edimbourg loon fung
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La nécessité de corriger les rentabilités des hedge funds preuve empirique et méthode de correction ■■ Introduction Georges GALLAISHAMONNO†* Professeur au Laboratoire d’Économie d’Orléans Huyen NGUYEN-THITHANH* Professeur assistant au Groupe Sup de Co La Rochelle – CEREGE et Chercheur associé au Laboratoire d’Économie d’Orléans L es performances extraordinaires réalisées par les hedge funds1 durant ces deux dernières décennies, tout particulièrement durant la longue période haussière des années 1990, les ont mis sur le devant de l’industrie de la gestion d’actifs. Ces fonds, autrefois réservés uniquement aux individus fortunés, sont devenus à l’heure actuelle un des véhicules de placement préférés des investisseurs institutionnels et ils commencent à s’ouvrir indirectement aux investisseurs individuels par l’entremise d’OPCVM ou de fonds de pension qui investissent dans les hedge funds. Les hedge funds sont attractifs parce qu’ils semblent avoir la caractéristique de générer de bonnes performances indépendamment des conditions du marché ; autrement dit, ils sont décorrélés avec les actifs traditionnels. Ils permettent ainsi d’améliorer la rentabilité et/ou de réduire le risque, et donc de diversifier les portefeuilles composés d’actifs traditionnels. Cependant, cette caractéristique est mesurée par des calculs fondés sur l’hypothèse que les rentabilités sont gaussiennes, indépendamment et identiquement distribuées (iid). Or, des études empiriques de plus en plus nombreuses démontrent que les rentabilités des hedge funds sont très éloignées de cette triple hypothèse, ce qui met en doute la pertinence des calculs et, surtout, leur signification. †* Thi-HongVan HOANG* Doctorante au Laboratoire Orléanais de Gestion 6 Auteur correspondant. [email protected] * Les auteurs remercient les participants de la 5e Journée d’Économétrie Appliquée à la Finance (Paris X – Nanterre, 23 novembre 2006), de la 4e Conférence Internationale en Finance (Hammamet – Tunisie, 15-17 mars 2007), du Congrès Annuel de l’AFFI (Bordeaux, 27-29 juin 2007), et du 56e Congrès Annuel de l’AFSE (Paris, 20-21 septembre 2007), des séminaires doctoraux du LARGE (Strasbourg I) – tout spécialement les Professeurs Roger et Merli – et du Centre Bernheim (Solvay Business School) – tout spécialement le Professeur Szafarz – pour leurs commentaires et suggestions. Ils remercient également Gilbert Colletaz, Christophe Hurlin, Julien Fouquau (LEO), Philippe Gillet (IAE Poitiers) et Guillaume Chevillon (ESSEC). Les auteurs remercient très sincèrement M. Reymond, directeur général de UBI-France, pour avoir attiré leur attention sur ce problème, M. Faller de CPR-Asset Management, M. Jouvray et M. Raquillet de Morningstar pour leurs commentaires et leurs encouragements. Ils remercient enfin les deux rapporteurs anonymes pour leurs critiques et suggestions. Évidemment, toutes les erreurs qui subsistent ne sont imputables qu’aux auteurs. Banque & Marchés nº 96 Septembre-Octobre 2008 Le problème le plus important est soulevé par les articles d’Asness, Krail et Liew (2001), Brooks et Kat (2002), Kat et Lu (2002), Okunev et White (2003) et Getmansky, Lo et Makarov (2004) qui documentent une autocorrélation2 temporelle importante au sein des séries de rentabilités des hedge funds, ce qui signifie que non seulement les séries de rentabilité ne sont pas iid mais surtout que le risque des hedge funds est sous-estimé et que les mesures de performance sont erronées. Comme ces mesures de performance sont primordiales, cette recherche s’intéresse à ce problème de l’autocorrélation dans les séries des rentabilités des hedge funds. Notre objectif est d’alerter les gérants professionnels et les responsables des agences de calcul de performances sur ce problème et de leur présenter les deux méthodes de correction de la corrélation sérielle qui paraissent le mieux adaptées et les plus faciles à mettre en œuvre. Il faut souligner que notre analyse du risque prend en compte deux caractéristiques statistiques généralement passées sous silence, la skewness et la kurtosis de la distribution des rentabilités. Dans cette optique, l’article est structuré de la manière suivante. Après avoir décrit les causes possibles et probables de la corrélation sérielle (section I) et constaté empiriquement leur existence (section II), nous présentons en section III deux méthodes de correction qui sont ensuite appliquées à un échantillon d’indices de hedge funds (section IV). Les caractéristiques statistiques des rentabilités « lissées » et « délissées » sont comparées (section V) et les conséquences sur les performances sont analysées (section VI). La section VII conclut. ■■ I. L’ambiguïté de l’autocorrélation des rentabilités des hedge funds : subie ou volontaire ? L’existence d’une autocorrélation temporelle dans les rentabilités des hedge funds semble relever de deux causes, une cause « subie » avec la non-liquidité des actifs détenus et une cause « volontaire » due à la méthode de rémunération des gérants. I.1. Le « mispricing » des actifs détenus La particularité des fonds alternatifs est de détenir des actifs peu liquides ou des actifs dont le prix est difficile à déterminer, tels les titres hors cote, les titres de sociétés « en détresse », les actions non cotées de « capital investissement » (private equity), les titres de marchés émergents et même l’immobilier, etc. Selon une étude récente réalisée par l’Alternative Investment Management Association (AIMA) en 2004, il est difficile de déterminer le prix de 20 % des actifs détenus par les hedge funds. Selon Waters (2006) et Kentouris (2005), cette proportion peut même atteindre 50 %, voire 100 %, dans certaines stratégies comme fixed-income arbitrage, convertible arbitrage, distressed debts, emerging markets et mortgage-backed securities. Selon les deux auteurs précités, les gérants de hedge funds considèrent que ce manque d’information sur ces produits crée des opportunités pour réaliser des gains. Puisque le prix de marché n’est pas disponible, ou disponible seulement de manière irrégulière, le flou et la subjectivité interviennent dans la détermination du prix utilisé pour calculer la valeur liquidative, soit que les gérants l’estiment eux-mêmes, soit qu’ils fassent appel à un courtier spécialisé. L’absence d’une norme pour l’industrie, accompagnée de l’existence de multiples méthodes d’évaluation des actifs et d’extrapolation des prix (le dernier prix disponible, la moyenne des prix, la médiane, le prix le plus élevé, ou le prix le plus bas, etc.) font que le prix varie d’un courtier ou d’un gérant à l’autre. À titre d’exemple, les différences de prix des collateralized mortgage obligations (CMO)3 fournis par cinq courtiers en décembre 2000 variaient de 6 % à 44 % (Lhabitant, 2004). Sans pour autant lisser délibérément les prix, cette pratique des gérants et des courtiers induit une forte autocorrélation au sein des séries de prix et donc des rentabilités. Certes, ce problème n’existe pas uniquement dans le cas des hedge funds. Toutefois, puisque ceux-ci investissent souvent dans des produits financiers non standardisés et qu’ils sont soumis à très peu de restrictions réglementaires, il est probable que ce biais ait une ampleur plus importante chez les hedge funds que chez les fonds traditionnels. Enfin, le système lui-même de rémunération à la performance des hedge funds (voir ci-après) introduit un effet de lissage parce que les « frais de performance » ne sont généralement prélevés qu’une fois par an alors que les valeurs liquidatives déclarées sont nettes de frais. Si un fonds est bénéficiaire en janvier mais en perte en février, les frais de performance prélevés en janvier seront recrédités en février, d’où un lissage des résultats4. I.2. Le système de rémunération des gérants de hedge funds Le système de rémunération des gérants de hedge funds est un des aspects caractéristiques