Apport de calcium et risque d’ostéoporose et de fractures chez

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Apport de calcium et risque d’ostéoporose et de fractures chez
Revue du rhumatisme 77 (2010) 182–187
Article original
Apport de calcium et risque d’ostéoporose et de fractures chez les
femmes françaises夽
Patrice Fardellone a,∗ , François-Emery Cotté b , Christian Roux c , Éric Lespessailles d ,
Florence Mercier e , Anne-Françoise Gaudin f
a
Inserm ERI 12, service de rhumatologie, centre hospitalier universitaire Nord, place Victor-Pauchet, 80054 Amiens cedex 01, France
CERMES, IFR69, Inserm U750, Institut national de la santé et de la recherche médicale, Villejuif, France
c
Service de rhumatologie, hôpital Cochin, université Paris-Descartes, Paris, France
d
Service de rhumatologie, centre hospitalier universitaire, Orléans, France
e
STAT-PROCESS, Port-Mort, France
f
Laboratoire GlaxoSmithKline, Marly-le-Roi, France
b
i n f o
a r t i c l e
Historique de l’article :
Accepté le 27 juillet 2009
Disponible sur Internet le 26 février 2010
Mots clés :
Calcium alimentaire
Ostéoporose
Épidémiologie
Nutrition
Population générale
r é s u m é
Objectifs. – Évaluer la consommation de calcium alimentaire chez les femmes postménopausées de plus
de 45 ans et comparer cette consommation en fonction du diagnostic d’ostéoporose et des antécédents
de fractures.
Méthodes. – Une enquête épidémiologique transversale sur l’ostéoporose chez les femmes postménopausées de plus de 45 ans en population générale a été menée en utilisant une méthode d’échantillonnage
aléatoire stratifié et d’interviews en face à face. Les informations collectées portaient sur le diagnostic
d’ostéoporose, les antécédents de fractures et les facteurs de risque. Les données sur la consommation
de calcium alimentaire ont été recueillies au moyen d’un questionnaire validé.
Résultats. – Deux mille six cent trente et unes femmes (âge moyen : 67,9 ± 10,0 ans) ont été recensées.
Deux cent cinquante-quatre (9,7 %) avaient reçu un diagnostic d’ostéoporose par densitométrie osseuse,
parmi lesquelles 154 (45,3 %) mentionnaient au moins une fracture antérieure. La consommation totale
de calcium alimentaire quotidienne était de 754 mg/jour, les produits laitiers (lait, fromage et autres)
étant la source principale. Globalement, 37,2 % de l’échantillon consommaient moins de 600 mg/jour
et 20,1 % plus de 1000 mg/jour. La proportion de femmes consommant moins de 600 mg/jour augmentait avec l’âge (p = 0,0028). Aucune différence significative dans la consommation moyenne quotidienne
de calcium n’a été observée entre des femmes avec ou sans diagnostic d’ostéoporose ou avec ou sans
fractures.
Conclusions. – La consommation de calcium alimentaire dans cette population est bien en dessous de celle
recommandée par les directives nationales actuelles (≥ 1500 mg/jour), notamment chez les femmes présentant le plus de risques de fractures, comme celles avec un diagnostic d’ostéoporose ou appartenant aux
classes d’âge plus élevées. La consommation ne semble pas être influencée par le diagnostic d’ostéoporose
ou des antécédents de fracture.
© 2010 Société Française de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
1. Introduction
L’ostéoporose est définie comme une diminution de la masse
osseuse accompagnée d’une détérioration de la qualité osseuse,
menant à une réduction de la force mécanique de l’os et ainsi à
un risque accru de fracture [1]. Les personnes dont la densité minérale osseuse se situe plus de 2,5 écart-types au-dessous de la valeur
夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence française de cet article, mais
sa référence anglaise dans le même volume de Joint Bone Spine (doi:10.1016/
jbspin.2009.08.007).
∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (P. Fardellone).
moyenne observée chez les jeunes adultes sont considérées comme
ostéoporotiques. La prévalence de l’ostéoporose augmente avec
l’âge et est plus fréquente chez les femmes que chez les hommes [2],
s’agissant en effet d’un problème spécifique aux femmes postménopausées. L’ostéoporose représente un problème majeur de santé
publique en raison de la morbidité et de la mortalité associée aux
fractures ostéoporotiques, en particulier au niveau de la hanche et
des vertèbres [3,4].
Les causes de l’ostéoporose sont supposées être multifactorielles. Chez les femmes postménopausées, un équilibre
calcique externe négatif jouerait un rôle dans la perte osseuse
[5]. C’est pourquoi, la supplémentation en calcium alimentaire présente un intérêt considérable en tant que mesure
1169-8330/$ – see front matter © 2010 Société Française de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.rhum.2009.12.002
P. Fardellone et al. / Revue du rhumatisme 77 (2010) 182–187
prophylactique de protection contre les fractures ostéoporotiques.
Bien que certaines études aient démontré une réduction de la
perte osseuse ou de l’incidence des fractures chez des femmes postménopausées recevant une telle supplémentation [6–9], d’autres
n’ont montré aucun bénéfice [10–12]. Une méta-analyse de telles
études effectuée par la collaboration Cochrane en 2006 a conclu
que la supplémentation en calcium avait un léger effet positif sur la
densité osseuse, avec un effet peu concluant sur les fractures ostéoporotiques [13]. À l’inverse, une méta-analyse ultérieure a conclu à
une faible (12 %), mais significative réduction du risque de fracture
de tous types, attribuable à l’apport de calcium [14]. La réduction
la plus forte du risque a été obtenue aux doses quotidiennes de calcium supérieures à 1200 mg/jour, auxquelles s’ajoutait un apport
de vitamine D (≥ 800 IU/jour).
Dans plusieurs pays, les autorités de santé publique ont publié
des directives sur l’apport alimentaire en calcium recommandé
pour optimiser la santé osseuse. Par exemple, l’Institut national de la santé aux États-Unis recommande une consommation
quotidienne minimale de 1000 mg de calcium pour les adultes, augmentant à 1500 mg chez les femmes postménopausées ne prenant
pas de traitement hormonal substitutif, et à la fois pour les hommes
et les femmes âgés de plus de 65 ans [15]. En Angleterre et au Pays
de Galles, le ministère de la Santé recommande une consommation quotidienne minimale inférieure, soit 700 mg pour les adultes
[16], bien qu’il soit reconnu qu’une consommation plus importante peut être souhaitable chez les femmes atteintes d’ostéoporose
[17]. En France, on conseille aux femmes d’augmenter leur consommation quotidienne de calcium à 1200 mg après 55 ans [18]. Plus
récemment, un groupe d’experts mandaté par le ministère de la
Santé français a recommandé de suivre les directives des ÉtatsUnis pour les femmes souffrant d’ostéoporose postménopausique
(c’est-à-dire 1500 mg/jour) [19].
L’étude INSTANT, menée en 2006, était une grande enquête
conçue pour déterminer la prévalence nationale d’un certain
nombre de troubles, y compris l’ostéoporose, dans la population
générale française. L’étude a démontré qu’environ 50 % des femmes
postménopausées de plus de 45 ans présentaient au moins un facteur de risque ostéoporotique [20] et 9,7 % rapportaient avoir reçu
un diagnostic d’ostéoporose, avec une prévalence augmentant de
façon linéaire avec l’âge [21]. Au cours de l’étude, les données sur
le calcium alimentaire ont été collectées dans la population cible
au moyen d’un questionnaire standardisé. L’objectif de l’analyse
reportée ici était d’évaluer la consommation de calcium alimentaire chez les femmes interviewées dans l’étude INSTANT et de
déterminer la relation entre l’apport de calcium, l’ostéoporose
autorapportée et la fréquence des fractures.
