Discours Premier président
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Discours Premier président
Audience solennelle de rentrée du 7 janvier 2014 Discours d’Alain GIROT, Premier Président Monsieur le préfet, Mesdames et messieurs les élus, Mesdames et messieurs les premiers présidents et procureur généraux, présidents et procureurs, Mesdames et messieurs représentants les autorités civiles, militaires, associatives et religieuses, Mesdames et messieurs, La cour est heureuse et honorée de vous accueillir dans cette magnifique grand’chambre qui témoigne par différents symboles de l’histoire de notre justice mais qui est également résolument tournée vers l’avenir par sa modernité. Au nom de la cour je tiens à vous remercier d’avoir accepté de partager ce moment solennel avec les magistrats et fonctionnaires. Votre présence est sans aucun doute la démonstration de l’intérêt que vous portez à la justice de votre région rendue par des hommes et des femmes qui chaque jour tentent au mieux de répondre à l’attente des justiciables dans les meilleures conditions avec les moyens qui leur sont donnés. La modernité, vous avez pu la constater dès votre entrée dans cette salle. Sur deux écrans, étaient projetées des photographies prises dans les différents tribunaux du ressort par l’Association pour le Cinéma et l’Audiovisuel en Picardie sur le thème du bleu et du rouge, couleurs du drapeau national , le blanc étant symbolisé par l’accès à la salle d’audience. Sur un troisième écran ont été projetées les images des différents événements ayant eu lieu à la cour d’appel au cours de l’année 2013.Sur les coupoles de cette salle, d’autres photographies projetées vous ont permis de visiter virtuellement nos juridictions. L’ACAP a pour mission de favoriser les projets cinéma et audiovisuel en Picardie, tant à travers le soutien aux porteurs de projets et au tissu professionnel régional que par la valorisation du territoire comme terre de tournages notamment grâce à ses décors. C ‘est à ce titre que l’ACAP, en convention avec le ministère de la culture et le conseil régional et en collaboration étroite avec la cour d’appel d’Amiens a mené tout au long 1 de l’année 2013 une campagne de repérages photographiques des palais de justice de la région. A l’image de la Picardie riche d’une très grande variété de décors naturels et bâtis, la visite de ces lieux révèle des trésors méconnus et propose un panel d’ambiances extrêmement diverses comme celles que vous avez pu apercevoir concernant par exemple les salles d’attente. Je remercie les responsables locaux de ce travail qui sont également à l’origine des photographies que vous retrouverez sur la plaquette qui vous a été distribuée concernant l’activité 2013 de la cour d’appel d’Amiens, plaquette élaborée par quatre assistants de justice qu’il convient de féliciter pour leur engagement, leur disponibilité et leur talent. Avant de satisfaire aux obligations édictées par l’article R 111-2 du code de l’organisation judiciaire qui prévoit que chaque année dans la première quinzaine du mois de janvier, une audience solennelle est tenue au cours de laquelle il est fait un exposé de l’activité de la juridiction durant l’année écoulée, la cour va procéder à l’installation des nouveaux magistrats nommés par décret du 11 décembre 2013: - Madame Marguerite Marie Marion - Madame Odile Rimbeuf-Grévin - Monsieur Dominique Tailhardat. Cher(e)s collègues, la cour est heureuse de vous accueillir. Madame Marion: Vous avez intégré l’école nationale de la magistrature le 9 janvier 1976. Après votre scolarité, vous avez été nommée juge des enfants à Long-leSaunier le 1er février 1978 puis juge des enfants à Besançon le 11 janvier 1983, viceprésidente à Melun le 19 avril 1985 et Présidente du tribunal de grande instance de Dôle le 10 avril 1987. Après une période de mise en disponibilité, vous avez exercé les fonctions de viceprésidente à Evreux, à Avesne-sur-Helpe, de nouveau à Melun puis à Paris. Le 4 septembre 2006, vous avez été nommée conseillère à la cour d’appel de Paris ou vous avez été chargée de contentieux spécialisés notamment en matière de responsabilité civile. Nul doute que votre parcours riche et diversifié sera pour la cour un atout important. Vous serez chargé du contentieux de la première chambre civile et de celui des appels des TASS au sein de la chambre sociale. Madame Grévin: Vous avez intégré l’école nationale de la magistrature le 16 mai 1990 puis avez occupé votre premier poste de magistrat comme