de ce véhicule. Le gérant reçoit des « frais de performance » (incentive fees) qui représentent généralement 20 % de l’excès de rentabilité par rapport à un benchmark. Ces frais de performance sont généralement soumis au « critère du plus-haut obtenu » (high-water mark). Tant que le gérant n’a pas récupéré ses pertes par rapport à ce plus-haut historique, il ne bénéficie pas des frais de performance et ne reçoit que les frais de gestion prévus au contrat5. Troisième élément (implicite celui-là), le pourcentage des frais de performance est évidemment calculé sur l’actif net ; en d’autres termes, son montant est fonction de la taille du fonds. La tentation est donc grande pour des gérant peu scrupuleux de profiter de leurs actifs peu liquides et « mal-cotés » pour manipuler le calcul de leurs valeurs liquidatives et donc celui de leurs rentabilités6. Sans aller jusqu’au « trucage », le lissage des rentabilités est aidé par l’absence d’environnement réglementaire, l’absence de l’obligation de publier les valeurs liquidatives ainsi que le contenu du portefeuille comme celle d’être audité7. En définitive, l’autocorrélation des rentabilités des hedge funds serait partiellement « subie », entraînée par le degré d’incertitude qui accompagne la valorisation des produits complexes non standardisés détenus dans leurs portefeuilles. Elle serait aussi partiellement « volontaire », entraînée par l’intérêt personnel du gérant qui est incité à optimiser les rentabilités sur plusieurs périodes8. Plus brutale est l’affirmation de Andrew Lo, Professeur en finance au Massachusetts Institute of Technology (MIT) et gérant d’un hedge fund : peu importe que le lissage des rentabilités soit naturellement dû à la difficulté d’évaluer le juste prix de marché des actifs ou soit lié aux pratiques « répugnantes » de certains gérants, ce phénomène existe bel et bien dans l’industrie des hedge funds9. ■■ II. Le constat de l’autocorrélation des rentabilités des hedge funds II.1. Le constat dans la littérature américaine Le caractère lissé des rentabilités des hedge funds a été mis en évidence par plusieurs études – Asness et al. (2001), Brooks et Kat (2002), Kat et Lu (2002), Okunev et White (2003) et Getmansky, Lo et Makarov (2004). Examinant 10 indices de hedge funds de CSFB/Tremont sur la période 1994-2000, Asness et al. (2001) constatent que la régression des rentabilités des hedge funds sur la rentabilité présente et les trois rentabilités retardées du marché produit un bêta (le vrai bêta est la somme des quatre bêtas estimés) qui est nettement plus élevé que celui estimé par la régression habituelle sans rentabilités retardées. Par ailleurs, l’alpha issu de la régression sans rentabilités retardées est significativement positif alors qu’il devient non significativement négatif quand les rentabilités retardées sont inclues. Ce constat indique que la non prise en compte du caractère lissé des rentabilités chez les hedge funds conduit à une sous-estimation du risque de marché couru par ces derniers et donc à une surestimation de la valeur ajoutée des gérants à la performance de leurs fonds (mesurée par l’alpha). Enfin, une Banque & Marchés nº 96 Septembre-Octobre 2008 7 La nécessité de corriger les rentabilités des hedge funds analyse en fonction de la conjoncture boursière, selon que le marché est haussier ou bien baissier, montre que les gérants sont plus préoccupés de lisser les mauvaises rentabilités que les bonnes, ce qui confirme donc la présence d’une « gestion des cours » (managed price). Brooks et Kat (2002) étudient les caractéristiques des rentabilités de 48 indices de hedge funds et trouvent que presque toutes les séries présentent une autocorrélation d’ordre 1 statistiquement significative et fortement positive (au moins de 0,4). La conséquence de ce lissage est une sous-estimation de l’écart-type et donc une surestimation du ratio de Sharpe des hedge funds. Ce résultat a été ensuite corroboré par Kat et Lu (2002) et Okunev et White (2003). Dans un exemple empirique réalisé sur un échantillon de 12 hedge funds, Lo (2002) trouve que l’autocorrélation des rentabilités mensuelles peut surestimer le ratio de Sharpe jusqu’à 65 %, ce qui modifie dramatiquement le classement des fonds selon ce critère. Par la suite, Getmansky, Lo et Makarov (2004) démontrent mathématiquement que le lissage des rentabilités n’affecte pas la rentabilité moyenne mais réduit la variance, donc le bêta et augmente le ratio de Sharpe. À partir d’un modèle théorique, les auteurs montrent qu’une autocorrélation d’ordre 2 (67 % d’ordre 1, 33 % d’ordre 2) des rentabilités mensuelles peut entraîner une diminution du bêta de 67 % et une augmentation du ratio de Sharpe de 73 %. Bref, l’existence d’une autocorrélation des rentabilités remet en cause la robustesse des résultats obtenus par les études qui constatent un faible risque (petit écart-type), une faible corrélation (positive ou négative) des hedge funds avec les marchés traditionnels (petit bêta) et qui concluent à l’avantage qu’ils apportent en termes de diversification et à leur supériorité en termes de performance. II.2. Un constat empirique II.2.1. Les données Ce problème du lissage des rentabilités demanderait une analyse empirique sur des données individuelles. Malheureusement, ces dernières sont très difficilement accessibles et jusqu’à présent, les études travaillant sur des hedge funds individuels sont encore peu courantes. Comme la plupart de nos devanciers, nous utilisons des indices de hedge funds. Pour la signification des résultats, le fait qu’un indice soit une « moyenne » de fonds individuels entraine deux conséquences possibles. Ou bien l’indice indique la présence de lissage, ce qui signifie que les fonds lissés « dominent » les fonds non lissés, ce qui conforte l’hypothèse. Ou bien l’indice n’est pas lissé et l’effet est alors ambigu, les fonds individuels peuvent ne pas être lissés ou bien la présence des fonds non lissés fait disparaître le lissage de certains fonds. Les indices de hedge funds utilisés sont calculés par trois fournisseurs de données : CSFB/Tremont (CSFB) avec 13 indices, Hedge Fund Research (HFR) avec 24 indices et Greenwich-Van (GV) avec 17 indices, ce qui constitue un échantillon total de 54 « hedge funds ». Parmi les nombreux indices existants sur le marché10, ces indices sont retenus 8 Banque & Marchés nº 96 Septembre-Octobre 2008 pour deux raisons principales. Premièrement, ce sont les plus utilisés dans les études sur les hedge funds, ce qui permet de comparer nos résultats avec ceux des recherches antérieures. Deuxièmement, ils ont un historique suffisamment long qui assure une certaine robustesse aux calculs portant sur des séries temporelles. Pour chaque indice, nous disposons de 146 rentabilités mensuelles couvrant la période d’avril 1994 à mai 2006. À titre de comparaison, nous sélectionnons cinq indices représentant les classes d’actifs traditionnels : S & P 500, Russell 2000, Wilshire Small Cap 1750, Lehman US Aggregate Bond et Lehman High Yield. Ces indices comportent également 146 données mensuelles correspondant à la période d’étude. Sauf les indices de hedge funds HFR et GV dont les données historiques sont téléchargées sur leur site, celles des autres indices sont obtenues grâce à Datastream. II.2.2. L’existence d’une autocorrélation des rentabilités Le tableau 1 présente les coefficients d’autocorrélation de ces indices. Le résultat empirique est sans appel : 40 indices sur 54 ont une autocorrélation positive d’ordre 1, soit 74 % de l’échantillon et 6 ont même, en plus, une autocorrélation positive d’ordre 2. Et la significativité de cette corrélation sérielle est extrêmement forte puisque dans 75 % des cas (30 indices sur les 40 autocorrélés), elle est de 1 %. Cinq des six indices qui ont une autocorrélation d’ordres 1 et 2 – et que l’on peut appeler « sur-lissés » – sont révélateurs. On trouve les indices Convertible Arbitrage et Relative Value Arbitrage de