2. Méthodes
Il s’agit d’une enquête épidémiologique transversale sur
l’ostéoporose chez les femmes de plus de 45 ans en population
générale conduite en France entre septembre et novembre 2006. La
méthodologie de l’étude a été rapportée en détail dans un précédent
article [20].
2.1. Échantillon d’étude
Un échantillon représentatif de la population générale, de
plus de 18 ans, a été constitué en utilisant une méthode
d’échantillonnage aléatoire stratifié. On a demandé aux enquêteurs
de recruter un quota fixe de sujets répondant aux critères sociodémographiques prédéfinis pour une strate donnée. La structure
de ces strates a été définie au moyen des données sur la population nationale du rapport Institut national des statistiques et des
études économiques 1999 (INSEE), mis à jour en 2004, afin de
183
s’assurer de la représentativité quant au sexe (deux catégories), à
l’âge (cinq catégories), au statut socioprofessionnel (six catégories)
et à la répartition géographique (neuf régions), par taille de lieu de
résidence (cinq catégories) et activité pour les femmes. La taille
ciblée pour l’échantillon total était de 10 000 sujets. Les enquêteurs ont rendu visite à des ménages dans un secteur prédéfini afin
d’identifier un membre du ménage correspondant aux caractéristiques sociodémographiques requises. Une interview en face à face
à une date ultérieure a été proposée à chaque sujet répondant aux
critères d’inclusion sociodémographiques.
2.2. Collecte des données
Les interviews en face à face ont été menées par 273 enquêteurs
professionnels de l’institut de sondage ISL® (Issy Les Moulineaux,
France), formés spécifiquement. Les données ont été collectées en
utilisant le système Computer Assisted Personal Interview (CAPI),
méthode de recueil sur micro-ordinateur, et le Logiciel CONVERSO®
(développé par Conversoft® France). L’entretien durait approximativement 20 minutes. Aucun cadeau ou contrepartie financière
spécifiques n’ont été offerts aux sujets participants.
Lors d’une première étape, les questions de screening ont été
posées pendant l’interview face à face pour rassembler les données
sociodémographiques et identifier les sujets répondant aux critères
diagnostiques pour les pathologies concernées par l’étude INSTANT. Pour l’enquête sur l’ostéoporose, seules les femmes de 45 ans
ou plus étaient concernées. Il a été demandé à toutes ces femmes si
elles souffraient d’ostéoporose et, si tel était le cas, si le diagnostic
avait été établi par ostéodensitométrie, si elles étaient ménopausées et si elles avaient déjà souffert de fractures vertébrales ou
de fractures des membres. Toutes ont fourni des informations
complètes sur leur consommation de calcium alimentaire au
moyen d’un questionnaire validé [22]. Des données ont été
également collectées sur les principaux facteurs de risque de
l’ostéoporose. Lors d’une seconde étape, les femmes ayant annoncé
avoir un diagnostic d’ostéoporose ont été interrogées plus en détail
sur leurs antécédents médicaux et comorbidités, les autres facteurs de risque de fracture, l’impact de la maladie, le traitement,
la consommation de soins et leur qualité de vie.
2.3. Analyse statistique
Les données du questionnaire sur le calcium alimentaire ont
été converties en milligramme de calcium/jour au moyen des
tables de conversion fournies parallèlement [22]. Pour chaque
femme, une correspondance a été établie avec une des sept classes
d’apport calcique (< 200, 200 à 400, 400 à 600, 600 à 800, 800 à
1000, 1000 à 1200 et > 1200 mg/jour) que l’on a par la suite regroupée en trois catégories « faible apport en calcium » (< 600 mg/jour),
« apport intermédiaire » (600 à 1000 mg/jour) et « apport élevé »
(> 1000 mg/jour). Chaque femme a également été assignée à une
des quatre tranches d’âge (45 à 49 ans, 50 à 59 ans, 60 à 79 ans
et ≥ 80 ans). Les comparaisons intergroupes ont été effectuées au
moyen du test exact du 2 de Fisher et les variables quantitatives
ont été testées en analyse de variance par le test de Wilcoxon. Les
données ont été contrôlées, validées et analysées de façon centralisée au moyen du logiciel SAS® version 8,2 (SAS, Cary, États-Unis)
sous Unix (Tableau 1).
