Forme de poème - lit-et
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Forme de poème - lit-et
Le langage poétique (2) : Les formes poétiques Traditionnellement, la poésie est régie par un certain nombre de contraintes liées à l’usage du vers, de la rime, de la strophe. Ces contraintes sont fortement remises en cause dans le courant du 19è siècle, les poètes se tournant alors vers des formes plus libres. 1. Les formes fixes On appelle ainsi des formes poétiques obéissant à des contraintes de composition rigoureuses tant au niveau du type de vers que des rimes et des types de strophes, leur agencement ou leur nombre. Au cours du Moyen Âge (du XIè au XVè siècle), musique et poésie, auparavant associées dans les chants des troubadours, deviennent autonomes. Les poètes cherchent à traduire le rythme et les sonorités de la musique par les mots. a. Formes médiévales Le Rondel ou rondeau ancien Le temps a laissié son manteau De vent, de froidure et de pluye, Et s’est vestu de brouderie, De soleil luyant, cler et beau. Il n’y a beste, ne oyseau, Qu’en son jargon ne chant ou crie : Le temps a laissié son manteau De vent, de froidure et de pluye. Riviere, fontaine et ruisseau Portent, en livrée jolie, Gouttes d’argent et d’orfaverie, Chascun s’abille de nouveau. Le temps a laissié son manteau. Charles d’Orléans, « Le Printemps » Le Rondeau Ma foi, c’est fait de moi, car Isabeau M’a commandé de lui faire un rondeau. Cela me met en une peine extrême. Quoi ! treize vers, huit en eau, cinq en ême ! Je lui ferais aussi tôt un bateau. En voilà cinq pourtant en un monceau. Formons-en huit en invoquant Brodeau ; Et puis mettons, par quelque stratagème, Ma foi, c’est fait. Si je pouvais encor de mon cerveau Tirer cinq vers, l’ouvrage serait beau. Mais cependant me voilà dans l’onzième ; Et si je crois que je fais le douzième ; En voilà treize ajustés au niveau. Ma foi, c’est fait. Voiture, « Rondeau » Poème de 13 vers, des octosyllabes le plus souvent ; 3 strophes : deux quatrains suivis d’1 quintil ; Les deux premiers vers du premier quatrain constituent un refrain et forment la seconde moitié du deuxième quatrain ; Le premier vers forme aussi le treizième, soit le dernier du quintil ; Construit tout entier sur deux rimes (a et b) Les rimes sont embrassées dans le premier quatrain, croisées dans le deuxième quatrain, et de nouveau embrassées dans les quatre premiers vers du quintil selon le schéma : ABBA – ABAB – ABBAA Le rondeau est le fils du rondel. Il tient de son père le petit refrain en ritournelle, la disposition des rimes et des vers 15 vers : 13 octosyllabes ou décasyllabes + 2 tétra- (- ou pentasyllabes) en refrain; construits sur deux rimes (A et B) ; Il est composé de 2 strophes, mais la disposition graphique en présente trois ; La première strophe est un huitain, écrit sous la forme d’un quintil suivi d’un tercet : AABBA – AAB ; La deuxième strophe, troisième dans la disposition graphique, est un quintil : AABBA les premiers mots du premier vers sont répétés sous forme de refrain en dehors des rimes, une fois à la fin du tercet et une fois à la fin du dernier quintil selon le schéma : AABBA - AAB refrain AABBA refrain. La Ballade Genre majeur au Moyen Âge, remis partiellement à l'honneur au XIXe siècle comme avec Hugo Odes et Ballades Frères humains qui apres nous vivez N’ayez les cuers contre nous endurciz, Car, se pitié de nous pauvres avez, Dieu en aura plus tost de vous merciz. Vous nous voyez cy attachez cinq, six Quant de la chair, que trop avons nourrie, Elle est pieça devoree et pourrie, Et nous les os, devenons cendre et pouldre. De nostre mal personne ne s’en rie : Mais priez Dieu que tous nous veuille absouldre ! Se frères vous clamons, pas n’en devez Avoir desdain, quoy que fusmes occiz Par justice. Toutesfois, vous savez Que tous hommes n’ont pas le sens rassiz ; Excusez nous, puis que sommes transis, Envers le filz de la Vierge Marie, Que sa grâce ne soit pour nous tarie, Nous préservant de l’infernale fouldre. Nous sommes mors, ame ne nous harie ; Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre ! elle comporte trois strophes et demie; la demistrophe finale constitue l'envoi. Il