HFR, ce qui laisse supposer que cette autocorrélation serait « subie » et plutôt due à la technique de gestion utilisée ainsi qu’au fait que le marché des obligations convertibles est essentiellement un marché de gré à gré. On trouve aussi Fixed Income High Yield de HFR. Comme ce type de portefeuille détient des junk bonds non cotés par définition, cela signifie bien l’existence du problème de la valorisation de tels actifs. A contrario, les hedge funds qui utilisent surtout des actifs classiques dont les rentabilités sont indépendantes dans le temps ne montrent aucune autocorrélation. Il s’agit des stratégies de Short Selling (4 cas), de Futures (2 cas), Macro (3 cas), GV Agressive Growth, GV Income, etc. En revanche, tous les indices d’actifs « classiques » qui servent d’éléments de comparaison, y compris l’indice Lehman High Yield composé de titres souvent très peu liquides, font preuve d’aucune corrélation sérielle. Leurs coefficients d’autocorrélation sont généralement négatifs et faibles en valeur absolue ; ils sont tous statistiquement non significatifs. Cela confirme bien l’hypothèse que la corrélation sérielle est spécifique à certaines stratégies de hedge funds. Ce constat est « dans la continuité » de celui trouvé par Brooks et Kat (2002), Kat et Lu (2002) et Getmansky, Lo et Makarov (2004). Il est donc important de « délisser » ces rentabilités afin de pouvoir mesurer le « vrai » risque et le « vrai » bénéfice qu’ils apportent à leurs détenteurs. Notons ici un point méthodologique important : le délissage ne va évidemment être réalisé que sur les Tableau 1 : Les coefficients d’autocorrélation des séries brutes (en %) Indices AR (1) AR (2) LB CSFB Indices AR (1) AR (2) Macro 7,0 – 2,0 Market Timing – 0,2 8,0 LB HFR (suite) Convertible Arbitrage 56,0 Dedicated Short Bias 9,0 Emerging Markets 29,0 *** 2,0 *** Merger Arbitrage 25,1 *** 16,0 Equity Market Neutral (EMN) 29,0 *** 16,0 ** Relative Value Arbitrage 31,0 *** 21,0 Event Driven 33,0 *** 14,0 *** Sector 16,1 * 4,0 Event Driven Distressed 28,0 *** 13,0 *** Short Selling 8,0 Event Driven Multi-Strategy 32,0 *** 15,0 *** GV Event Driven Risk Arbitrage 29,0 *** – 2,0 *** Equity Market Neutral 22,0 *** 9,0 ** Fixed Income Arbitrage 38,0 *** 6,0 *** Event-Driven 27,9 *** 9,1 *** Global Macro 1,0 3,0 Distressed Securities 30,1 *** 9,1 *** Long Short Equity 14,0 4,0 Special Situations 25,3 *** 10,1 *** Managed Futures 4,0 – 10,0 Market Neutral Arbitrage 42,3 *** 16,2 *** Multi Strategies 1,0 5,0 Convertible Arbitrage 55,4 *** 26,9 Fixed Income Arbitrage 36,6 *** 17,0 *** Aggressive Growth – 0,3 *** 38,0 ** *** – 5,0 * HFR 52,1 *** 23,0 Distressed Security 42,5 *** 13,0 *** Opportunistic 16,0 Emerging Markets (total) 30,7 *** 7,0 *** Short Selling 12,3 Emerging Markets (Asia) 36,5 *** 21,0 *** Value 17,0 Equity Hedge 17,5 ** 7,0 * Futures 4,3 – 13,5 Equity Market Neutral (EMN) 7,3 Macro 3,9 – 3,5 EMN Statistical Arbitrage 20,4 ** 15,0 *** Market Timing 13,9 * 8,9 Equity Non Hedge 15,2 * – 9,0 * Emerging Markets 19,7 ** 9,0 Event Driven 26,6 *** 4,0 *** Income – 0,5 Fixed Income (total) 29,6 *** 14,0 *** Multi-Strategy 18,6 Fixed Income Arbitrage 34,1 *** 2,0 *** Moyenne † 28,7 25,0 Fixed Income High Yield 32,7 *** 20,0 FoF Conservative 36,1 *** 17,0 *** MARCHÉS FoF Diversified 33,3 *** 6,0 *** S & P 500 – 4,0 0,9 FoF Market Defensive 7,0 Lehman US Aggregate – 0,1 – 0,1 FoF Strategic 28,3 *** 10,0 *** Lehman High Yield 13,0 – 6,0 FoF Composite 31,3 *** 9,0 *** Russell 2000 3,0 – 4,0 Fund Weighted Composite 20,7 *** 2,0 ** Wilshire Small Cap 1750 0,0 – 2,0 ** 10,0 ** ** *** – 10,0 Convertible Arbitrage ** *** ** *** *** 5,4 * 9,8 * – 9,8 ** – 3,0 ** 4,2 ** 0,3 * *** 3,0 Les autocorrélations d’ordre 1 à 10 ont été calculées. Deux tests sont effectués : le test de Bartlett pour la significativité des coefficients d’autocorrélation et le test de Ljung-Box (LB) pour la nullité simultanée des deux premiers coefficients d’autocorrélation. ***, **, * représentent la significativité au seuil de confiance de respectivement 1 %, 5 % et 10 % pour ces deux tests. Les 4 indices en gras sont les portefeuilles qui ont également une corrélation d’ordre 5 ou d’ordre 6. CSFB Global Macro et HFR Equity Market Neutral n’ont qu’une autocorrélation respectivement d’ordre 5 et d’ordre 6. Les indices en italique ont une autocorrélation significative d’ordre 1 et 2. † moyenne des seuls indices lissés. Banque & Marchés nº 96 Septembre-Octobre 2008 9 La nécessité de corriger les rentabilités des hedge funds 40 indices qui présentent une autocorrélation sérielle. Les 14 indices sans autocorrélation sont exclus des calculs qui suivent (avant leur réintégration pour l’analyse des performances). ■■ III. Le délissage des rentabilités des hedge funds « La critique est aisée mais l’art est difficile ». Cette maxime de Boileau s’applique à notre problème. S’il y a eu de nombreuses études vérifiant l’existence d’une corrélation sérielle des rentabilités des hedge funds, il n’en existe que deux qui proposent une solution pratique au problème11. Dans ce qui suit, nous exposons brièvement les méthodes de correction proposées12. III.1. La méthode de Geltner (1993) et son extension par Okunev et White (2003) Brooks et Kat (2002) et Okunev et White (2003) proposent de délisser les rentabilités lissées afin d’obtenir une série corrigée. Cette méthode trouve son origine dans la littérature sur les actifs immobiliers, dont on connaît les difficultés que l’on a pour les valoriser et pour calculer des indices représentatifs. C’est un spécialiste de la finance immobilière, Geltner, qui en 1993 soulève ce problème. Selon lui, le prix à l’instant t est souvent déterminé à partir du prix à l’instant t - 1 en raison de la liquidité réduite des actifs immobiliers. Ainsi, la structure de lissage (de manière intentionnelle ou non) des rentabilités d’une période est supposée la suivante : la rentabilité observée (lissée) R 1o,t en t est la moyenne pondérée de sa vraie valeur R 1v,t en t (l’indice inférieur 1 indiquant que la rentabilité a été corrigée une fois), et la rentabilité observée (lissée) précédente Rto- 1 , soit : Rto = (1 - c1) R1v, t + c1 Rto- 1 (1) avec c1 le coefficient de pondération. La « vraie » rentabilité R1v,t en t est donc égal à : R1v,t = Rto - c1 Rto- 1 (1 - c1) (2) En fait, c1 est la racine (inférieure à 1) d’une équation du second degré et compte tenu du fait que l’équation (1) est un processus auto-régressif d’ordre 1 [AR(1)], c1 est tout simplement égal au coefficient d’autocorrélation d’ordre 1, soit : c1 = t1o (3) En conséquence, chaque rentabilité observée est corrigée par l’équation (2) dans laquelle c1 est remplacé par t1o , soit : R1v,t = Rto - t1o Rto- 1 (1 - t1o) (4) Plus tard, Okunev et White (2003) généralisent cette méthode pour corriger la corrélation d’ordre supérieur à 1 en reprenant le raisonnement de Geltner (1993). 