Hérodote 139 (2010) – Géopolitique du Pakistan

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Hérodote 139 (2010) – Géopolitique du Pakistan
Hérodote 139 (2010) – Géopolitique du Pakistan
Hérodote 139 (2010) – Géopolitique du Pakistan
« Le paradigme pakistanais »
Lors de fondation en 1947 importance d’islam comme ciment de nation. Lors de création mise en
place de Pakistan occidental et de Pakistan oriental. Ce dernier fait sécession en 1971 et devient Bangladesh.
En 2010 importance de graves défis internes au Pakistan : expansion d’islamisme combattant et du
terrorisme, crise économique et énergétique, catastrophes naturelles récurrentes, société bloquée au profit
d’élites prédatrices, fragilité des gouvernements civils. Toutefois, Pakistan n’est pas réellement Etat failli.
Interrogation sur fragilité de nation et de système politique. Importance de terrorisme comme forte menace
interne, mais pour armée Inde demeure ennemi majeur. Importance de deux jeux emboîtés des militaires et
services spéciaux notamment relations avec milices radicales (certaines combattues, d’autres soutenues) et
autour de l’AfPak avec présence des Etats-Unis et de plus en plus de Chine. En outre importance de
difficulté de définition de quel islam comme ciment de nation, islam populaire et modéré ou islam rigoriste ?
Enfin, importance de faiblesse politique de système démocratique pakistanais face à suprématie des
militaires. Importance de Pakistan comme Etat incontournable dans la région du fait de seule puissance
militaire pouvant résister à l’Inde et intégration de Pakistan à stratégie américaine, notamment depuis 2001.
L’héritage
de
1947 :
de
la
partition
à
la
sécession
du
Bangladesh
Dès début de Pakistan indépendant importance de fragilité politique puisque succession de 6
premiers ministres entre 1951 et 1958 et à cette date coup d’état militaire. Si Constitution de 1962 définit
Pakistan comme « république », celle de 1973, toujours en vigueur, amène définition de Pakistan comme
« république
islamique ».
Islam
est
religion
d’Etat
et
ourdou
langue
nationale.
Le syndrome de la Partition : Au cours des années 1930 formalisation de théorie des deux Etats par
Mohamed Ali Jinnah, premier dirigeant du Pakistan indépendant. Suite à dures négociations et pressions de
Jinnah et de la Ligue musulmane, mise en place de partition entre Inde et Pakistan en août 1947. De fait en
Inde importance que milieux modérés ou plus radicaux refusent existence du Pakistan. Au Pakistan cela
donne naissance à sentiment qu’Inde n’accepte pas fait accompli. Dès 1947 importance d’antagonisme entre
Inde et Pakistan autour de question du Cachemire.
La question du Cachemire : En 1947 problème de choix du prince du Cachemire pour rattachement à
Inde ou au Pakistan. Habitants du Cachemire se révoltent contre souverain hindou et obtiennent appui de
Pakistan. Souverain demande appui d’Inde contre promesse d’intégration du territoire en Inde. Affrontement
tourne en guerre ouverte entre Inde et Pakistan jusqu’en janvier 1949, moment où est décidé séparation du
Cachemire en deux. Création d’Etat du Jammu et Cachemire du côté indien alors que territoire côté
pakistanais ne devient pas province pakistanaise. Guerres de 1965 et 1971 ne changent rien au problème du
Cachemire.
La sécession du Bangladesh : Importance de sécession du Bangladesh comme signe d’échec du
projet na1tional pakistanais. Cette sécession fait craindre au Pakistan d’autres séparatismes identitaires.
Enlisement de question du Cachemire nourrit au fil des années le « syndrome de la Partition », un sentiment
1
de
frustration
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partagé
entre
Inde
et
Pakistan
pour
des
raisons
différentes.
La question nationale : ethnicité et identités régionales
Même si islam est ciment national, cela n’a pas effacé identités linguistiques de mosaïque
pakistanaise.
Importance
également
qu’islam
est
divers
dans
le
pays.
Les identités ethnolinguistiques : Interrogations autour de question pachtoune. Présence de
Pachtounes autant en Afghanistan qu’au Pakistan du fait de séparation avec ligne Durand de 1893. Au cours
des années 1940 mise en avant par Ghaffar Khan d’idée de Pachtounistan indépendant, mais idée refusée par
pouvoir pakistanais. Au cours des années 1950 fondation du Parti national Awami (ANP) qui reste ambiguë
sur question de « nationalisme pachtoune ». Actuellement importance qu’irrédentisme pachtoune vers
Afghanistan est groupusculaire. Question ethnique est également très aiguë au Baloutchistan, province
connaissant de façon récurrente des mouvements identitaires dont certains sont ouvertement sécessionnistes.
Répression d’Etat pakistanais parvient à les contenir mais pas à les éradiquer. Volonté de plusieurs groupes
baloutches modérés une plus équitable répartition des pouvoirs et une meilleure rétribution des ressources
énergétiques et minérales. Pour certains groupes plus militants idée que Pakistan est puissance occupante.
Importance également de propos indépendantistes au Sindh ou dans diaspora sindhie. Toutefois, dans ce
dernier cas caractère groupusculaire fait que ce n’est pas vraiment menace pour Etat pakistanais.
Fédéralisme, régionalisme, séparatisme : Il n’en demeure pas moins que ces mouvements ont
signification et ce pour trois raisons : 1/ Importance de frustration de nombreuses provinces vis-à-vis des
insuffisances fédérales avec idée que préférence pour Pendjab. Possibilité de traduction de frustrations par
attentats contre Pendjabis, comme au Baloutchistan en août 2010. 2/ Mouvements plus ou moins séparatiste
s’inscrivent sur toile de fond de culture de la violence de plus en plus forte. 3/ Dimension ethnique de
question identitaire s’inscrit dans géopolitique régionale et dans vision internationale du pouvoir pakistanais,
domaine réservé d’armée. Idée que tout groupe centrifuge est probablement soutenu par des puissances
étrangères. Exemple que mouvement baloutche serait soutenu par Inde. Par ailleurs peur d’armée
d’existence d’un rapprochement entre Inde et Afghanistan, notamment grâce à des programmes de
coopération. Pour éviter cela volonté d’armée d’étendre influence pakistanaise dans zone pachtoune en
Afghanistan.