juge d’instance à Abbeville le 4 septembre 1992. Vous avez ensuite choisie d’embrasser une carrière régionale en Picardie puisque vous avez été nommée juge à Amiens le 9 mai 1995, vice2 présidente à Saint-Quentin le 1er septembre 2003 puis Vice-présidente à Amiens le 1er septembre 2006. Vous occuperez à la cour des fonctions au sein de la chambre de la famille. Monsieur Tailhardat, je ne reviens pas sur votre carrière qui vient d’être rappelée par Monsieur le procureur général. Bienvenue à tous au sein de la cour d’appel d’Amiens. La cour vous invite à rejoindre les places qui sont désormais les vôtres. ******************** Le 30 septembre dernier, j’occupais officiellement la place de premier président de la cour d’appel d’Amiens. A cette occasion, je constatais la bonne marche de cette cour et l’engagement professionnel sans faille de ses membres. Les résultats qui figurent dans la plaquette qui a été mise à votre disposition le confirment. 27 magistrats du siège affectés à la cour et 55 fonctionnaires de greffe en sont à l’origine. Dès mon arrivée, nous avons cherché ensemble la meilleure organisation possible de la cour d’appel pour assurer son bon fonctionnement dans la mesure de ses moyens. Les dispositions qui ont été prises sont le résultat des échanges de réflexions qui ont eu lieu par service. La compétence et le dynamisme de chacun m’ont été de précieux secours. Je citerai simplement à titre d’exemple : - l’organisation de la cour en pôles civil, pénal, économique et social permettant une meilleure mutualisation des moyens humains et matériels. Dans ce cadre, il a été procédé à une nouvelle organisation de la chambre civile et de la chambre correctionnelle. Le but recherché a été une plus grande spécialisation des conseillers dans chaque pôle afin d’éviter une trop grande dispersion dans les activités de chacun qui nécessite un investissement important et chronophage pour des contentieux non habituellement traités. J’espère notamment voir améliorer les performances de la chambre correctionnelle qui n’a pas été en mesure cette année de rendre le nombre d’arrêts souhaités pour un bon écoulement des stocks. - la mise en place d’une commission d’audiencement comprenant le président de la chambre correctionnelle, le secrétaire général du procureur général chargé de l’audiencement et des fonctionnaires de greffe de ce service. Elle se réunira chaque mois aux fins de fixer les affaires pour chaque audience correctionnelle après 3 calibrage des dossiers. Des audiences de six heures pourront être prévues en fonction de la durée prévisible des affaires. - la mise en place en accord avec le président de la compagnie des experts d’éléments de calcul de taxation des frais d’expertises civiles diffusés dans l’ensemble du ressort pour supprimer toute disparité dans les taxations des honoraires des experts. - la mise en place à titre expérimental avec le tribunal de commerce de Compiègne de la conciliation en matière commerciale confiée à l’ancien président de ce tribunal qui vient d’être nommé conciliateur de justice. - le recentrage du service des assises confié à deux conseillers de la cour qui assureront l’ensemble des sessions de la Somme de l’Aisne et de l’Oise. Je n’aborderai pas dans le détail les chiffres qui sont mentionnés dans la plaquette mise à votre disposition. Nous pouvons simplement remarquer ensemble une importante hausse des affaires civiles dont est saisie la cour d’appel: 7059 affaires nouvelles au lieu de 5902 en 2012. Cette augmentation est due en partie à un afflux important d’appel des décisions du juge de l’exécution, sans doute lié à la crise économique mais aussi à une augmentation très sensible des affaires soumises à la chambre sociale et notamment aux affaires comme celle dénommée “Continental” qui représente à elle seule plus de 1400 dossiers. Notons qu’avec un effectif de magistrats réduit pendant une grande partie de l’année en raison de mutation ou de départ à la retraite non remplacés, la cour d’appel a pu obtenir un nombre bien plus important d’affaires civiles terminées qu’au cours de l’année précédente puisque la statistique fait apparaître que 5810 affaires ont été terminées au lieu de 5219. Le délai de traitement de ces affaires avec un délai moyen de 9,9 mois est bien inférieur au délai de traitement au niveau national. Ces résultats sont dus également à l’engagement professionnel des fonctionnaires de greffe et des assistants de justice affectés à la cour. Que tous ici soient remerciés pour le travail accompli dans le souci constant de rendre une justice de qualité. Je me dois ici de féliciter tout particulièrement les tribunaux d’instance pour l’effort sans précédent accompli dans le cadre de la réforme des tutelles majeurs qui prévoyait que l’ensemble des mesures de tutelle soit révisé avant le 31 décembre 2013, ce qui a nécessité un travail très important et une volonté affirmée de parvenir à ce résultat. Je rappelle que dans le ressort de la cour d’appel, ce sont 17 574 dossiers de tutelle qui sont en cours au 31 décembre 2013. 