10 Banque & Marchés nº 96 Septembre-Octobre 2008 III.2. La méthode de Getmansky, Lo et Makarov (2004) En 2004, Getmansky, Lo et Makarov (dorénavant GLM) présentent également une technique de délissage intéressante. Ils conservent l’idée de la « moyenne pondérée » mais supposent que la rentabilité observée (Rto) est la moyenne pondérée des vraies rentabilités sur les k périodes précédentes et celle de la période actuelle t , soit : (5) Rto = i0 Rvt + i1 Rvt - 1 + f + ik Rvt - k avec les deux conditions suivantes : i j d 6 0, 1 @, j = 0, f, k (6) (7) Après quelques développements intermédiaires de l’équation (5), les i peuvent être estimés par la méthode du maximum de vraisemblance. L’indice (du niveau) de 1 = i0 + i1 + f + ik 2 lissage est égal à la somme des i j au carré, soit p = / kj ic j (par construction 0 # p # 1 ). Une faible valeur de pimplique un niveau de lissage élevé ; p = 1 indique l’absence de lissage. Une fois que les ij sont estimés, il suffit de « renverser » l’équation (5) pour obtenir la vraie rentabilité de la période t : Rvt = c c v Rto - i1 Rvt - 1 - f - ik Rt - k c i0 (8) Ainsi, en appliquant la formule (8) de manière récursive à la série des rentabilités observées, il est possible de générer une série des rentabilités corrigées de leurs corrélations sérielles. Dans cette méthode, la subtilité réside principalement dans la détermination du paramètre k. Selon GLM, la non convergence de la procédure d’estimation (maximum de vraisemblance) et/ou la négativité (statistiquement significative) des ic peuvent être considérés comme le premier signal d’une mauvaise spécification du profil de lissage (équation (5)). Dans ce cas, il faut tester une autre valeur de k13. Par ailleurs, GLM démontrent mathématiquement que (i) la moyenne de la série délissée est la même que celle de la série observée (nv = no), (ii) la variance de la série observée est p fois plus petite que celle de la série délissée _ vv2 $ vo2 = pvv2 i , (iii) le ratio de Sharpe de la série délissée est 1/c (s) fois plus petit que 1 Sho # Sho, avec celui de la série observée (Shv = 1/c (s) = c (s) p # 1). Ainsi, nos séries corrigées devront-elles satisfaire ces trois propriétés – ce qu’elles ont fait. Malheureusement, GLM n’ont pas étudié l’effet du délissage sur les moments supérieurs de la distribution des rentabilités tels que la skewness et la kurtosis alors que les rentabilités des hedge funds sont souvent non normales. Cette méthode est raffinée et séduisante mais soulève néanmoins deux problèmes – sans doute mineurs. D’une part, elle suppose que les rentabilités centrées observées sont normales. D’autre part, l’estimation des rentabilités délissées est « calée » sur la première rentabilité (si k = 1) ou sur les deux premières rentabilités (si k = 2), rentabilités qui sont censées être « vraies » alors que, par nature, ce sont des rentabilités observées (lissées). Ceci peut créer un biais potentiel. Étant donné que dans notre cas, k = 1 (pour 34 cas) et k = 2 (pour 6 cas) et que nous avons 146 rentabilités à corriger, ce biais doit être minime14. ■■ IV. Le processus de délissage Une fois que le niveau de la corrélation sérielle est mesuré, nous procédons aux démarches proposées par Geltner (1993), Okunev etWhite (2003) (dorénavant G-OW) et GLM, telles qu’elles viennent d’être décrites. Concernant la méthode de G-OW, une première correction est effectuée selon la règle décrite dans les équations (1) et (2) pour tous les indices ayant un coefficient d’autocorrélation d’ordre 1 statistiquement significatif. Cette procédure annule la corrélation sérielle de tous les indices, y compris de cinq indices qui ont une autocorrélation d’ordre 2 significative à 5 % et au coefficient assez élevé en valeur absolue. La seule exception est représentée par l’indice CSFB Convertible Arbitrage dont la suppression de l’autocorrélation d’ordre 2 a nécessité l’utilisation de la généralisation d’Okunev et White (2003). Le problème de l’application de la méthode GLM est de choisir le « bon » k. L’utilisation de k = 2 – à l’instar de ces auteurs – s’étant révélée mauvaise, la correction a été effectuée en prenant k = 1 pour les 34 séries dont l’autocorrélation est d’ordre 1 et k = 2 pour les 6 séries dont l’autocorrélation est d’ordre 2. Dans tous les cas, l’optimisation converge et les i estimés sont bien positifs et statistiquement significatifs. Le tableau 2 reproduit le profil de lissage estimé à la GLM pour chaque indice. Rappelons que ic 0 est la proportion de la vraie rentabilité contenue dans la rentabilité observée ; plus ic 0 est petit, plus les rentabilités sont lissées sur la base des rentabilités précédentes ; ic1 et ic 2 représentent la proportion des rentabilités des périodes précédentes contenues dans la rentabilité actuelle (observée) ; p est l’indice de lissage. Plus p est faible, plus le niveau de lissage est élevé ; c (s) est le coefficient de surestimation du ratio de Sharpe (Sh0 = c (s) Shv). En conséquence, le Sharpe observé doit être corrigé de la valeur de 1/c (s) pour obtenir le vrai Sharpe. Ceci étant, 19 indices sur 40 ont un niveau de lissage « moyen » puisque leur coefficient est compris entre 0,69 et 0,60, la moyenne étant 0,65 – ce qui signifie en termes de performances la nécessité de diminuer leur Sharpe observé de 10 à 28 % – ce qui n’est pas négligeable. Le groupe des « forts lissés » est constitué par les 7 indices dont le p est inférieur à 0,60. Trois d’entre eux se détachent nettement : les trois indices de Convertible Arbitrage (0,42 ; 0,41 et 0,38). Il faut diminuer en moyenne leur Sharpe de 36 %. Inversement, le groupe des « lissés légers » est constitué des 14 indices dont le coefficient p est supérieur à 0,70. Les moins autocorrélés sont CSFB Long Short Equity avec 0,80 et GV Market Timing avec 0,81. Mais il faut tout de même diminuer en moyenne leur Sharpe de 10 %. Le profil de lissage étant estimé par les ic , les rentabilités observées sont corrigées en appliquant l’équation (8) avec k = 1 (et k = 2 pour les six indices à autocorrélation d’ordre 2). Ces séries « délissées » sont en théorie les vraies rentabilités. Les sections suivantes détaillent les résultats obtenus. Tableau 2 : Le profil du lissage estimé selon la méthode de GLM Indices CSFB Convertible Arbitrage Emerging Markets Equity Market Neutral (EMN) Event Driven Event Driven Distressed Event Driven Multi-strategy Event Driven Risk Arbitrage Fixed Income Arbitrage Long Short Equity Convertible Arbitrage Distressed Security Emerging Markets (total) Emerging Markets (Asia) Equity Hedge EMN Statistical Arbitrage Equity Non Hedge Event Driven Fixed Income (total) Fixed Income Arbitrage Fixed Income High Yield Index FoF Conservative FoF Diversified FoF Strategic FoF Composite Fund Weighted Composite Merger Arbitrage Relative Value Arbitrage Sector Equity Market Neutral Event-Driven Distressed Securities Special Situations Market Neutral Arbitrage Convertible Arbitrage Fixed Income Arbitrage Opportunistic Value Market Timing Emerging Markets Multi-Strategy Moyenne Ecart-type Max Min HFR GV i0 0,51 0,76 0,81 0,78 0,81 0,79 0,76 0,72 0,89 0,54 0,73 0,77 0,66 0,86 0,86 0,84 0,79 0,81 0,70 0,66 0,77 0,75 0,80 0,78 0,83 0,82 0,69 0,87 0,83 0,80 0,78 0,82 0,72 0,55 0,77 0,88 0,85 0,90 0,85 0,84 0,77 0,09 0,90 0,51 i1 0,28 0,24 0,19 0,22 0,19 0,21 0,24 0,28 0,11 0,31 0,27 0,23 0,19 0,14 0,14 0,16 0,21 0,19 0,30 0,20 0,23 0,25 0,20 0,22 0,17 0,18 0,18 0,13 0,17 0,20 0,22 0,18 0,28 0,32 0,23 0,12 0,15 0,10 0,15 0,16 0,20 0,05 0,32 0,10 i2 0,21 0,16 0,15 0,14 0,14 0,13 0,15 0,03 0,21 0,13 p 0,38 0,63 0,69 0,66 0,69 0,66 0,63 0,60 0,80 0,41 0,60 0,65 0,49 0,76 0,76 0,73 0,67 0,69 0,58 0,50 0,64 0,63 0,68 0,65 0,72 0,71 0,52 0,78 0,72 0,68 0,66 0,70 0,60 0,42 0,65 0,79 0,74 0,81 0,75 0,73 0,65 0,10 0,81 0,38 1/c (s) 0,62 0,79 0,83 0,81 0,83 0,81 0,79 0,78 0,89 0,64 0,68 0,80 0,70 0,88 0,87 0,85 0,82 0,83 0,76 0,70 0,80 0,79 0,83 0,81 0,85 0,84 0,72 0,88 0,85 0,83 0,81 0,84 0,78 0,65 0,81 0,88 0,86 0,90 0,86 0,85 0,80 0,07 0,90 0,62 avec p d 6 0, 1 @ mesure le niveau de lissage. Une faible valeur de p implique un niveau 2 2 de lissage élevé, p = 1 indique l’absence de lissage. c (s) = 1/ / j = 0 ic j . GLM démontrent qu’ignorer la corrélation sérielle risque de sous-estimer la variance de p fois (v20 = pv2corrige) et de surestimer le ratio de Sharpe de c (s) fois (Sh 0 = c (s) Sh corrige) . 1/c(s) est alors le coefficient correcteur du Sharpe observé. 