Modélisation numérique et réalisation par stéréolithographie d`un
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Modélisation numérique et réalisation par stéréolithographie d`un
Modélisation numérique et réalisation par stéréolithographie d’un crâne d’homo erectus à partir de rapprochement virtuel de fragments fossiles complémentaires. Farid Taha 1,2, François Pérès 3, Marie-Antoinette de Lumley 4, Jean-Luc Voisin 4 Emmanuel Cabanis5, Bernard Devauchelle1 1 CHU d’Amiens Service de Chirurgie maxillo-faciale CHU Nord Place Victor Pauchet 80 054 Amiens Tél : 03.22.66.83.25 3 Ecole Centrale Paris CREATE Laboratoire Productique Logistique 2 Université de Technologie de Compiègne Centre de recherche de Royallieu BP20529 60205 Compiègne Tél : 03.43.23.45.50 E-mail : [email protected] Grande voie des Vignes 92295 Châtenay-Malabry 4 Muséum d’Histoire Naturelle 5 Centre Hospitalier National d'Ophtalmologie Institut de Paléontologie Humaine Laboratoire de Préhistoire 1, rue rené Panhard F-75013 Paris Service de Neuroimagerie Tél : 01.55.43.27.17 Fax : 01.43.31.22.79 E-mail : [email protected] Tél : 01-40-02-16-54 E-mail : [email protected] Tél : 01.41.13.16.06 Fax : 01.41.13.12.72 E-mail : [email protected] 28 rue de Charenton 75551 Paris Cedex 12 RESUME Le laboratoire de Préhistoire du Muséum National d’Histoire Naturelle poursuit depuis plusieurs années l’étude de crânes d’Hominidés fossiles et plus particulièrement d’Homo erectus, découverts dans diverses régions du monde notamment en Afrique, en Géorgie, en Europe, en Chine et en Indonésie. L’étude paléoanthropologique de ces crânes a pour but de reconstituer l’arbre généalogique de l’évolution de l’Homme et de mieux connaître et d’expliquer la diversité des Homo erectus sur les différents continents. Ces crânes sont généralement conservés dans les salles fortes des institutions des pays où ils ont été découverts et sont donc peu accessibles. Même l’observation directe du crâne lorsqu’elle est réalisée ne permet pas l’accès aux structures internes : empreintes de la vascularisation interne de la boite crânienne, cavités sinusales de la face, structure de l’oreille interne, épaisseur et structure des différents tissus osseux, etc.… Aujourd’hui les techniques numériques et celles du prototypage rapide permettent de remédier à ces problèmes en autorisant des reconstitutions virtuelles ou physiques de crânes pour leur étude scientifique. Le papier présenté traite de cette nouvelle perspective qui s’ouvre au monde de la paléontologie. INTRODUCTION L’observation des fossiles et plus particulièrement des crânes est sans doute à l’heure actuelle le meilleur moyen pour l’homme de connaître les mécanismes ayant conduit à son évolution. L’étude des fossiles est cependant freinée par deux obstacles majeurs. Le premier concerne la fragilité évidente des objets retrouvés qui empêche trop de manipulations. Le deuxième est lié au caractère unique des pièces interdisant des reconstitutions physiques par ajustage et assemblage de crânes distincts qui conduirait à leur destruction partielle. Les nouvelles technologies numériques et du prototypage rapide permettent aujourd’hui d’étudier en détail ces fossiles sans crainte d’endommager les originaux. L’objectif de ce papier est de décrire les différents maillons de l’étude qui a été menée. Le papier est divisé en cinq parties. La première se veut descriptive des enjeux du travail de recherche axé autour de la restitution de crânes fossiles pour améliorer la connaissance de leur anatomie, les comparer entre eux et les replacer dans leur cadre taxonomique. Les deuxième et troisième parties amorcent le travail de recherche. Elles concernent d’une part l’acquisition des données numériques par utilisation de scanner médical pour la reconstitution numérique des fragments ou parties de crânes et d’autre part le rapprochement virtuel et l’ajustement de parties de crânes complémentaires. En quatrième et dernière partie, la fabrication des crânes par stéréolithographie est abordée. Une justification