La Chine et la réforme du système monétaire
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La Chine et la réforme du système monétaire
PETITS DEJEUNERS ECO memo La Chine et la réforme du système monétaire international Séance des Petits déjeuners éco avec M. Christian de Boissieu, Président délégué du Conseil d’Analyse Economique auprès du Premier ministre 18 octobre 2012 Christian de Boissieu explique que le monde ne devrait pas revenir à un système monétaire type Bretton Woods, du moins pas au cours des 15 années à venir. Les cours des monnaies devraient rester flottant dans le futur, et les zones monétaires comme l’Eurozone resteront l’exception. monnaies. L’euro vient en seconde place, occupant 26% des réserves de change internationales. Les 13% restant se partagent entre la livre sterling, le yen, et les autres monnaies mondiales. Le monde actuel est donc caractérisé par un duopole monétaire hautement asymétrique. Le dollar préserve sa dominance, notamment car il est la monnaie de facturation globale. Le monde monétaire actuel est donc très peu multipolaire. 1. Position de la Chine concernant le système monétaire international (SMI) La Chine a rendu publique sa position sur le SMI dès 20092010 : La Chine a souhaité plus de multilatéralisme dans le SMI, et a ainsi poussé pour une montée en puissance du G-20 concernant les problématiques internationales. La Chine affirme donc sa préférence pour un SMI multipolaire, et montre un intérêt prononcé pour les Droits de Tirage spéciaux (DTS) du FMI. 71 boulevard Raspail 75006 Paris - France Tel : +33 1 75 43 63 20 Fax : +33 1 75 43 63 23 www.centreasia.eu [email protected] siret 484236641.00029 Concernant un SMI multipolaire, Christian de Boissieu explique que le monde monétaire est aujourd’hui très peu multipolaire. Selon le FMI, en 2012, 61% des réserves de change des banques centrales internationales étaient en dollars américains. Il y a 20 ans, celles-ci étaient en dollar à 70%. Cela montre que le dollar américain s’est véritablement maintenu comme une monnaie internationale et n’a que très peu reculé face à d’autres Le Yen perd en influence, et le temps de la tripolarité USD, Yen, Deutsche Mark est révolu. Christian de Boissieu s’interroge sur la possibilité d’une nouvelle triade monétaire USD-€-Yuan. Sur le sujet de la multipolarité du SMI, les opinions chinoise et française se rejoignent. La Chine dénonce le privilège (a-t-il prononcé l’expression giscardienne et pas gaullienne, de « privilège exorbitant » ?) du dollar et veut un monde multipolaire. La preuve en est l’implication forte de la Chine dans l’Euro. Celle-ci veut atténuer le monopole américain. Concernant les DTS, créés en 1969, Christian de Boissieu note que ceux-ci sont aujourd’hui l’unité de compte de certaines opérations, mais que ceux-ci sont loin d’avoir le statut de monnaie. La valeur du DTS se fonde sur un panier de monnaies (€, £, $, Yen) avec un poids plus important pour le dollar. Christian de Boissieu explique qu’il est sceptique concernant l’avenir des DTS, car il ne croit pas en général à l’avenir des monnaies panier. Il faut, pour faire exister les DTS, accepter que ceux-ci existent comme monnaie et fluctuent. C’est une décision très politique. La Chine accorde une grande attention aux DTS car elle désire instaurer une diversification monétaire. Il est impossible pour le moment que le Yuan fasse son entrée dans le DTS, mais cela pourrait intervenir si la monnaie chinoise est libéralisée, et rendue flottante. 2. Politique chinoise concernant le SMI La politique chinoise envers le SMI se caractérise par la politique chinoise de taux de change. La Chine a fait des efforts pour réévaluer sa monnaie, mais ces efforts sont encore insuffisants (juge Christian de Boissieu), car l’excédent commercial et les réserves de change chinoises restent énormes. Christian de Boissieu explique qu’il est normal pour un pays avec un taux de croissance aussi élevé que celui de la Chine que sa monnaie soit réévaluée. Le Yuan a pris ces dernières années 25-30% par rapport au dollar, mais cela n’est pas suffisant. Le G-20 devra continuer à demander une réévaluation. de réforme expérimentale et empirique dans le cas de sa monnaie : elle a déjà lancé des expériences importantes à Hong Kong et Singapour, et par ailleurs, aujourd’hui, 10% des exportations chinoises sont facturées en Yuan. Néanmoins, c’est un processus lent et prudent, car la précipitation pourrait causer des conséquences sévères. Les conditions pour une libéralisation réussie sont les suivantes : • Un assainissement du système bancaire chinois, caractérisé par un niveau de crédit non performant proche de 30-40% ; • Un marché financier plus résilient, car les marchés financiers chinois sont pour l’instant très peu développés, et trop peu résilients. Ces marchés ont un véritable manque de liquidité ; • La Chine doit être suffisamment avancée dans son processus de passage d’un modèle de développement à l’autre. On voit donc l’écart, note Christian de Boissieu, entre la position chinoise sur le SMI et ses politiques monétaires et de taux de change. Il note également que dans le cas d’une internationalisation et d’une libéralisation du Yuan, l’Amérique du Sud et l’Afrique en seront les premiers et principaux utilisateurs. Cette réévaluation est d’autant plus importante que la Chine va devoir dans les années à venir revoir son modèle de croissance. Pour cela, le pays doit moins se reposer sur ses exportations pour stimuler sa croissance, et donc réévaluer sa monnaie pour favoriser d’autres formes de stimulation économique. Ceci permettrait également de lutter contre l’inflation. La Chine a une stratégie en matière monétaire et de taux de change à la fois mondiale et régionale. Au plan régional, on note les accords de Chiang Mai (accords de swap entre banques centrales régionales, coopération monétaire très « soft »). Au niveau mondial, on note une certaine coopération monétaire entre BRICS (contre les USA de facto), une « gesticulation » plus qu’une véritable action selon Christian de Boissieu. Au niveau bilatéral, il existait jusqu’a récemment une coopération plus effective entre Chine et Japon, mais celle-ci est remise en cause à l’heure actuelle en raison de la dispute territoriale sur le Senkaku. 3. Internationalisation du Yuan Il faudra du temps pour qu’une internationalisation du Yuan se réalise. Au moins 5 à 10 ans pour une totale convertibilité de la devise, explique Christian de Boissieu. Il faut avant cela libéraliser progressivement le compte courant chinois. La Chine mettra en place sa stratégie 2