edimbourg loon fung

Transcription

edimbourg loon fung
La nécessité
de corriger
les rentabilités
des hedge funds
preuve empirique et méthode de correction
■■ Introduction
Georges
GALLAISHAMONNO†*
Professeur
au Laboratoire
d’Économie
d’Orléans
Huyen
NGUYEN-THITHANH*
Professeur
assistant
au Groupe
Sup de Co
La Rochelle –
CEREGE
et Chercheur
associé au
Laboratoire
d’Économie
d’Orléans
L
es performances extraordinaires réalisées par les
hedge funds1 durant ces deux dernières décennies,
tout particulièrement durant la longue période
haussière des années 1990, les ont mis sur le devant de
l’industrie de la gestion d’actifs. Ces fonds, autrefois
réservés uniquement aux individus fortunés, sont devenus
à l’heure actuelle un des véhicules de placement préférés des investisseurs institutionnels et ils commencent
à s’ouvrir indirectement aux investisseurs individuels
par l’entremise d’OPCVM ou de fonds de pension qui
investissent dans les hedge funds.
Les hedge funds sont attractifs parce qu’ils semblent
avoir la caractéristique de générer de bonnes performances indépendamment des conditions du marché ;
autrement dit, ils sont décorrélés avec les actifs traditionnels. Ils permettent ainsi d’améliorer la rentabilité
et/ou de réduire le risque, et donc de diversifier les portefeuilles composés d’actifs traditionnels. Cependant,
cette caractéristique est mesurée par des calculs fondés
sur l’hypothèse que les rentabilités sont gaussiennes,
indépendamment et identiquement distribuées (iid).
Or, des études empiriques de plus en plus nombreuses
démontrent que les rentabilités des hedge funds sont très
éloignées de cette triple hypothèse, ce qui met en doute
la pertinence des calculs et, surtout, leur signification.
†*
Thi-HongVan HOANG*
Doctorante
au Laboratoire
Orléanais
de Gestion
6
Auteur correspondant. [email protected]
* Les auteurs remercient les participants de la 5e Journée d’Économétrie Appliquée
à la Finance (Paris X – Nanterre, 23 novembre 2006), de la 4e Conférence
Internationale en Finance (Hammamet – Tunisie, 15-17 mars 2007), du Congrès
Annuel de l’AFFI (Bordeaux, 27-29 juin 2007), et du 56e Congrès Annuel de
l’AFSE (Paris, 20-21 septembre 2007), des séminaires doctoraux du LARGE
(Strasbourg I) – tout spécialement les Professeurs Roger et Merli – et du Centre
Bernheim (Solvay Business School) – tout spécialement le Professeur Szafarz –
pour leurs commentaires et suggestions. Ils remercient également Gilbert Colletaz,
Christophe Hurlin, Julien Fouquau (LEO), Philippe Gillet (IAE Poitiers) et Guillaume
Chevillon (ESSEC). Les auteurs remercient très sincèrement M. Reymond, directeur
général de UBI-France, pour avoir attiré leur attention sur ce problème, M. Faller
de CPR-Asset Management, M. Jouvray et M. Raquillet de Morningstar pour leurs
commentaires et leurs encouragements. Ils remercient enfin les deux rapporteurs
anonymes pour leurs critiques et suggestions. Évidemment, toutes les erreurs qui
subsistent ne sont imputables qu’aux auteurs.
Banque & Marchés nº 96 Septembre-Octobre 2008
Le problème le plus important est soulevé par les articles
d’Asness, Krail et Liew (2001), Brooks et Kat (2002), Kat
et Lu (2002), Okunev et White (2003) et Getmansky, Lo
et Makarov (2004) qui documentent une autocorrélation2
temporelle importante au sein des séries de rentabilités
des hedge funds, ce qui signifie que non seulement les
séries de rentabilité ne sont pas iid mais surtout que le
risque des hedge funds est sous-estimé et que les mesures
de performance sont erronées.
Comme ces mesures de performance sont primordiales,
cette recherche s’intéresse à ce problème de l’autocorrélation dans les séries des rentabilités des hedge funds.
Notre objectif est d’alerter les gérants professionnels et
les responsables des agences de calcul de performances
sur ce problème et de leur présenter les deux méthodes
de correction de la corrélation sérielle qui paraissent le
mieux adaptées et les plus faciles à mettre en œuvre. Il faut
souligner que notre analyse du risque prend en compte
deux caractéristiques statistiques généralement passées
sous silence, la skewness et la kurtosis de la distribution
des rentabilités.
Dans cette optique, l’article est structuré de la manière
suivante. Après avoir décrit les causes possibles et probables de la corrélation sérielle (section I) et constaté
empiriquement leur existence (section II), nous présentons en section III deux méthodes de correction qui sont
ensuite appliquées à un échantillon d’indices de hedge
funds (section IV). Les caractéristiques statistiques des
rentabilités « lissées » et « délissées » sont comparées
(section V) et les conséquences sur les performances sont
analysées (section VI). La section VII conclut.
■■ I. L’ambiguïté de
l’autocorrélation
des rentabilités des hedge
funds : subie ou volontaire ?
L’existence d’une autocorrélation temporelle dans les
rentabilités des hedge funds semble relever de deux causes, une cause « subie » avec la non-liquidité des actifs
détenus et une cause « volontaire » due à la méthode de
rémunération des gérants.
I.1. Le « mispricing »
des actifs détenus
La particularité des fonds alternatifs est de détenir des
actifs peu liquides ou des actifs dont le prix est difficile
à déterminer, tels les titres hors cote, les titres de sociétés « en détresse », les actions non cotées de « capital
investissement » (private equity), les titres de marchés
émergents et même l’immobilier, etc. Selon une étude
récente réalisée par l’Alternative Investment Management
Association (AIMA) en 2004, il est difficile de déterminer le prix de 20 % des actifs détenus par les hedge funds.
Selon Waters (2006) et Kentouris (2005), cette proportion
peut même atteindre 50 %, voire 100 %, dans certaines
stratégies comme fixed-income arbitrage, convertible arbitrage, distressed debts, emerging markets et mortgage-backed
securities. Selon les deux auteurs précités, les gérants de
hedge funds considèrent que ce manque d’information
sur ces produits crée des opportunités pour réaliser des
gains. Puisque le prix de marché n’est pas disponible,
ou disponible seulement de manière irrégulière, le flou
et la subjectivité interviennent dans la détermination du
prix utilisé pour calculer la valeur liquidative, soit que les
gérants l’estiment eux-mêmes, soit qu’ils fassent appel
à un courtier spécialisé.
L’absence d’une norme pour l’industrie, accompagnée de
l’existence de multiples méthodes d’évaluation des actifs
et d’extrapolation des prix (le dernier prix disponible, la
moyenne des prix, la médiane, le prix le plus élevé, ou le
prix le plus bas, etc.) font que le prix varie d’un courtier
ou d’un gérant à l’autre. À titre d’exemple, les différences
de prix des collateralized mortgage obligations (CMO)3 fournis
par cinq courtiers en décembre 2000 variaient de 6 % à
44 % (Lhabitant, 2004). Sans pour autant lisser délibérément les prix, cette pratique des gérants et des courtiers
induit une forte autocorrélation au sein des séries de prix
et donc des rentabilités. Certes, ce problème n’existe
pas uniquement dans le cas des hedge funds. Toutefois,
puisque ceux-ci investissent souvent dans des produits
financiers non standardisés et qu’ils sont soumis à très
peu de restrictions réglementaires, il est probable que
ce biais ait une ampleur plus importante chez les hedge
funds que chez les fonds traditionnels.
Enfin, le système lui-même de rémunération à la performance des hedge funds (voir ci-après) introduit un effet
de lissage parce que les « frais de performance » ne sont
généralement prélevés qu’une fois par an alors que les
valeurs liquidatives déclarées sont nettes de frais. Si un
fonds est bénéficiaire en janvier mais en perte en février,
les frais de performance prélevés en janvier seront recrédités en février, d’où un lissage des résultats4.