2 p= /i c2 j j=0 Banque & Marchés nº 96 Septembre-Octobre 2008 11 La nécessité de corriger les rentabilités des hedge funds ■■ V. Les caractéristiques financières des rentabilités « délissées » Les tableaux qui suivent présentent une double comparaison ; d’une part la comparaison entre la série brute « lissée » et les séries corrigées « délissées » ; d’autre part la comparaison entre les résultats obtenus selon la procédure de G-OW et celle de GLM. Dans la comparaison des paramètres de la distribution, nous nous préoccupons spécialement des indicateurs de risque. Il convient de souligner qu’à la différence des études antérieures, nous nous intéressons non seulement à l’effet du délissage sur la moyenne et l’écart-type mais encore sur la skewness et la kurtosis car les rentabilités des hedge funds sont connues pour leurs caractéristiques non normales. Tableau 3 : La comparaison des écarts-type (en %): avant et après le délissage Indices B % G-OW GLM G-OW Indices vs B CSFB B G-OW GLM G-OW vs B HFR Convertible Arbitrage 1,4 3,0 2,2 117,3 Convertible Arbitrage 1,0 1,8 1,7 73,3 Emerging Markets 4,7 6,3 5,9 33,1 Distressed Security 1,5 2,4 1,9 57,2 Equity Market Neutral (EMN) 0,8 1,1 1,0 34,1 Emerging Markets (total) 4,2 5,7 5,2 37,2 Event Driven 1,6 2,3 2,0 40,0 Emerging Markets (Asia) 3,6 5,2 5,0 46,5 Event Driven Distressed 1,8 2,4 2,2 32,4 Equity Hedge 2,6 3,1 3,0 19,3 Event Driven Multi-Strategy 1,8 2,4 2,1 38,6 EMN Statistical Arbitrage 1,1 1,4 1,3 23,0 Event Driven Risk Arbitrage 1,2 1,6 1,5 33,2 Equity Non Hedge 4,0 4,7 4,7 16,6 Fixed Income Arbitrage 1,1 1,6 1,3 48,7 Event Driven 1,8 2,4 2,2 31,2 Long Short Equity 3,0 3,4 3,3 14,1 Fixed Income (total) 0,9 1,2 1,0 35,6 Fixed Income Arbitrage 1,1 1,6 1,5 42,6 GV Equity Market Neutral 1,2 1,5 1,4 25,0 Fixed Income High Yield 1,3 1,8 1,8 40,1 Event-Driven 1,7 2,3 2,1 33,2 FoF Conservative 0,9 1,4 1,2 44,4 Distressed Securities 1,4 1,9 1,7 36,3 FoF Diversified 1,8 2,5 2,2 41,3 Special Situations 2,0 2,6 2,4 29,4 FoF Strategic 2,6 3,5 3,1 33,6 Market Neutral Arbitrage 0,9 1,4 1,2 57,0 FoF Composite 1,7 2,3 2,0 38,0 Convertible Arbitrage 1,1 2,0 1,6 86,7 Fund Weighted Composite 2,0 2,5 2,4 23,2 Fixed Income Arbitrage 1,0 1,4 1,2 46,7 Merger Arbitrage 1,1 1,4 1,3 29,1 Opportunistic 2,9 3,4 3,3 17,5 Relative Value Arbitrage 0,9 1,2 1,3 37,3 Value 3,0 3,5 3,5 18,8 Sector 4,1 4,9 4,7 17,7 Market Timing 2,6 2,9 2,8 15,0 Emerging Markets 5,0 6,0 5,7 21,7 Multi-Strategy 2,3 2,7 2,6 20,7 Moyenne 2,0 2,7 2,5 37,2 Écart-type 1,1 1,4 1,3 20,0 B : séries brutes ; G-OW : séries délissées selon la méthode de G-OW ; GLM : séries délissées selon la méthode de GLM ; G-OW vs B : variation (en %) de l’écart-type corrigé selon G-OW par rapport à l’écart-type de la série brute (car il s’agit de la correction qui donne les différences les plus fortes). 12 Banque & Marchés nº 96 Septembre-Octobre 2008 V.1. La similitude des rentabilités moyennes obtenues Les rentabilités moyennes calculées sont strictement identiques dans 18 cas (sur 40 cas délissés)15. Et, dans les autres cas, la différence est égale à 2 unités sur la deuxième décimale. Ces chiffres sont d’ailleurs en conformité avec la démonstration mathématique de GLM indiquant que le lissage n’a pas d’incidence sur la rentabilité calculée (et donc sur les rentabilités espérées dans l’avenir). V.2. La hausse du risque couru L’image que veulent donner d’eux-mêmes les fonds alternatifs est la maîtrise et surtout la baisse du risque couru – d’où d’ailleurs leur nom de « hedge ». Nos résultats, à l’instar des travaux théoriques ou empiriques antérieurs, démontrent que cette image peut être trompeuse. V.2.1. La forte augmentation de l’écart-type Les écarts-type des séries délissées augmentent en moyenne de 25 % avec la méthode GLM et de 37 % avec celle de G-OW. Évidemment les séries les plus délissées sont celles dont le risque augmente le plus. Nous retrouvons les Convertible Arbitrage dont le « vrai » risque augmente de 73 % chez HFR, 87 % chez GV et 117 % chez CSFB par rapport au risque calculable à partir des valeurs liquidatives « officielles ». Viennent derrière, les stratégies de Distressed Security et Market Neutral (plus 57 % toutes les deux). Sinon une majorité de hedge funds ont un vrai risque de 30 à 40 % supérieur à leur risque annoncé, ce qui est tout de même beaucoup. De manière plus formelle, 80 tests de Fisher d’égalité des variances ont été effectués : variance brute versus variance G-OW et variance brute versus variance GLM. Dans tous les cas, l’hypothèse d’égalité des deux variances (variance observée et variance corrigée) est rejetée au seuil d’au moins 5 %. La conclusion est claire : les indices de hedge funds comportent un niveau de risque couru supérieur Tableau 4 : Caractéristiques d’ensemble des indices délissés : la skewness Moyenne Écarttype Max Min Série brute (lissée) – 0,91 1,38 1,76(1) – 4,54(2) Série délissée selon G-OW – 0,76 1,27 1,77 – 4,11 Série délissée selon GLM – 0,81 1,32 1,85 – 4,52 G-OW versus série brute – 6 67 281 – 170 GLM versus série brute – 2 51 213 – 121 Valeur absolue (1) (1) (2) (2) Variation arrondie en % (3) (3) (4) (4) GV Opportunistic, (2)GV Fixed Income Arbitrage, (3)HFR FoF Diversified, (4) GV Distressed Securities (1) au niveau de risque observé et leur « vrai » risque est au moins 25 % plus élevé que leur risque « annoncé ». La comparaison des résultats obtenus par chacune des deux procédures indique que les écarts-type ajustés selon G-OW sont égaux (deux fois) et supérieurs à ceux obtenus selon GLM. En moyenne, ces derniers sont inférieurs de 7,4 %. Mais il faut préciser que quarante tests formels de Fisher indiquent que cette différence n’est pas statistiquement significative. V.2.2. L’absence d’effet « risque » de la skewness Le troisième paramètre d’une distribution – la non-symétrie (skewness) – ne doit pas être négligé puisque, si elle est positive, elle signifie une plus grande probabilité d’obtenir une rentabilité supérieure à la rentabilité espérée. Malheureusement, ici, comme pour la majorité des rentabilités des portefeuilles boursiers, la skewness est plutôt négative, signifiant une plus grande probabilité d’obtenir moins que la rentabilité espérée. 31 indices ont une skewness observée négative et 28 parmi les séries corrigées. Ceci étant, la skewness ne semble pas être un vrai problème, d’autant plus que le délissage améliore la situation : la moyenne des 40 skewness observées est – 0,91 alors que la moyenne des skewneess corrigées est – 0,76 pour G-OW et – 0,81 pour GLM. Un test formel (de Student) de comparaison de ces moyennes entre elles apportent une réponse sans ambiguïté : elles sont statistiquement identiques. V.2.3. L’hétérogénéité du risque de la kurtosis Le quatrième paramètre d’une distribution – la kurtosis qui mesure l’existence de queues de distribution plus épaisses que celles d’une distribution normale – doit être également pris en compte. Si le coefficient calculé est positif16, cela signifie (pour faire simple) que la probabilité d’un krach Tableau 5. Caractéristiques d’ensemble des indices délissés : l’excès de kurtosis (K – 3) Moyenne Écarttype Max Min Série brute (lissée) 7,26 8,05 38,07(1) 0,35(2a) Série délissée selon G-OW 7,11 7,94 36,18(1) 0,04(2a) Série délissée selon GLM 7,20 8,20 38,68(1) 0,09(2b) 0 33 120(3) – 87(4a) – 2 29 80(3) – 84(4b) Valeur absolue Variation arrondie en % G-OW versus série brute GLM versus série brute GV Fixed Income Arbitrage, (2a)HFR EMN Statistical Arbitrage, (2b)HFR Emerging Markets (Asia), (3)CSFB Equity Market Neutral, (4a)HFR EMN Statistical Arbitrage, (4b) HFR Emerging Markets (Asia) (1) Banque & Marchés nº 96 Septembre-Octobre 2008 13 La nécessité de corriger les rentabilités des hedge funds à la baisse ou à la hausse est supérieure à 5 %. Les distributions des rentabilités des hedge funds ont définitivement des queues très épaisses (distribution « leptokurtique ») puisque la moyenne des excès de kurtosis « lissés » est 7,26, celle des « corrigés » est 7,11 selon G-OW ou 7,20 selon GLM (tableau 5). Un test formel de Student sur les trois moyennes permet de conclure que, globalement, la mesure du niveau de risque d’un krach à la baisse est identique que les rentabilités soient « délissées » ou non. Mais cette identité de la moyenne cache l’existence de trois sous-groupes très différenciés de ce point de vue. Il y a un groupe de neuf indices très leptokurtiques avec des coefficients (selon GLM) supérieurs à 10 : six entre 10 et 20 et, surtout, trois entre 20 et 30, avec Fixed Income Arbitrage de GV culminant à 39. Le