4 La cour d’appel d’Amiens se veut résolument tournée vers l’avenir. A ce titre, elle sera représentée aux journées des 10 et 11 janvier prochain organisées à la maison de l’Unesco par le ministère de la justice, journées dénommées “la justice du 21ème siècle, le citoyen au coeur du service public de la justice”. Ces journées seront l’occasion de réfléchir sur les travaux menés d’une part par l’institut des hautes études pour la justice sur l’office du juge au 21ème siècle, ceux des groupes de travail sur les juridictions et les magistrats du 21ème siècle et ceux de la commission sur la modernisation de l’action publique, ainsi que sur le rapport d’information réalisé par Madame Virginie Klès et Monsieur Yves Détraigne, sénateurs. Ces travaux permettront une réflexion sur les enjeux contemporains de la justice, sur les métiers de justice et sur l’image de cette dernière dans l’opinion publique, sans oublier les comparaisons européennes. Différents ateliers seront constitués dont je citerai certains: - Comment assurer une bonne adéquation entre juridictions, contentieux et territoires: sera étudié notamment le concept de justice de proximité: question géographique, juridique ou technologique? - comment mieux travailler ensemble pour plus de lisibilité et d’efficacité pour les citoyens: recherche d’une meilleure diffusion de la jurisprudence pour renforcer la sécurité juridique. - comment permettre aux citoyens et à leurs conseils d’être davantage acteurs de leurs parcours judiciaire: régler ses conflits sans le juge ? - comment reconnaître les nouveaux modes d’exercice de la justice jusque dans la symbolique des lieux. - comment mieux garantir la protection des intérêts de la société et les droits et les libertés de l’individu. J’ai choisi de vous faire part de trois grands axes des recommandations figurant dans le rapport du groupe de travail confié à la présidence de Monsieur DelmasGoyon. 1er axe: rendre les citoyens davantage acteurs de leurs litiges. « Le citoyen ne se reconnaît plus dans la relation administration/usager, il a besoin d'être davantage acteur de son litige » a précisé Pierre Delmas-Goyon. Il propose notamment le développement de procédures de résolution amiable des litiges (comme la médiation), le passage en cours d'instance d'une procédure écrite à une procédure orale afin de faciliter le recours à des solutions négociées et l'utilisation accrue des nouvelles technologies numériques. Il propose également d'adopter des référentiels et d'en assurer la diffusion publique afin de permettre aux citoyens de 5 prévoir ce qui peut être attendu d'une éventuelle action en Justice et de s’en servir de référence pour régler leurs litiges entre eux. 2 .Ce rapport vise d'autre part à organiser le fonctionnement de la Justice au service des citoyens. Il propose notamment de promouvoir le travail en équipe afin d'assurer une meilleure concertation et une meilleure communication entre les personnels judiciaires. « Pour être efficace, il faut raisonner et travailler de façon collective » a estimé Pierre Delmas-Goyon. Le rapport propose par ailleurs d'améliorer la qualité de la Justice de première instance en favorisant l'écoute des justiciables et la compréhension de leurs litiges. Pour cela, les missions de chaque professionnel seront repensées, et il est proposé la création d’un greffier juridictionnel qui aurait pour but “de reconnaître le rôle déterminant des greffiers et d'ouvrir des opportunités de carrière». Est lié notamment à ce nouveau statut le projet déjà très controversé de confier à ce greffier juridictionnel le prononcé des divorces par requête conjointe. 