I.2. Le système de rémunération
des gérants de hedge funds
Le système de rémunération des gérants de hedge funds
est un des aspects caractéristiques de ce véhicule. Le
gérant reçoit des « frais de performance » (incentive fees) qui
représentent généralement 20 % de l’excès de rentabilité
par rapport à un benchmark. Ces frais de performance sont
généralement soumis au « critère du plus-haut obtenu »
(high-water mark). Tant que le gérant n’a pas récupéré ses
pertes par rapport à ce plus-haut historique, il ne bénéficie
pas des frais de performance et ne reçoit que les frais de
gestion prévus au contrat5. Troisième élément (implicite
celui-là), le pourcentage des frais de performance est
évidemment calculé sur l’actif net ; en d’autres termes,
son montant est fonction de la taille du fonds. La tentation est donc grande pour des gérant peu scrupuleux de
profiter de leurs actifs peu liquides et « mal-cotés » pour
manipuler le calcul de leurs valeurs liquidatives et donc
celui de leurs rentabilités6. Sans aller jusqu’au « trucage »,
le lissage des rentabilités est aidé par l’absence d’environnement réglementaire, l’absence de l’obligation de
publier les valeurs liquidatives ainsi que le contenu du
portefeuille comme celle d’être audité7.
En définitive, l’autocorrélation des rentabilités des
hedge funds serait partiellement « subie », entraînée par
le degré d’incertitude qui accompagne la valorisation
des produits complexes non standardisés détenus dans
leurs portefeuilles. Elle serait aussi partiellement « volontaire », entraînée par l’intérêt personnel du gérant qui est
incité à optimiser les rentabilités sur plusieurs périodes8.
Plus brutale est l’affirmation de Andrew Lo, Professeur
en finance au Massachusetts Institute of Technology (MIT) et
gérant d’un hedge fund : peu importe que le lissage des
rentabilités soit naturellement dû à la difficulté d’évaluer
le juste prix de marché des actifs ou soit lié aux pratiques
« répugnantes » de certains gérants, ce phénomène existe
bel et bien dans l’industrie des hedge funds9.
■■ II. Le constat
de l’autocorrélation des
rentabilités des hedge funds
II.1. Le constat dans
la littérature américaine
Le caractère lissé des rentabilités des hedge funds a été mis
en évidence par plusieurs études – Asness et al. (2001),
Brooks et Kat (2002), Kat et Lu (2002), Okunev et White
(2003) et Getmansky, Lo et Makarov (2004).
Examinant 10 indices de hedge funds de CSFB/Tremont
sur la période 1994-2000, Asness et al. (2001) constatent
que la régression des rentabilités des hedge funds sur la
rentabilité présente et les trois rentabilités retardées du
marché produit un bêta (le vrai bêta est la somme des
quatre bêtas estimés) qui est nettement plus élevé que
celui estimé par la régression habituelle sans rentabilités
retardées. Par ailleurs, l’alpha issu de la régression sans
rentabilités retardées est significativement positif alors
qu’il devient non significativement négatif quand les
rentabilités retardées sont inclues. Ce constat indique
que la non prise en compte du caractère lissé des rentabilités chez les hedge funds conduit à une sous-estimation
du risque de marché couru par ces derniers et donc à une
surestimation de la valeur ajoutée des gérants à la performance de leurs fonds (mesurée par l’alpha). Enfin, une
Banque & Marchés nº 96 Septembre-Octobre 2008
7
La nécessité de corriger les rentabilités des hedge funds
analyse en fonction de la conjoncture boursière, selon
que le marché est haussier ou bien baissier, montre que
les gérants sont plus préoccupés de lisser les mauvaises
rentabilités que les bonnes, ce qui confirme donc la présence d’une « gestion des cours » (managed price).
Brooks et Kat (2002) étudient les caractéristiques des rentabilités de 48 indices de hedge funds et trouvent que presque
toutes les séries présentent une autocorrélation d’ordre 1
statistiquement significative et fortement positive (au moins
de 0,4). La conséquence de ce lissage est une sous-estimation de l’écart-type et donc une surestimation du ratio de
Sharpe des hedge funds. Ce résultat a été ensuite corroboré
par Kat et Lu (2002) et Okunev et White (2003).
Dans un exemple empirique réalisé sur un échantillon
de 12 hedge funds, Lo (2002) trouve que l’autocorrélation
des rentabilités mensuelles peut surestimer le ratio de
Sharpe jusqu’à 65 %, ce qui modifie dramatiquement le
classement des fonds selon ce critère.
Par la suite, Getmansky, Lo et Makarov (2004) démontrent mathématiquement que le lissage des rentabilités n’affecte pas la rentabilité moyenne mais réduit la
variance, donc le bêta et augmente le ratio de Sharpe.
À partir d’un modèle théorique, les auteurs montrent
qu’une autocorrélation d’ordre 2 (67 % d’ordre 1, 33 %
d’ordre 2) des rentabilités mensuelles peut entraîner une
diminution du bêta de 67 % et une augmentation du ratio
de Sharpe de 73 %.
Bref, l’existence d’une autocorrélation des rentabilités
remet en cause la robustesse des résultats obtenus par les
études qui constatent un faible risque (petit écart-type),
une faible corrélation (positive ou négative) des hedge funds
avec les marchés traditionnels (petit bêta) et qui concluent
à l’avantage qu’ils apportent en termes de diversification
et à leur supériorité en termes de performance.
II.2. Un constat empirique
II.2.1. Les données
Ce problème du lissage des rentabilités demanderait
une analyse empirique sur des données individuelles.
Malheureusement, ces dernières sont très difficilement
accessibles et jusqu’à présent, les études travaillant sur
des hedge funds individuels sont encore peu courantes.
Comme la plupart de nos devanciers, nous utilisons des
indices de hedge funds.
Pour la signification des résultats, le fait qu’un indice
soit une « moyenne » de fonds individuels entraine deux
conséquences possibles. Ou bien l’indice indique la
présence de lissage, ce qui signifie que les fonds lissés
« dominent » les fonds non lissés, ce qui conforte l’hypothèse. Ou bien l’indice n’est pas lissé et l’effet est alors
ambigu, les fonds individuels peuvent ne pas être lissés
ou bien la présence des fonds non lissés fait disparaître
le lissage de certains fonds.
Les indices de hedge funds utilisés sont calculés par trois
fournisseurs de données : CSFB/Tremont (CSFB) avec
13 indices, Hedge Fund Research (HFR) avec 24 indices et
Greenwich-Van (GV) avec 17 indices, ce qui constitue un
échantillon total de 54 « hedge funds ». Parmi les nombreux
indices existants sur le marché10, ces indices sont retenus
8
Banque & Marchés nº 96 Septembre-Octobre 2008
pour deux raisons principales. Premièrement, ce sont
les plus utilisés dans les études sur les hedge funds, ce qui
permet de comparer nos résultats avec ceux des recherches antérieures. Deuxièmement, ils ont un historique
suffisamment long qui assure une certaine robustesse aux
calculs portant sur des séries temporelles. Pour chaque
indice, nous disposons de 146 rentabilités mensuelles
couvrant la période d’avril 1994 à mai 2006.
À titre de comparaison, nous sélectionnons cinq indices
représentant les classes d’actifs traditionnels : S & P 500,
Russell 2000, Wilshire Small Cap 1750, Lehman US Aggregate Bond et Lehman High Yield. Ces indices comportent
également 146 données mensuelles correspondant à la
période d’étude. Sauf les indices de hedge funds HFR et
GV dont les données historiques sont téléchargées sur
leur site, celles des autres indices sont obtenues grâce à
Datastream.
II.2.2. L’existence
d’une autocorrélation des rentabilités
Le tableau 1 présente les coefficients d’autocorrélation
de ces indices. Le résultat empirique est sans appel :
40 indices sur 54 ont une autocorrélation positive d’ordre 1, soit 74 % de l’échantillon et 6 ont même, en plus,
une autocorrélation positive d’ordre 2. Et la significativité
de cette corrélation sérielle est extrêmement forte puisque
dans 75 % des cas (30 indices sur les 40 autocorrélés),
elle est de 1 %.
Cinq des six indices qui ont une autocorrélation d’ordres 1 et 2 – et que l’on peut appeler « sur-lissés » – sont
révélateurs. On trouve les indices Convertible Arbitrage
et Relative Value Arbitrage de HFR, ce qui laisse supposer
que cette autocorrélation serait « subie » et plutôt due à
la technique de gestion utilisée ainsi qu’au fait que le
marché des obligations convertibles est essentiellement
un marché de gré à gré. On trouve aussi Fixed Income
High Yield de HFR. Comme ce type de portefeuille détient
des junk bonds non cotés par définition, cela signifie bien
l’existence du problème de la valorisation de tels actifs.
