Discours d`installation PR EVRY

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Discours d`installation PR EVRY
Discours de présentation de Madame Marie-Suzanne LE QUEAU
Procureure de la République
Prés le tribunal de grande instance d’Evry
14 juin 2010
En regardant cette assemblée réunie pour cette audience de
présentation, je mesure pleinement les responsabilités qui
m’incombent désormais en ma qualité de chef de juridiction et
de chef de parquet. Je les exercerai avec détermination et
lucidité au nom de la communauté des magistrats que je
représente.
Monsieur le Président,
Je vous remercie de la qualité de votre accueil et de vos
propos de bienvenue. Nous ne nous sommes pas choisis mais
vous pouvez être assuré de ma collaboration sans réserve. Vos
qualités professionnelles et humaines qui sont reconnues et
appréciées au-delà de l’hexagone seront pour moi une aide très
précieuse dans les missions d’administration et de direction de
ce tribunal, qui nous incombent. Investis de rôles différents
mais complémentaires, dans le cadre dyarchique propre à
l’institution judiciaire française, nous oeuvrerons ensemble au
nom de l’intérêt général de cette juridiction qu’il s’agisse du
bon fonctionnement de l’ensemble des services, de
l’amélioration des conditions de travail, de la gestion du
budget alloué à l’arrondissement judiciaire et de la conduite
des projets immobiliers.
Monsieur le Premier Président,
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Je vous sais gré de la qualité de votre accueil. Je sais toute
l’attention bienveillante que vous porterez à cette juridiction
pour lui permettre d’exercer au mieux les missions qui sont les
siennes.
Monsieur le Procureur général,
Je tiens à vous remercier, ainsi que vos collaborateurs les plus
proches, de l’accueil que vous m’avez réservé. Nous
approfondirons ensemble la découverte de ce tribunal, à nos
rangs hiérarchiques respectifs. Je m’emploierai à ce que ce
parquet mette en œuvre les orientations que vous avez ou que
vous aurez tracées.
Monsieur le Procureur adjoint,
Vous avez assuré la direction de ce parquet depuis le départ de
mon prédécesseur. Je sais combien vous avez assumé cette
fonction avec compétence et intelligence sans perdre pour
autant l’humour qui vous caractérise, si j’en crois tous ceux
qui ont travaillé avec vous. La richesse de votre parcours
professionnel laissait augurer de la qualité des relations qui
auraient été les nôtres si une très récente transparence n’avait
pas annoncé, et je le regrette, votre départ programmé pour le
parquet général près la cour d’appel de PARIS.
Je sais aussi pouvoir m’appuyer sur les deux autres procureurs
adjoints. Leur parfaite connaissance de la juridiction et leur
grande expérience professionnelle vont être un atout précieux
pour moi dans la direction de ce parquet qui pâtit, comme
d’autres parquets où j’ai exercé mes fonctions, de l’absence
d’encadrement intermédiaire.
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Je m’associe à l’hommage juste et mérité que vous avez rendu
à mon prédécesseur, désormais en charge du parquet général
de la cour d’appel de Reims, qui a marqué de son empreinte
cette juridiction pour y avoir exercé ses fonctions pendant plus
de six ans dans un contexte difficile.
En parlant d’empreintes, mes pensées se tournent vers ceux
avec lesquels j’ai eu la chance de travailler et qui sont devenus
des figures tutélaires dans l’exercice de mes fonctions dont je
convoque en secret l’esprit lorsque la nécessité fait loi. La
présence aujourd’hui de Monsieur INGALL-MONTAGNIER,
procureur général près la cour d’appel de Versailles, de
Monsieur VUILLEMIN, procureur général honoraire, membre
du Conseil supérieur de la Magistrature, de Monsieur
MAZARD, avocat général près la cour de cassation, me
permettent publiquement de les remercier de leur fidélité à
mon égard et de leur assurer de ma gratitude pour l’exemple
qu’ils constituent pour moi.
Aux membres du parquet,
Je voudrai dire ma très grande satisfaction de prendre la tête
d’une équipe de magistrats, jeunes dans la fonction pour une
grande majorité d’entre eux, dont le dynamisme et
l’enthousiasme sont indispensables au bon fonctionnement de
ce parquet confronté à une charge de travail certaine et à une
multiplicité de tâches parfois harassantes. Je travaillerai avec
vous sur le fondement d’une relation institutionnelle claire
découlant des principes qui gouvernent l’organisation du
Ministère public.
