une approche végétarienne du diabète

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une approche végétarienne du diabète
Soins de santé
Le pouvoir des aliments : une
approche végétarienne du diabète
` Amy Joy Lanou et Neal D Barnard
Des recherches récentes ont démontré les bienfaits d'une alimentation
équilibrée et de l'exercice physique pour la santé des personnes
atteintes de diabète. Ces résultats positifs sont encourageants pour
les millions de personnes atteintes de cette condition, et les millions
d'autres exposées aux risques de la développer à travers le monde.
Nous savons à présent que des interventions thérapeutiques sur le
style de vie sont très efficaces, tant pour prévenir que pour gérer la
condition. Chez les personnes atteintes de diabète de type 2, des
modifications du style de vie peuvent réduire et même supprimer la
nécessité d'une médication. L'importance d'une alimentation saine et
équilibrée riche en fruits, en légumes frais et secs, et pauvre en sucre
et en graisses animales a été démontrée. Dans cet article, Amy Joy
Lanou et Neal Barnard se penchent sur des données scientifiques qui
suggèrent que les régimes végétariens peuvent être particulièrement
bénéfiques pour la prévention et la gestion du diabète.
>>
Il existait déjà des indices que le
traitement et la prévention du diabète
pouvaient être améliorés à travers des
interventions sur l'alimentation. Des
études sur la population indiquent que
la prévalence du diabète varie
fortement selon les schémas
alimentaires. Dans des comparaisons à
l'échelle internationale, des régimes
riches en graisses et pauvres en
hydrates de carbone sont associés à
une plus forte prévalence du diabète.
De plus, lorsque des communautés
migrent ou lorsque leur culture locale
est radicalement modifiée, on observe
souvent une augmentation de la
prévalence du diabète.
En Chine et en Amérique
En Chine, par exemple, selon
l'Académie chinoise de médecine
préventive, la prévalence du diabète
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de type 2 s'est multipliée par cinq
entre 1980 et 1997. Celle-ci était plus
forte dans les villes que dans les zones
rurales. Pendant cette même période,
un développement économique rapide
a entraîné de profondes modifications
des schémas alimentaires avec
l'adoption d'une alimentation
'occidentalisée'. Tandis que l'on
assistait à une augmentation de la
consommation de produits d'origine
animale, entraînant une augmentation
de l'apport en graisses, l'alimentation
traditionnelle basée principalement
sur le riz et autres céréales et sur
les légumes était délaissée. En fait, la
consommation quotidienne moyenne
nationale de viande a pratiquement
doublé, la consommation d'oeufs a
triplé et celle de produits laitiers a
plus que quadruplé. La consommation
de céréales et de féculents a chuté
de 11 % et 50 %, respectivement.
( )
Des études sur la
population indiquent
que la prévalence du
diabète varie
fortement selon les
schémas alimentaires.
Les premières données scientifiques
sur les effets de bons schémas
alimentaires sur le diabète ont fait leur
apparition aux Etats-Unis il y a plus de >>
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Volume 48 Numéro 3
Soins de santé
Le personnel du PCRM et les
participants à l'étude goûtent des
plats végétaliens lors d'un cours de
nutrition et de cuisine.
participants affichaient également une
baisse des taux moyens de glycémie à
jeun, de cholestérol sanguin total et de
triglycérides.1
40 ans. Les chercheurs de l'Université du
Minnesota avaient commencé à étudier
les habitudes alimentaires de plus de
25 000 membres d'un groupe religieux, les
Adventistes du Septième Jour. Ce groupe
a longtemps intéressé les scientifiques car
pratiquement tous ses adeptes ne boivent
pas d'alcool, de café et ne fument pas.
La prévalence du diabète chez les
Adventistes du Septième Jour est deux
fois moindre que chez le reste de la
population. De plus, près de la moitié des
Adventistes du Septième Jour suivent un
régime végétarien.
Ces individus constituaient donc une
opportunité unique d'évaluer les effets
sur la santé d'une alimentation sans
viande. Après 21 ans d'étude, les résultats
sont éloquants. Même en tenant compte
des ajustements liés au poids, du niveau
d'exercice physique et de l'âge, le risque
de diabète chez les individus qui n'avaient
pas consommé de viande était beaucoup
plus faible que chez ceux qui en avaient
consommé. Les résultats d'autres grandes
études ont également apporté des preuves
scientifiques des bienfaits d'une alimentation
Octobre 2003
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végétarienne. Les recherches ont
démontré que :
Š la consommation de plus de fruits
et de légumes réduisait le risque de
diabète,
Š la consommation de viande, en
particulier la viande traitée,
augmentait le risque de diabète.
Une étude en milieu hospitalier de 25
jours a impliqué 21 personnes atteintes
de diabète de type 2 et de neuropathie.