2.4. Considérations éthiques
L’étude a été conduite selon les directives réglementaires
internationales et françaises et les recommandations en vigueur
des bonnes pratiques épidémiologiques. La prise en charge des
patientes n’ayant pas été modifiée par leur inclusion dans l’étude,
l’approbation du comité d’éthique n’était pas nécessaire. En ce
184
P. Fardellone et al. / Revue du rhumatisme 77 (2010) 182–187
Tableau 1
Caractéristiques démographiques et cliniques de l’échantillon.
Diagnostic autorapporté d’ostéoporose
Antécédents de fracture autorapportés
Âge (ans)
Milieu urbain/rural (% rurala )
Indice de masse corporelle (kg/m2 )
Fumeur ou ex-fumeur
Prise régulière d’alcool
Antécédents de maladie cardio-vasculaire
Diabète sucré de Type 2
Échantillon total (n = 2613)
Ostéoporose (n = 254)
Fractures (n = 115)
254 (9,7 %)
509 (19,5 %)
62,0 ± 11,7
668 (25,6 %)
25,8 ± 5,1
NA
NA
NA
250 (9,6 %)
254 (100 %)
115 (45,3 %)
67,9 ± 10,0
51 (20,1 %)
25,1 ± 4,9
68 (26,8 %)
48 (18,9 %)
51 (20,1 %)
20 (7,9 %)
115 (100 %)
69,4 ± 10,5
21 (18,3 %)
25,9 ± 5,5
29 (25,2 %)
20 (17,4 %)
34 (29,6 %)
14 (12,2 %)
Les données sont fournies pour l’échantillon total de 2613 femmes de 45 ans ou plus, pour le sous-groupe de 254 de ces femmes annonçant un diagnostic d’ostéoporose et les
115 parmi elles qui ont également mentionné avoir souffert d’une fracture. NA : ces données ne sont pas disponibles pour l’échantillon total, puisque les questions concernées
étaient absentes du questionnaire de sélection. Les données sont présentées comme valeurs moyennes ± SD pour les variables continues et comme pourcentages (%) pour
les variables catégorielles.
a
Rural se réfère à la vie dans une ville ou un village de moins de 2000 habitants.
qui concerne la confidentialité des données, l’étude a été déclarée
auprès de la Commission nationale informatique et libertés.
3. Résultats
3.1. Échantillon d’étude
L’étude a été réalisée auprès de 2613 femmes âgées de plus
de 45 ans, identifiées dans l’échantillon aléatoire de 10 038 sujets
interviewés au cours de l’étude INSTANT. L’âge moyen de ces
2613 femmes a été évalué à 67,9 ± 10,0 ans. Parmi elles, 254 (9,7 %)
ont rapporté avoir eu un diagnostic d’ostéoporose par densitométrie osseuse. Cent quinze femmes dans ce cas (45,3 %) ont rapporté
au moins une fracture antérieure. Des fractures ont été également
rapportées par 394 femmes (16,7 %) n’ayant pas mentionné avoir
reçu un diagnostic d’ostéoporose.