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Il est en effet de ma responsabilité de fédérer cette équipe de
procureurs de la République adjoints, de vice procureurs et de
substituts, d’assurer sa cohésion et de garantir son unité en
travaillant, chacun à la place qui est la nôtre, dans le strict
respect à la fois de nos obligations déontologiques et de notre
statut. Notre action, au service de l’intérêt général, trouve sa
pleine légitimité dès l’instant où elle est le reflet de notre
identité de magistrat et où elle s’inscrit dans un cadre
déontologique défini par le serment que nous avons prêtés.
La confiance et la solidarité au sein d’un parquet ne se
décrètent pas. Elles reposent sur un principe déontologique
essentiel, celui de la loyauté, qui trouve sa concrétisation dans
le devoir de rendre compte au procureur de la République, de
manière complète et objective, comme le chef du parquet,
également soumis à une subordination hiérarchique, agit à
l’égard du procureur général. C’est la conception que j’ai de
mes fonctions et sur laquelle je ne transige pas, en appelant
chaque magistrat de ce parquet à faire preuve à tout instant
d’exigence et de vigilance pour ne jamais s’éloigner des
fondements éthiques de son action qui en font un serviteur de
la Loi et de l’intérêt général. Si l’action est collective, la
responsabilité reste individuelle.
Mesdames et Messieurs,
Il m’appartient d’assurer la direction de l’action publique dans
le département de l’Essonne. Il serait présomptueux de ma
part d’exposer en détail ce que sera mon action à la tête de ce
parquet, au risque de vous décevoir, alors que j’ai pris mes
fonctions récemment et que je n’ai pas encore eu le temps
d’acquérir une vision complète de la situation.
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Il est vrai qu’à partir des entretiens que j’ai eus avec des
partenaires institutionnels, des rapports qui m’ont été
communiqués et des éléments chiffrés en ma possession, mais
également au regard de l’activité quotidienne des services de
permanence de ce parquet, j’ai pu, à ce stade, identifier trois
domaines d’action prioritaires que sont la lutte contre les
violences envers les personnes, notamment celles commises
dans les transports collectifs, la lutte contre les bandes qui
contribuent au sentiment d’insécurité ressenti par les habitants
des quartiers et la lutte contre la délinquance des mineurs dont
le niveau, dans ce département, reste supérieur à celui de la
moyenne nationale.
Dans ces domaines, comme en matière de traitement de
contentieux de masse, j’entends mettre en application une
action publique cohérente, efficace et lisible fondée sur une
démarche pragmatique et réaliste.
- une action publique cohérente
S’agissant de la cohérence, l’action publique menée dans ce
département sera la déclinaison, au plan local, de la politique
d’action publique conduite par le Garde des Sceaux au plan
national relayée au niveau régional par les directives du
procureur général. A partir du diagnostic que j’ai commencé à
dresser, j’arrêterai une politique d’ensemble fixant clairement
les priorités et précisant les modes de traitement des
infractions constatées.
Cette politique locale sera, une fois débattue en interne et
arrêtée, appliquée par les membres de ce parquet. En effet, il
n’est pas concevable que les réponses données à des
infractions identiques relevant notamment des contentieux de
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masse soient différentes selon la personnalité de celui qui a
pris la décision. Je veillerai tout particulièrement au respect de
ce principe qui donne à l’action du parquet, dans son
ensemble, sa force et sa légitimité.
La concertation avec le Préfet de ce département sera
également recherchée dans le cadre de l’Etat-major de sécurité
afin de mieux coordonner l’action de l’Etat et d’assurer un
pilotage et un suivi très fins des politiques en matière de
sécurité.
- une politique pénale efficace
S’agissant de l’efficacité, l’action publique menée dans ce
département sera guidée par le souci d’apporter une réponse
judiciaire rapide, proportionnelle et appliquée à tout auteur
d’infraction élucidée.
Toutes les réponses pénales, de la troisième voie aux
poursuites devant la juridiction de jugement, ont leur place et
leur légitimité dès l’instant où elles sont adaptées à la gravité
de l’acte et à la personnalité du délinquant. L’audience se doit
d’être réservée aux affaires contestées ou complexes, aux
prévenus pour lesquels une peine sévère est envisagée.
L’ordonnance pénale et la comparution sur reconnaissance
préalable de culpabilité ont vocation à être développées.
La politique pénale arrêtée par ce parquet sera exposée aux
magistrats du siège, lors des assemblées générales et de la
conférence pénale. Sa mise en œuvre suppose en effet une
étroite concertation entre les autorités de poursuite et celles de
jugement. Il s’agit de s’accorder sur des modes de poursuite
pour des infractions relevant des contentieux de masse dans le
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souci bien compris d’assurer l’égalité du citoyen devant la loi.