L’instrumentalisation de l’islamisme armé
Importance de deux paramètres dans stratégie pakistanaise pour conforter influence régionale :
recours aux francs-tireurs agissant, en théorie, indépendamment d’Etat et opportunité de guerre russoafghane du fait d’aide de Pakistan aux moudjahidines afghans et silence des Etats-Unis sur dictature de Ziaul-Haq
et
sur
programme
nucléaire
militaire
dans
but
de
contrer
URSS.
Zia-ul-Haq : islamisation et moudjahidines : Importance que lors de dictature de Zia-ul-Haq forte
islamisation du pays. Dans même temps coopération américano-pakistano-saoudienne va renforcer
grandement poids d’armée et du Directorate of Inter-Services Intelligence (ISI). Toutefois, germes
d’enlisement actuel. De fait Pakistan joue carte des moudjahidines pachtounes et suite à départ d’Armée
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rouge forte anarchie, groupes islamistes se disputant contrôle d’Afghanistan. Au cours des années 1990
volonté de Pakistan de reprendre main sur Afghanistan à travers aide aux talibans.
Les années 1990 : talibans et jihad : Victoire des talibans en 1996 et instauration d’émirat islamique
d’Afghanistan. Importance que guerre d’Afghanistan et ses suites a permis d’opérer au Pakistan
rapprochement entre écoles de pensée sunnites radicales, les déobandis et les wahhabites. Terreau
idéologique a permis aux militaires pakistanais d’instrumentaliser radicalisme islamique répondant à analyse
stratégique : contrer Inde au Cachemire, notamment grâce à appui au développement de mouvement
islamiste au Cachemire et garantir au Pakistan une « profondeur stratégique » en pesant sur Afghanistan.
Les mouvements sectaires : Importance des mouvements radicaux implantés dans pays du Pendjab à
Karachi. Au sein de paysage d’islam pakistanais mélange de lignes idéologiques, jeux de pouvoir et acteurs
instrumentalisant les uns et les autres. Importance des radicaux sunnites du Sipah-e Sahaba Pakistan (SSP)
qui veut faire d’idéologie déobandie celle du Pakistan. Peu à peu devient mouvement militant violent
s’attaquant aux chiites. Malgré interdictions régulières de certains groupes, comme Sipah-e Mohammad par
exemple en 2001, organisations renaissent sous nouveau nom sans être inquiétées par armée ou services
spéciaux.
Le
paramètre
nucléaire
et
l’hypothèse
de
la
guerre
limitée
En 1998 Pakistan devient officiellement puissance nucléaire. Objectif de départ est de contrer
armement nucléaire de voisin indien. Possibilité d’espérer normalisation des relations entre les deux pays,
mais peu après « guerre de Kargil » suite à franchissement de frontière indienne au Cachemire par troupes
pakistanaises
avec
installation
de
postes
d’observation.
Dilemmes
et
ambiguïtés :
après
le
11
Septembre
Attentats du 11 septembre 2001 vont bouleverser mise en œuvre du paradigme stratégique
pakistanais sans l’invalider. A fin d’année 2001 Pakistan décide d’arrêter de soutenir talibans d’Afghanistan.
A partir d’octobre 2001 intervention internationale agite Pakistan. Partis islamistes appellent à solidarité
avec talibans. Mobilisation de milices pour partir en Afghanistan. Fin d’année 2001 régime taliban tombe.
Dans même temps importance d’attaques terroristes de groupes islamistes contre parlement indien et au
Cachemire. Montée de tensions entre décembre 2001 et octobre 2002, mais peu à peu pression retombe.
Les limites du paradigme ? Un nouveau discours : Paradigme pakistanais trouve ses limites. Soutien
aux talibans est désastre pour Afghanistan et côté indien, appui aux insurgés cachemiris a ouvert voie à
opérations terroristes, au Cachemire puis dans intérieur du pays. En janvier 2002 importance de discours de
général Musharraf, chef d’Etat, affirmant condamnation du terrorisme et interdiction de nombreuses
organisations terroristes ou sectaires.
Deux poids, deux mesures : Importance de lutte contre Al-Qaïda par Etat pakistanais, même si jamais
d’attaque contre tête du mouvement. Dans même temps talibans établis au Pakistan ne sont pas inquiétés.
Lutte contre djihadiste est minimale. Au Cachemire limitation des infiltrations de combattants pakistanais,
mais pas de démantèlement des organisations.
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Un dialogue indo-pakistanais : Au cours d’année 2003 Inde tend main au Pakistan et reprise de
discussions. En novembre 2003 établissement de cessez-le-feu inconditionnel autour de question du
Cachemire et glacier du Siachen. Respect du cessez-le-feu depuis lors. En février 2004 relance de processus
de dialogue avec Inde. « Dialogue composite » durera jusqu’aux attentats de Mumbai en novembre 2008 par
Lashkar-e Taïba.
Rébellions islamistes, poussée terroriste, talibanisation : Importance qu’en 2008 nombreux réseaux
islamistes pakistanais pendant longtemps instrumentalisés se sont retournés contre Etat du fait d’appui,
même timide, à Washington en Afghanistan et condamnation du jihad. Importance de forte dégradation
d’insécurité dans zones tribales, notamment zones pachtounes du Sud à partir de 2003-2004. Très vite pour
Etats-Unis nécessité d’aide du Pakistan donc mise en place d’aide financière permettant relance d’économie.