est faite du choix de la technologie de stéréolithographie et le protocole de réalisation est décrit. CONTEXTE ET ENJEUX L’étude des différents crânes humains fossiles est délicate mais présente pourtant un intérêt majeur pour la compréhension de l’évolution du genre Homo et l’interprétation de la diversité morphologique au sein des espèces humaines fossiles. Cependant, l’étude complète de ces pièces est difficile pour trois raisons majeures : - Les crânes fossiles sont rares et très fragiles. A chaque manipulation, le risque de perdre une pièce importante de notre histoire est loin d’être négligeable. - Toutes les pièces fossiles originales, et plus particulièrement les crânes, sont conservés dans des chambres fortes de différents pays du monde, tels que le Kenya, l’Ethiopie, la Chine, la Géorgie, la France, … - L’accès aux structures internes du crâne, tels que l’oreille interne, les cavités sinusales de la face, l’épaisseur et la structure des différents tissus osseux, les empreintes de la vascularisation interne de la boite crânienne, … est impossible par des méthodes d’investigations classiques. Par ailleurs, il est indispensable, lors d’une étude, de pouvoir comparer les différents fossiles entre-eux. La répartition des pièces à travers le monde rend nécessaire la disposition de restitution et de moulages (stéréolithographie ou en frittage de poudre polyamide) au sein des laboratoires. Dans ce cadre, l’étude a porté sur des crânes découverts à Dmanissi (Géorgie) en 1999. Ces crânes, datés de 1,7 millions d’années, sont très importants pour comprendre l’histoire de notre genre car se sont les plus vieux européens connus. Ils présentent un double intérêt car non seulement ils infirment l’hypothèse du peuplement tardif de l’Europe, mais aussi ils montrent que les Homo erectus ont quitté très tôt le berceau africain. En effet, les premiers Homo erectus connus, datés de 1,8 millions d’années, proviennent d’Afrique. Aucun de ces crânes n’est complet, mais ils sont, cependant, très « beaux » du point de vu paléontologique car ils présentent encore un nombre important de structures. La Figure 1 montre l’un de ces crânes de Dmanissi (D2282). Le deuxième (D2280) objet de l’étude sera présenté à la suite. Figure 1 : Crâne de Dmanissi N°D2282 Le but de ce travail a été de comparer l’ajustement virtuel de quatre faces d’hommes fossiles (KNM-ER 3733 ; KNM-ER 1470 ; KNM-ER 1813 et KNM-WT 15 000) avec le crâne de Dmanissi N° D2280. L’étude n’a pas encore pu être réalisée sur le deuxième crâne (D2282), car il présente des déformations importantes qui nécessitent de le reconstruire totalement de manière virtuelle, ce qui prend beaucoup de temps. Les résultats obtenus permettent à la fois de décrire plus précisément le crâne D2280 et de le replacer plus exactement dans son cadre taxinomique. Les différents jalons de cette étude devaient conduire à la duplication physique en résine du crâne original mais aussi de crânes résultant de l’assemblage virtuel de plusieurs fragments de vrais crânes. La restitution de ces crânes fossiles par prototypage rapide permet de conserver, au sein du laboratoire, le moulage qui correspond le mieux aux théories actuelles et de pouvoir comparer ainsi cette reconstitution avec d’autres crânes fossiles. Ce travail permet une nouvelle approche des fossiles qui sera riche en découvertes car elle ouvre l’accès à des structures qui jusqu’ici étaient soient pratiquement soient totalement inaccessibles. Ces avancées dans le domaine de la paléontologie humaine ne sont réalisables que par la mise en commun de moyen et de compétences et d’une pluridisciplinarité manifeste. On ne s’étonnera donc pas de retrouver impliqués dans cette étude des laboratoires de paléontologie (Institut de Paléontologie Humaine du Muséum d’Histoire Naturelle de Paris) bien sûr mais aussi deux Centres Hospitaliers (le CHU d’Amiens et le CH National d’Ophtalmologie de Paris) ainsi qu’un centre de transfert de technologie spécialisé en prototypage rapide (le Create du laboratoire Productique