de Castro commence par des expulsions des cubains dont il ne veut plus, vers les États-Unis. Par la suite, à cause des difficultés économiques, d’autres exodes suivront, là encore, sur des embarcations de fortune, pour un destin incertain (exode économique). 46 Droits de regards Commission éducation aux droits humains Ph 27, 1989. Manifestation à Pékin : devant le Grand Palais du Peuple, sit-in pacifique et grève de la faim illimitée des étudiants qui réclament la démocratie et le multipartisme. Ph 31, 1991. L’exode albanais fuyant le communisme : réfugié albanais arrivant en Grèce. Entre 1990 et 1991, le nombre d’Albanais fuyant la pauvreté est estimé à 200 000 personnes. Itinéraire 16 : les guerres qui, par leur durée, ont transformé la vie des populations Ph 26,1988. Réfugiés du Sud-Soudan : après 40 ans de guerres civiles, sur une population de l’ordre de 9 millions d’habitants, on estime que les deux guerres ont fait plus de 2 millions de morts et que 4 millions ont été déplacées. Ces exodes se sont faits dans les pires conditions (guerres, famine, sécheresse). Ph 24, 1986. Iran contre Irak. Ph 2, 1959. Le Tibet défend l’indépendance de son pays face aux Chinois depuis près d’un siècle. Ph 8, 1968 ; Ph 9, 1968 ; Ph 13, 1972. La guerre du Viêtnam, 8 ans pour s’opposer aux Français, puis 16 ans contre les États-Unis. Ph 15, 1995. Au Cambodge, pendant 30 ans: massacres par milliers, tortures sadiques de toutes les catégories de la population par les Khmers rouges. Ph 20, 1982. Salvador : 12 ans d’une guerre civile qui fait plus de 100 000 morts et plusieurs massacres marquent la population. Tenu secret et nié par le Salvador et les USA, ce massacre a été découvert grâce à de rares survivants qui ont tenu à témoigner. Ph 42, 2000. 12 ans de guerre de Tchétchénie. Ph 25, 2003. 36 ans de tueries au Guatemala, dont 10 ans de « politique de la terre brûlée » contre le peuple des Mayas : jugé déstabilisateur en raison de ses différences (langue, religion, coutumes), il sera victime d’un génocide : 625 massacres, 250 000 morts. Ph 35, 1994. La guerre civile rwandaise : pendant 35 ans entre 800 000 et un million de personnes sont massacrées sauvagement dans l’indifférence internationale. Ph 40, 1996. Camp de réfugiés palestiniens à Rafah, Gaza. Commission éducation aux droits humains Droits de regards - 47 Contacts Odile de Courcy Service de soutien à l’action - Éducation aux droits humains Tél : 01 53 38 65 14 (sauf mercredi) [email protected] Commission éducation aux droits humains [email protected] Amnesty International 76, boulevard de la Villette - 75940 Paris cedex 19 http://www.amnesty.fr/ Contact local :