A contrario, les hedge funds qui utilisent surtout des actifs
classiques dont les rentabilités sont indépendantes dans
le temps ne montrent aucune autocorrélation. Il s’agit
des stratégies de Short Selling (4 cas), de Futures (2 cas),
Macro (3 cas), GV Agressive Growth, GV Income, etc.
En revanche, tous les indices d’actifs « classiques » qui
servent d’éléments de comparaison, y compris l’indice
Lehman High Yield composé de titres souvent très peu
liquides, font preuve d’aucune corrélation sérielle. Leurs
coefficients d’autocorrélation sont généralement négatifs
et faibles en valeur absolue ; ils sont tous statistiquement
non significatifs. Cela confirme bien l’hypothèse que la
corrélation sérielle est spécifique à certaines stratégies
de hedge funds.
Ce constat est « dans la continuité » de celui trouvé par
Brooks et Kat (2002), Kat et Lu (2002) et Getmansky, Lo et
Makarov (2004). Il est donc important de « délisser » ces
rentabilités afin de pouvoir mesurer le « vrai » risque et le
« vrai » bénéfice qu’ils apportent à leurs détenteurs.
Notons ici un point méthodologique important : le
délissage ne va évidemment être réalisé que sur les
Tableau 1 : Les coefficients d’autocorrélation des séries brutes (en %)
Indices
AR (1)
AR (2)
LB
CSFB
Indices
AR (1)
AR (2)
Macro
7,0
– 2,0
Market Timing
– 0,2
8,0
LB
HFR (suite)
Convertible Arbitrage
56,0
Dedicated Short Bias
9,0
Emerging Markets
29,0
***
2,0
***
Merger Arbitrage
25,1
***
16,0
Equity Market Neutral (EMN)
29,0
***
16,0
**
Relative Value Arbitrage
31,0
***
21,0
Event Driven
33,0
***
14,0
***
Sector
16,1
*
4,0
Event Driven Distressed
28,0
***
13,0
***
Short Selling
8,0
Event Driven Multi-Strategy
32,0
***
15,0
***
GV
Event Driven Risk Arbitrage
29,0
***
– 2,0
***
Equity Market Neutral
22,0
***
9,0
**
Fixed Income Arbitrage
38,0
***
6,0
***
Event-Driven
27,9
***
9,1
***
Global Macro
1,0
3,0
Distressed Securities
30,1
***
9,1
***
Long Short Equity
14,0
4,0
Special Situations
25,3
***
10,1
***
Managed Futures
4,0
– 10,0
Market Neutral Arbitrage
42,3
***
16,2
***
Multi Strategies
1,0
5,0
Convertible Arbitrage
55,4
***
26,9
Fixed Income Arbitrage
36,6
***
17,0
***
Aggressive Growth
– 0,3
***
38,0
**
***
– 5,0
*
HFR
52,1
***
23,0
Distressed Security
42,5
***
13,0
***
Opportunistic
16,0
Emerging Markets (total)
30,7
***
7,0
***
Short Selling
12,3
Emerging Markets (Asia)
36,5
***
21,0
***
Value
17,0
Equity Hedge
17,5
**
7,0
*
Futures
4,3
– 13,5
Equity Market Neutral (EMN)
7,3
Macro
3,9
– 3,5
EMN Statistical Arbitrage
20,4
**
15,0
***
Market Timing
13,9
*
8,9
Equity Non Hedge
15,2
*
– 9,0
*
Emerging Markets
19,7
**
9,0
Event Driven
26,6
***
4,0
***
Income
– 0,5
Fixed Income (total)
29,6
***
14,0
***
Multi-Strategy
18,6
Fixed Income Arbitrage
34,1
***
2,0
***
Moyenne †
28,7
25,0
Fixed Income High Yield
32,7
***
20,0
FoF Conservative
36,1
***
17,0
***
MARCHÉS
FoF Diversified
33,3
***
6,0
***
S & P 500
– 4,0
0,9
FoF Market Defensive
7,0
Lehman US Aggregate
– 0,1
– 0,1
FoF Strategic
28,3
***
10,0
***
Lehman High Yield
13,0
– 6,0
FoF Composite
31,3
***
9,0
***
Russell 2000
3,0
– 4,0
Fund Weighted Composite
20,7
***
2,0
**
Wilshire Small Cap 1750
0,0
– 2,0
**
10,0
**
**
***
– 10,0
Convertible Arbitrage
**
***
**
***
***
5,4
*
9,8
*
– 9,8
**
– 3,0
**
4,2
**
0,3
*
***
3,0
Les autocorrélations d’ordre 1 à 10 ont été calculées. Deux tests sont effectués : le test de Bartlett pour la significativité des coefficients d’autocorrélation et le test de Ljung-Box (LB) pour la nullité
simultanée des deux premiers coefficients d’autocorrélation. ***, **, * représentent la significativité au seuil de confiance de respectivement 1 %, 5 % et 10 % pour ces deux tests. Les 4 indices en gras sont
les portefeuilles qui ont également une corrélation d’ordre 5 ou d’ordre 6. CSFB Global Macro et HFR Equity Market Neutral n’ont qu’une autocorrélation respectivement d’ordre 5 et d’ordre 6.
Les indices en italique ont une autocorrélation significative d’ordre 1 et 2. † moyenne des seuls indices lissés.
Banque & Marchés nº 96 Septembre-Octobre 2008
9
La nécessité de corriger les rentabilités des hedge funds
40 indices qui présentent une autocorrélation sérielle.
Les 14 indices sans autocorrélation sont exclus des calculs
qui suivent (avant leur réintégration pour l’analyse des
performances).
■■ III. Le délissage des
rentabilités des hedge funds
« La critique est aisée mais l’art est difficile ». Cette maxime
de Boileau s’applique à notre problème. S’il y a eu de
nombreuses études vérifiant l’existence d’une corrélation
sérielle des rentabilités des hedge funds, il n’en existe que
deux qui proposent une solution pratique au problème11.
Dans ce qui suit, nous exposons brièvement les méthodes
de correction proposées12.
III.1. La méthode de Geltner (1993)
et son extension par Okunev
et White (2003)
Brooks et Kat (2002) et Okunev et White (2003) proposent de délisser les rentabilités lissées afin d’obtenir
une série corrigée. Cette méthode trouve son origine
dans la littérature sur les actifs immobiliers, dont on
connaît les difficultés que l’on a pour les valoriser
et pour calculer des indices représentatifs. C’est un
spécialiste de la finance immobilière, Geltner, qui en
1993 soulève ce problème. Selon lui, le prix à l’instant
t est souvent déterminé à partir du prix à l’instant t - 1
en raison de la liquidité réduite des actifs immobiliers.
Ainsi, la structure de lissage (de manière intentionnelle
ou non) des rentabilités d’une période est supposée
la suivante : la rentabilité observée (lissée) R 1o,t en t
est la moyenne pondérée de sa vraie valeur R 1v,t en t
(l’indice inférieur 1 indiquant que la rentabilité a été
corrigée une fois), et la rentabilité observée (lissée)
précédente Rto- 1 , soit :
Rto = (1 - c1) R1v, t + c1 Rto- 1 (1)
avec c1 le coefficient de pondération. La « vraie » rentabilité R1v,t en t est donc égal à :
R1v,t =
Rto - c1 Rto- 1
(1 - c1)
(2)
En fait, c1 est la racine (inférieure à 1) d’une équation
du second degré et compte tenu du fait que l’équation
(1) est un processus auto-régressif d’ordre 1 [AR(1)], c1
est tout simplement égal au coefficient d’autocorrélation
d’ordre 1, soit :
c1 = t1o (3)
En conséquence, chaque rentabilité observée est corrigée
par l’équation (2) dans laquelle c1 est remplacé par t1o ,
soit :
R1v,t =
Rto - t1o Rto- 1
(1 - t1o)
(4)
Plus tard, Okunev et White (2003) généralisent cette
méthode pour corriger la corrélation d’ordre supérieur à
1 en reprenant le raisonnement de Geltner (1993).