Logistique de l’Ecole Centrale Paris). ACQUISITION ET TRAITEMENT DES DONNEES 1. L’acquisition des données Bien qu’elle possède un certain nombre de qualités (numérisation sans contact, précision, fidélité de reproduction etc..), la numérisation 3D surfacique telle qu’elle est déclinée aujourd’hui dans certains cadres industriels ne peut être retenue pour acquérir les données géométriques des cranes. Deux raisons prohibent en effet son utilisation : - - la numérisation des crânes fossiles découverts dans le site de Dmanissi se doit être la plus atraumatique possible réduisant au strict minimum la manipulation directe de ces crânes de plus de 1,5 millions d’années certaines informations géométriques enregistrées au niveau de la face interne des cranes (et donc non accessibles aux techniques industrielles de numérisation conventionnelle) peuvent s’avérer d’une extrême importance pour le paléontologue car elles gardent en « mémoire » la forme du cerveau. Elles constituent le négatif ou l’impression de la forme cérébrale par le biais de la dure mère. Le scanner médical ou scanner à Rayons X s’avère par conséquent être la solution idéale pour une reconstruction crânienne tridimensionnelle virtuelle puis physique. La totalité de l’anatomie de la région explorée aussi bien les structures superficielles que profondes, peut être accessible, l’architecture osseuse étant dans ce cas préservée grâce à la fidélité de la technique d’acquisition et la facilité d’accès. Par ailleurs, certaines données telles que le profil densitométrique ou plus précisément tomodensitométrique des os fossilisés peuvent s’avérer très utile au paléontologue pour comprendre leur interaction avec le milieu ou ils se sont fossilisés. On peut ainsi mieux mieux comprendre les phénomènes de fossilisation suite à un enfouissement dans un milieu sablonneux, calcaire ou autre. 2. Mode d’acquisition des données La technique et les paramètres d’acquisition des données pour ce genre de structures anatomiques osseuses sont déjà bien codifiés en pratique courante. Seuls peuvent changer les doses de Rayons X en KV (KiloVolts) et mAs (milli Ampère seconde) nécessaires pour réaliser des coupes tomodensitométriques dans le cas d’os fossilisés. Cette dose sera alors fonction du niveau de remplissage en sédiment qui nécessitera une puissance de rayon plus ou moins importante. L’examen tomodensitométrique a été réalisé pour l’ensemble des crânes par le Professeur CABANIS (Service de Radiologie du Centre Hospitalier de neuro-Ophtalmologie du XV-XX ) selon une procédure standardisée pour une acquisition osseuse et ce sur un scanner de marque General Electric HiSpeed RP permettant une acquisition hélicoïdale ou spiralée. Les paramètres techniques et de réglage du scanner ont été les suivants : - Matrice d’acquisition : 512 x 512 Pixels Epaisseur de coupe : 1mm Taille des voxel : 0,49mm x 0,49mm x 1mm Champ exploré : environ 2500 mm2 La position des crânes sur la table du scanner par rapport au statif est souvent contrainte par des considérations techniques propres à leur fragilité et parfois à l’emballage duquel ils ne peuvent être extraits. Les données de scanner sont enregistrées selon la Norme DICOM ( standard de format de données et de mode de communication utilisé en imagerie médicale). La conversion des données et leur traitement sont presque entièrement automatisés. Seuls peuvent changer les paramètres de segmentation des images (seuillage). Il peut ainsi être ajusté en fonction des crânes et de leur profil densitométrique. Une exemple de résultat est proposé en Figure 2. Figure 2 : coupe tomodensitométrique issu d'un scanner par rayons X et reconstruction 3D RECONSTITUTION NUMERIQUE D’UN CRANE INCOMPLET L’idée initiale est de trouver une face pouvant s’adapter à l’un des cranes de Dmanissi ( le D-2280 ) afin de le compléter et ce en respectant un certains nombres de critères de rapprochement : - Considérations anthropomorphiques : Ossements d’individus de équivalente même sexe et de classe d’age - Considérations