groupe majoritaire est composé des 26 indices qui sont « faiblement leptokurtiques » avec un coefficient (selon GLM) compris entre 1 et 9. Enfin un petit groupe de cinq indices dont le coefficient (selon GLM) est inférieur à 1 et qui doivent vraisemblablement avoir une « vraie » kurtosis nulle. V.3. L’augmentation de la perte maximale potentielle Compte tenu des modifications constatées sur les caractéristiques statistiques des séries délissées, il est intéressant d’examiner l’évolution de la perte maximale éventuelle des hedge funds à la suite du lissage et du délissage. Ce risque est mesuré par la Value-at-Risk Modifiée (MVAR) de Favre et Galeano (2002), dont le mérite principal réside dans la prise en compte de la non-symétrie et de l’existence de queues épaisses dans la distribution des rentabilités : MVAR = W (9) ;n - & zc + 1 ^ z2c - 1 h S + 1 ^ z3c - 3zc h K 6 24 1 ^ 3 2z - 5zc h S2 0 v E 36 c Tableau 6 : Caractéristiques d’ensemble des indices délissés : la MVAR Valeur absolue Série brute (lissée) Série délissée selon G-OW Série délissée selon GLM Variation arrondie en % G-OW versus série brute GLM versus série brute Moyenne Écarttype Max Min 5,71 2,65 12,79(1) 2,38(2) 7,36 3,37 17,43(1) 3,01(2) 6,82 3,20 16,45(1) 2,73(2) 30 16 98(3) 12(4a) 20 11 52(3) 6(4b) CSFB Emerging Markets, (2)CSFB Equity Market Neutral, (3) CSFB Convertible Arbitrage, (4)GV Opportunistic (1) 14 Banque & Marchés nº 96 Septembre-Octobre 2008 où W est la valeur du portefeuille exposé au risqué, n = R est la rentabilité moyenne, v ,S et K sont respectivement l’écart-type, la skewness et l’excès de kurtosis des rentabilités ; zc est la valeur critique qui correspond au niveau de confiance 1 - a ( zc = - 1, 96 quand a = 95 % )17. Le résultat obtenu confirme et pourrait-on dire « synthétise » les résultats précédents : la MVAR selon G-OW et GLM est systématiquement plus grande que celle des rentabilités lissées. Cela reflète bien l’augmentation de l’écart-type ainsi que celle (plus ou moins forte) de la kurtosis et cela confirme certainement le peu d’influence de la skewness, bien que cette dernière soit négative. La différence varie de 12 % à 98 % selon G-OW et de 5 % à 52 % selon GLM. Ce résultat indique que le risque global de certaines stratégies de hedge funds est bel et bien masqué par le lissage des rentabilités. En outre, la méthode G-OW donne lieu à des MVAR en moyenne 10 % plus grandes que celles obtenues à partir des séries corrigées selon GLM. En résumé, la comparaison des caractéristiques statistiques et de leur signification financière des séries lissées avec les séries délissées conduit à trois enseignements. ■■ ��������������������������������������������������������� Premièrement, le lissage des rentabilités (subi ou volontaire) a pour conséquence de modifier à la baisse les trois paramètres indiquant un risque : l’écart-type, la skewness et la kurtosis – l’effet majeur portant sur l’écart-type. ■■ En conséquence, cette baisse masque considérablement le « vrai » niveau de risque des stratégies des hedge funds. Le lissage crée une véritable illusion, tout spécialement pour les stratégies les plus risquées. ■■ Enfin, le choix de la méthode de délissage (G-OW ou GLM) semble neutre, leurs résultats étant très similaires : même sens et presque même valeur chiffrée. ■■ VI. Les conséquences du délissage sur les performances des hedge funds L’objectif de cette correction des rentabilités des hedge funds est de mesurer leurs « vraies » performances. Il est donc important d’étudier le changement apporté par le délissage sur les performances. Mais ici notre instrument de mesure devient discutable. Chacun de ces indices va être considéré comme un « fonds indiciel » (ce qui n’est pas très gênant) qui est « en concurrence » avec les autres fonds indiciels alors même qu’ils n’ont pas la même stratégie – ce qui est plus gênant18. Le but est de mettre clairement en lumière – avec des chiffres – les conséquences inéquitables de ce processus de lissage dans la mesure des performances. VI.1. La baisse de la performance absolue Deux mesures de performance sont sélectionnées : le ratio de Sharpe classique (Sharpe, 1966) et l’indice Omega (Keating et Shadwick, 2002). Le ratio de Sharpe est calculé – malgré le fait qu’il demande la normalité des distributions – parce que c’est la mesure de performance la plus utilisée, tant par les universitaires que, surtout, par les professionnels. Le calcul du ratio de Sharpe des séries lissées et délissées est effectué de manière très classique : la moyenne et l’écart-type sont ceux de la série concernée et le taux sans risque est celui des bons du Trésor américain à 3 mois19. L’indice Omega est moins contraignant que le ratio de Sharpe. Il a le mérite de tenir compte de toute la distribution des rentabilités sans formuler aucune hypothèse, ni sur la forme de la distribution, ni sur la fonction d’utilité de l’investisseur. Sa formule est la suivante : Omega (x) = X (x) = #x3 61 - F (R)@ dR #-x3 F (R) dR Ig Ip = spécialement les gérants sur les Emerging Markets qui n’obtiennent que 0,30. Évidemment, les ratios des séries délissées sont moins flatteurs puisque la procédure GOW diminue en moyenne les coefficients de 25 % et celle de GLM de 20 %. À titre d’exemple, la moyenne des ratios des 40 séries lissées tombe, selon G-OW, de 1,16 à 0,86 avec un maximum de 1,58 (et non plus 2,16) et un minimum de 0,18 (à la place de 0,28). Le second enseignement est que les coefficients des indices délissés (Sharpe comme Omega) restent supérieurs aux coefficients des indices non lissés. Enfin, les coefficients des indices délissés comme ceux des non lissés sont nettement supérieurs à celui du S & P 500. Le tableau 8 présente de manière synthétique les différences dans la répartition du ratio de Sharpe entre les trois séries analysées : celle brute, celle corrigée suivant la méthode de G-OW et celle corrigée suivant la méthode de GLM. On voit très bien le glissement dans la classe inférieure. L’indice Omega apporte le même glissement à la baisse quand on utilise la procédure G-OW. En revanche, ce glissement est moins net avec la méthode GLM. Cette dernière conserve dans la catégorie la plus élevée (coefficient supérieur à 3) six des sept fonds qui en faisaient partie sur la base de leurs rentabilités lissées. (10) La statistique Omega est le rapport des gains (I g) et des pertes (I p) par rapport au seuil x fixé à la discrétion des investisseurs, gains ou pertes pondérés par leurs fréquences d’occurrence. En pratique, x est également représenté par le taux des bons de Trésor américain à 3 mois. La performance est d’autant plus grande que l’indice Omega est grand. Le tableau 7 présente les résultats de ces deux mesures de performance. Dans une optique comparative, celles relatives aux 14 indices non lissés ont été également calculées. Ces résultats apportent trois enseignements. D’abord que les ratios de Sharpe « officiels » des séries brutes (lissées) donnent une image très flatteuse des gérants alternatifs avec une moyenne générale de 1,16 et avec, entre autres, quatre stratégies qui réussissent à dépasser 2. Parmi tous ces « gagnants », quelques « perdants » néanmoins, tout VI.2. Une modification notable de la hiérarchie des indices En fait, ce qui préoccupe les gérants de fonds est moins la valeur absolue des coefficients mesurant leur performance que sa valeur relative. En d’autres termes, son rang dans le classement parmi ses pairs. Il est donc important d’analyser sous cet angle les conséquences Tableau 7 : Les mesures d’ensemble de Sharpe et d’Omega Ratio de Sharpe Indices Valeur absolue BL BNL Moyenne 1,16 0,64 Écart-type 0,53 0,54 Max 2,16 1,27 Min 0,28 – 0,32 S & P 500 0,49 Variation (%) G-OW GLM G-OW GLM 0,80 0,84 – 24,86 – 20,42 0,42 0,46 8,81 10,39 1,58 1,74 – 8,16 – 5,67 – 0,32 – 0,32 – 48,25 – 51,05 Indice Omega Valeur absolue Variation (%) BL BNL G-OW GLM G-OW GLM Moyenne 2,42 1,65 1,83 1,97 – 18,58 – 12,56 Écart-type 