10
Banque & Marchés nº 96 Septembre-Octobre 2008
III.2. La méthode de Getmansky,
Lo et Makarov (2004)
En 2004, Getmansky, Lo et Makarov (dorénavant GLM)
présentent également une technique de délissage intéressante. Ils conservent l’idée de la « moyenne pondérée »
mais supposent que la rentabilité observée (Rto) est la
moyenne pondérée des vraies rentabilités sur les k périodes
précédentes et celle de la période actuelle t , soit :
(5)
Rto = i0 Rvt + i1 Rvt - 1 + f + ik Rvt - k avec les deux conditions suivantes :
i j d 6 0, 1 @, j = 0, f, k (6)
(7)
Après quelques développements intermédiaires de
l’équation (5), les i peuvent être estimés par la méthode
du maximum de vraisemblance. L’indice (du niveau) de
1 = i0 + i1 + f + ik 2
lissage est égal à la somme des i j au carré, soit p = / kj ic j
(par construction 0 # p # 1 ). Une faible valeur de pimplique
un niveau de lissage élevé ; p = 1 indique l’absence de lissage.
Une fois que les ij sont estimés, il suffit de « renverser »
l’équation (5) pour obtenir la vraie rentabilité de la
période t  :
Rvt =
c
c
v
Rto - i1 Rvt - 1 - f - ik Rt - k
c
i0
(8)
Ainsi, en appliquant la formule (8) de manière récursive à
la série des rentabilités observées, il est possible de générer
une série des rentabilités corrigées de leurs corrélations
sérielles. Dans cette méthode, la subtilité réside principalement dans la détermination du paramètre k. Selon
GLM, la non convergence de la procédure d’estimation
(maximum de vraisemblance) et/ou la négativité (statistiquement significative) des ic peuvent être considérés
comme le premier signal d’une mauvaise spécification du
profil de lissage (équation (5)). Dans ce cas, il faut tester
une autre valeur de k13. Par ailleurs, GLM démontrent
mathématiquement que (i) la moyenne de la série délissée
est la même que celle de la série observée (nv = no), (ii)
la variance de la série observée est p fois plus petite que
celle de la série délissée _ vv2 $ vo2 = pvv2 i , (iii) le ratio de
Sharpe de la série délissée est 1/c (s) fois plus petit que
1
Sho # Sho, avec
celui de la série observée (Shv =
1/c (s) =
c (s)
p # 1). Ainsi, nos séries corrigées devront-elles
satisfaire ces trois propriétés – ce qu’elles ont fait. Malheureusement, GLM n’ont pas étudié l’effet du délissage sur
les moments supérieurs de la distribution des rentabilités
tels que la skewness et la kurtosis alors que les rentabilités
des hedge funds sont souvent non normales.
Cette méthode est raffinée et séduisante mais soulève
néanmoins deux problèmes – sans doute mineurs. D’une
part, elle suppose que les rentabilités centrées observées
sont normales. D’autre part, l’estimation des rentabilités
délissées est « calée » sur la première rentabilité (si k = 1)
ou sur les deux premières rentabilités (si k = 2), rentabilités
qui sont censées être « vraies » alors que, par nature, ce
sont des rentabilités observées (lissées). Ceci peut créer un
biais potentiel. Étant donné que dans notre cas, k = 1 (pour
34 cas) et k = 2 (pour 6 cas) et que nous avons 146 rentabilités à corriger, ce biais doit être minime14.
■■ IV. Le processus de délissage
Une fois que le niveau de la corrélation sérielle est mesuré,
nous procédons aux démarches proposées par Geltner
(1993), Okunev etWhite (2003) (dorénavant G-OW) et
GLM, telles qu’elles viennent d’être décrites.
Concernant la méthode de G-OW, une première correction est effectuée selon la règle décrite dans les équations
(1) et (2) pour tous les indices ayant un coefficient d’autocorrélation d’ordre 1 statistiquement significatif. Cette
procédure annule la corrélation sérielle de tous les indices,
y compris de cinq indices qui ont une autocorrélation
d’ordre 2 significative à 5 % et au coefficient assez élevé
en valeur absolue. La seule exception est représentée par
l’indice CSFB Convertible Arbitrage dont la suppression
de l’autocorrélation d’ordre 2 a nécessité l’utilisation de
la généralisation d’Okunev et White (2003).
Le problème de l’application de la méthode GLM est
de choisir le « bon » k. L’utilisation de k = 2 – à l’instar
de ces auteurs – s’étant révélée mauvaise, la correction
a été effectuée en prenant k = 1 pour les 34 séries dont
l’autocorrélation est d’ordre 1 et k = 2 pour les 6 séries
dont l’autocorrélation est d’ordre 2. Dans tous les cas,
l’optimisation converge et les i estimés sont bien positifs
et statistiquement significatifs.
Le tableau 2 reproduit le profil de lissage estimé à la GLM
pour chaque indice. Rappelons que ic 0 est la proportion de
la vraie rentabilité contenue dans la rentabilité observée ;
plus ic 0 est petit, plus les rentabilités sont lissées sur la
base des rentabilités précédentes ; ic1 et ic 2 représentent
la proportion des rentabilités des périodes précédentes
contenues dans la rentabilité actuelle (observée) ; p est
l’indice de lissage. Plus p est faible, plus le niveau de
lissage est élevé ; c (s) est le coefficient de surestimation
du ratio de Sharpe (Sh0 = c (s) Shv). En conséquence, le
Sharpe observé doit être corrigé de la valeur de 1/c (s) pour
obtenir le vrai Sharpe. Ceci étant, 19 indices sur 40 ont un
niveau de lissage « moyen » puisque leur coefficient est
compris entre 0,69 et 0,60, la moyenne étant 0,65 – ce
qui signifie en termes de performances la nécessité de
diminuer leur Sharpe observé de 10 à 28 % – ce qui n’est
pas négligeable.
Le groupe des « forts lissés » est constitué par les
7 indices dont le p est inférieur à 0,60. Trois d’entre eux
se détachent nettement : les trois indices de Convertible
Arbitrage (0,42 ; 0,41 et 0,38). Il faut diminuer en moyenne
leur Sharpe de 36 %. Inversement, le groupe des « lissés
légers » est constitué des 14 indices dont le coefficient p
est supérieur à 0,70. Les moins autocorrélés sont CSFB
Long Short Equity avec 0,80 et GV Market Timing avec
0,81. Mais il faut tout de même diminuer en moyenne
leur Sharpe de 10 %.
Le profil de lissage étant estimé par les ic , les rentabilités observées sont corrigées en appliquant l’équation
(8) avec k = 1 (et k = 2 pour les six indices à autocorrélation d’ordre 2). Ces séries « délissées » sont en théorie
les vraies rentabilités. Les sections suivantes détaillent
les résultats obtenus.