débute toujours par une invocation : Prince, Sire, etc. (dédicace du poème à Dieu, au roi, à une dame...) ; le dernier vers de chaque strophe constitue un refrain ; Il y a autant de vers dans la strophe que de syllabes dans le vers (8 ou 10 en général) ; La ballade en dizains est construite sur quatre rimes, celle en huitains sur trois rimes. Le retour des rimes et leur alternance sont d’une rigueur complexe. La pluye nous a débuez et lavez, Et le soleil desséchez et noirciz : Pies, corbeaulx nous ont les yeulx cavez Et arraché la barbe et les sourciz. Jamais nul temps nous ne sommes assis ; Puis ça, puis la, comme le vent varie, A son plaisir sans cesser nous charie, Plus becquetez d’oiseaulx que dez à couldre. Ne soyez donc de nostre confrarie ; Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre ! Prince Jhesus, qui sur tous a maistrie, Garde qu’Enfer n’ait de nous seigneurie : A luy n’avons que faire ne que souldre. Hommes, icy n’a point de mocquerie ; Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre. François Villon, « Ballade des pendus » Le lai Longuement me sui tenus De faire lais, Car d’amours estoie nus ; Mais dès or mais Feray chans et virelais : G’i sui tenus, Qu’en amours me sui rendus A tous jours mais. S’un petit ay esté mus, Je n’en puis mais, Car pris sui et retenus Et au cuer trais Tout en un leu de ij trais Le lai est une des plus anciennes formes de la poésie française. Il n’est presque plus pratiqué de nos jours. Ce poème narratif était à l’origine écrit en octosyllabes. Puis il est devenu lyrique. Au XIVe siècle, Guillaume de Machaut précise ses règles : division en deux parties de huit vers (huitains) ; chaque huitain se divise lui-même en deux parties qui forment un quart de la strophe ; Chaque quart de strophe, à rimes embrassées, est hétérométrique (sept et quatre syllabes le plus souvent) ; Les vers les plus courts, n’étant pas écrits en retrait mais à partir du début de la ligne, il a été surnommé « arbre fourchu » ; D’un yex fendus, Varis, dous, poingnans, ses et agus, Rians et gais. Le nombre de couplets est indéterminé. Le nombre de vers par couplet n’est pas fixé. Guillaume de Machaut, Début du « Lay de Bonne Esperance » Le virelai Quand je suis mis au retour de voir ma Dame, Il n’est peine ni douleur que j’aie, par m’ame. Dieux ! c’est droit que je l’aime, sans blâme de loyal amour Sa beauté, sa grand douceur d’amoureuse flamme, Par souvenir, nuit et jour m’espient et enflamme Dieus ! c’est drois que je l’aim, sans blame de loial amour Et quant sa haute valour mon fin cuer entame, Servir la weil sans fotour penser ne diffame. Dieus ! c’est drois que je l’aim, sans blame de loial amour. Guillaume de Machaut Dans sa forme la plus simple, le virelai se compose d’un distique suivi d’un refrain à reprendre en chœur, le tout sur deux rimes. Il existe aussi des formes plus complexes qui mélangent plusieurs mètres. Il peut aussi commencer comme un rondeau, par une strophe et une formule refrain qui est reprise à distance régulière (tous les huit vers, toutes les deux ou trois strophes). Mais aussi : la pastourelle, l'odelette, le rotrouenge, La villanelle, Le triolet, la sextine, la complainte et les formes de jeu verbal comme l'acrostiche. b. Formes modernes Le sonnet Ronsard, Amours de Marie, 1556. Comme on voit sur la branche, au mois de mai, la rose, En sa belle jeunesse, en sa première fleur, Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur, Quand l'aube, de ses pleurs, au point du jour l'arrose; La Grâce dans sa feuille, et l'amour se repose, Embaumant les jardins et les arbres d'odeur; Mais, battue ou de pluie ou d'excessive ardeur, Languissante, elle meurt, feuille à feuille déclose; Ainsi, en ta première et jeune nouveauté, Quand la terre et le ciel honoraient ta beauté, La Parque t'a tuée, et cendre tu reposes. Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs, Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs, Afin que, vif et mort, ton corps ne soit que roses. Hérité de Pétrarque et imposé peu à peu au XVIe siècle, très vivant au XIXe siècle il se compose de 2 quatrains et 2 tercets ; les quatrains ont des rimes embrassées et répétées (ABBA) ; les 2 tercets sont construits sur 2 ou 3 rimes à disposition variable (CCD I EDE ou CCD I EED) ; le dernier vers, la chute, est mis en valeur ; Dans la forme traditionnelle, on ne doit employer qu’une seule fois chaque mot. Le sonnet français est représenté par deux schémas fondamentaux. C’est la forme du sizain qui détermine celle du sonnet. Les deux structures traditionnelles sont donc : le sonnet marotique ou forme ancienne : ABBA ABBA - CCD - EED, le sonnet à forme française ou forme nouvelle : ABBA - ABBA - CCD - EDE. Cette dernière forme est la plus usitée. Le genre (masculin ou féminin) de la rime du dernier vers est opposé au genre de la rime du premier vers. Tout sonnet construit selon un autre schéma, une autre disposition des rimes, ou avec des vers autres que des alexandrins, est dit irrégulier. Au titre de ces sonnets irréguliers, on peut citer : Des rimes croisées dans les quatrains comme chez Nerval dans les Chimères (« El Desdichado », « Artémis »…) ou chez Baudelaire dans les Fleurs du Mal (« La Muse malade », « L’ennemi »…). Le sonnet « renversé », « inversé » ou « à rebours » qui place les tercets avant les quatrains comme « Le crapaud » des Amours jaunes de Corbière, Le sonnet « polaire » qui intercale les tercets entre les quatrains comme dans « L’avertisseur » des Fleurs du Mal de Baudelaire. Le pantoum Ô mornes yeux ! Lèvre pâlie ! J’ai dans l’âme un chagrin amer. Le vent bombe la voile emplie, L’écume argente au loin la mer. J’ai dans l’âme un chagrin amer : Voici sa belle tête morte ! L’écume argente au loin la mer, Le praho rapide m’emporte. Voici sa belle tête morte ! Je l’ai coupée avec mon kriss. Le praho rapide m’emporte En bondissant comme l’axis. Je l’ai coupée avec mon kriss ; Elle saigne au mât qui la berce. En bondissant comme l’axis Le praho plonge ou se renverse. Elle saigne au mât qui la berce ; Son dernier râle me poursuit. Le praho plonge ou se renverse, La mer blême asperge la nuit. Son dernier râle me poursuit. Est-ce bien toi que j’ai tuée ? La mer blême asperge la nuit, L’éclair fend la noire nuée. Est-ce bien toi que j’ai tuée ? C’était le destin, je t’aimais ! L’éclair fend la noire nuée, L’abîme s’ouvre pour jamais. C’était le destin, je t’aimais ! Que je meure afin que j’oublie ! L’abîme s’ouvre pour jamais. Ô mornes yeux ! Lèvre pâlie ! le dernier des cinq Pantouns malais de Leconte de Lisle On pourrait citer « Harmonie du soir » de Baudelaire, mais ce poème est un pantoum irrégulier car son dernier vers diffère du premier. Le pantoum ou pantoun, d’origine malaise, peu usité, est proche des poèmes fantaisistes. Il se compose de six quatrains à rimes croisées ; Le deuxième et le quatrième vers de chacun d’eux deviennent le premier et le troisième vers du quatrain suivant ; le premier vers du premier quatrain forme le dernier vers du dernier quatrain ; Il peut se lire de haut en bas et de bas en haut Les poèmes à formes fixes étrangères La terza rima Ce poème d’origine italienne est composé de tercets dont le nombre n’est pas déterminé. Le premier vers de chaque tercet rime avec le deuxième vers du tercet précèdent. Il se termine par un seul vers qui rime avec le deuxième vers du dernier tercet. Ce poème utilise des alexandrins. Les rimes de la terza-rima sont distribuées en ABA - BCB - CDC - DEC - YZY - Z. Le haïku Ce poème, d’origine japonaise, très court, doit être extrêmement concis. Il ne contient que 17 syllabes au total, réparties en 3 vers de 5 - 7 et 5 syllabes. Pas de règles en ce qui concerne les rimes. Le tanka Autre poème d’origine japonaise, il contient 31 syllabes réparties en 5 vers de 5-7-5-7 et 7 syllabes. Pas de règles en ce qui concerne les rimes. Le ghazel Le ghazel est un court poème lyrique de la poésie turque et persane. Ce poème est un dizain d’alexandrins construit sur trois rimes et divisé en trois strophes de 2 - 4 et 4 vers. En principe, les deux premiers vers sont à rimes masculines. Les rimes sont distribuées en AA - BBBA - CCCA. 2. Les formes régulières, traditionnelles Sans s’inscrire dans une forme fixe, de nombreux poèmes sont des poèmes réguliers. Leur construction, en vers et en rime, reste toutefois assez libre. Certains