Progressivement envoi de troupes pakistanaises par Etat dans zones tribales. Toutefois, premières attaques
de drones par Etats-Unis et dommages collatéraux contre non-combattants radicalisent opposition aux forces
pakistanaises. Dans même temps début de négociations entre représentants d’Etat pakistanais et groupes
locaux insurgés. Même si signature de certains accords, il demeure que stratégie est échec qui permet à
plusieurs groupes insurgés de monter en puissance. En 2007 alliance de plusieurs groupes pour création du
Tehrik-e Taliban Pakistan. Importance d’accentuation des connexions entre talibans afghans dans zones
tribales pakistanaises pour opérer en Afghanistan (notamment réseau Haqqani), nouveaux talibans
pakistanais et Al-Qaïda. Importance qu’attaque contre mosquée Rouge, haut lieu de développement
d’islamisme terroriste, en juillet 2007 avec accentuation de rythme d’attentats-suicides. Dès lors mise en
place de triple stratégie par terroristes : insurrection contre forces armées, élimination de représentants
d’Etat et divers « traîtres » et multiplication des actions terroristes dans grandes villes pakistanaises. De fait
islamisme armé, jadis instrumentalisé, échappait désormais à ses commanditaires. Emergence d’idée de
« talibanisation » du Pakistan. A partir de 2008 importance de développement de deuxième foyer
insurrectionnel dans vallée de Swat. Devant pression en 2009 Assemblée nationale pakistanaise accepte
imposition de charia au Swat puis, en principe dans région du Malakand. Toutefois, en juin 2009 reprise de
chef-lieu du Swat et d’essentiel de vallée suite à opération militaire pakistanaise. En août 2009 lancement
d’opérations militaires pakistanaises dans Sud-Waziristan, bastion des talibans pakistanais. Engagement des
troupes dans agences de Bajaur et Khyber. Dans agence de Kurram cas particulier de conflit intertribal entre
Turis,
chiites,
et
Bangash,
sunnites.
Le
paradigme
à
l’heure
de
la
politique
américaine
« AfPak »
Le rapprochement indo-américain sous George W. Bush : Importance de crainte de Pakistan de
rapprochement Inde/Etats-Unis après essais nucléaires de 1998. En 2000 visite de Clinton en Inde et début
de normalisation des relations indo-américaines. Accentuation de rapprochement au cours des présidences
Bush pour raisons économiques, mais aussi géopolitiques. Idée pour Etats-Unis de faire de Chine un
contrepoids à montée en puissance de Chine. Aide des Etats-Unis pour qu’Inde puisse accéder au nucléaire
civil alors qu’Inde n’est pas signataire du traité de non-prolifération. Malgré rapprochement avec Inde, mise
en place de politique de coopération avec Pakistan dans cadre de « guerre contre la terreur ». Importance des
frappes de drones pour élimination des leaders insurgés à partir de 2006-2007 du fait d’échec d’opérations
militaires pakistanaises, terrain difficile et anthropologie pachtoune (responsabilité collective, protection des
hôtes etc…).
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Barack Obama et l’AfPak : Importance d’arrivée de Barack Obama à Maison Blanche puisque
définition d’Irak comme cible erronée donc recentrage de stratégie américaine sur Afghanistan ainsi que sur
continuum Afghanistan-Pakistan, AfPak. Importance d’injonction ferme d’administration Obama envers
Pakistan pour lutte active de Pakistan contre terrorisme. Mise en place en parallèle de politique d’aide au
développement de 7,5 milliards de dollars en 5 ans. Nomination d’émissaire spécial pour AfPak, Richard
Holbrooke. Devant terrorismes en Inde, en Afghanistan et au Pakistan même ainsi que pressions
américaines, paradigme peut sembler en bout de course.
Le paradigme tient bon : la doctrine Kayani : Paradigme tient bon pour deux raisons : personnalité de
chef d’état-major d’armée de terre, général Kayan, du fait de confiance (au moins relative) des Américains
et évolution de guerre en Afghanistan avec impasse des troupes américaines. De fait à partir de 2010
politique de réconciliation nationale du président Karzai en Afghanistan. Dans même temps annonce de
retrait progressif des troupes internationales en Afghanistan à l’horizon 2014. Du fait de ses liens avec
talibans afghans, Pakistan s’inscrit comme interlocuteur privilégié. Importance d’efforts du Pakistan pour
éviter qu’Inde soit acteur dans négociations sur avenir d’Afghanistan.
« L’islamisme combattant au Pakistan : un état des lieux », Entretien avec
Mariam Abou Zahab
Question : Comment dresser tableau d’islamisme militant au Pakistan ? Quelle distinctions entre
islamisme politique (partis islamistes jouant jeu parlementaire) et diverses forces qui cultivent violence
jusqu’au jihad pour certains ou terrorisme et insurrections pour autres.
Réponse : Impossibilité de connaître liens des partis comme Jamiat-e Ulema-e Islam (JUI) avec
groupes qui en sont issus et qui recourt à violence. Certains ont été interdits en 2002 et 2003, mais
continuent activités voire avec soutien des autorités. De fait après 2001 JUI a servi de façade politique à
différents groupes politiques actifs dans zones tribales et qui ne formaient pas encore le Tehrik-e Taliban
Pakistan (TTP), apparu en 2007. JUI était intermédiaire entre ces groupes et gouvernement fédéral. Au
départ volonté de contrôle, mais actuellement [2010] JUI ne contrôle plus rien.
Question : Est-ce que JUI se fait déborder et est désormais menacée par groupes radicaux ?
Réponse : Oui. Certains membres du JUI ont été tués par talibans pakistanais du fait de collaboration
avec Etat pakistanais. Importance des députés des zones tribales élus en 2002 qui avait pour but de faire
intermédiaire entre groupes talibans et Etat. Toutefois, ceux-ci considérés comme collaborateurs de l’Etat.
Question : Quels liens peut-on établir entre groupes à bases géographiques différentes comme
Lashkar-e Taïba (Cachemire), Sipah-e Sahaba ou Lashkar-e Jhangvi (sud du Pendjab), Tehrik-e Nifaz
Shariat-e Mohammadi (région de Malakand, pays pachtoune), Tehrik-e Taliban Pakistan (zones tribales) ?
Possibilité de tous les ranger dans catégories des islamistes nationalistes avec volonté de faire de Pakistan un
Etat gouverné par charia ou certains ont visée sur Inde et Afghanistan ?