Un régime végétalien (pas de viande ni
de poisson et aucun produit d'origine
animale) a été combiné à de l'exercice
physique. Grâce à cela, plusieurs
participants ont réduit leur besoin
d'insuline ou de médicaments oraux.
Les taux de cholestérol sanguin et de
triglycérides ont chuté et les participants
ont perdu en moyenne 5 kg en 25 jours.
Chez 17 des 21 volontaires, des douleurs
neuropathiques au niveau des jambes
ont disparu complètement au bout de 2
semaines et les quatre autres participants
ont bénéficié d'une guérison partielle.2
Régimes végétariens et
médications
Régime ou exercice ?
Des essais cliniques étudiant l'efficacité des
régimes végétariens et quasi-végétariens
pauvres en graisses, combinés à d'autres
changements de style de vie sain, ont
démontré leurs bienfaits substantiels pour
la santé des personnes atteintes de
diabète. Une étude s'est penchée sur l'effet
d'un régime quasi-végétarien pauvre en
graisses, riche en fibres et en hydrates de
carbone chez 652 personnes atteintes de
diabète de type 2. Pendant 26 jours, ce
régime a été combiné à un programme
intensif d'exercice physique.Au terme des
26 jours, 39 % des personnes traitées à
l'insuline et 71 % des personnes traitées
par médicaments oraux ont pu
interrompre leur médication. Les
Une étude menée par le Physicians
Committee for Responsible Medicine (PCRM)
et l'Université de Georgetown (EtatsUnis) s'est penchée sur les bienfaits pour
la santé d'un régime végétalien non raffiné,
pauvre en graisses, sans exercice physique
chez des personnes atteintes de diabète
de type 2. Les portions de légumes, de
céréales, de fruits et de légumes secs
étaient illimitées. Ces ingrédients ont été
utilisés pour préparer des purées, des
légumes grillés, du chili, des desserts
aux fruits et toute une série d'autres
plats. Aucune huile n'a été utilisée dans
la préparation des repas ; la farine et
les pâtes blanches raffinées ont été
remplacées par des variétés complètes.
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Soins de santé
Les repas étaient naturellement sans
cholestérol et très riches en fibres.
Ce régime apportait environ 60-70 g
de fibres par jour – trois à quatre fois
ce que la majorité d'entre nous
consomme habituellement. En
comparaison, un second groupe a
suivi un régime basé sur les directives
de l'ADA (American Diabetes
Association). Il était plus riche en
graisses (environ 30 % des calories)
et apportait environ 30 g de fibres et
200 mg de cholestérol par jour.
Pendant les 3 mois de l'étude, les
participants ont assisté deux fois par
semaine à des réunions de groupe où ils
ont pu trouver un soutien psychologique,
assister à des conférences sur la
nutrition et recevoir des instructions de
cuisine. Les résultats ont été
impressionnants. Le groupe végétalien a
réduit les taux de glycémie à jeun de
59 % de plus que le groupe qui a suivi le
régime de l'ADA. Un grand nombre de
participants ont pu abandonner leur
médication. Les personnes du groupe
végétalien ont perdu en moyenne 7,2 kg
par rapport à seulement 3,6 kg pour le
groupe de l'ADA. Le groupe végétalien
a également affiché des réductions des
taux de cholestérol plus importantes.3
Bien qu'il ne s'agissait pas d'une étude à
grande échelle, elle indique qu'une
alimentation basée sur les végétaux
peut améliorer la santé des personnes
atteintes de diabète.
Pourquoi les régimes
végétariens et végétaliens
influent-ils sur le diabète ?
Les régimes végétariens sont plus
pauvres en graisses (en particulier en
graisses saturées) et en cholestérol, et
plus riches en hydrates de carbones et
en fibres que les régimes incluant de la
>>
Un test du cholestérol sanguin total mesure le taux de cholestérol dans le sang
afin d'évaluer le métabolisme des graisses et le risque de maladie cardiaque. La
plupart du cholestérol présent dans le sang est du 'mauvais' cholestérol (cholestérol
LDL), mais une petite partie est du 'bon' cholestérol (cholestérol HDL) tandis que le
reste est généralement associé aux triglycérides. Le cholestérol sanguin total est un
test de dépistage utile, mais, dans la mesure du possible, un profil complet des
lipides sanguins est généralement dressé si le taux de cholestérol total est élevé.
Les triglycerides sont les graisses blanches visibles sur la viande. Les triglycérides
présents dans le sang proviennent des graisses absorbées via les aliments mais ils
sont également créés dans l'organisme à partir d'autres sources d'énergie comme les
hydrates de carbone. Toutes les calories consommées lors d'un repas dépassant les
besoins sont transformées en triglycérides et transportées dans les adypocytes où
elles sont stockées. Un excès de triglycérides dans le sang est lié aux maladies
cardiaques et à d'autres maladies des artères. Des taux élevés de triglycérides
peuvent être une conséquence d'un diabète mal géré.