relèvent d’un genre poétique spécifique. Ces formes poétiques n’obéissent pas à des contraintes rigides mais se définissent davantage par leurs thèmes et par leurs visées. D’origine antique, la plupart d’entre elles sont introduites en France au XVIè siècle. L’Ode ODE PREMIERE : LE POETE DANS LES REVOLUTIONS Le vent chasse loin des campagnes Le gland tombé des rameaux verts ; Chêne, il le bat sur les montagnes ; Esquif, il le bat sur les mers. Jeune homme, ainsi le sort nous presse. Ne joins pas, dans ta folle ivresse, Les maux du monde à tes malheurs ; Gardons, coupables et victimes, Nos remords pour nos propres crimes, Nos pleurs pour nos propres douleurs ! " Quoi ! mes chants sont-ils téméraires ? Faut-il donc, en ces jours d'effroi, Rester sourd aux cris de ses frères ! Ne souffrir jamais que pour soi ? Non, le poète sur la terre Console, exilé volontaire, Les tristes humains dans leurs fers ; Parmi les peuples en délire, Il s'élance, armé de sa lyre, Comme Orphée au sein des enfers ! L'ode se définit plus par la tonalité lyrique et élogieuse que par un genre strophique et métrique spécifique. L'ode est empruntée aux Grecs. C'était à l'origine un chant, un poème lyrique accompagné à la lyre (donc chanté) présentant une structure tripartite : une strophe et une anti-strophe, d'un nombre égal de vers, qui se font contrepoids, et une épode généralement plus courte, au caractère conclusif. Le mètre utilisé est court, c'est souvent l'heptasyllabe. C'est Ronsard qui, au XVIe siècle, l'introduit dans la poésie française. Il en compose d'abord sur le modèle antique ; Très vite, l'ode abandonne cette forme : aujourd’hui, le terme désigne un poème lyrique divisé en strophes qui sont ordinairement semblables entre elles par le nombre et la mesure des vers et qui est utilisé aussi bien pour vanter les mérites d’un héros, d’une personne admirée, que pour traiter de sujets légers, intimes. " Orphée aux peines éternelles Vint un moment ravir les morts ; Toi, sur les têtes criminelles, Tu chantes l'hymne du remords. Insensé ! quel orgueil t'entraîne ? De quel droit viens-tu dans l'arène Juger sans avoir combattu ? Censeur échappé de l'enfance, Laisse vieillir ton innocence, Avant de croire à ta vertu ! " Quand le crime, Python perfide, Brave, impuni, le frein des lois, La Muse devient l'Euménide, Apollon saisit son carquois ! Je cède au Dieu qui me rassure ; J'ignore à ma vie encor pure Quels maux le sort veut attacher ; Je suis sans orgueil mon étoile ; L'orage déchire la voile : La voile sauve le nocher. " Les hommes vont aux précipices ! Tes chants ne les sauveront pas. Avec eux, loin des cieux propices, Pourquoi donc égarer tes pas ? Peux-tu, dès tes jeunes années, Sans briser d'autres destinées, Rompre la chaîne de tes jours ? Epargne ta vie éphémère ; Jeune homme, n'as-tu pas de mère ? Poète, n'as-tu pas d'amours ? " Eh bien ! à mes terrestres flammes, Si je meurs, les cieux vont s'ouvrir. L'amour chaste agrandit les âmes, Et qui sait aimer sait mourir. Le Poète, en des temps de crime, Fidèle aux justes qu'on opprime, Célèbre, imite les héros ; Il a, jaloux de leur martyre, Pour les victimes une lyre, Une tête pour les bourreaux ! " On dit que jadis le Poète, Chantant des jours encor lointains, Savait à la terre inquiète Révéler ses futurs destins. Mais toi, que peux-tu pour le monde ? Tu partages sa nuit profonde ; Le ciel se voile et veut punir ; Les lyres n'ont plus de prophète, Et la Muse, aveugle et muette, Ne sait plus rien de l'avenir ! " Le mortel qu'un Dieu même anime Marche à l'avenir, plein d'ardeur ; C'est en s'élançant dans l'abîme Qu'il en sonde la profondeur. Il se prépare au sacrifice ; Il sait que le bonheur du vice Par l'innocent est expié ; Prophète à son jour mortuaire, La prison est son sanctuaire, Et l'échafaud est son trépied ! Que n'es-tu né sur les rivages Des Abbas et des Cosroës, Aux rayons d'un ciel sans nuages, Parmi le myrte et l'aloès ! Là, sourd aux maux que tu déplores, Le poète voit ses aurores Se lever sans trouble et sans pleurs ; Et la colonne, chère aux sages, Porte aux vierges ses doux messages Où l'amour parle avec des fleurs ! " Qu'un autre au céleste martyre Préfère un