Réponse : Groupes ont objectifs différents même si parfois alliances d’opportunité. Lashkar-e Taïba
est lié à establishment militaire pakistanais et jamais d’action contre Etat pakistanais. Même si importance
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de combat contre Américains et autres « infidèles », objectif principal est combat contre Inde. Tehrik-e
Nifaz Shariat-e Mohammadi (TNSM) est dissidence du Jamaat-e Islami. Importance de perte d’influence en
pays pachtoune suite à expédition de jihad en 2001 en Afghanistan contre Américains et mort de nombreux
combattants. Suite à cela déclin provisoire du TNSM puis arrivée de nouveau chef, Maulana Fazlullah, avec
discours plus radical. Parmi groupes dits « sectaires » [groupes « sectaires » = groupes défendant, le plus
souvent violemment, interprétation tranchée d’islam sunnite opposée à islam chiite] présence du SipaheSahaba (SSP), du Lashkar-e Jhangvi et du Jaish-e Mohammad. Création du Jaish par militaires en 2000 pour
combattre au Cachemire et contrebalancer pouvoir du Lashkar-e Taïba. Toutefois, Jaish-e Mohammad n’a
jamais combattu au Cachemire, objectif étant lutte contre minorités religieuses au Pakistan. Ces groupes sont
mouvance radicale issue du JUI. Groupes se sont renforcés dans années 1980 et pendant guerre en
Afghanistan et ont été financés par Arabie Saoudite. Depuis années 1990 multiplication des violences entre
sunnites et chiites, fait nouveau dans histoire pakistanaise. Importance de radicalisation des identités
religieuses. Groupes interdits en 2002 et 2003 se sont recréés sous nouvelles appellations. De fait en 2006
renaissance du SSP. Ces groupes, à partir de 2003-2004, se sont repliés en partie dans zones tribales. But de
ces groupes est de rendre Pakistan exclusivement sunnite et d’en exclure chiites. Ils n’ont aucune visée
internationale même s’ils reçoivent beaucoup d’argent de l’étranger. Utilisation de ces groupes à visée
religieuse par talibans pakistanais pachtounes locaux pour étendre influence dans agence tribale de Kurram,
à population à moitié chiite. Quarantaine de groupes locaux des zones tribales, notamment au SudWaziristan, se sont regroupés en 2007 pour former Tehrik-e Taliban Pakistan. TTP est marqué par
nombreuses rivalités tribales.
Question : Même si essentiellement projet national, liens de certains d’entre eux et Al-Qaida
nourrissent-ils projet transnational ?
Réponse : Plupart de ces groupes ont agendas locaux sauf Lashkar-e Taïba dont discours plus
transnational. Toutefois, c’est phénomène marginal qui ne possède pas ramifications dans monde entier. Par
contre liens entre TTP et Al-Qaida sont réels. Néanmoins, but premier du TTP est d’abattre Etat pakistanais.
Volonté des talibans de tirer vengeance des tirs de drones américains et des opérations militaires en zones
tribales. Volonté d’effondrement donc attentats ciblent armée (bâtiments, autobus etc…), même si
nombreuses victimes civiles. Différence avec Al-Qaida qui cherche essentiellement chaos à travers attentats
dans ensemble du pays.
Question : Comment armée peut-elle faire face au débordement de certains groupes qui se sont
retournés contre son hégémonie ?
Réponse : Pour armée importance du réseau Haqqani après départ des troupes américaines. C’est
pourquoi pas d’intervention dans Nord-Waziristan (où réseau Haqqani est implanté). Malgré pressions
américaines Pakistan refuse attaque contre réseau Haqqani. Toutefois, depuis arrivée d’Obama, importance
d’augmentation des tirs de drones dans la région.
Question : Pendant longtemps population pakistanaise a soutenu talibans (nationaux ou non) au nom
de nationalisme. Perte de soutien de population lorsque talibans pakistanais se sont retournés contre appareil
d’Etat ?
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Réponse : Population pakistanaise soutient encore talibans afghans en Afghanistan car ils luttent
contre Américains et ils apparaissent comme meilleur atout contre possible future présence indienne en
Afghanistan. Dans vallée du Swat et Waziristan au départ talibans pakistanais ont bénéficié de soutien local
en comblant vide ou inefficacité d’administration civile. Par ailleurs don de légitimité aux chefs talibans par
armée lorsqu’en 2003-2004 elle traite directement avec eux. Par la suite talibans ont éliminé notables tribaux
favorables au gouvernement et sont apparus comme leaders alternatifs. Toutefois, perte de soutien lors de
début d’exactions contre la population. Importance d’épisode de la mosquée Rouge en juillet 2007 (attaque
de mosquée radicale par armée). Par la suite talibans pakistanais lancent contre armée un « jihad défensif ».
Question : Dans certaines régions, grands propriétaires chiites dominent prolétariat rural sunnite, estce que parfois existence de conflit de classe derrière conflits sectaires ?
Réponse : Seule minorité de population a soutenu groupes sectaires. Importance que violences
intrasunnites (notamment entre extrémistes d’obédience barelvie et déobandie) recouvrent des luttes de
pouvoir. En réponse à cela volonté des Américains de promouvoir soufisme national au Pakistan, mais c’est
jeu dangereux.
Question : Depuis quelques années existence d’attaques contre principaux hauts lieux d’islam
populaire. Groupes ne prennent-ils pas risque d’être rejetés par population ?
Réponse : Exemple avec groupes salafistes dans agence de Khyber, en pays pachtoune, qui ont
attaqué tombeaux des saints. Importance que lors d’attaque de mars 2009 contre tombeau de Rahman Baba
(poète pachtoune du XVIème/XVIIème siècle), réaction des Pachtounes avec idée qu’attaque de leur culture.
Toutefois, nature différente pour attaque contre sanctuaire de Data Darbar en 2010 à Lahore (Pendjab). De
fait derrière cible politique, essentiellement cible politique puisque terrorisme s’inscrit dans marchandage
entre gouvernement provincial de Ligue musulmane et Sipah-e-Sahaba Pakistan.
Question : Depuis longtemps armée ont créé ou toléré et instrumentalisé groupes radicaux. Idem de
la part des grands partis politiques. Toutefois, est-ce jeu dangereux au point de compromettre avenir de pays
confronté à multiples crises (crise du terrorisme, gouvernance, économique, tensions régionalistes etc…).