Sans un siège qui s’adapte à la politique pénale définie par le
parquet, il ne peut pas y avoir de cohérence et d’efficacité
dans le champ pénal. En revanche, les peines prononcées qui,
elles aussi, concourent à la lisibilité de l’action pénale d’une
juridiction, relèvent de l’essence même du travail du juge et
constituent le cœur de l’indépendance juridictionnelle. Il est
du devoir d’un procureur de la République de veiller à ce que
cette séparation, à ce stade du processus décisionnel, soit
maintenue.
Cette politique pénale suppose également, dans certains cas,
la participation des membres du barreau qui seront consultés et
dont les avis seront écoutés.
L’objectif poursuivi, vous l’avez compris, est de mettre à
exécution, dans des délais raisonnables, les peines prononcées
dans leur ensemble. J’attacherai une importance particulière
au bon fonctionnement du service de l’exécution des peines et
du bureau de l’exécution des peines. La certitude d’avoir à
exécuter la sanction prononcée participe pleinement au
processus de réinsertion du condamné et contribue à
l’apaisement social par la prise en compte de la victime. Il y a
une attente très forte de nos concitoyens à cet égard à laquelle
nous nous devons de répondre, ne serait ce qu’en terme de
crédibilité dans l’action qui est la nôtre.
De surcroît, la question de l’exécution des peines revêt une
importance toute particulière pour ce parquet qui est en charge
de la population carcérale de la maison d’arrêt de FLEURY
MEROGIS dont il m’est dit qu’elle est la plus grande prison
d’Europe, du monde peut-être. A cet égard, le parquet et le
service de l’application des peines de ce tribunal sont un
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laboratoire expérimental pour l’application de toutes nouvelles
dispositions législatives en la matière et pour penser, dans sa
globalité, la question de l’exécution des peines en lien étroit
avec les membres de l’administration pénitentiaire. J’entends
faire de cette singularité un axe fort de l’action de ce parquet.
Pour parvenir aux objectifs ainsi définis, je conduirai à son
terme, avec la directrice de greffe et ses adjoints, la
réorganisation des services de la chaîne pénale qui ont fait
l’objet d’un audit interne de très grande qualité. L’expérience
m’a en effet enseigné que des organisations adaptées aux
modes de poursuite, par la fin de la parcellisation des tâches
notamment, permettaient d’optimiser le travail des
fonctionnaires, de faire évoluer leurs tâches pour passer d’un
travail d’exécution à un contrôle de la qualité des procédures
et de contribuer ainsi à une exécution plus rapide des décisions
de justice.
Ce travail s’inscrit dans un mouvement plus vaste qui
conduira cette juridiction à moderniser ses méthodes de travail
par le développement des nouvelles technologies, par le
recours accru à la dématérialisation des procédures et par le
déploiement du bureau d’ordre pénal national Cassiopée.
Nous répondrons collectivement à ces nouveaux défis qui
préfigurent les conditions dans lesquelles la Justice sera
rendue demain.
- une politique pénale lisible
S’agissant de la lisibilité, il appartient à un parquet
responsable d’expliquer les choix d’action publique qui sont
les siens et de rendre compte de son action. A cet égard, je
m’attacherai à développer les relations partenariales avec les
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maires qui ont aujourd’hui un rôle essentiel en matière de
prévention de la délinquance. Je serai présente dans les
instances locales de concertation et d’échanges avec les élus,
notamment lors des réunions des conseils locaux de sécurité et
de prévention de la délinquance. Je présiderai des groupes
locaux de traitement de la délinquance qui seront créés dans
les quartiers où la sécurité des habitants n’est pas pleinement
garantie.
Je proposerai également aux élus des rencontres selon une
périodicité à terminer pour répondre à leurs préoccupations
dans le champ de la sécurité et leur apporter les explications
nécessaires à leurs légitimes interrogations sur l’action de ce
parquet.
Monsieur le Préfet,
Je suis très sensible à la considération que vous portez à
l’institution judiciaire en honorant de votre présence cette
audience de présentation. Je tiens à vous assurer, dans le
respect de nos compétences respectives, de ma volonté de
travailler avec vous, au service des habitants de ce
département, pour obtenir les meilleurs résultats possibles
dans le champ de la sécurité.
Messieurs et Mesdames les chefs des services de la
Police et de la Gendarmerie,
Guidée par le souci d’augmenter le taux d’élucidation des
affaires et de soumettre aux magistrats du siège des procédures
de qualité leur permettant de prononcer des sanctions
adaptées, les orientations de politique pénale que j’arrêterai
prendront en compte les analyses pertinentes que vous réalisez
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sur l’état de la délinquance dans ce ressort. Je vous réunirai
très régulièrement pour vous exposer les objectifs, les choix et
les priorités tels que je les aurais arrêtées, faire le point sur le
traitement de la délinquance en général et sur des dossiers en
particulier, aborder les difficultés rencontrées. Je rencontrerai
également les officiers et agents de police judiciaire de terrain
en me déplaçant sur leur lieu de travail le plus souvent
possible.