3.2. Apport de calcium
La consommation totale quotidienne de calcium alimentaire
dans la population d’étude était de 754 mg/jour (Tableau 2),
avec peu de différence entre les tranches d’âge. Les produits laitiers (lait, fromage et autres) représentaient la majeure partie
de cette consommation de calcium (438 mg ; 58,1 %). La contribution des sources nutritives calciques individuelles est restée
relativement stable parmi les tranches d’âge. Cependant, lorsque
les données ont été analysées par classe de consommation de
calcium (< 600 mg/jour, 600 à 1000 mg/jour et ≥ 1000 mg/jour), la
proportion de femmes avec une consommation de calcium basse
(< 600 mg/jour) semblait augmenter avec l’âge (Fig. 1). La distribution des trois classes d’apport calcique différait significativement
entre les quatre tranches d’âge (p = 0,0028). Globalement, 37,2 % de
l’échantillon consommaient moins de 600 mg/jour et 20,1 % plus de
1000 mg/jour.
Fig. 1. Consommation de calcium par classe d’âge. Colonnes transparentes :
< 600 mg Ca++ /jour ; colonnes grisées : 600 à 1000 mg Ca++ /jour ; colonnes noires :
> 1000 mg Ca++ /jour. Les chiffres au-dessus de chaque colonne représentent le
nombre absolu de sujets.
3.3. Apport de calcium et ostéoporose
Aucune différence dans la consommation de calcium n’a
été observée entre les 254 femmes avec ostéoporose et celles
sans (p = 0,43 ; Fig. 2). La consommation quotidienne moyenne
de calcium dans les deux groupes était respectivement de
795 ± 418 mg/jour et 749 ± 357 mg/jour. Aucune différence n’a
été identifiée quel que soit le type nutritif individuel (données
non présentées). Néanmoins, 83 femmes dans le groupe ostéoporose (32,7 %) ont indiqué avoir augmenté leur consommation
quotidienne de calcium alimentaire après le diagnostic. De plus,
106 femmes dans ce même groupe (41,7 %) ont mentionné une
supplémentation en calcium et en vitamine D comme partie inté-
Fig. 2. Consommation de calcium chez les femmes de plus de 45 ans selon le statut d’ostéoporose autorapporté. Colonnes transparentes : femmes ne reportant pas
d’ostéoporose (n = 1917) ; colonnes grisées : femmes ayant rapporté une ostéoporose (n = 218). Les chiffres au-dessus de chaque colonne représentent le nombre
absolu de sujets.
754,1 ± 364,2 [738,6 ; 769,5]
185
231,2 ± 106,8 [226,7 ; 235,7]
Fig. 3. Consommation de calcium chez les femmes avec ostéoporose selon le statut
de fracture. À gauche : tous types de fractures. À droite : fractures périphériques.
Colonnes transparentes : femmes sans fractures ; colonnes grisées : femmes avec
fractures. Les données sont présentées comme valeurs moyennes avec des intervalles de confiance à 95 %. L’astérisque indique une différence significative entre les
deux groupes (p < 0,05 ; test du 2 ).
grante de leur traitement contre l’ostéoporose. La proportion de
femmes avec ostéoporose ayant rapporté soit une consommation
de calcium quotidienne supérieure ou égale à 1500 mg/jour (apport
recommandé), soit une prise de suppléments calciques, était de
44,5 %.
3.4. Apport de calcium et fractures
Les données sont présentées comme valeurs moyennes ± SD (intervalle de confiance à 95 %).
84,6 ± 126,3 [79,3 ; 90,0]
170,8 ± 137,4 [165,0 ; 176,6]
137,6 ± 230,9 [127,8 ; 147,4]
Total (n = 2135)
129,9 ± 129,5 [124,4 ; 135,4]
785,3
762,5
737,7
746,2
117,3 [239,5 ; 264,6]
107,1 [224,2 ; 240,1]
103,9 [220,6 ; 234,2]
94,3 [197,3 ; 223,3]
±
±
±
±
252,0
232,1
227,4
210,3
107,8 [61,5 ; 84,6]
135,6 [81,2 ; 101,3]
129,7 [78,2 ; 95,1]
102,7 [57,9 ; 86,2]
±
±
±
±
73,1
91,2
86,7
72,0
130,9 [161,0 ; 189,0]
150,4 [168,0 ; 190,4]
131,4 [155,7 ; 172,9]
125,8 [146,3 ; 181,0]
±
±
±
±
175,0
179,2
164,3
163,7
142,7 [137,1 ; 167,6]
137,7 [122,2 ; 142,7]
117,8 [110,7 ; 126,1]
122,6 [117,8 ; 151,6]
±
±
±
±
152,4
132,5
118,4
134,7
233,6 [107,9 ; 157,8]
223,2 [110,9 ; 144,1]
224,0 [126,2 ; 155,5]
277,9 [127,2 ; 203,8]
±
±
±
±
132,8
127,5
140,9
165,5
45–49 (n = 336)
50–59 (n = 695)
60–79 (n = 902)
> 80 (n = 202)
Fromage
Lait
Classes d’âge (ans) Apport moyen quotidien de calcium (mg/jour)
Tableau 2
Apport quotidien de calcium.
