Prospection de l`avenir du système judiciaire Tunisien

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Prospection de l`avenir du système judiciaire Tunisien
Prospection de l’avenir du système judiciaire Tunisien
Imed Derouiche
Conseiller à la Cour de Cassation
Tunisie
• « Demain est déjà là », écrivit un auteur en 1999.
• Mais hier est également là et ne sera certainement pas absent dans
l’avenir.
• Hier, aujourd’hui et demain s’entremêlent et se croisent dans chaque
étude prospective.
• Les juristes sont souvent considérés à tort comme des
conservateurs, mais loin de là, la jurisprudence, la doctrine et bien
entendu le législateur ne cessent de déceler dans le présent les germes
du futur. Les indicateurs sont variés et bien sûr discutables, les
scénarios possibles ne le sont pas moins mais l’évaluation de l’histoire,
la réflexion sur le présent et la prospection de l’avenir sont une œuvre
continue.
• En Tunisie, l’organisation judiciaire ne demeure pas en reste de
l’évolution dans tous les domaines à l’heure de la mondialisation et au
rythme soutenu de la globalisation.
• Les principes fondamentaux sur lesquels repose le système judiciaire
Tunisien et dont le but est d’assurer une bonne administration de la
justice seront sans doute maintenus dans l’avenir, mais les techniques
tendant à les consacrer devraient se développer et il serait même
opportun d’instaurer de nouvelles institutions, pour aboutir à un
traitement meilleur des affaires et pour en assurer la célérité.
• Une politique qui tend à assurer plus d’efficience au système
judiciaire et qui répond aux attentes des justiciables et des magistrats
devrait adopter une démarche s’appuyant sur les axes suivants :
1
1- Faciliter l’accès à la justice
Cela se fera en rapprochant davantage la justice des justiciables par
l’augmentation du nombre des tribunaux de première instance dans certaines
régions et celui des cours d’appel mais aussi et surtout par l’installation du
système « e-justice » qui permettra au justiciable l’accès à l’information et au
suivi des affaires.
2- Promouvoir l’institution du juge unique :
Dans le système judiciaire Tunisien, juges uniques et formations collégiales
cohabitent. Certes, la collégialité demeure un gage de qualité des décisions
rendues mais pour faire face à l’augmentation de la masse du contentieux , il
convient de promouvoir l’institution du juge unique au niveau des juridictions
du premier degré, cela conduira à une accélération du traitement des affaires1.
Dans le même ordre d’idées, il convient de consacrer davantage la
procédure d’injonction de payer qui est une procédure de recouvrement
simplifiée (prévue par les articles 59 et suivants du code de procédure civile et
commerciale) et d’instaurer la procédure d’injonction de faire.
3- Renforcer la spécialisation :
La technicité de certains litiges fait de nos jours de la spécialisation des
juridictions une nécessité.
La vie des affaires par exemple appelle des solutions spécifiques. Le
législateur tunisien a choisi d’associer la rigueur juridique aux qualités de
technicité. Il a ainsi consacré la mixité des juridictions commerciales, mixité qui
permet de cumuler les avantages d’une juridiction composée exclusivement
de commerçants et ceux d’un tribunal ne comprenant que des juges
professionnels2. Les décisions rendues par les chambres commerciales ainsi
1
Voir concernant les avantages et les inconvénients de ces deux institutions juge unique et collégialité
Dictionnaire de la justice sous la direction de Loic Cadiet
2
Amel Mamlouk, la souplesse des chambres commerciales, article paru à la Revue de la Jurisprudence et de la
Législation, Mars 2003
2
composées sont susceptibles d’appel devant la Cour d’Appel composée
uniquement de magistrats de carrière.
Mais ces chambres commerciales faisant partie des tribunaux de première
instance n’ont pas une compétence exclusive en matière commerciale. La
justice cantonale composée d’un juge unique est elle aussi compétente de
connaître des litiges commerciaux; les décisions rendues sont susceptibles de
recours en appel devant la chambre commerciale auprès du tribunal de
première instance.
Il convient d’unifier la juridiction habilitée à statuer sur les affaires
commerciales qui tout en conservant la même formation aura à connaître de
tous les litiges entre commerçants en ce qui concerne leur activité
commerciale. En outre, le président du tribunal commercial doit être doté des
pouvoirs de juge de référé dans les limites de la compétence d’attribution dudit
tribunal car on ne peut séparer la juridiction de référé de celle du fond,
puisqu’elle en est une émanation et on ne saurait admettre que la compétence
en référé appartienne au président d’une juridiction dépourvue de la
compétence au fond comme l’a souligné Pierre Estoup dans son ouvrage
intitulé la pratique des procédures rapides.
Mais dire juridiction spécialisée veut dire forcément magistrat spécialisé
d’où la nécessité de procéder à une formation poussée des magistrats dans
certaines disciplines telles que le droit fiscal , le droit des entreprises en
difficulté …
4- Réviser le système de résolution des difficultés d’exécution
L’exécution des jugements est en rapport étroit avec la notion de procès
équitable, lequel doit aboutir à un résultat positif qui est l’exécution des
jugements rendus.
Il convient en la matière de simplifier les règles de compétence en
centralisant sur un seul juge le maximum de litiges relatifs à l’exécution forcée
des jugements en matière civile tout en accompagnant cette centralisation
3
d’une exclusivité3. Ce juge aura à connaître de toutes les difficultés
d’exécution des jugements et actes exécutoires. Instaurer cette institution
spécialisée permettra de mieux traiter ces difficultés et d’unifier la
jurisprudence en la matière.
5- Consacrer davantage la technique de la médiation et de la
conciliation
Cette procédure est à présent obligatoire dans certaines disciplines telles
que la matière prud’homale et celle du divorce mais il serait opportun d’en
faire une procédure obligatoire dans tous les procès où elle est juridiquement
possible. Il convient en outre de créer l’institution de délégué aux affaires
familiales dont le rôle serait de resserrer les liens entre les membres de la
famille en restaurant la communication entre eux. Instaurer cette institution
aura pour avantage :
1-de diminuer le nombre d’affaires devant les tribunaux.
2-de raccourcir les délais de traitement de ces affaires.
En matière commerciale, le législateur a prévu la tentative de conciliation
entre les parties au litige lesquelles peuvent, à toute phase de la procédure
demander à la chambre commerciale de statuer sur le litige selon les règles
de l’équité. Le jugement sera dans ce cas non susceptible d’appel mais peut
faire l’objet d’un recours en cassation. C’est là l’institution d’arbitrage judiciaire.
Mais en fait, cet arbitrage judiciaire n’est pas pratiqué. Il convient d’en
perfectionner le régime juridique prévu par l’art. 40 du CPCC pour qu’il soit
efficace. En plus, cette institution doit être généralisée dans toutes les affaires
et ne doit pas être limitée aux affaires commerciales comme c’est le cas
actuellement4.
3
Comme c’est le cas en droit Français voir en ce sens : Procédure civile, Jean Vincent et Serge Guinchard
Amel Mamlouk article précité
Houcine Ben Slima : L’arbitrage Judiciaire, actes du colloque sur « l’arbitrage à l’ère de la mondialisation »,
Tunis 1998
4
4
6- Assurer aux magistrats l’accès aux nouvelles technologies
d’information
La Tunisie a opté pour une politique d’ouverture sur son environnement.
Les choix par elle adoptés portent sur le renforcement de la coopération
internationale d’où la nécessité d’être branché sur les différentes législations
et leur évolution. Pour ce faire, il est indispensable de doter tous les magistrats
mais aussi les greffes des tribunaux d’outils informatiques perfectionnés.
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