0,99 0,60 0,59 0,74 9,51 6,02 Max 4,72 2,54 3,49 3,87 – 4,80 – 3,84 Min 1,17 0,75 0,75 0,75 – 41,01 – 28,42 S & P 500 1,36 BL : valeur des 40 séries brutes lissées ; BNL : valeur des 14 séries brutes NON lissées ; G-OW : valeur des 40 séries délissées par la méthode G-OW ; GLM : valeur des 40 séries délissées par la méthode GLM Banque & Marchés nº 96 Septembre-Octobre 2008 15 La nécessité de corriger les rentabilités des hedge funds On pouvait s’attendre à une différence nettement plus prononcée. Il faut néanmoins remarquer trois choses. D’une part, l’inclusion (nécessaire) des indices non lissés apporte un supplément (léger) de différence. Si nous analysons l’ensemble de l’échantillon, la similitude des classements est moins prononcée dans le cas de la procédure G-OW. Enfin, les deux méthodes de correction conduisent à des résultats très proches. Ce constat laisse supposer que le délissage, quelle que soit la méthode utilisée, n’a aucune incidence sur la performance relative des hedge funds. Compte tenu des enjeux financiers importants du classement des fonds, ce constat mérite d’être analysé de manière plus détaillée. Tableau 8 : La répartition des coefficients de Sharpe des 40 indices « lissés » et « délissés » Ratio de Sharpe Brute G-OW GLM Sh < = 0,5 4 7 8 0,5 < Sh < 1 14 18 16 1 < = Sh < 1,5 12 13 12 1,5 < = Sh < 2 6 2 4 Sh > 2 4 0 0 Total 40 40 40 Moyenne de Sharpe 1,16 0,86 0,91 VI.2.2. Des changements significatifs de classe de performances du délissage. Pour ce faire, un point méthodologique important surgit : il faut réintroduire dans l’échantillon les 14 indices qui, n’ayant pas d’autocorrélation, n’ont pas été délissés. Cette réintégration est doublement importante : en théorie parce que l’on peu supposer qu’ils sont systématiquement défavorisés ; en pratique parce que les mesures de performance portent, par définition, sur la totalité des fonds d’une stratégie. VI.2.1. Une curieuse similitude des classements d’ensemble De manière inattendue, les cinq classements obtenus sont globalement similaires. Les coefficients de corrélation entre les rangs sont très élevés, comme le montre le tableau 9. Tableau 9 : Les corrélations de Spearman entre les classements de performance Indices lissés seuls Indices lissés et Indices non-lissés Sharpe Omega Sharpe Omega 16 Brute vs G-OW 0,963 Brute vs GLM 0,952 0,983 0,947 0,97 G-OW vs GLM 0,994 0,991 0,994 0,986 0,964 0,942 0,934 Afin de mieux cerner les conséquences en termes de performance relative des fonds causées par le délissage ou le lissage, nous avons procédé à l’observation des mouvements des fonds entre les quartiles à la suite du délissage. Le principe de la répartition des fonds en quartiles est le suivant. Les fonds sont d’abord hiérarchisés dans un ordre décroissant sur la base de leur performance absolue, brute ou corrigée. Ensuite, cette hiérarchie est découpée en quatre groupes. Puisque notre échantillon comprend 54 indices, les deux premiers quartiles comportent chacun 13 indices alors que chacun des deux derniers quartiles contient 14 indices. Le tableau 10 tend à confirmer l’intuition selon laquelle les fonds non lissés seraient systématiquement défavorisés. Avant la correction, aucun des 14 indices non délissés ne figure dans le premier quartile, celui des fonds les plus performants. De manière générale, après correction (selon la méthode G-OW)20 des indices lissés, les indices non délissés connaissent un mouvement ascendant, avec tout spécialement trois indices – CSFB Multi Strategies, HFR Equity Market Neutral et HFR Market Timing – qui Tableau 10 : La répartition par quartiles des indices sur la base de leur rang au ratio de Sharpe (avant et après le délissage selon la méthode de G-OW) Quartile Quartile Quartile Quartile Total 1 2 3 4 40 Indices lissés Avant le délissage 13 9 9 9 40 Après le délissage 10 11 10 9 40 En % 25 27,5 25 22,5 100 14 Indices non lissés Avant le délissage 0 4 5 5 14 Après le délissage 3 3 3 5 14 21 21 21 36 100 En % Banque & Marchés nº 96 Septembre-Octobre 2008 L’échantillon comporte 54 indices, parmi lesquels 40 connaissent une corrélation sérielle et sont corrigés. montent dans le premier quartile. En revanche, les quatre derniers du classement sur la base des séries brutes le sont toujours après la correction. Ce qui indique qu’il existe deux catégories au sein des indices non lissés : les « bons » qui sont désavantagés par la non-correction et les « médiocres » pour lesquels la correction des indices lissés concurrents n’apporte rien. L’analyse portant sur les performances relatives des fonds selon l’indice Omega ou suivant la correction de GLM conduit aux mêmes conclusions. En bref, le premier effet de la correction est d’améliorer le classement des indices non lissés (et de diminuer corrélativement celui des indices lissés). VI.2.3. Des modifications significatives du rang selon les performances Sauf être « le premier » et ne pas être « le dernier », le gérant souhaite surtout faire partie des « bons », c’est-àdire être dans le groupe de tête. La traduction statistique de cet enjeu est les « mouvements » entre les quartiles. Le tableau 11 présente ces passages d’un quartile à l’autre selon la correction subie et selon la mesure de performance utilisée. Les coefficients de corrélation précédents sont bien confirmés : 81 % de l’échantillon d’ensemble (44 indices sur 54) ou 82,5 % des seuls indices lissés corrigés restent dans le même quartile (quelque soit la méthode de correction). Mais cela signifie tout de même que 12,5 % des fonds lissés (soit 9 % de l’échantillon) sont rétrogradés alors que 21 % des fonds non lissés sont surclassés selon le coefficient Omega et même 29 % selon le ratio de Sharpe. Indépendamment de l’aspect « éthique » – il s’agit de mesurer la « vraie » performance et le « vrai » rang – trouver que 19 % des fonds sont « touchés » par le délissage représente un résultat notable du point de vue scientifique comme du point de vue des professionnels concernés. En effet, les performances drainent les capitaux et ces derniers servent partiellement de base à la rémunération des gérants comme nous l’avons vu dans la section 2. Cela vaut donc la peine de donner au lecteur une idée quant à l’importance des modifications de classement. ■■ VII. Conclusion Dans cette recherche, nous avons examiné deux méthodes permettant d’éliminer la corrélation sérielle des rentabilités des hedge funds et de reconstituer une série de rentabilités dites « délissées » : celle de Geltner (1993) et sa généralisation par Okunev et White (2003) et celle de Getmansky, Tableau 11 : Les mouvements entre quartiles des différents classements de 54 indices Ratio de Sharpe G-OW Lissés GLM Non-lissés Lissés Non-lissés Nbr % Nbr % Nbr % Nbr % Passage au quartile INFÉRIEUR 5 12,5 0 0,0 4 10,0 0 0,0 Maintien dans le quartile 34 85,0 10 71,4 33 82,5 11 78,6 Passage au quartile SUPÉRIEUR 1 2,5 4 28,6 3 7,5 3 21,4 Égalité du rang 2 5,0 4 7,4 6 42,9 3 21,4 Modification d’UNE place 13 32,5 1 1,9 12 85,7 1 7,1 (en plus ou en moins) Indice Omega G-OW Lissés GLM Non-lissés Lissés Non-lissés Nbr % Nbr % Nbr % Nbr % Passage au quartile INFÉRIEUR 5 12,5 0 0,0 4 10,0 0 0,0 Maintien dans le quartile 33 82,5 11 78,6 35 87,5 12 85,7 Passage au quartile SUPÉRIEUR 2 5,0 3 21,4 1 2,5 2 14,3 Égalité du rang 7 17,5 3 21,4 6 15,0 3 21,4 Modification d’UNE place (en plus ou en moins) 9 22,5 0 0,0 13 32,5 1 7,1 Banque & Marchés nº 96 Septembre-Octobre 2008 17 La nécessité de corriger les rentabilités des hedge funds Lo et Makarov (2004). Nos conclusions principales portent essentiellement sur l’impact du délissage et de la méthode de délissage retenue sur les caractéristiques financières des rentabilités des hedge funds ainsi que sur leurs performances absolue et relative. Plusieurs enseignements émergent de cette étude. Premièrement, les caractéristiques financières des hedge funds après délissage sont profondément modifiées. La moyenne obtenue reste la même mais le