géographiques : Les fossiles doivent provenir de régions entre lesquelles des migrations de populations sont plausibles. - Considérations temporelles : Les individus trouvés doivent appartenir à des époques proches. Une présélection, réalisée par l’équipe de l’Institut de Paléontologie Humaine du Muséum d’Histoire Naturelle de Paris (dirigé par le professeur Henry de Lumley ) a permis de garder pour cette étude uniquement les cranes qui répondaient à ces critères. Pour tester l’adaptation des cranes, des modèles numériques ont été générés. Le protocole de l’étude est présenté en Figure 3. Dmanissi 2280 KNM WT 15000 Etape 1 Choix du crane complémentaire au crane de Dmanissi D-2280 Etape 2 Acquisition des données - Transfert Scanner X Etape 3 Traitement des données Reconstruction 3D Etape 4 Conversions numériques (Modèles Hyperréalistes texturés ) Etape 5 Ajustement pour reconstitution d’un crâne unique Figure 3 : protocole de traitement numérique d'un crâne Ce protocole comprend 5 étapes : - Etape 1 - choix du crâne complémentaire : il s’agit de sélectionner le crâne dont on désire analyser la faisabilité de rapprochement avec le crâne objet de l’étude (en l’occurrence ici le D2280). Dans le cadre de ce travail des analyses de rapprochements ont été effectuées entre le D2280 et 4 autres crânes (KNM-ER 3733 ; KNM-ER 1470 ; KNM-ER 1813 et KNM-WT 15 000) - Etape 2 - acquisition des données : comme cela a été présenté au paragraphe précédent, les crânes sont scannés à partir de matériel médical et les données sont enregistrées au format DICOM (standard d’imagerie médicale) - Etape 3 - reconstruction tridimensionnelle : à partir des informations issues du scanner, une reconstruction en trois dimensions est réalisée. Le logiciel Mimics© 1 permet cette reconstruction. Ces modèles 3D sont ensuite transférés au format STL pour être contrôlés (sens des normales extérieures) par l’intermédiaire du logiciel Magics© 1 . - Etape 4 - ajustement visuel: les fichiers représentatifs de crânes numérisés en 3 dimensions sont exportés vers des outils permettant de manipuler ces données 3D sous une forme hyper-réaliste. Le logiciel utilisé pour cela est Softimage|XSI© 2 - Etape 5 - recalage automatique pour reconstitution d’un crâne : par rapprochement des différents fragments de crânes numérisés, un nouveau crâne est reconstitué. Ce rapprochement peut être manuel ou automatisé à partir de la reconnaissance de similarités. Ce recalage automatique est réalisé à partir du logiciel Amira©3 FABRICATION DES CRANES PAR STEREOLITHOGRAPHIE 3. Choix du type de technologie Les fichiers numériques générés ont ensuite été exploités à des fins de fabrication selon un procédé de prototypage rapide. Ces technologies encore émergentes (la plus récente n’a qu’une douzaine d’années) sont basées sur l’agrégation de matière couche par couche par transformation physique ou chimique. Les matériaux manipulés sont sous forme liquide (résines), solide (monodimensionnel : poudres, bidimensionnel : feuilles ou tridimensionnels : plaques). Le procédé de transformation, pour lequel on doit distinguer l’opération d’obtention de la section et celle d’agrégation aux sections précédentes, peut se faire sans changement d’état de la matière (découpe, empilage) ou avec changement d’état (fusion, polymérisation, collage, soudage). Le choix de ce type de technologie est évident au regard de la complexité des formes observées ; quasiment impossibles à élaborer par des moyens conventionnels (c’est à dire selon des procédés appartenant à la famille des méthodes dites soustractives ou par enlèvement de matière à partir d’un bloc de départ). Notons que d’autres éléments vont également dans le sens de l’emploi de technologies de prototypage pour l’étude anthropologique qui nous intéresse : 1 - La précision liée à l’emploi de ces techniques : il est possible de travailler avec un niveau de détail relativement fin : de l’ordre du dixième de millimètre (éventuellement « finissable » à la main par polissage ou sablage) - Le lien direct existant