Tableau 2 : Le profil du lissage estimé
selon la méthode de GLM
Indices
CSFB
Convertible Arbitrage
Emerging Markets
Equity Market Neutral (EMN)
Event Driven
Event Driven Distressed
Event Driven Multi-strategy
Event Driven Risk Arbitrage
Fixed Income Arbitrage
Long Short Equity
Convertible Arbitrage
Distressed Security
Emerging Markets (total)
Emerging Markets (Asia)
Equity Hedge
EMN Statistical Arbitrage
Equity Non Hedge
Event Driven
Fixed Income (total)
Fixed Income Arbitrage
Fixed Income High Yield Index
FoF Conservative
FoF Diversified
FoF Strategic
FoF Composite
Fund Weighted Composite
Merger Arbitrage
Relative Value Arbitrage
Sector
Equity Market Neutral
Event-Driven
Distressed Securities
Special Situations
Market Neutral Arbitrage
Convertible Arbitrage
Fixed Income Arbitrage
Opportunistic
Value
Market Timing
Emerging Markets
Multi-Strategy
Moyenne
Ecart-type
Max
Min
HFR
GV
i0
0,51
0,76
0,81
0,78
0,81
0,79
0,76
0,72
0,89
0,54
0,73
0,77
0,66
0,86
0,86
0,84
0,79
0,81
0,70
0,66
0,77
0,75
0,80
0,78
0,83
0,82
0,69
0,87
0,83
0,80
0,78
0,82
0,72
0,55
0,77
0,88
0,85
0,90
0,85
0,84
0,77
0,09
0,90
0,51
i1
0,28
0,24
0,19
0,22
0,19
0,21
0,24
0,28
0,11
0,31
0,27
0,23
0,19
0,14
0,14
0,16
0,21
0,19
0,30
0,20
0,23
0,25
0,20
0,22
0,17
0,18
0,18
0,13
0,17
0,20
0,22
0,18
0,28
0,32
0,23
0,12
0,15
0,10
0,15
0,16
0,20
0,05
0,32
0,10
i2
0,21
0,16
0,15
0,14
0,14
0,13
0,15
0,03
0,21
0,13
p
0,38
0,63
0,69
0,66
0,69
0,66
0,63
0,60
0,80
0,41
0,60
0,65
0,49
0,76
0,76
0,73
0,67
0,69
0,58
0,50
0,64
0,63
0,68
0,65
0,72
0,71
0,52
0,78
0,72
0,68
0,66
0,70
0,60
0,42
0,65
0,79
0,74
0,81
0,75
0,73
0,65
0,10
0,81
0,38
1/c (s)
0,62
0,79
0,83
0,81
0,83
0,81
0,79
0,78
0,89
0,64
0,68
0,80
0,70
0,88
0,87
0,85
0,82
0,83
0,76
0,70
0,80
0,79
0,83
0,81
0,85
0,84
0,72
0,88
0,85
0,83
0,81
0,84
0,78
0,65
0,81
0,88
0,86
0,90
0,86
0,85
0,80
0,07
0,90
0,62
avec p d 6 0, 1 @ mesure le niveau de lissage. Une faible valeur de p implique un niveau
2
2
de lissage élevé, p = 1 indique l’absence de lissage. c (s) = 1/ / j = 0 ic j . GLM démontrent
qu’ignorer la corrélation sérielle risque de sous-estimer la variance de p fois (v20 = pv2corrige) et
de surestimer le ratio de Sharpe de c (s) fois (Sh 0 = c (s) Sh corrige) . 1/c(s) est alors le coefficient
correcteur du Sharpe observé.
2
p=
/i
c2
j
j=0
Banque & Marchés nº 96 Septembre-Octobre 2008
11
La nécessité de corriger les rentabilités des hedge funds
■■ V. Les caractéristiques
financières des rentabilités
« délissées »
Les tableaux qui suivent présentent une double comparaison ; d’une part la comparaison entre la série brute
« lissée » et les séries corrigées « délissées » ; d’autre
part la comparaison entre les résultats obtenus selon
la procédure de G-OW et celle de GLM. Dans la comparaison des paramètres de la distribution, nous nous
préoccupons spécialement des indicateurs de risque.
Il convient de souligner qu’à la différence des études
antérieures, nous nous intéressons non seulement à
l’effet du délissage sur la moyenne et l’écart-type mais
encore sur la skewness et la kurtosis car les rentabilités
des hedge funds sont connues pour leurs caractéristiques
non normales.
Tableau 3 : La comparaison des écarts-type (en %):
avant et après le délissage
Indices
B
%
G-OW
GLM
G-OW
Indices
vs B
CSFB
B
G-OW
GLM
G-OW
vs B
HFR
Convertible Arbitrage
1,4
3,0
2,2
117,3
Convertible Arbitrage
1,0
1,8
1,7
73,3
Emerging Markets
4,7
6,3
5,9
33,1
Distressed Security
1,5
2,4
1,9
57,2
Equity Market Neutral (EMN)
0,8
1,1
1,0
34,1
Emerging Markets (total)
4,2
5,7
5,2
37,2
Event Driven
1,6
2,3
2,0
40,0
Emerging Markets (Asia)
3,6
5,2
5,0
46,5
Event Driven Distressed
1,8
2,4
2,2
32,4
Equity Hedge
2,6
3,1
3,0
19,3
Event Driven Multi-Strategy
1,8
2,4
2,1
38,6
EMN Statistical Arbitrage
1,1
1,4
1,3
23,0
Event Driven Risk Arbitrage
1,2
1,6
1,5
33,2
Equity Non Hedge
4,0
4,7
4,7
16,6
Fixed Income Arbitrage
1,1
1,6
1,3
48,7
Event Driven
1,8
2,4
2,2
31,2
Long Short Equity
3,0
3,4
3,3
14,1
Fixed Income (total)
0,9
1,2
1,0
35,6
Fixed Income Arbitrage
1,1
1,6
1,5
42,6
GV
Equity Market Neutral
1,2
1,5
1,4
25,0
Fixed Income High Yield
1,3
1,8
1,8
40,1
Event-Driven
1,7
2,3
2,1
33,2
FoF Conservative
0,9
1,4
1,2
44,4
Distressed Securities
1,4
1,9
1,7
36,3
FoF Diversified
1,8
2,5
2,2
41,3
Special Situations
2,0
2,6
2,4
29,4
FoF Strategic
2,6
3,5
3,1
33,6
Market Neutral Arbitrage
0,9
1,4
1,2
57,0
FoF Composite
1,7
2,3
2,0
38,0
Convertible Arbitrage
1,1
2,0
1,6
86,7
Fund Weighted Composite
2,0
2,5
2,4
23,2
Fixed Income Arbitrage
1,0
1,4
1,2
46,7
Merger Arbitrage
1,1
1,4
1,3
29,1
Opportunistic
2,9
3,4
3,3
17,5
Relative Value Arbitrage
0,9
1,2
1,3
37,3
Value
3,0
3,5
3,5
18,8
Sector
4,1
4,9
4,7
17,7
Market Timing
2,6
2,9
2,8
15,0
Emerging Markets
5,0
6,0
5,7
21,7
Multi-Strategy
2,3
2,7
2,6
20,7
Moyenne
2,0
2,7
2,5
37,2
Écart-type
1,1
1,4
1,3
20,0
B : séries brutes ; G-OW : séries délissées selon la méthode de G-OW ; GLM : séries délissées selon la méthode de GLM ; G-OW vs B : variation (en %) de l’écart-type corrigé
selon G-OW par rapport à l’écart-type de la série brute (car il s’agit de la correction qui donne les différences les plus fortes).
12
Banque & Marchés nº 96 Septembre-Octobre 2008
V.1. La similitude des rentabilités
moyennes obtenues
Les rentabilités moyennes calculées sont strictement
identiques dans 18 cas (sur 40 cas délissés)15. Et, dans les
autres cas, la différence est égale à 2 unités sur la deuxième
décimale. Ces chiffres sont d’ailleurs en conformité avec
la démonstration mathématique de GLM indiquant que le
lissage n’a pas d’incidence sur la rentabilité calculée (et
donc sur les rentabilités espérées dans l’avenir).
V.2. La hausse du risque couru
L’image que veulent donner d’eux-mêmes les fonds
alternatifs est la maîtrise et surtout la baisse du risque
couru – d’où d’ailleurs leur nom de « hedge ». Nos résultats,
à l’instar des travaux théoriques ou empiriques antérieurs,
démontrent que cette image peut être trompeuse.
V.2.1. La forte augmentation de l’écart-type
Les écarts-type des séries délissées augmentent en moyenne
de 25 % avec la méthode GLM et de 37 % avec celle de G-OW.
Évidemment les séries les plus délissées sont celles dont le
risque augmente le plus. Nous retrouvons les Convertible
Arbitrage dont le « vrai » risque augmente de 73 % chez HFR,
87 % chez GV et 117 % chez CSFB par rapport au risque
calculable à partir des valeurs liquidatives « officielles ». Viennent derrière, les stratégies de Distressed Security et Market
Neutral (plus 57 % toutes les deux). Sinon une majorité de
hedge funds ont un vrai risque de 30 à 40 % supérieur à leur
risque annoncé, ce qui est tout de même beaucoup.