niveau de risque est très largement augmenté. Selon la procédure de correction, l’écart-type augmente en moyenne de 25 % et même de 37 % ; la skewness ne semble pas avoir d’influence notable, au contraire de l’excès de kurtosis qui indique qu’une forte majorité de hedge funds court un risque « anormal » de krach à la baisse. Ces deux dernières évidences empiriques sont un apport original à la littérature qui s’est intéressée uniquement à l’écart-type des rentabilités et qui a négligé les troisième et quatrième moments de la distribution. La conséquence est que la performance absolue des hedge funds se détériore considérablement après la correction de l’autocorrélation, détérioration d’au moins 20 %, voire 25 % en moyenne, selon la procédure utilisée et la mesure de performance retenue. Si une vision cursive des classements donne l’impression que ces derniers sont peu modifiés, une analyse plus fine montre qu’un changement de rang touche 20 % des cas. En plus, il existe plusieurs cas de fort « déclassement » et de fort « surclassement » – ces derniers corrigeant le désavantage que subissent les indices non lissés quand ils sont comparés à des indices lissés. Enfin, le choix de la méthode de délissage semble assez neutre, les chiffres calculés selon les deux procédures étant très proches quand ils ne sont pas identiques. On peut seulement noter que la méthode de G-OW est plus « brutale » dans l’abaissement des performances réalisées, ce qui doit provenir du fait qu’elle diminue plus fortement que GLM l’écart-type. Dans la mesure où cette méthode est plus facile à mettre en œuvre, elle pourrait être privilégiée par les professionnels. Ces trois séries de résultats ont des implications importantes pour les gérants de hedge funds comme pour les autorités régulatrices. Nous confirmons l’existence mi-naturelle et, sans doute, mi-intentionnelle du lissage des rentabilités pour certaines stratégies de hedge funds. Ne pas tenir compte de cette caractéristique conduit à sous-estimer fortement le risque couru et à surestimer la performance de ceux-ci. À une époque où on se préoccupe avec raison « d’éthique » et de « bonne gouvernance », la transparence demande que le vrai risque des hedge funds soit connu et la morale exige que les gérants soient « notés » selon leurs vraies performances. RÉSULTATS DÉTAILLÉS Le lecteur intéressé trouvera le détail de nos calculs et de nos résultats dans le document « La nécessité de corriger les rentabilités des hedge funds : RÉSULTATS DÉTAILLÉS » disponible sur le site http://www.univ-orleans.fr/leo/liensdr/ liendr2007/dr2007241.pdf n 18 Banque & Marchés nº 96 Septembre-Octobre 2008 1. Dans la suite de l’article, les termes « hedge funds » et « fonds alternatifs » seront employés de manière interchangeable. Bien que nous luttions contre le « franglais » et les anglicismes, nous conservons ici le terme fund car l’expression hedge fond nous semble incongrue. 2. Les termes « autocorrélation » et « corrélation sérielle » sont interchangeables pour designer le fait qu’il existe un lien statistique entre les rentabilités mensuelles des hedge funds. 3. Collateralized mortgage obligations (CMO) sont des obligations, en principe sans risque, car elles sont garanties par un panier de prêts hypothécaires de maturité fixe. Les règles relatives au remboursement du principal et au paiement de l’intérêt sont spécifiées dans le prospectus d’émission. 4. Nous remercions le rapporteur anonyme qui nous a signalé ce phénomène. 5. Un autre seuil existe parfois, le hurdle rate, qui est la performance minimale à atteindre pour que les frais de performance s’appliquent. 6. Ce phénomène de manipulation des comptes a déjà conduit trois hedge funds (Manhattan, Ballybunion et Volter) à la faillite (Ineichen, 2000). 7. Le lecteur intéressé par une excellente synthèse sur les différents risques courus par les hedge funds est renvoyé à Bertrand et Boulier (2003). 8. Weisman (2000) appelle narquoisement cette pratique « un support comptable du marketing ». 9. « Most hedge fund managers are good, honorable people. But there are probably some engaged in unsavory practices. » (Source : Is your Hedge Fund Manager too Smooth?, Institutional Investor, Novembre 2002, Vol.36, Numéro 11 p. 9.) 10. Pour un panorama des différents indices de hedge funds existants sur le marché ainsi que leurs indices, voir Amenc et Martellini (2003). 11. Lo (2002) et Getmansky et al. (2004) proposent une solution pour calculer le ratio de Sharpe quand les rentabilités ne sont pas indépendantes dans le temps (en langage technique, quand elles ne sont pas « iid »). Ces deux solutions ont le grand mérite d’être très simples à mettre en œuvre puisqu’il s’agit de calculer un ratio de Sharpe « corrigé ». Mais il ne s’agit que de la correction de la conséquence de l’existence de la corrélation sérielle sur la mesure de performance. Nous préférons analyser la correction du phénomène lui même. 12. Pour la présentation détaillée de ces deux méthodes, voir Gallais-Hamonno, Nguyen-Thi-Thanh et Hoang (2007). 13. Sur le plan empirique, en appliquant k = 2 à un échantillon de 909 hedge funds individuels ayant de 61 à 133 rentabilités mensuelles, GLM obtiennent des résultats c satisfaisants – l’estimation converge et les i sont tous positifs sauf un. 14. Néanmoins, nous nous demandons si ce ne serait pas l’explication du fait que les corrections du modèle de GLM sont en général inférieures à celles de G-OW, même si – comme nous le constaterons ci-dessous – elles sont très voisines. 15. Par souci de brièveté et compte tenu de leur similitude, ces résultats sur la moyenne ne sont pas présentés dans cet article. Ils figurent dans le document « La nécessité de corriger des rentabilités des « hedge funds » : RÉSULTATS DÉTAILLÉS » disponible sur le site du LEO (cf. références) 16. La kurtosis K d’une distribution normale est égale à 3. En pratique, plusieurs logiciels statistiques calculent l’excès de kurtosis (EK = K – 3), ce qui centre la statistique calculée à zéro. C’est le cas de nos résultats. 17. Le Professeur Roger a attiré notre attention sur le fait qu’un calcul de MVAR n’est licite que si la distribution est proche de la normalité – ce qui n’est pas le cas de nos indices au vu de leur kurtosis. Après hésitation, cette mesure est finalement conservée en raison de son utilisation très fréquente par les universitaires et les professionnels et afin de donner des résultats directement comparables à leurs travaux. 18. Lors du séminaire du LARGE, le Professeur Roger a raconté qu’en mai 2007 à Chicago, il a assisté à la présentation d’un travail dans lequel l’auteur comparait les distributions de rentabilités de hedge funds entre stratégies différentes. Les distributions n’étant pas statistiquement différentes, l’auteur concluait que si les hedge funds ont bien une certaine « étiquette », ils ont en fait une très grande liberté de gestion. RP - R f * 12 avec R P la rentabilité mensuelle, 19. En pratique, SHannualisé = vP R f le taux sans risque mensualisé, v p l’écart-type des rentabilités mensuelles. 20.Ici et dans ce qui suit, nous analysons davantage la correction de G-OW parce que c’est elle qui s’éloigne le plus des séries brutes. Références bibliographiques ■■ Agarwal V., Daniel N.D., et Naik N.Y. (2007), Why is Santa So Kind to Hedge Funds? The December Return Puzzle, Working paper, disponible sur le site http://ssrn.com/ abstract=891169 ■■ Agarwal V., Fung W.H., Loon Y.C., et Naik N.Y. (2004), Risk in Hedge Fund Strategies : Case of Convertible Arbitrage, Working paper, disponible sur le site http://fmg.lse. ac.uk/upload_file/247_N_NaikIAM.pdf ■■ Amenc N., et Martellini L. (2003), The Brave New World of Hedge Fund Indices, Working paper, EDHEC-Risk Asset Management Research. ■■ Asness C., Krail R., et Liew J. (2001), « Do Hedge Funds Hedge? », Journal of Portfolio Management 28(1), 6-19. ■■ Bertrand J.C., et Boulier J.F. 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