repos sans honneur ! La gloire est le but où j'aspire ; On n'y va point par le bonheur. L'alcyon, quand l'Océan gronde, Craint que les vents ne troublent l'onde Où se berce son doux sommeil ; Mais pour l'aiglon, fils des orages, Ce n'est qu'à travers les nuages Qu'il prend son vol vers le soleil ! Victor Hugo - Odes et ballades - L’élégie Les séparés N'écris pas - Je suis triste, et je voudrais m'éteindre Les beaux été sans toi, c'est la nuit sans flambeau J'ai refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre, Et frapper à mon coeur, c'est frapper au tombeau N'écris pas ! N'écris pas - N'apprenons qu'à mourir à nous-mêmes Ne demande qu'à Dieu ... qu'à toi, si je t'aimais ! Au fond de ton absence écouter que tu m'aimes, C'est entendre le ciel sans y monter jamais N'écris pas ! N'écris pas - Je te crains; j'ai peur de ma mémoire; Elle a gardé ta voix qui m'appelle souvent Ne montre pas l'eau vive à qui ne peut la boire Une chère écriture est un portrait vivant N'écris pas ! N'écris pas ces mots doux que je n'ose plus lire : Il semble que ta voix les répand sur mon coeur; Et que je les voix brûler à travers ton sourire; Il semble qu'un baiser les empreint sur mon coeur N'écris pas ! Marceline Desbordes-Valmore L’élégie (en grec ancien ἐλεγεία / elegeía, signifiant « chant de mort ») est une forme de poème. Dans l’Antiquité, était appelée « élégie » tout poème alternant hexamètres et pentamètres en distiques : ce sont les vers élégiaques. De nos jours, l’élégie est considérée comme une catégorie au sein de la poésie lyrique, en tant que poème de longueur et de forme variables caractérisé par son ton plaintif particulièrement adapté à l’évocation d’un mort ou à l’expression d’une souffrance amoureuse due à un abandon ou à une absence. Un hymne Ex : Hymne national, hymne olympique ; chanson Hymne à l’amour d’Edith Piaf … Un hymne (nom masculin ou féminin1 selon les cas) est un chant, un poème lyrique à la gloire d'un personnage, d'une grande idée, etc La fable LA GRENOUILLE QUI SE VEUT FAIRE AUSSI GROSSE QUE LE BŒUF Une Grenouille vit un Bœuf Qui lui sembla de belle taille. Elle qui n'était pas grosse en tout comme un œuf, Envieuse s'étend, et s'enfle, et se travaille Pour égaler l'animal en grosseur, ...............Disant : Regardez bien, ma sœur ; Est-ce assez ? dites-moi ; n'y suis-je point encore ? Nenni. M'y voici donc ? Point du tout. M'y voilà ? Vous n'en approchez point. La chétive Pécore S'enfla si bien qu'elle creva. Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages : Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs, Tout petit prince a des ambassadeurs, Tout marquis veut avoir des pages. Une fable est un court récit en vers ou occasionnellement en prose qui vise à donner de façon plaisante une leçon de vie. Elle se caractérise par la mise en scène d'animaux qui parlent, à moins que ceux-ci cèdent la place à des éléments naturels ou à des personnages types. La moralité, exprimée à la fin ou au début de la fable, est parfois implicite, le lecteur devant la dégager par lui-même. La Fontaine Le blason Le blason du beau tétin Épigrammes (1535) Clément Marot (Extrait) Tétin refait, plus blanc qu'un œuf, (1) Tétin de satin blanc tout neuf, Le blason et le contre-blason sont souvent mis à la suite, comme dans le « blason du beau tétin » de Clément Marot (Épigrammes, 1535). Toi qui fait honte à la rose Tétin plus beau que nulle chose, Tétin dur, non pas tétin voire (2) Mais petite boule d'ivoire Au milieu duquel est assise Une fraise ou une cerise Que nul ne voit, ne touche aussi, Mais je gage qu'il en est ainsi. Tétin donc au petit bout rouge, Soit pour venir, soit pour aller, (3) Tétin gauche, tétin mignon, Toujours loin de son compagnon, Tétin qui portes témoignage Du demeurant du personnage, (4) Quand on te voit, il vient à maints Une envie dedans les mains De te tâter, de te tenir : Mais il se faut bien contenir D'en approcher, bon gré ma vie, Le blason est un genre peu répandu. Il est très apprécié des vieilles littératures. Le genre est revenu en vogue au XXe siècle, où il a été illustré par Paul Éluard (« Blason des fleurs et des fruits »), Georges Brassens (« Le Blason »), André