De manière plus formelle, 80 tests de Fisher d’égalité des
variances ont été effectués : variance brute versus variance
G-OW et variance brute versus variance GLM. Dans tous
les cas, l’hypothèse d’égalité des deux variances (variance
observée et variance corrigée) est rejetée au seuil d’au
moins 5 %. La conclusion est claire : les indices de hedge
funds comportent un niveau de risque couru supérieur
Tableau 4 : Caractéristiques
d’ensemble des indices délissés :
la skewness
Moyenne
Écarttype
Max
Min
Série brute (lissée)
– 0,91
1,38
1,76(1)
– 4,54(2)
Série délissée selon
G-OW
– 0,76
1,27
1,77
– 4,11
Série délissée selon
GLM
– 0,81
1,32
1,85
– 4,52
G-OW versus série
brute
– 6
67
281
– 170
GLM versus série
brute
– 2
51
213
– 121
Valeur absolue
(1)
(1)
(2)
(2)
Variation arrondie
en %
(3)
(3)
(4)
(4)
GV Opportunistic, (2)GV Fixed Income Arbitrage, (3)HFR FoF Diversified,
(4)
GV Distressed Securities
(1)
au niveau de risque observé et leur « vrai » risque est au
moins 25 % plus élevé que leur risque « annoncé ».
La comparaison des résultats obtenus par chacune des
deux procédures indique que les écarts-type ajustés selon
G-OW sont égaux (deux fois) et supérieurs à ceux obtenus
selon GLM. En moyenne, ces derniers sont inférieurs de
7,4 %. Mais il faut préciser que quarante tests formels de
Fisher indiquent que cette différence n’est pas statistiquement significative.
V.2.2. L’absence d’effet « risque »
de la skewness
Le troisième paramètre d’une distribution – la non-symétrie (skewness) – ne doit pas être négligé puisque, si elle est
positive, elle signifie une plus grande probabilité d’obtenir
une rentabilité supérieure à la rentabilité espérée. Malheureusement, ici, comme pour la majorité des rentabilités
des portefeuilles boursiers, la skewness est plutôt négative,
signifiant une plus grande probabilité d’obtenir moins que
la rentabilité espérée. 31 indices ont une skewness observée
négative et 28 parmi les séries corrigées. Ceci étant, la
skewness ne semble pas être un vrai problème, d’autant
plus que le délissage améliore la situation : la moyenne
des 40 skewness observées est – 0,91 alors que la moyenne
des skewneess corrigées est – 0,76 pour G-OW et – 0,81 pour
GLM. Un test formel (de Student) de comparaison de ces
moyennes entre elles apportent une réponse sans ambiguïté : elles sont statistiquement identiques.
V.2.3. L’hétérogénéité du risque
de la kurtosis
Le quatrième paramètre d’une distribution – la kurtosis qui
mesure l’existence de queues de distribution plus épaisses
que celles d’une distribution normale – doit être également
pris en compte. Si le coefficient calculé est positif16, cela
signifie (pour faire simple) que la probabilité d’un krach
Tableau 5. Caractéristiques
d’ensemble des indices délissés :
l’excès de kurtosis (K – 3)
Moyenne
Écarttype
Max
Min
Série brute
(lissée)
7,26
8,05
38,07(1)
0,35(2a)
Série délissée
selon G-OW
7,11
7,94
36,18(1)
0,04(2a)
Série délissée
selon GLM
7,20
8,20
38,68(1)
0,09(2b)
0
33
120(3)
– 87(4a)
– 2
29
80(3)
– 84(4b)
Valeur absolue
Variation
arrondie en %
G-OW versus
série brute
GLM versus série
brute
GV Fixed Income Arbitrage, (2a)HFR EMN Statistical Arbitrage, (2b)HFR Emerging
Markets (Asia), (3)CSFB Equity Market Neutral, (4a)HFR EMN Statistical Arbitrage,
(4b)
HFR Emerging Markets (Asia)
(1)
Banque & Marchés nº 96 Septembre-Octobre 2008
13
La nécessité de corriger les rentabilités des hedge funds
à la baisse ou à la hausse est supérieure à 5 %. Les distributions des rentabilités des hedge funds ont définitivement
des queues très épaisses (distribution « leptokurtique »)
puisque la moyenne des excès de kurtosis « lissés » est 7,26,
celle des « corrigés » est 7,11 selon G-OW ou 7,20 selon
GLM (tableau 5). Un test formel de Student sur les trois
moyennes permet de conclure que, globalement, la mesure
du niveau de risque d’un krach à la baisse est identique que
les rentabilités soient « délissées » ou non.
Mais cette identité de la moyenne cache l’existence de
trois sous-groupes très différenciés de ce point de vue.
Il y a un groupe de neuf indices très leptokurtiques avec
des coefficients (selon GLM) supérieurs à 10 : six entre 10
et 20 et, surtout, trois entre 20 et 30, avec Fixed Income
Arbitrage de GV culminant à 39. Le groupe majoritaire
est composé des 26 indices qui sont « faiblement leptokurtiques » avec un coefficient (selon GLM) compris
entre 1 et 9. Enfin un petit groupe de cinq indices dont
le coefficient (selon GLM) est inférieur à 1 et qui doivent
vraisemblablement avoir une « vraie » kurtosis nulle.
V.3. L’augmentation de la perte
maximale potentielle
Compte tenu des modifications constatées sur les caractéristiques statistiques des séries délissées, il est intéressant
d’examiner l’évolution de la perte maximale éventuelle des
hedge funds à la suite du lissage et du délissage. Ce risque
est mesuré par la Value-at-Risk Modifiée (MVAR) de Favre
et Galeano (2002), dont le mérite principal réside dans
la prise en compte de la non-symétrie et de l’existence de
queues épaisses dans la distribution des rentabilités :
MVAR = W
(9)
;n - & zc + 1 ^ z2c - 1 h S + 1 ^ z3c - 3zc h K 6
24
1 ^ 3
2z - 5zc h S2 0 v E
36 c
Tableau 6 : Caractéristiques
d’ensemble des indices délissés :
la MVAR
Valeur
absolue
Série brute
(lissée)
Série délissée
selon G-OW
Série délissée
selon GLM
Variation
arrondie en %
G-OW versus
série brute
GLM versus
série brute
Moyenne
Écarttype
Max
Min
5,71
2,65
12,79(1)
2,38(2)
7,36
3,37
17,43(1)
3,01(2)
6,82
3,20
16,45(1)
2,73(2)
30
16
98(3)
12(4a)
20
11
52(3)
6(4b)
CSFB Emerging Markets, (2)CSFB Equity Market Neutral,
(3)
CSFB Convertible Arbitrage, (4)GV Opportunistic
(1)
14
Banque & Marchés nº 96 Septembre-Octobre 2008
où W est la valeur du portefeuille exposé au risqué, n = R
est la rentabilité moyenne, v ,S et K sont respectivement
l’écart-type, la skewness et l’excès de kurtosis des rentabilités ; zc est la valeur critique qui correspond au niveau
de confiance 1 - a ( zc = - 1, 96 quand a = 95 % )17.
Le résultat obtenu confirme et pourrait-on dire « synthétise » les résultats précédents : la MVAR selon G-OW et
GLM est systématiquement plus grande que celle des
rentabilités lissées. Cela reflète bien l’augmentation de
l’écart-type ainsi que celle (plus ou moins forte) de la
kurtosis et cela confirme certainement le peu d’influence
de la skewness, bien que cette dernière soit négative. La
différence varie de 12 % à 98 % selon G-OW et de 5 %
à 52 % selon GLM. Ce résultat indique que le risque
global de certaines stratégies de hedge funds est bel et
bien masqué par le lissage des rentabilités. En outre,
la méthode G-OW donne lieu à des MVAR en moyenne
10 % plus grandes que celles obtenues à partir des séries
corrigées selon GLM.
En résumé, la comparaison des caractéristiques statistiques et de leur signification financière des séries lissées
avec les séries délissées conduit à trois enseignements.
■■ ���������������������������������������������������������
Premièrement, le lissage des rentabilités (subi ou volontaire) a pour conséquence de modifier à la baisse les trois
paramètres indiquant un risque : l’écart-type, la skewness et
la kurtosis – l’effet majeur portant sur l’écart-type.
■■ En conséquence, cette baisse masque considérablement
le « vrai » niveau de risque des stratégies des hedge funds. Le
lissage crée une véritable illusion, tout spécialement pour
les stratégies les plus risquées.
■■ Enfin, le choix de la méthode de délissage (G-OW ou
GLM) semble neutre, leurs résultats étant très similaires :
même sens et presque même valeur chiffrée.