Autres produits laitiers
Eau minérale
Autres aliments ou boissons
Total
±
±
±
±
366,8 [746,1 ; 825,5]
378,2 [734 ; 790,6]
345,0 [715,1 ; 760,2]
391,4 [692,2 ; 800,1]
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De même, aucune différence dans la consommation de calcium quotidienne moyenne entre des femmes ostéoporotiques
avec ou sans fractures n’a pu être mise en évidence (respectivement 778 ± 458 mg/jour et 810 ± 380 mg/jour ; p = 0,24). La
proportion de femmes avec une consommation de calcium quotidienne supérieure ou égale à 1500 mg/jour provenant du régime
alimentaire seul correspondait à 6,1 % chez celles sans fractures
et 5,8 % chez celles avec fractures. La proportion de femmes
prenant des suppléments calciques ou ayant déclaré avoir augmenté leur consommation de calcium alimentaire, ne différait pas
entre femmes ostéoporotiques avec ou sans fractures (données
non présentées). La répartition de la consommation de calcium
entre femmes ostéoporotiques avec et sans fractures est présentée
(Fig. 3). Les femmes avec fractures ont reporté consommer moins
d’eau minérale (p = 0,027) et moins d’autres aliments et boissons
(incluant l’eau du robinet) (p = 0,033).
Cette analyse a été réitérée pour comparer uniquement les
41 femmes avec et les 213 femmes sans fractures périphériques,
en partant du principe que l’évaluation des fractures vertébrales
autorapportées allait probablement être incomplète. De nouveau,
aucune différence n’a été constatée dans la consommation quotidienne moyenne de calcium (785 ± 362 mg/jour chez les femmes
avec fractures périphériques et 847 ± 632 mg/jour chez les femmes
sans ; p = 0,56) ou dans la proportion utilisant des suppléments de
calcium (respectivement 51,2 % et 39,9 % ; p = 0,23). La proportion
de femmes avec un apport calcique quotidien supérieur ou égal à
1500 mg/jour provenant uniquement du régime alimentaire était
quelque peu plus élevée (p = 0,04) dans le groupe avec fractures
périphériques (4,4 %) comparé au groupe sans fractures périphériques (13,9 %), bien qu’une différence significative n’ait plus été
observée quand on considérait la consommation totale de calcium
(régime et suppléments) (p = 0,28). La seule différence spécifique
aux aliments était observée chez les femmes avec fractures qui
consommaient moins d’eau minérale (p = 0,015 ; Fig. 3).
4. Discussion
Deux conclusions principales ressortent de cette étude : premièrement, la consommation moyenne de calcium alimentaire chez
les femmes postménopausées de plus de 45 ans est bien en dessous de celle recommandée par les directives nationales actuelles
et deuxièmement, il semble n’y avoir aucune corrélation, dans cette
population, entre la consommation de calcium et un diagnostic
autorapporté d’ostéoporose ou la présence de fractures.