Breton (« Clair de terre ») et depuis le début du XXIe siècle par YvesMarie Adeline (« L'Épouse »). Blason du laid tétin Tétin qui jamais ne se bouge, Soit pour courir, soit pour baller Forme de poème à la mode au XVIe siècle. Généralement versifié et à rimes plates. Il renferme soit l'éloge, soit la satire (on parle alors de contreblason) d'un être ou d'un objet. Le plus souvent, l'objet du poème est le corps féminin, ou une partie de celui-ci. (5) Tetin, qui n'as rien, que la peau, Tetin flac, tetin de drapeau, Grand' Tetine, longue Tetasse, Tetin, doy-je dire bezasse ? Tetin au grand vilain bout noir, Comme celuy d'un entonnoir, Tetin, qui brimballe à tous coups Sans estre esbranlé, ne secoux, Bien se peult vanter, qui te taste D'avoir mys la main à la paste. Tetin grillé, Tetin pendant, Tetin flestry, Tetin rendant Vilaine bourbe au lieu de laict, Le Diable te feit bien si laid : Tetin pour trippe reputé, Tetin, ce cuydé-je, emprunté, Car il viendrait une autre envie. Ô tétin, ni grand ni petit, Tétin mûr, tétin d'appétit, Tétin qui nuit et jour criez «Mariez moi tôt, mariez !» Tétin qui t'enfles, et repousses Ton gorgias de deux bons pouces : (6) A bon droit heureux on dira Celui qui de lait t'emplira, Faisant d'un tétin de pucelle, Tétin de femme entière et belle. (1) refait : nouvellement formé (2) voire : qui n'est pas, à vrai dire, un tétin (3) baller : danser (4) demeurant : de tout le reste de la personne (5) trois syllabes (6) décolleté, haut de la robe, corsage Ou desrobé en quelcque sorte De quelque vieille Chievre morte. Tetin propre pour en Enfer Nourrir l'enfant de Lucifer : Tetin boyau long d'une gaule, Tetasse à jeter sur l'epaule Pour faire (tout bien compassé) Ung chapperon du temps passé ; Quand on te voyt, il vient à maints Une envye dedans les mains De te prendre avec des gants doubles Pour en donner cinq ou six couples De soufflets sur le nez de celle Qui te cache sous son aisselle. Va, grand vilain Tetin puant, Tu fourniroys bien en suant De civettes et de parfums Pour faire cent mille deffunctz. Tetin de laydeur despiteuse, Tetin, dont Nature est honteuse, Tetin des vilains le plus brave, Tetin, dont le bout tousjours bave, Tetin faict de poix et de glus : Bren ma plume, n'en parlez plus, Laissez-le là, veintre sainct George, Vous me feriez rendre ma gorge. 3. Les formes fantaisistes Certaines formes fantaisistes sont employées plutôt pour le divertissement. Elles expriment souvent une virtuosité gratuite. Parmi elles figurent les acrostiches, les contrerimes et les pantorimes. Acrostiches : Cette forme poétique est composée de telle façon que la lecture, dans le sens vertical, de la première lettre de chaque vers donne un mot, souvent le sujet de ce poème. Apollinaire en a dédié à Lou. Adieu L’amour est libre il n’est jamais soumis au sort O Lou le mien est plus fort encore que la mort Un cœur le mien te suit dans ton voyage au Nord Lettres Envoie aussi des lettres ma chérie On aime en recevoir dans notre artillerie Une par jour au moins une au moins je t’en prie Lentement la nuit noire est tombée à présent On va rentrer après avoir acquis du zan Une deux trois À toi ma vie À toi mon sang Contrerime : La contrerime est un poème assez court de trois à cinq quatrains bâtis sur une alternance d’octosyllabes et d’hexasyllabes. Elle a été employée par Leconte de Lisle et surtout Paul-Jean Toulet. Cette alternance des mètres se combine avec des rimes embrassées (ABBA). Cette forme dégage un effet de claudication caractéristique. La rigueur de sa construction et sa forme ramassée auraient dû la rattacher à la poésie classique. Mais ce déhanchement et cette brièveté peu favorables au lyrisme n’ont pas trouvé de nombreux illustrateurs si bien que la contrerime est restée un genre en marge. Pâle matin de Février Couleur de tourterelle Viens, apaise notre querelle, Je suis las de crier ; Las d’avoir fait saigner pour elle Plus d’un noir encrier… Pâle matin de Février Couleur de tourterelle. Paul-Jean Toulet, Contrerimes Pantorimes ou homorimes : Les pantorimes sont des vers qui riment intégralement. On parle aussi de vers holorimes.». Alphonse Allais en a produit de superbes. En voici