Les hydrates de carbone sont divisés en deux groupes : les hydrates de carbone
simples et les hydrates de carbone complexes. Les hydrates de carbone simples
(également appelés sucres simples) incluent le sucre de fruit (fructose), de table
(sucrose) et de lait (lactose). Les fruits sont une grande source d'hydrates de
carbones. Les hydrates de carbone complexes sont également constitués de sucres,
mais les molécules de sucre sont reliées entre elles pour former des chaînes plus
longues et plus complexes. Les hydrates de carbone complexes incluent les fibres et
les féculents. Les aliments riches en hydrates de carbone complexes incluent les
légumes, les céréales complètes et les légumes secs.
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viande. Un régime végétarien est
particulièrement pauvre en graisses et
riche en hydrates de carbone
complexes et en fibres lorsque les
produits hautement traités, les huiles et les
produits laitiers sont réduits au minimum.
Les graisses constituent un problème pour
les personnes atteintes de diabète. Il a été
démontré que la réduction de l'apport en
graisses augmente la sensibilité à l'insuline.
Par conséquent, les régimes maintenant
l'apport en graisses autour de 10 % des
calories seront particulièrement
bénéfiques.
( )
Les régimes
végétariens améliorent
la sensibilité à
l'insuline en entraînant
une perte
de poids.
De la même façon, une augmentation de
l'apport en hydrates de carbone complexes
est associée à une meilleure sensibilité à
l'insuline chez les personnes non atteintes
de diabète et à un meilleur contrôle
glycémique chez les personnes atteintes de
diabète de type 2.1 L'effet d'un régime
riche en hydrates de carbone (70 % des
calories), pauvre en graisses (9 % des
calories) a été testé sur 20 hommes de
poids normal atteints de diabète de type 2
qui suivaient un traitement à base
d'insuline. Après 16 jours, 9 participants
ont pu interrompre l'insuline et les autres
ont pu réduire les doses. Dans l'ensemble,
le groupe a affiché une baisse moyenne du
cholestérol sanguin de 50 mg/dL.4
Les régimes végétariens et autres, riches
en hydrates de carbone et pauvres en
graisses, entraînent généralement une
perte de poids, ce qui améliore la
sensibilité à l'insuline. Une étude récente
du PCRM a montré qu'un régime
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végétalien pauvre en graisses produisait
une perte de poids beaucoup plus
importante chez des femmes postménopausées en surpoids qu'un régime
basé sur le National Cholesterol Education
Program Step II (Programme national
d'éducation sur le cholestérol II). Sur une
période de 14 semaines, le poids
corporel a diminué de 5,8 kg en
moyenne dans le groupe végétalien, par
rapport à 3,8 kg dans le groupe de
contrôle. Dans cet essai, une
augmentation moyenne de 24 % de la
sensibilité à l'insuline a été enregistrée
chez le groupe végétalien, tandis
qu'aucun changement significatif n'était
observé à ce niveau dans le groupe qui
suivait le régime Step II.
L'acceptabilité de ces régimes a
également été étudiée. Il s'est avéré que
les régimes végétaliens et végétariens
pauvres en graisses ne se distinguaient
pas d'autres régimes thérapeutiques.
Comparé à un régime sans restriction,
le régime végétalien semblait demander
un peu plus d'efforts, mais n'était pas
perçu différemment en termes
d'acceptabilité ou de plaisir.5
` Amy Joy Lanou et Neal D
Barnard
Le Dr. Amy Joy Lanou est Directrice en
Nutrition pour le Physicians Committee for
Responsible Medicine, une organisation
sans but lucratif basée à Washington DC,
Etats-Unis, qui mène des recherches
cliniques sur l'alimentation et le risque de
maladie, encourage des habitudes
alimentaires saines à titre de médecine
préventive et plaide pour de meilleures
normes dans la recherche médicale. Elle a
un intérêt particulier pour l'utilisation des
régimes végétariens dans la prévention de
l'obésité, du diabète, des maladies
cardiaques et du cancer.
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Le Dr. Neal D Barnard est Président du
Physicians Committee for Responsible
Medicine. Il est l'auteur d'un livre intitulé
Breaking the Food Seduction (St. Martin's
Press, juin 2003), qui explore les nouvelles
sciences derrière les dépendances
alimentaires.
Pour plus d'informations sur les régimes
végétariens et le diabète, consultez le
site www.pcrm.org
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NIDDM: the need for early emphasis.
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intervention using a low-fat, vegetarian
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5. Barnard ND, Scialli AR, Bertron P,
Hurlock D, Edmonds K. Acceptability
of a therapeutic low-fat, vegan diet in
premenopausal women. J Nutr Educ
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