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Dans notre population d’étude, la consommation de calcium
quotidienne moyenne était de 754 mg/jour. Selon les directives
nationales, la consommation minimale quotidienne recommandée
dans cette population devrait être de 1000 ou 1500 mg/jour, selon
l’âge. Cependant, comme cela a été explicitement reconnu par le
groupe de travail qui a préparé le document de synthèse français
[19], une consommation de calcium quotidienne de 1500 mg/jour
peut être difficile à atteindre avec un régime normal et un objectif de 1200 mg/jour pourrait être plus réaliste. En fait, seulement
un cinquième des femmes interviewées consommaient plus de
1000 mg/jour et il n’y avait aucune preuve d’augmentation de la
consommation de calcium alimentaire avec l’âge croissant. De surcroît, plus d’un tiers des interviewées avaient un apport alimentaire
au-dessous de 600 mg/jour. Ces données peuvent être comparées
avec celles de l’Enquête nationale sur l’alimentation et la nutrition au Royaume-Uni, où la consommation de calcium quotidienne
moyenne n’était pas supérieure à 700 mg/jour chez les femmes
de plus de 65 ans [23], bien que des comparaisons internationales
soient difficiles puisque des outils différents sont utilisés pour collecter les informations sur les apports de calcium.
L’utilisation de suppléments de calcium a été reportée par 41,7 %
des femmes qui ont annoncé avoir eu un diagnostic d’ostéoporose.
Un biais de l’étude réside dans le fait que cette question a été posée
aux femmes seulement pendant la deuxième phase de l’interview
(c’est-à-dire seulement aux femmes avec ostéoporose diagnostiquée). Il ne peut pas être exclu que l’utilisation de suppléments
de calcium et ainsi la consommation de calcium totale (alimentation et suppléments), puisse différer entre le groupe « ostéoporose
diagnostiquée » et les autres femmes dans notre enquête. Il est aussi
possible que les femmes utilisant des suppléments de calcium aient
pu décider de réduire leur consommation de calcium alimentaire.
De telles interactions dynamiques entre les différentes sources de
calcium sont en dehors du champ d’investigation d’études transversales comme la nôtre, mais ne peuvent pas être exclues. Une
étude récente en France a montré des différences dans l’utilisation
des suppléments de calcium entre les femmes ostéoporotiques
qui ont souffert ou non d’une fracture [24], bien que cette différence n’ait pas été reproduite dans la présente étude. Le niveau
d’utilisation annoncé est considérablement plus bas qu’aux ÉtatsUnis, où 67 % de toutes les femmes de plus de 65 ans, sans tenir
compte du statut ostéoporotique, ont mentionné prendre de tels
suppléments dans une grande enquête postale auprès d’adhérents
du système d’assurance de santé Medicare [25]. Cependant, on doit
souligner que les directives françaises actuelles recommandent formellement une supplémentation en calcium pour la prévention
des fractures dans l’ostéoporose seulement dans le cas où il n’est
pas possible d’atteindre l’apport recommandé à partir des sources
alimentaires [19].
L’absence d’une quelconque différence dans la consommation
de calcium alimentaire entre les femmes avec et sans ostéoporose
autorapportée suggère que le diagnostic d’ostéoporose n’influence
pas la consommation de calcium et ainsi que lorsque le diagnostic est fait, les informations sur les apports recommandés de
calcium alimentaire ne sont pas fournies ou bien elles le sont de
façon non convaincante. Les médecins devraient être conscients
de l’importance de s’assurer que les femmes diagnostiquées soient
informées de façon adéquate sur les moyens d’adapter leur régime
pour atteindre les niveaux recommandés de calcium alimentaire.