un exemple de Maurice Siegward : MUSE Demoiselle "conte" De moi zèle conte. Amoureusement Amoureuse ment : Sans doute ma muse Message vint ! Cœur. Mais, sage vainqueur, L’amante fidèle L’amant te fit d’elle. 4. Les formes libres, modernes a. Le poème en vers libres Traditionnellement on attribue l’invention du vers libre ou vers libéré à deux poètes du XIXe siècle, Aloysius Bertrand, dans son Gaspard de la nuit (1842), puis Rimbaud, avec les Illuminations. Ils ont voulu s’affranchir des règles de la métrique traditionnelle pour trouver une forme nouvelle convenant mieux à leur projet poétique. En fait, il faudrait remonter à Blaise de Vigenère (1523-1596), secrétaire de Henri III, et à son « Psaultier de David torné en prose mesurée ou vers libres », en 1588 pour trouver une première attestation explicite d’un tel vers. C’est pourtant le XIXe siècle qui s’est montré soucieux de libérer le vers de ses règles jugées trop contraignantes. Les poètes se sont alors trouvés à l’étroit dans une métrique ou des formes qui ne leur permettaient pas d’inventer de nouvelles voies d’expressivité. On oublie les contributions de Charles Baudelaire comme son « Épilogue » inachevé aux Fleurs du Mal pour acclimater le vers libre dans une production assez classique et lui donner ainsi un début de succès auprès du grand public, ce que n’avait pas réussi Aloysius Bertrand. Rappel : Un vers libre est un vers qui n’obéit à aucune structure régulière : ni mètre, ni rimes, ni strophes. Cependant, le vers libre conserve certaines caractéristiques du vers traditionnel : la présence d’alinéas d’une longueur inférieure à la phrase ; la présence de majuscules en début de ligne, mais pas toujours ; des blancs encadrant largement et irrégulièrement le poème ; des groupes de vers de différentes longueurs séparés par un saut de ligne ; des longueurs métriques variables mais repérables ; des enjambements ; des échos sonores ; des anaphores… Dans cet aperçu sur le vers libre, il faudrait mentionner spécialement le verset. Cette forme poétique issue de la Bible est une incantation, une célébration. Elle recourt à un langage mystique, mélodieux s’appuyant sur les reprises anaphoriques, les exclamations…. pour produire le chant sacré de l’invocation. Le verset se distingue de la prose poétique par des structures strophiques et surtout le retour à la ligne, usage qui caractérise essentiellement la poésie, par le rythme particulier déclamatoire qu’il confère au texte. Paul Claudel et Saint-John Perse s’y sont illustrés. Ah, je suis ivre ! ah, je suis livré au dieu ! j’entends une voix en moi et la mesure qui s’accélère, le mouvement de la joie, L’ébranlement de la cohorte Olympique, la marche divinement tempérée ! Que m’importent tous les hommes à présent ! Ce n’est pas pour eux que je suis fait, mais pour le Transport de cette mesure sacrée ! Ô le cri de la trompette bouchée ! ô le coup sourd sur la tonne orgiaque ! Que m’importe aucun d’eux ? Ce rythme seul ! Qu’ils me suivent ou non ? Que m’importe qu’ils m’entendent ou pas ? Voici le dépliement de la grande Aile poétique ! Que me parlez-vous de la musique ? laissez-moi seulement mettre mes sandales d’or ! Je n’ai pas besoin de tout cet attirail qu’il lui faut. Je ne demande pas que vous bouchiez les yeux. Les mots que j’emploie, Ce sont les mots de tous les jours, et ce ne sont point les mêmes ! Vous ne trouverez point de rimes dans mes vers ni aucun sortilège. Ce sont vos phrases mêmes. Pas aucune de vos phrases que je ne sache reprendre ! Ces fleurs sont vos fleurs et vous dites que vous ne les reconnaissez pas. Et ces pieds sont vos pieds, mais voici que je marche sur la mer et que je foule les eaux de la mer en triomphe ! Paul Claudel, Cinq grandes odes, « Quatrième ode » b . Le poème en prose Le poème en prose naît officiellement en 1842 avec la parution de Gaspard de la nuit d'Aloysius Bertrand. Cependant, il a eu des précurseurs tels que Évariste Parny (1753-1814) avec les Chansons madécasses (1787), Alphonse Rabbe (1786-1829) avec l'Album d'un pessimiste (1835) et le poète allemand Novalis (1772-1801) avec les Hymnes à la Nuit (1800, écrits en vers et en prose). Le poème en prose existe