Possibilité de risque d’implosion ?
Réponse : Risque d’implosion n’existe pas. Baloutches luttent pour plus d’autonomie, mais au sein
d’Etat pakistanais. Réelles tensions autour de rupture de contrat social. Importance que diaspora pachtoune
est partout, que ce soit étranger ou villes du Pakistan, ce qui tend à exacerber questions urbaines et
ethniques, à Karachi ou Hyderabad. Importance des inondations de 2010 dans fin du contrat social dans sud
du Pendjab et dans Sindh. Importance de sentiment de radicalisation contre riches et féodaux. Actuellement,
pauvres manifestent haine des riches et classes moyennes s’en sortent moins bien du fait de hausse des prix.
Villageois pauvres et appauvris par inondations de 2010 se retrouvent en périphérie des villes. Cet afflux de
populations contribue à perturber monde urbain. A Karachi crainte de population devant arrivée des paysans
du Sindh et augmentation des tensions ethniques que cela pourrait engendrer.
« Baloutchistan : fin de partie ? »
Baloutchistan est plus vaste des 4 provinces du Pakistan et borde Iran et Afghanistan. C’est territoire
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riche en énergie et ressources minérales, possédant nombreux installations militaires donc c’est région
stratégique pour Etat pakistanais. Depuis 2005 importance de conflit opposant mouvements nationalistes
baloutches à Etat fédéral pakistanais. C’est dernier avatar de longue série d’insurrections armées entre
Baloutchistan et Etat fédéral (1948, 1958, 1962 et 1973-77). Importance que Pakistan peine à se définir
positivement ce qui révèle fragilité d’Etat central. Conflit baloutche révèle ambivalence de question
religieuse au Pakistan ainsi que profondeur de relation d’institution militaire avec partis islamistes,
considérés comme instrument de politique étrangère (notamment vers Afghanistan et Cachemire) et outil
d’unification nationale. Au cours des années 1970 et 1980 volonté de dictateur pakistanais, général Zia-ulHaq, d’islamiser les nationalismes ethniques afin de briser les identités ethniques et tribales (baloutches et
autres) pour les noyer dans identité islamique pakistanaise dont définition est confiée aux partis
fondamentalistes. En 2010 pas de remise en cause de cette politique. Toutefois, politique d’islamisation a
plus renforcer divisions ethniques que rassembler population sous bannière d’islam avec opposition entre
population ethniquement baloutche et Pachtounes installés dans province. Importance que ni formation du
nationalisme baloutche ni sa résurgence récente ne se sont articulées autour du sentiment religieux. Volonté
des militaires, réels détenteurs du pouvoir, de chercher dans idéologie islamiste, qui leur est étrangère, une
source d’unité à laquelle résiste Baloutchistan et essentiel du pays. Importance de volonté des militaires de
faire éclater solidarités ethniques et tribales pour isoler individus face à Etat, mais devant incapacité d’Etat à
rassembler et contrôler populations concernées, cela accélère fragmentation de province et du pays. In fine
moins risque de sécession que conditions de chaos que personne ne pourra gérer.
La question nationale au Pakistan
Importance que fait ethnique est encore aujourd’hui une source de violence récurrente au Pakistan.
Importance qu’au début du XXème siècle mouvement de Ligue musulmane ne naît pas dans zones où vivent
Baloutches, Pachtounes et Sindhis et que ces populations n’ont pas soutenu idée de création de Pakistan.
Depuis lors Pakistan cherche vecteur d’unité de nation, essentiellement fait religieux. Même si constitution
de 1973 reconnaît identité des minorités, Etat pakistanais ignore diversité ethnique. Déni des minorités a
conduit à détérioration des relations intergroupes et a affaibli cohésion de société et donc capacité d’Etat à
garantir stabilité et sécurité. Après relatif sommeil au début des années 1990, retour de question nationale au
début des années 2000 avec question baloutche, qui revient au cours des années 1990 avec mouvement
politique mohajir dans Sindh. Au Pakistan toutes revendications ethniques sont articulées autour de : 1/
Souveraineté (autonomie régionale, droits des provinces et autodétermination ce qui a conduit à demandes
depuis indépendance totale à simple autonomie au sein d’Etat fédéral pakistanais). 2/ Allocation des
ressources (depuis ressources financières indispensables à développement à répartition des emplois
gouvernementaux ou places dans enseignement supérieur). 3/ Migrations interprovinciales (pour essentiel en
provenance du Pendjab et de Khyber Pakhtunkhwa mais aussi sujet sensible au Sindh et Baloutchistan du
fait des changements introduits dans équilibre démographique des provinces). 4/ Demandes de protection de
langue et culture de chaque groupe ethnique contre domination d’ourdou et négligence des héritages
culturels. Ensemble des éléments se combinent et se renforcent mutuellement.
L’émergence du nationalisme baloutche
Début de nation baloutche vers fin du XIIème avec confédération de tribus baloutches. Importance
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au XVIIIème siècle de création de premier Etat baloutche unifié par dynastie des khans de Kalat. Possibilité
de début du nationalisme baloutche dans luttes anti-coloniales à fin du XIXème siècle. Malgré présence de
conseillers britanniques à cour du khan, à partir de seconde moitié du XIXème siècle pas d’interférence
britannique dans politique locale. Nationalisme baloutche n’émerge réellement qu’avec création du Pakistan.
Pendant dernières décennies du Raj existence de mouvement nationaliste baloutche pour Baloutchistan
indépendant. Déclaration d’indépendance du Kalat, territoire des Baloutches, en 1947 mais Etat pakistanais
annexe territoire en 1948. Cette même année déclenchement d’une révolte baloutche mais rapidement matée
par armée pakistanaise. Deuxième rébellion en 1958 au cours de laquelle importance de détribalisation
graduelle puis surtout de politisation de lutte contre Etat pakistanais. Au cours des affrontements de 1962
structuration de résistance baloutche axée sur défense des intérêts des populations locales avec inspiration
des mouvements de libération nationale marxiste-léniniste. Importance de rébellion entre 1973 et 1977. Au
cours de cette période mouvement nationaliste baloutche se distancie du mouvement nationaliste pachtoune.