3. Ce rapport vise enfin à rationaliser le fonctionnement de la Justice notamment en aménageant certaines procédures en matière civile et pénale et en redonnant du sens à la procédure d'appel. Il préconise de recentrer l’appel sur la critique de la décision de première instance, ce qui permettrait incontestablement de mieux circonscrire le débat au second degré et de juger dans un délai plus raisonnable. Mais la conception de l’appel est une question importante, qui ne saurait être seulement posée en termes d’efficacité. Il est donc proposé de redonner à l’appel civil sa fonction première portant sur la critique de la décision de première instance mais d’assortir ce principe de dispositions permettant d’assouplir sa mise en œuvre . En effet, une conception plus restrictive de l’appel apparaît difficile à mettre en oeuvre, au motif essentiel que l’institution judiciaire ne parvient pas à traiter les affaires dans un délai suffisamment bref pour qu’il puisse être mis un terme définitif au litige, sujet à évolution depuis la décision rendue par les premiers juges. Fixer la décision judiciaire en fonction d’une situation ne correspondant plus à la réalité du moment serait cause de procès futurs de nature à encombrer paradoxalement les juridictions. Il est certain que la décision d’appel doit mettre un terme au litige et elle doit donc être rendue en tenant compte des évolutions qui ont pu se produire depuis la décision de première instance. Mais cela n’est pas incompatible avec un appel fondé sur la critique de la décision de première instance. Il suffit d’apporter à ce principe les assouplissements nécessaires en cas d’évolution du litige (faits nouveaux, découverte de documents ou révélation de la rétention d’une pièce par une partie ou par un tiers). En cette hypothèse, il faut que les parties puissent saisir le juge pour lui demander d’admettre mises en cause, moyens nouveaux et nouvelles pièces justificatives, voire prétentions nouvelles. L’autorisation doit alors être accordée dans la limite de ce que justifie l’évolution constatée. 6 Cette procédure pourrait être confiée à une formation collégiale des recours, formation spécifique, unique pour toute la cour d’appel, ce qui garantirait une jurisprudence harmonisée au sein de la cour sur la question sensible des critères d’admission de l’évolution du litige. Le rapport Marshall quant à lui trace les plans d'une nouvelle organisation judiciaire visant à redonner à la Justice des perspectives au long cours. Il souligne la diversité des attentes selon les profils des justiciables, le besoin de concilier une Justice de proximité et une Justice spécialisée et la nécessité de redonner un sens au travail des magistrats et des fonctionnaires de Justice. Les propositions issues de ce rapport ont donc pour objectif de permettre au citoyen d’accéder plus facilement à la connaissance de ses droits, de construire une politique de proximité adaptée à la réalité des territoires, de moderniser l'organisation judiciaire en privilégiant la qualité du service public rendu au justiciable qui devrait être davantage acteur de la solution de son litige, de renforcer les liens entre la Justice et la société civile et d'anticiper les évolutions de la Justice. Parmi les propositions, on peut notamment citer le regroupement des contentieux par blocs de compétence au sein de six tribunaux spécialisés et d'un tribunal dédié aux contentieux de proximité (les sept tribunaux étant regroupés au sein d'un tribunal de première instance), la généralisation des guichets universels de greffe dans les palais de Justice, la réforme procédurale des conseils de prud'hommes, le renforcement des effectifs de greffe dans les maisons de Justice et du droit, l'enrichissement des missions des greffiers, le développement de l'échevinage ou encore la mise en place d'un observatoire national de la Justice. Nous attendons tous certainement beaucoup de ces réflexions qui seront enrichies des apports de chaque participant au cours de ces deux journées. Sans aucun doute nos partenaires privilégiés que sont les avocats sauront donner des avis pertinents. J’en profite pour dire comme j’ai apprécié les relations cordiales engagées avec monsieur le Bâtonnier BOURRE de même qu’avec les autres Bâtonniers du ressort que j’ai eu l’occasion de rencontrer. J’adresse toute mes félicitations à Maître de LIMERVILLE pour son élection comme Bâtonnier désigné. Mesdames et Messieurs, il me reste à vous souhaiter à chacun d’entre vous une excellente année 2014 qui j’espère exhaussera vos souhaits les plus chers professionnels ou personnels. Merci encore de votre présence. La cour donne acte à Monsieur le procureur général de ses réquisitions, déclare close l’année judiciaire 2013 et ouverte l’année judiciaire 2014 et dit que du tout il sera dressé procès-verbal 7 8