entre modélisation numérique et réalisation physique : aucun outillage n’est en effet nécessaire pour réaliser l’objet dès l’instant que le fichier numérique est disponible dans le format approprié - La rapidité d’exécution (encore que ce paramètre ne soit pas ici fondamental) : elle dépend du volume à fabriquer, du nombre de couches à réaliser, du temps entre 2 couches, de la durée du travail de préparation et de finition, Développé par la société Matérialise N.V. Louvain (Belgique) Développé par la société AVID 3 Développé par TGS - Europe 2 Pour une description plus détaillée des technologies de prototypage rapide, nous renvoyons le lecteur vers l’ouvrage d’Alain Bernard et Georges Taillandier (1) qui brosse un panorama complet des procédés, matériaux et domaines d’application potentiel attachés à l’emploi de ce t. Lors d’études antérieures, certains crânes ont été réalisés selon des procédés de frittage de poudre. Les résultats ont été globalement corrects mais ne fournissent pas un niveau de finition excellent. Pour ces raisons, le Muséum d’Histoire Naturelle, dans le cadre d’un partenariat tripartite avec le CHU d’Amiens et l’Ecole Centrale Paris a sollicité le CREATE4 pour réaliser ces crânes selon un procédé de stéréolithographie. Ce procédé, aujourd’hui bien connu des industriels mais encore peu utilisé dans le domaine des sciences de l’Homme (médical, paléontologie, sociologie, …) est basé sur la polymérisation d’une résine photosensible par un laser dont on exploite l’énergie lumineuse. Par rapport à la technologie de frittage de poudre, ce procédé offre certains avantages et inconvénients (liés à la nature des matériaux manipulés, à leur résistance, à la présence ou l’absence de supports, à l’état de surface plus ou moins bon, …). Dans le cadre de la reproduction de crânes fossiles, le reproche fait au procédé de frittage de poudre résidait principalement dans le rendu du crâne peu conforme aux attentes des paléontologues. Sur ce plan, la stéréolithographie offre un réel intérêt. La nature du matériau utilisé : de la résine, permet en effet de s’approcher sinon de la texture de l’os du moins de l’aspect de la boîte crânienne originale. En outre, la pièce brute de stéréolithographie peut être retravaillée (par papier abrasif, sable, éventuellement peinture ou vernis) et le fini obtenu gomme les imperfections (formes en escalier et strates apparentes) liées à la nature même des procédés additifs basés sur une discrétisation de l’objet en plans parallèles. 4. Protocole de réalisation Le processus de fabrication des crânes d’homo erectus ne diffère pas de celui d’autres applications industrielles. Le protocole de réalisation mettra ainsi en jeu un certain nombre d’étapes classiques que l’on retrouve au niveau du mode opératoire de pièces plus traditionnellement utilisatrices de ce type de technologie. Ces étapes sont décrites sur la Figure 4. Positionneme nt et calculs Préparation machine Fabrication du Crâne Posttraitements Nettoyage des supports Finition Figure 4 : protocole de réalisation des crânes par stéréolithographie Etape 1 : (quelques heures) à partir du fichier numérique du crâne en format STL, positionnement numérique de la pièce dans la cuve et calcul des supports associés à la fabrication des crânes. Les évidements de la boîte crânienne permettant d’accéder aux parties internes du crâne (paramètre important en vue de l’élimination des supports), celui-ci a été fabriqué dans le sens correspondant pour l’homme à la position verticale c’est à dire partie supérieure du crâne vers le haut. L’outil de calcul est le logiciel Maestro. Etape 2 : (quelques minutes) préparation de la machine : chauffage préliminaire du laser (en parallèle à l’étape 1) puis transfert des fichiers de calcul sur le PC pilotant la machine de stéréolithographie, vérification du niveau de résine et lancement de la fabrication Etape 3 : (une trentaine d’heures) fabrication du crâne : échelle 1 ; nombre de couches : environ 2000 ; volume de résine nécessaire : 230 cm3 ; machine : SLA 250 ; laser hélium-cadmium ; puissance : ≈30mW. 4 CREATE : Centre de prototypage Rapide Européen d’Assistance de Transfert et d’Expérimentation de l’ECP Etape 4 : (1 heure) du fait de la réalisation du crâne à partir d’une résine photosensible (acrylate) les postraitements sont liés à la possible déformation observable lorsque la pièce réalisée est soumise à la lumière du jour. Pour éviter ce problème, une cuisson dans un four à Ultra-Violets est effectuée. Etape 5 : (2 heures) nettoyage au solvant et élimination manuelle des supports générés à la base de la première section et sous les parties non naturellement soutenues par la section précédente. Etape 6 : (20 mn) finition : polissage du crâne à l’aide de papier abrasif fin pour effacer les traces de supports et supprimer l’effet de stratification. Le cumul de ces 6 étapes donne une durée totale de réalisation proche de 48 heures en temps cumulé mais il est important de signaler que le temps opérateur n’est pas supérieur à 3 heures. Les étapes de calcul et de réalisation, fortement consommatrices de temps ne nécessitent pas en effet de présence humaine. 5. Réalisation La première phase de réalisation a concerné deux crânes originels dits de « Dmanissi ». Les Figure 5 et Figure 6 présentent quelques vues de ces deux crânes. Figure 5 : crâne de Dmanissi D2282 Figure 6 : crâne de Dmanissi N°2280 La deuxième phase de réalisation s’est attachée à l’élaboration du crâne d’un homme qui n’a jamais existé fruit du rapprochement entre les crânes de Dmanissi D2280 et KNM XT 15000. A l’heure où sont écrites ces lignes, le crâne n’a pas encore été fabriqué. Les étapes de numérisation sont en cours d’achèvement ce qui permettra d’effectuer très prochainement la fabrication. CONCLUSION Il est clair que l’intérêt scientifique développé dans cet article ne réside pas dans la technologie utilisée, en l’occurrence le numérique et la stéréolithographie. Le prototypage rapide ici n’est qu’un outil au service d’une recherche menée par le Muséum d’Histoire Naturelle. L’originalité se trouve en fait dans le rapprochement d’une technologie de pointe jusqu’alors essentiellement destinée à des industries manufacturières et d’un milieu scientifique qui est celui de la paléontologie utilisateur de techniques éprouvées mais beaucoup plus rudimentaires basées sur le moulage. Ces techniques donnent de bons résultats mais ne peuvent en aucun cas être utilisées sans manipulation physique de l’objet original qui sert de modèle. En outre, pratiquement aucune extrapolation par association de plusieurs crânes n’est envisageable car bien évidemment les fragments trouvés ne sont pas strictement complémentaires. Ceci restreint naturellement l’analyse par les scientifiques à l’étude individuelle des crânes. Seuls des recoupements immatériels à partir de caractéristiques observées séparément sur chaque crâne peut permettre d’appréhender les principes de l’évolution humaine. La technologie numérique permet de s’affranchir de cette contrainte. Tous les découpages et assemblages sont possibles. Sur la base d’hypothèses validées par l’observation de complémentarités flagrantes entre certaines zones numériquement rapprochées, il est alors possible de recréer un seul et même crâne. Ce crâne modélisé peut alors être fabriqué par prototypage rapide et observé réellement par les scientifiques ce qui ouvre de vraies perspectives aux sciences de l’homme. BIBLIOGRAPHIE Detroit F.– (2000) The period of transition between Homo erectus and Homo sapiens in East and Southeast Asia : New perspectives by the way of Geometric morphometrics. Acta Anthropologica Sinica, suppl. to vol. 19, pp. 75-81. Gabounia L., Vekua A., Lordkipanidze D., Swisher Iii Carl C., Ferring R., Justus A., Nioradze M., Tvalcrelidze M., Anton S., Bosinski G., Joris Ol, Lumley M.-A. De, Majsuradze G. Et Mouskhelishvili A. (2000) – Earliest Pleistocene Hominid Cranial Remains from Dmanisi, Republic of Georgia : Taxonomy, Geological Setting, and Age. 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