Alors que Pachtounes donnent aide aux groupes fondamentalistes islamiques, notamment en Afghanistan
contre Soviétiques, Baloutches refusent encore aujourd’hui.
Les acteurs
Importance de différents groupes au sein de nationalisme baloutche. De fait existence d’Armée de
libération du Baloutchistan (BLA), mouvement créé clandestinement durant années 1980. Réclamation d’un
grand Baloutchistan réunissant territoires iraniens, pakistanais et afghans. Par ailleurs existence du Parti
national du Pakistan (PNP), plus modéré puisqu’il réclame large autonomie de province. En 1989 le PNP
s’allie à d’autres formations mineures pour former le Parti national baloutche (BNP). Existence de
mouvement d’Akbard Bugti, le Watan Jamboori Party, comptant 10.000 soldats et fortement en conflit
insurrectionnel avec pouvoir central entre 2004 et 2006 du fait de présence d’importantes réserves de gaz
dans territoires qu’il contrôle. A mort de Bugti en 2006 nombreux de ses fidèles passent dans Armée
républicaine
baloutche.
Le
nationalisme
baloutche
et
la
question
tribale
Importance de débat autour de caractère national des tribus baloutches. Il demeure que, malgré
oppositions internes, depuis résurgence du conflit baloutche depuis 2005, importance qu’unité des tribus
prévaut contre menace extérieure et que tribus sont unies dans défense de territoire qu’elles possèdent
collectivement. Importance que nationalisme baloutche n’est pas uniquement porté par chefs tribaux, mais
aussi par classe moyenne éduquée et sous-représentée dans administration et armée pakistanaise, notamment
dans échelons supérieurs. Cette classe s’incarne notamment dans le Baloch National Movement.
Musharraf
et
le
Baloutchistan
Nécessité de comprendre politique de Musharraf, qui conduit à cinquième insurrection baloutche,
dans double perspective : continuité des politiques du pouvoir militaire pakistanais pour briser identités
ethniques (changements démographiques et volonté d’islamisation) et volonté de diminuer pression
américaine sur Musharraf en accréditant idée de menace islamique contre laquelle il serait seul rempart.
Alors qu’en 2005 possibilité d’un accord entre gouvernement fédéral et opposition baloutche, Musharraf fait
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Hérodote 139 (2010) – Géopolitique du Pakistan
échouer en voulant aller à confrontation. Par la suite attestations d’exécutions extrajudiciaires, tortures,
arrestations illégales.
Le Baloutchistan et la question régionale
Dès début d’insurrection importance pour Pakistan d’idée de « main de l’étranger », notamment
indienne, sur révolte. A partir de mars 2006 attestations d’interférences afghanes puis suspicions sur Iran et
Etats-Unis. Importance de Baloutchistan au sein des relations Inde/Pakistan et Afghanistan/Pakistan. Pour
armée pakistanaise insurrection baloutche est vue comme conspiration régionale qui se concrétise par guerre
tantôt larvée, tantôt ouverte avec idée d’affaiblir fédération du Pakistan. Possibilité qu’Inde et Afghanistan
aient soutenu nationalistes baloutches pour faire pression sur Islamabad et faire en sorte que Pakistan arrête
soutien aux islamistes en Inde ou au Pakistan. Utilisation de crainte de partition de 1971 (sécession du
Bangladesh) avec épisode baloutche pour justifier mainmise d’armée sur principaux leviers du pouvoir.
Le
Baloutchistan
post-Musharraf
Après victoire aux élections du Parti du peuple pakistanais en 2008 fin de période Musharraf et
volonté de nouveau pouvoir d’œuvrer à réconciliation des nationalistes baloutches, reconstruction des
institutions provinciales et nouvelle formule de distribution des ressources. Par exemple idée de contrôle
local accru sur ressources du Baloutchistan ainsi que libération des militants baloutches emprisonnés et
retour des exilés politiques. Toutefois, problème de continuation des opérations militaires dans la région
ainsi que des interférences des services de renseignement pakistanais. Par ailleurs pour nationalistes
baloutches c’est retour en arrière par rapport aux conditions de 1977, armée s’étant alors retirée de province.
En décembre 2009 mouvements nationalistes rejettent les propositions gouvernementales. De fait en 2010
toujours
continuation
des
opérations
militaires
d’armée
pakistanaise.
Conclusion
Interrogation autour d’avenir du Baloutchistan. Si rébellion n’est pas éteinte, en 2010, il demeure qur
Baloutchistan est fortement affaibli. Même si toujours présence de quatre groupes armés (Armée
républicaine baloutche, Front de libération du Baloutchistann, Lashkar-e-Balochistan et Armée de libération
baloutche) ils ne sont plus en mesure de porter coups sérieux à armée pakistanaise. Du fait de perte des
principaux leaders baloutches, mouvement s’est peu ou prou parfois attaqué aux populations pendjabies et
ont perdu leur soutien. Populations baloutches quant à elles ne croient plus aux promesses de développement
d’Etat fédéral ce qui rend solution politique improbable. En outre affaiblissement des groupes tribaux,
principales forces de résilience contre islamisme radical, font que possibilité d’implantation de groupes
radicaux islamiques et ce plus ou moins avec soutien d’armée. Possibilité de reproduction de situation de
province de Khyber Pakhtunkwa où poussée des organisations radicales s’est conjuguée à érosion des
fondements économiques et sociaux des structures tribales puis leur destruction par Etat pakistanais et
talibans. Enfin, suite à guerre en Afghanistan en 2001 arrivée importante des talibans, accueillis par armée
pakistanaise, sur territoire pakistanais.
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Hérodote 139 (2010) – Géopolitique du Pakistan
« Les relations indo-pakistanaises : retour sur une normalité conflictuelle »
Importance de défiance de Pakistan vis-à-vis d’Inde. Exemple avec temps et mauvaise volonté de la
part de gouvernement pakistanais pour accepter aide indienne suite aux inondations de 2010 au Pakistan.