■■ VI. Les conséquences
du délissage sur
les performances
des hedge funds
L’objectif de cette correction des rentabilités des hedge
funds est de mesurer leurs « vraies » performances. Il est
donc important d’étudier le changement apporté par le
délissage sur les performances. Mais ici notre instrument
de mesure devient discutable. Chacun de ces indices va
être considéré comme un « fonds indiciel » (ce qui n’est
pas très gênant) qui est « en concurrence » avec les autres
fonds indiciels alors même qu’ils n’ont pas la même
stratégie – ce qui est plus gênant18. Le but est de mettre
clairement en lumière – avec des chiffres – les conséquences inéquitables de ce processus de lissage dans la
mesure des performances.
VI.1. La baisse
de la performance absolue
Deux mesures de performance sont sélectionnées : le
ratio de Sharpe classique (Sharpe, 1966) et l’indice Omega
(Keating et Shadwick, 2002).
Le ratio de Sharpe est calculé – malgré le fait qu’il demande
la normalité des distributions – parce que c’est la mesure
de performance la plus utilisée, tant par les universitaires
que, surtout, par les professionnels. Le calcul du ratio
de Sharpe des séries lissées et délissées est effectué de
manière très classique : la moyenne et l’écart-type sont
ceux de la série concernée et le taux sans risque est celui
des bons du Trésor américain à 3 mois19.
L’indice Omega est moins contraignant que le ratio de
Sharpe. Il a le mérite de tenir compte de toute la distribution des rentabilités sans formuler aucune hypothèse, ni
sur la forme de la distribution, ni sur la fonction d’utilité
de l’investisseur. Sa formule est la suivante :
Omega (x) = X (x) =
#x3 61 - F (R)@ dR
#-x3 F (R) dR
Ig
Ip
=
spécialement les gérants sur les Emerging Markets qui
n’obtiennent que 0,30. Évidemment, les ratios des séries
délissées sont moins flatteurs puisque la procédure GOW
diminue en moyenne les coefficients de 25 % et celle de
GLM de 20 %. À titre d’exemple, la moyenne des ratios des
40 séries lissées tombe, selon G-OW, de 1,16 à 0,86 avec
un maximum de 1,58 (et non plus 2,16) et un minimum
de 0,18 (à la place de 0,28). Le second enseignement est
que les coefficients des indices délissés (Sharpe comme
Omega) restent supérieurs aux coefficients des indices
non lissés. Enfin, les coefficients des indices délissés
comme ceux des non lissés sont nettement supérieurs
à celui du S & P 500.
Le tableau 8 présente de manière synthétique les différences
dans la répartition du ratio de Sharpe entre les trois séries
analysées : celle brute, celle corrigée suivant la méthode
de G-OW et celle corrigée suivant la méthode de GLM. On
voit très bien le glissement dans la classe inférieure.
L’indice Omega apporte le même glissement à la baisse
quand on utilise la procédure G-OW. En revanche, ce
glissement est moins net avec la méthode GLM. Cette
dernière conserve dans la catégorie la plus élevée (coefficient supérieur à 3) six des sept fonds qui en faisaient
partie sur la base de leurs rentabilités lissées.
(10)
La statistique Omega est le rapport des gains (I g) et
des pertes (I p) par rapport au seuil x fixé à la discrétion
des investisseurs, gains ou pertes pondérés par leurs
fréquences d’occurrence. En pratique, x est également
représenté par le taux des bons de Trésor américain à
3 mois. La performance est d’autant plus grande que
l’indice Omega est grand.
Le tableau 7 présente les résultats de ces deux mesures de
performance. Dans une optique comparative, celles relatives aux 14 indices non lissés ont été également calculées.
Ces résultats apportent trois enseignements. D’abord que
les ratios de Sharpe « officiels » des séries brutes (lissées)
donnent une image très flatteuse des gérants alternatifs
avec une moyenne générale de 1,16 et avec, entre autres,
quatre stratégies qui réussissent à dépasser 2. Parmi tous
ces « gagnants », quelques « perdants » néanmoins, tout
VI.2. Une modification notable
de la hiérarchie des indices
En fait, ce qui préoccupe les gérants de fonds est
moins la valeur absolue des coefficients mesurant leur
performance que sa valeur relative. En d’autres termes,
son rang dans le classement parmi ses pairs. Il est donc
important d’analyser sous cet angle les conséquences
Tableau 7 : Les mesures d’ensemble de Sharpe et d’Omega
Ratio de Sharpe
Indices
Valeur absolue
BL
BNL
Moyenne
1,16
0,64
Écart-type
0,53
0,54
Max
2,16
1,27
Min
0,28
– 0,32
S & P 500
0,49
Variation (%)
G-OW
GLM
G-OW
GLM
0,80
0,84
– 24,86
– 20,42
0,42
0,46
8,81
10,39
1,58
1,74
– 8,16
– 5,67
– 0,32
– 0,32
– 48,25
– 51,05
Indice Omega
Valeur absolue
 
Variation (%)
BL
BNL
G-OW
GLM
G-OW
GLM
Moyenne
2,42
1,65
1,83
1,97
– 18,58
– 12,56
Écart-type
0,99
0,60
0,59
0,74
9,51
6,02
Max
4,72
2,54
3,49
3,87
– 4,80
– 3,84
Min
1,17
0,75
0,75
0,75
– 41,01
– 28,42
S & P 500
1,36
BL : valeur des 40 séries brutes lissées ; BNL : valeur des 14 séries brutes NON lissées ; G-OW : valeur des 40 séries délissées par la méthode G-OW ;
GLM : valeur des 40 séries délissées par la méthode GLM
Banque & Marchés nº 96 Septembre-Octobre 2008
15
La nécessité de corriger les rentabilités des hedge funds
On pouvait s’attendre à une différence nettement plus
prononcée. Il faut néanmoins remarquer trois choses.
D’une part, l’inclusion (nécessaire) des indices non
lissés apporte un supplément (léger) de différence. Si
nous analysons l’ensemble de l’échantillon, la similitude
des classements est moins prononcée dans le cas de la
procédure G-OW. Enfin, les deux méthodes de correction
conduisent à des résultats très proches. Ce constat laisse
supposer que le délissage, quelle que soit la méthode
utilisée, n’a aucune incidence sur la performance relative des hedge funds. Compte tenu des enjeux financiers
importants du classement des fonds, ce constat mérite
d’être analysé de manière plus détaillée.
Tableau 8 : La répartition
des coefficients de Sharpe
des 40 indices « lissés »
et « délissés »
Ratio de Sharpe
Brute
G-OW
GLM
Sh < = 0,5
4
7
8
0,5 < Sh < 1
14
18
16
1 < = Sh < 1,5
12
13
12
1,5 < = Sh < 2
6
2
4
Sh > 2
4
0
0
Total
40
40
40
Moyenne
de Sharpe
1,16
0,86
0,91
VI.2.2. Des changements significatifs
de classe de performances
du délissage. Pour ce faire, un point méthodologique
important surgit : il faut réintroduire dans l’échantillon les
14 indices qui, n’ayant pas d’autocorrélation, n’ont pas été
délissés. Cette réintégration est doublement importante :
en théorie parce que l’on peu supposer qu’ils sont systématiquement défavorisés ; en pratique parce que les
mesures de performance portent, par définition, sur la
totalité des fonds d’une stratégie.
VI.2.1. Une curieuse similitude
des classements d’ensemble
De manière inattendue, les cinq classements obtenus
sont globalement similaires. Les coefficients de corrélation entre les rangs sont très élevés, comme le montre
le tableau 9.
Tableau 9 : Les corrélations
de Spearman entre
les classements
de performance
Indices lissés
seuls
Indices lissés
et Indices
non-lissés
Sharpe Omega Sharpe Omega
16
Brute vs
G-OW
0,963
Brute vs
GLM
0,952
0,983
0,947
0,97
G-OW
vs GLM
0,994
0,991
0,994
0,986
0,964
0,942
0,934
Afin de mieux cerner les conséquences en termes de
performance relative des fonds causées par le délissage ou
le lissage, nous avons procédé à l’observation des mouvements des fonds entre les quartiles à la suite du délissage.
