PORTUGAL L`AMOUR DU VIN EN PÉRIODE DE CRISE

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PORTUGAL L`AMOUR DU VIN EN PÉRIODE DE CRISE
PORTUGAL
L'AMOUR DU VIN
EN PÉRIODE DE CRISE
Par Dirk Rodriguez
C'est bien connu, la crise économique n'est pas vécue par tout le monde de la même manière. Certains y voient même une
opportunité fantastique pour investir dans certains secteurs : le Gouvernement l'a bien compris et, pour une fois, le secteur du
bâtiment suit. Cela vaut encore plus pour un pays qui a besoin d'argent frais, comme le Portugal aujourd'hui. Quinta de Lemos
(Dao), une histoire semi-belge et Pessegueiro (Douro), une histoire semi-française sont deux exemples remarquables à
cet égard. Mais pour eux, « opportunité » ne signifiait pas pour autant opportunisme : l'idée n'était pas en effet de lancer sur
le marché du vin un blockbuster avec des cépages internationaux, ces temps-là sont révolus, mais bien de respecter la tradition
et le terroir tout en valorisant les cépages autochtones.
QUINTA DE LEMOS
Parler de racines serait exagéré, et pourtant la famille de Lemos possède
bel et bien des origines ancrées en Belgique. Dans les années 70 en effet,
Celso de Lemos s'installe à Tournai avec pour objectif de travailler dans
l'industrie du textile, mais pas sans ambition. Il vient en effet surtout
étudier comment exporter au Portugal les techniques utilisées dans
notre pays afin d'y créer une production textile moderne et de qualité.
Dans le même temps, il commence à importer des textiles portugais
dans notre royaume.
Quarante ans plus tard, Celso de Lemos dispose d'une unité de production de plus de 100 personnes dans la ville portugaise de Viseu et
dirige le réseau international A & H (Abyss & Habidecor) spécialisé dans
le linge de bain de haute qualité (Abyss) et les tapis de bain (Habidecor),
tous produits distribués par des magasins tels que Harrod's, El Corte
Inglés , Bloomingdales , Lane Crawford ... de New York à Hong Kong.
Son fils, Pierre de Lemos, a lui aussi vécu un temps en Belgique (il
a même épousé la flamande Els Picard) mais a décidé quant à lui de
créer, quasiment à partir de zéro, un domaine viticole de 50 hectares
dans le Heimat familial, à Silgueiros, au sud de Viseu dans le Dão. À
une parcelle près, tout a dû être replanté et, ce fut un choix radical,
uniquement avec des cépages autochtones. L'ambition de ce domaine
8 VINO ! | N°1 | FÉVRIER - MARS 2014
baptisé « Quinta de Lemos » est de donner naissance à un grand vin
de terroir qui puisse renforcer la place du Dão sur l'échiquier international du vin. À cet égard, il faut reconnaître que les facteurs de réussite
ne manquent pas : le sol de la Quinta est essentiellement composé de
granit et le domaine est protégé des caprices de la météo par quatre collines. Rendement moyen à l'hectare : 30 hl à peine. À l'œnologue Hugo
Chaves maintenant d'obtenir des vins de haut de gamme avec un grand
potentiel de vieillissement.
Et celui qui visite la propriété ne sait plus où poser les yeux. Au sommet de la colline, à moitié encastrée dans les rochers de granit, se niche
en effet une magnifique maison d'hôtes où les chefs locaux savent clairement comment associer les vins de la Quinta à leurs plats.
Pour donner encore plus de force à sa démarche, la famille de Lemos
a pris l'engagement solennel de ne pas laisser ses vins quitter le domaine
avant qu'ils n'aient passé 5 ans dans leur cave. Cela représente une fortune en cashflow certes, mais c'est aussi la meilleure manière de prouver,
verre en main, la capacité de vieillissement de leurs produits.
Côté vignobles, ceux-ci sont travaillés selon les principes durables de
la lutte raisonnée et ce, pour la vaste gamme de cépages autochtones :
le touriga nacional, le tinta roriz (le même ADN que le tempranillo
espagnol), le jaen galeno (l'équivalent du mencía), l'alfrocheiro preto