J’exercerai pleinement les pouvoirs de direction de la police
judiciaire qui m’incombent à travers le choix du service
d’enquête et le mode procédural de traitement des dossiers. Je
serai particulièrement attentive à ce que les affaires ne
subissent pas de retards injustifiés avant leur transmission au
parquet.
Soyez assurés que des réponses pénales empreintes d’une
grande fermeté seront apportées aux agressions dont les
fonctionnaires placés sous votre autorité sont les victimes.
Dans ce domaine, la même ligne directrice s’appliquera à
l’égard des actes de violences commis envers les membres de
l’administration pénitentiaire. J’y veillerai personnellement.
Madame La Directrice de greffe,
J’ai déjà pu mesurer les difficultés auxquelles le greffe de
cette juridiction est confronté et, dans le même temps, être
frappée par la forte implication des fonctionnaires dans les
tâches qui leur sont confiées et par leur conscience
professionnelle. Vous trouverez toujours auprès de moi une
oreille particulièrement attentive à toutes les questions
relatives au greffe. Je sais en effet les interrogations et les
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inquiétudes que peut faire naître chez les agents de cette
juridiction la réforme indispensable des services de la chaîne
pénale qui s’annonce. C’est en portant une attention soutenue
à leurs préoccupations, en améliorant leurs conditions de
travail et en sauvegardant la qualité des relations que nous
parviendrons à mener à son terme ce chantier ambitieux et à
transformer en profondeur cette juridiction.
Monsieur le Bâtonnier,
Je vous remercie pour l’accueil que vous m’avez réservé et
pour la franchise de votre propos quant aux améliorations
attendues par le barreau dans le champ pénal. Nous sommes
tous ici convaincus que la Justice ne peut pas être rendue, dans
des conditions démocratiques, sans une défense libre et forte.
A cet égard, les conditions dans lesquelles le justiciable a
accès au droit et au juge méritent toute notre attention.
A un moment où la profession d’avocat est en pleine
évolution, comme le sont également les fonctions que nous
exerçons, je souhaite développer avec vous des relations
régulières et suivies car je n’envisage pas de difficultés qui ne
pourraient pas trouver de solutions dans un dialogue
constructif, fondé sur le respect mutuel.
Je remercie toutes les autorités et personnalités civiles,
militaires et religieuses qui ont bien voulu assister à cette
audience de présentation en dépit de leurs obligations
professionnelles. Au-delà de la légitime curiosité que peut
faire naître l’arrivée d’un nouveau procureur de la République,
votre présence témoigne de l’intérêt que vous portez à
l’institution judiciaire dans son ensemble. Je n’ai pas encore
pu me présenter à chacun d’entre vous en raison de ma prise
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de fonctions récente. Je vous rencontrerai dans les semaines à
venir.
Je suis très sensible à la présence, à cette audience, des chefs
de la cour d’appel de Rouen. J’imagine le caractère particulier
que revêt ce déplacement pour le premier président qui m’a dit
revenir, pour la première fois, dans cette juridiction depuis
qu’il a cessé d’y exercer les fonctions de président.
Je tiens à remercier la procureure générale près la cour d’appel
de Besançon, le président et le directeur de greffe du tribunal
de grande instance d’Evreux, ainsi que les membres de mon
ancien parquet, qui me font l’amitié de venir m’entourer
aujourd’hui.
Mes pensées vont enfin à toute ma famille et à mes amis,
présents ou absents en ce lieu, qui portent sur moi, quand il le
faut, un regard parfois critique, mais toujours bienveillant.
Lorsque j’ai pénétré, pour la première fois, dans la salle des
pas perdus de ce palais de justice à l’architecture
contemporaine, j’ai été saisie par la force qui se dégageait des
lieux résultant tout à la fois de ses proportions harmonieuses,
rythmées par ses colonnes en forme de palmiers, de sa
simplicité découlant de l’utilisation du béton brut et de son
austérité liée à sa couleur minérale adoucie par la présence du
jardin mitoyen et par l’ouverture sur le bassin. A l’image de ce
palais de justice, avec le concours de chacun d’entre vous, je
formule le vœu de bâtir une Justice accessible, efficace, forte
et humaine. J’aurai alors le sentiment d’accomplir mon devoir.
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