plus que jamais aujourd'hui, après avoir connu un essor considérable à travers le monde à partir des années soixante. Apparu en France, le poème en prose est resté longtemps l'apanage des poètes français. Ce n'est qu'au XX e siècle que sa pratique s'est répandue peu à peu hors de France: en Europe de l'Est et de l'Ouest, en Scandinavie, en ex-Union Soviétique, en Amérique du Nord et du Sud et même au Japon. Auteurs et œuvres (parmi les plus célèbres) : Aloysius Bertrand (1807-1841), Gaspard de la nuit. Charles Baudelaire (1821-1867), Le Spleen de Paris. Arthur Rimbaud (1854-1891), Illuminations. Max Jacob (1876-1944), Le Cornet à dés. Pierre Reverdy (1889-1960), Plupart du temps. Francis Ponge (1899-1988), Le Parti pris des choses. Définition : Le poème en prose (comme le vers romantique et, plus tard, le vers libre) est né d'une révolte contre les règles contraignantes, tyranniques du poème en vers classique. En l'affranchissant des conventions de la métrique et de la prosodie, le poème en prose a permis au poète d'explorer de nouvelles terres langagières, hors des sentiers battus de la raison et de la logique traditionnelle. Le poète a découvert dans la prose de nouveaux rythmes, de nouveaux moyens d'expression qui lui donnent la possibilité de mettre en forme une vision du monde inédite, originale, en accord avec la complexité de l'époque moderne. Le rêve et le fantastique, grâce à la forme souple et libre du poème en prose, prennent enfin une place importante en poésie. Le poème en prose se définit essentiellement comme un morceau de prose court et dense, travaillé et ciselé comme un bijou, fermé sur lui-même (pas d'intrusions du biographique) et produisant une forte impression esthétique. Cette exigence relative autant à la forme qu'au but recherché montre bien que la liberté du poème en prose ne correspond pas à un laisser-aller esthétique. Postérité. Le poème en prose au XIXe siècle avait un caractère métaphysique très marqué. Chez Baudelaire et surtout chez Rimbaud, le poème en prose représentait un moyen d'explorer l'univers infini du Moi et de se rapprocher d'une réalité supérieure, à laquelle l'ancienne poésie ne pouvait accéder, à cause de l'emprise de la raison et de la logique traditionnelle. Depuis le début du XXe siècle, le poème en prose s'est beaucoup transformé et diversifié. Il a accueilli l'humour et l'insolite (cf. Max Jacob) et s'est mis de plus en plus à l'écoute des intimes et infimes manifestations de la réalité concrète, prosaïque. Cette tendance, que l'on trouvait un peu déjà chez Baudelaire et Rimbaud, s'est accentuée durant les cinquante dernières années (auteur important: Francis Ponge). c. Le calligramme Un calligramme est un poème dont la disposition graphique sur la page forme un dessin, généralement en rapport avec le sujet du texte, mais il arrive que la forme apporte un sens qui s'oppose au texte. Cela permet d'allier l'imagination visuelle à celle portée par les mots. Le calligramme suppose une lecture "active" car le lecteur doit chercher le sens et la direction des phrases, chose qui paraît évidente dans un texte classique. C'est le poète français Guillaume Apollinaire qui est à l'origine du mot (formé par la contraction de « calligraphie » et d'« idéogramme »), dans un recueil éponyme (Calligrammes, 1918). Étymologiquement, ce mot-valise signifie « Belles Lettres » dans la mesure où il reprend l'adjectif grec le nom gramma qui signifie "signe d'écriture", "lettre". Il s'agissait donc pour Apollinaire d'« écrire en beauté ». Ainsi, cette forme particulière de poésie est parfois nommée poésie graphique. Si Apollinaire demeure l'auteur de calligrammes le plus reconnu par l'histoire littéraire, il n'a pas inventé le "poème-dessin" : Les premiers seraient attribués au poète grec Simmias de Rhodes (IVe siècle av. J.-C.) en représentant une hache, un œuf et des ailes de l'amour. Raban Maur au IXe siècle compose le Liber de laudibus Sanctae Crucis, poème mystique de vingt-huit calligrammes. Rabelais au XVIe siècle avait ainsi représenté sa "dive bouteille" dans le Cinquième Livre. Le genre fut également pratiqué à la fin du XIXe siècle, notamment par Edmond Haraucourt.