Exemple traduit difficulté pour Pakistan de transgresser imaginaire collectif où Inde est ennemi juré.
Importance de climat de défiance suite à mollesse de répression des groupes militants jihadistes suite à
attentat de Mumbai en Inde en 2008. Longue liste des contentieux entre les deux pays : question du
Cachemire, positionnement sur extrémisme islamique, partage des ressources hydriques des fleuves
transfrontaliers et lutte d’influence en Afghanistan.
Une
approche
confessionnelle
de
la
relation
Dès le départ et séparation d’Inde importance de tropisme confessionnel dans relations entre Inde et
Pakistan. Création de Pakistan du fait de crainte de communauté musulmane d’être submergée par majorité
hindoue dans Inde indépendante. Même si Inde est laïque depuis Constitution de 1950, pour Pakistan c’est
pays des hindous. Destin du Cachemire est cause directe des affrontements de 1947-1948 et de 1965 puis du
conflit limité de Kargil en 1999. Pour Inde et Pakistan indépendance du Cachemire est impossible donc forte
marginalisation du mouvement indépendantiste Jammu-Kashmir Liberation Front. Entre 2003 et 2008
importance de relaxation des relations entre Inde et Pakistan, mais fin de cette ambiance suite aux attentats
de
Mumbai
en
2008.
L’adversité
en
exergue
Pour establishment militaire au Pakistan importance qu’Inde est « menace existentielle ». Selon
gouvernement pakistanais dans tous les conflits indo-pakistanais idée que ce serait Inde l’agresseur.
La
quête
de
parité
Volonté de remise en cause de ligne de contrôle au Jammu et Kashmir par Pakistan lors de situations
favorables pour lui, notamment en 1965 et 1999 (obtention de bombe nucléaire par Pakistan). Toutefois, à
chaque fois échec diplomatique (Etats-Unis et Chine, alliés du Pakistan, ne voulant pas s’impliquer dans
conflit à somme nulle) et militaire. Alors que pendant longtemps Pakistan a pu se servir de Cachemire
comme « cause juste » pour qu’Inde soit condamnée par communauté internationale, désormais
renversement, Inde ayant profité de rôle imputé au Pakistan dans utilisation du terrorisme (par acteurs
étatiques ou non) comme instrument de politique contre Inde. Pour Inde possibilité de reprise des
négociations entre les deux pays uniquement si Pakistan sanctionne personnes et organisations responsables
d’actions terroristes. Importance de gestion des ressources hydrauliques comme élément important des
relations indo-pakistanaises. Importance qu’Indus et ses affluents majeurs naissent en Inde donc possibilité
pour Inde de couper l’arrivée d’eau. C’est ce qui se passe en 1948 avec menace d’Inde de couper les canaux
d’approvisionnement en eau. En 1960 mise en place d’accord sur répartition des eaux, Inde pouvant
exploiter eaux de la Ravi, Beas et Sutlej alors que Pakistan pouvait accéder aux eaux du Jhelum, Chenab et
Indus. Par ailleurs idée qu’utilisation des cours d’eau par une des parties ne devait léser l’autre. Jusqu’à
présent utilisation satisfaisante, chaque Etat acceptant médiation internationale en cas de différend.
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Hérodote 139 (2010) – Géopolitique du Pakistan
« Géopolitique
des
relations
sino-pakistanaises
à
l’ère
du
terrorisme »
Importance d’amitié entre Chine et Pakistan puisque volonté commune de contenir puissance
indienne. Pour Chine idée de fixer troupes indiennes au Cachemire et empêcher hégémonie indienne en Asie
du Sud et pour Pakistan volonté d’accéder aux technologies d’armement chinoises. Emergence d’axe ChinePakistan suite à guerre sino-indienne de 1962. Toutefois, au cours des années 1980 réchauffement des
relations sino-indiennes par Deng Xiaoping. De fait reconnaissance de puissance indienne et volonté de
Chine de maintenir compétition à stade de rivalité en maintenant frictions frontalières à moyen niveau
d’intensité. Changement de positionnement chinois, plus axé sur grands partenaires économiques et intérêts
en Asie du Sud-Est, Afrique et Amérique du Sud, fait que relativisation d’importance du Pakistan pour
Chine. Au cours des années 2000 reprise d’importance du Pakistan pour Chine du fait de risque terroriste,
notamment vers province du Xinjiang. Actuellement relations de coopération entre Chine et Pakistan
essentiellement autour de lutte contre les « trois fléaux » (terrorisme, extrémisme, séparatisme). Chine
tiraillée entre considérations immédiates (éviter de rentrer dans ligne de mire d’extrémisme afghanopakistanais) et vision géopolitique de long terme (compter sur Pakistan pour porter intérêts chinois dans
reconstruction d’architecture de sécurité régionale suite au retrait des Occidentaux d’Afghanistan et intégrer
développement du Grand Ouest chinois dans ouverture vers océan Indien via Pakistan). De fait Chine
apporte contribution limitée et ambiguë pour maintien de sécurité au Pakistan et dans région pour protéger
ses
intérêts
de
sécurité.
Le
risque
terroriste,
un
enjeu
bilatéral ?
La sécurité des ressortissants chinois au Pakistan : A partir de 2004 ressortissants chinois subissent
assassinats ciblés au Pakistan. Toutefois, cela est dû plus à détérioration de situation intérieure au Pakistan
que de réel sentiment anti-chinois. Chinois sont également victimes de détérioration des relations entre Etat
fédéral et nationalistes baloutches depuis 2004. Intensification des violences contre Chinois en 2007 suite à
attentat contre mosquée Rouge à Islamabad, presse pakistanaise rendant Chine responsable. Néanmoins, il
n’en demeure pas moins que Chinois ne sont pas victimes d’une violence structurelle.