L’absence d’une relation entre consommation de calcium et incidence des fractures peut à première vue laisser supposer que le
calcium alimentaire ne protège pas contre des fractures ostéoporotiques. Cependant, une telle conclusion n’est pas justifiée puisque,
chez la grande majorité de femmes de l’échantillon, la consommation de calcium alimentaire était bien en dessous des exigences
minimales recommandées. De plus, dans ce type d’étude transversale, les informations sur la consommation de calcium avant
la survenue des fractures ne sont pas disponibles. De surcroît, nous
ne pouvons pas exclure que les femmes aient pu augmenter leur
consommation de calcium après le diagnostic d’ostéoporose ou
après une fracture et ainsi que les femmes avec fractures aient
une consommation de calcium inférieure avant la fracture par rapport aux femmes sans fractures. La seule différence notée entre
les femmes avec ou sans fractures était la consommation plus
importante de calcium provenant de l’eau minérale dans le dernier
groupe. Une relation entre la consommation d’eau minérale et un
certain nombre d’autres bénéfices pour la santé a été notée dans de
précédentes études [26–28] et peut refléter un engagement dans un
mode de vie sain ou, probablement, des effets sur le métabolisme
osseux [29].
Une limitation de l’étude réside dans le fait que le diagnostic
d’ostéoporose confirmé par densitométrie est attribué sur la base
de l’autorapport. Cette définition exclut de facto les femmes qui ont
reçu un diagnostic sur la base d’une fracture et les cas non diagnostiqués. Étant donné l’utilisation relativement faible en France de la
densitométrie [30], non remboursée au moment où l’étude a été
réalisée, l’identification de femmes avec ostéoporose dans notre
échantillon est probablement incomplète. De plus, nous n’avons
aucun moyen de vérifier si les femmes rapportant avoir reçu un
diagnostic sur la base d’une densitométrie remplissaient en fait
réellement ces critères diagnostiques. Cela a une importance à
la lumière de la faible mémorisation des résultats de diagnostic
par densitométrie par des femmes avec suspicion d’ostéoporose
reportée précédemment [31]. Un problème semblable a trait à la
capture précise d’informations sur les fractures, particulièrement
les fractures vertébrales, connues pour être fréquemment non diagnostiquées [32], et qui sont ainsi probablement minimisées dans
notre étude.
Une autre limite de cette étude réside dans le fait que la population évaluée provient d’un échantillon vivant en société. Cela
exclut de facto des individus vivant en institution, par exemple
en résidence médicalisée, qui représentent 4 % des personnes de
plus de 65 ans en France. Il a été observé dans l’Enquête Nationale
de Nutrition au Royaume-Uni que les femmes âgées vivant en institution, et qui présentent probablement un risque plus élevé de
fracture pour un certain nombre de raisons, avaient une consommation de calcium alimentaire plus importante que les femmes
d’âge similaire se préparant elles-mêmes les repas au sein de leur
foyer [23]. D’un autre côté, une enquête française a montré une
consommation de calcium plus basse que la moyenne chez des
individus vivant en résidence médicalisée (552 mg/jour) [33]. Les
valeurs que nous avons obtenues pour la consommation de calcium quotidienne moyenne peuvent donc ne pas refléter la valeur
effective pour toutes les femmes de plus de 45 ans vivant en
France.
Pour conclure, la consommation de calcium alimentaire
moyenne chez les femmes postménopausées âgées de 45 ans ou
plus est bien en dessous de celle recommandée par les directives
nationales actuelles, notamment pour celles présentant le plus
de risques de fractures, comme les femmes avec un diagnostic
d’ostéoporose ou celles appartenant aux classes d’âge plus élevées.
Conflit d’intérêt
Cette étude a été financée par le laboratoire GlaxoSmithKline et
le laboratoire Roche, commercialisant l’ibandronate, un traitement
de l’ostéoporose. AFG est salarié du laboratoire GlaxoSmithKline.
FEC est salarié à temps partiel du laboratoire GlaxoSmithKline. CR,
PF et EL ont reçu des honoraires d’expert et une rémunération du
Laboratoire GlaxoSmithKline pour leur contribution à ce projet. La
prestation de FM pour l’analyse des données a été réglée par le
laboratoire GlaxoSmithKline.
P. Fardellone et al. / Revue du rhumatisme 77 (2010) 182–187
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