Les attaques subies par les ressortissants chinois relèvent de quatre modus operandi : 1/ Violences
dénuées de vision politique (du fait de généralisation de l’insécurité) ; 2/ Utilisation de ressortissants chinois
comme levier par militants pour faire pression sur gouvernement pakistanais ; 3/ Affaire de la mosquée
Rouge à l’été 2007 (enlèvement de résidents chinois à Islamabad puis assassinat de trois ouvriers près de
Peshawar). C’est première qu’extrémistes prennent Chinois pour cible. Suite à cela interrogation de Chine
sur degré d’intervention dans affaires intérieures du Pakistan. et 4/ Au Baloutchistan insécurité des
ressortissants du fait des nationalistes baloutches donc sans lien avec extrémisme religieux. Pour
nationalistes baloutches présence chinoise est soutien à politique fédérale de ponction des ressources locales.
Le risque d’extension au Xinjiang de l’insécurité pakistanaise : Importance des heurts ethniques entre
Hans et Ouïghours en juillet 2009 avec environ 200 morts. Cela ajoute dimension supplémentaire à
problématique sécuritaire. En octobre 2009 appel d’un responsable d’Al Qaïda à ce que les Ouïghours
lancent jihad contre Chine. Cela pose question d’image de Chine auprès des communautés musulmanes.
Importance pour Chine de ne pas attirer attention des organisations terroristes islamistes, surtout dans
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Hérodote 139 (2010) – Géopolitique du Pakistan
contexte de possible aide chinoise à stabilisation de l’« AfPak » suite aux demandes de coopération des
Etats-Unis. Crainte de Chine que si elle apparaît comme alliée des Occidentaux possibilité de constitution de
base arrière dans territoire pakistanais pour opérations terroristes sur territoire chinois. Néanmoins, il semble
que terrorisme pakistanais et mouvement indépendantiste ouïghour sont distants. De fait fin 2010 présence
de moins de 100 combattants ouïghours dans zones tribales pakistanaises. Par ailleurs impossibilité pour
Ouïghours au Pakistan d’orienter opérations des Pakistanais vers cibles chinoises. Toutefois, pas de liens
entre émeutes d’été 2009 et montée du terrorisme ou une radicalisation religieuse, mais plutôt importance de
facteurs socio-économiques et leur impact sur relations ethniques. Il n’en demeure pas moins que pour
Chine Pakistan est devenu pays clé pour sa sécurité.
L’essor d’une coopération mutuellement exclusive contre les « trois fléaux » : Volonté de Chine de
développer coopération avec Pakistan. Toutefois, essentiellement de ne pas devenir cible et pas de régler de
manière durable question d’insécurité pakistanaise, sans intention de promouvoir stabilité régionale. Idée de
Chine de savoir être, pour toute composante d’échiquier politique pakistanais, partenaire privilégié.
Importance que pression douce de Chine sur Pakistan doit rester discrète. A fin d’année 2007 mise en place
de task force avec plusieurs institutions pakistanaises (ministères de l’Intérieur, Affaires étrangères,
Défense, Economie, armée et services de renseignement) pour mieux coordonner ensemble des dossiers
bilatéraux. A fin 2008 devant probable incapacité de nouveau pouvoir pakistanais de garantir sécurité des
ressortissants chinois, Chine met en place canaux de communication qui contournent Etat fédéral,
notamment vers partis politiques (Pakistan Muslim League, Jamaat-e-Islami) et armée. A même époque
volonté des Etats-Unis de voir Chine s’investir dans stabilisation d’ « AfPak », mais échec du fait que
politique contre-terroriste chinoise n’est pas de lutter contre terrorisme mais d’éviter d’en devenir cible.
Pakistan y gagne de son côté aide chinoise pour accession à statut de puissance nucléaire, résolution de crise
énergétique, développement économique ainsi que soutien politique en creux sur grandes options
stratégiques pakistanaises à propos du terrorisme, d’Afghanistan et du Cachemire.
Enjeux de puissance et stabilité en Asie du Sud
Construire un Pakistan fort : la « réassurance stratégique » et ses limites : Même si montée du risque
terroriste est élément déclenchant rapprochement des relations sino-pakistanaises (suite à éloignement du
fait de renforcement des relations économiques entre Inde et Chine), réengagement auprès de Pakistan sert
intérêts préexistants. De fait importance de Pakistan comme vitrine pour exposition des technologies
militaires chinoises, notamment depuis fin 2009 et achat de chasseurs chinois par Pakistan. Malgré cela
importance de faiblesse des relations économiques entre Chine et Pakistan.
Les ambiguïtés de la Chine vis-à-vis du Cachemire : Importance d’idée pour Chine de construire
Pakistan « fort » pour maintenir équilibre avec Inde. Importance de développement de capacité à jouer rôle
politique au Cachemire par Chine du fait de développement de puissance économique et militaire. Volonté
de Chine de faire du Cachemire un conflit récurrent contre Inde et pour rassurer Pakistan. Depuis 1962 et
guerre sino-indienne, Chine occupe Aksai Chin dans Cachemire. En outre en 1963 Pakistan cède à Chine
des territoires revendiqués par Inde. Au cours des années 1970 et 1980 volonté d’affaiblir Inde. Toutefois, à
partir de 1988 mise en place de neutralité chinoise et à partir des années 1990 Chine ne soutient plus
Pakistan. Par la suite Chine prend position de médiateur en refusant soutien diplomatique au Pakistan
pendant conflit de Kargil en 1999 et demande à Pakistan de renouer dialogue avec Inde. Néanmoins, il n’en
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Hérodote 139 (2010) – Géopolitique du Pakistan
demeure pas moins que si Chine cherche à éviter escalade, ce n’est jamais aux dépens des intérêts
pakistanais. En ce qui concerne Cachemire volonté de Chine de maintenir conflit à niveau de conflictualité
peu élevé en privilégiant une stabilité relative.
Le Baloutchistan et le corridor énergétique et commercial : En ce qui concerne Baloutchistan volonté
de Chine d’assurer ses intérêts de sécurité de court terme. Exemple avec projet de corridor énergétique entre
Pakistan et Chine à partir du port de Gwadar au Baloutchistan. Possibilité pour Chine de stabiliser région
pour mener à bien projet, mais choix de mettre en veilleuse projet. Pas de volonté de Chine d’améliorer sa
sécurité, mais que celle-ci progresse d’elle-même.
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