Le principe de la répartition des fonds en quartiles est
le suivant. Les fonds sont d’abord hiérarchisés dans un
ordre décroissant sur la base de leur performance absolue,
brute ou corrigée. Ensuite, cette hiérarchie est découpée
en quatre groupes. Puisque notre échantillon comprend
54 indices, les deux premiers quartiles comportent chacun
13 indices alors que chacun des deux derniers quartiles
contient 14 indices.
Le tableau 10 tend à confirmer l’intuition selon laquelle les
fonds non lissés seraient systématiquement défavorisés.
Avant la correction, aucun des 14 indices non délissés ne
figure dans le premier quartile, celui des fonds les plus
performants. De manière générale, après correction
(selon la méthode G-OW)20 des indices lissés, les indices
non délissés connaissent un mouvement ascendant, avec
tout spécialement trois indices – CSFB Multi Strategies,
HFR Equity Market Neutral et HFR Market Timing – qui
Tableau 10 : La répartition par quartiles
des indices sur la base de leur rang
au ratio de Sharpe (avant et après le
délissage selon la méthode de G-OW)
Quartile Quartile Quartile Quartile
Total
1
2
3
4
40
Indices lissés
Avant le délissage
13
9
9
9
40
Après le délissage
10
11
10
9
40
En %
25
27,5
25
22,5
100
14
Indices non lissés
Avant le délissage
0
4
5
5
14
Après le délissage
3
3
3
5
14
21
21
21
36
100
En %
Banque & Marchés nº 96 Septembre-Octobre 2008
L’échantillon comporte 54 indices, parmi lesquels 40 connaissent
une corrélation sérielle et sont corrigés.
montent dans le premier quartile. En revanche, les quatre
derniers du classement sur la base des séries brutes le
sont toujours après la correction. Ce qui indique qu’il
existe deux catégories au sein des indices non lissés : les
« bons » qui sont désavantagés par la non-correction et
les « médiocres » pour lesquels la correction des indices
lissés concurrents n’apporte rien. L’analyse portant
sur les performances relatives des fonds selon l’indice
Omega ou suivant la correction de GLM conduit aux
mêmes conclusions.
En bref, le premier effet de la correction est d’améliorer
le classement des indices non lissés (et de diminuer
corrélativement celui des indices lissés).
VI.2.3. Des modifications significatives
du rang selon les performances
Sauf être « le premier » et ne pas être « le dernier », le
gérant souhaite surtout faire partie des « bons », c’est-àdire être dans le groupe de tête. La traduction statistique
de cet enjeu est les « mouvements » entre les quartiles.
Le tableau 11 présente ces passages d’un quartile à l’autre
selon la correction subie et selon la mesure de performance utilisée.
Les coefficients de corrélation précédents sont bien
confirmés : 81 % de l’échantillon d’ensemble (44 indices sur
54) ou 82,5 % des seuls indices lissés corrigés restent dans
le même quartile (quelque soit la méthode de correction).
Mais cela signifie tout de même que 12,5 % des fonds lissés
(soit 9 % de l’échantillon) sont rétrogradés alors que 21 %
des fonds non lissés sont surclassés selon le coefficient
Omega et même 29 % selon le ratio de Sharpe.
Indépendamment de l’aspect « éthique » – il s’agit de
mesurer la « vraie » performance et le « vrai » rang – trouver
que 19 % des fonds sont « touchés » par le délissage représente un résultat notable du point de vue scientifique
comme du point de vue des professionnels concernés.
En effet, les performances drainent les capitaux et ces
derniers servent partiellement de base à la rémunération
des gérants comme nous l’avons vu dans la section 2. Cela
vaut donc la peine de donner au lecteur une idée quant à
l’importance des modifications de classement.
■■ VII. Conclusion
Dans cette recherche, nous avons examiné deux méthodes
permettant d’éliminer la corrélation sérielle des rentabilités
des hedge funds et de reconstituer une série de rentabilités
dites « délissées » : celle de Geltner (1993) et sa généralisation par Okunev et White (2003) et celle de Getmansky,
Tableau 11 : Les mouvements entre quartiles des différents classements
de 54 indices
Ratio de Sharpe
G-OW
Lissés
GLM
Non-lissés
Lissés
Non-lissés
Nbr
%
Nbr
%
Nbr
%
Nbr
%
Passage au quartile INFÉRIEUR
5
12,5
0
0,0
4
10,0
0
0,0
Maintien dans le quartile
34
85,0
10
71,4
33
82,5
11
78,6
Passage au quartile SUPÉRIEUR
1
2,5
4
28,6
3
7,5
3
21,4
Égalité du rang
2
5,0
4
7,4
6
42,9
3
21,4
Modification d’UNE place
13
32,5
1
1,9
12
85,7
1
7,1
(en plus ou en moins)
Indice Omega
G-OW
Lissés
GLM
Non-lissés
Lissés
Non-lissés
Nbr
%
Nbr
%
Nbr
%
Nbr
%
Passage au quartile INFÉRIEUR
5
12,5
0
0,0
4
10,0
0
0,0
Maintien dans le quartile
33
82,5
11
78,6
35
87,5
12
85,7
Passage au quartile SUPÉRIEUR
2
5,0
3
21,4
1
2,5
2
14,3
Égalité du rang
7
17,5
3
21,4
6
15,0
3
21,4
Modification d’UNE place
(en plus ou en moins)
9
22,5
0
0,0
13
32,5
1
7,1
Banque & Marchés nº 96 Septembre-Octobre 2008
17
La nécessité de corriger les rentabilités des hedge funds
Lo et Makarov (2004). Nos conclusions principales
portent essentiellement sur l’impact du délissage et de
la méthode de délissage retenue sur les caractéristiques
financières des rentabilités des hedge funds ainsi que sur
leurs performances absolue et relative. Plusieurs enseignements émergent de cette étude.
Premièrement, les caractéristiques financières des hedge
funds après délissage sont profondément modifiées.
La moyenne obtenue reste la même mais le niveau de
risque est très largement augmenté. Selon la procédure
de correction, l’écart-type augmente en moyenne de
25 % et même de 37 % ; la skewness ne semble pas avoir
d’influence notable, au contraire de l’excès de kurtosis
qui indique qu’une forte majorité de hedge funds court un
risque « anormal » de krach à la baisse. Ces deux dernières
évidences empiriques sont un apport original à la littérature qui s’est intéressée uniquement à l’écart-type des
rentabilités et qui a négligé les troisième et quatrième
moments de la distribution.
La conséquence est que la performance absolue des hedge
funds se détériore considérablement après la correction
de l’autocorrélation, détérioration d’au moins 20 %,
voire 25 % en moyenne, selon la procédure utilisée et la
mesure de performance retenue. Si une vision cursive
des classements donne l’impression que ces derniers
sont peu modifiés, une analyse plus fine montre qu’un
changement de rang touche 20 % des cas. En plus, il
existe plusieurs cas de fort « déclassement » et de fort
« surclassement » – ces derniers corrigeant le désavantage que subissent les indices non lissés quand ils sont
comparés à des indices lissés.
Enfin, le choix de la méthode de délissage semble assez
neutre, les chiffres calculés selon les deux procédures
étant très proches quand ils ne sont pas identiques. On
peut seulement noter que la méthode de G-OW est plus
« brutale » dans l’abaissement des performances réalisées, ce qui doit provenir du fait qu’elle diminue plus
fortement que GLM l’écart-type. Dans la mesure où cette
méthode est plus facile à mettre en œuvre, elle pourrait
être privilégiée par les professionnels.
Ces trois séries de résultats ont des implications importantes pour les gérants de hedge funds comme pour les
autorités régulatrices. Nous confirmons l’existence
mi-naturelle et, sans doute, mi-intentionnelle du lissage
des rentabilités pour certaines stratégies de hedge funds.
Ne pas tenir compte de cette caractéristique conduit à
sous-estimer fortement le risque couru et à surestimer la
performance de ceux-ci. À une époque où on se préoccupe
avec raison « d’éthique » et de « bonne gouvernance », la
transparence demande que le vrai risque des hedge funds soit
connu et la morale exige que les gérants soient « notés »
selon leurs vraies performances.
RÉSULTATS DÉTAILLÉS
Le lecteur intéressé trouvera le détail de nos calculs et de
nos résultats dans le document « La nécessité de corriger les
rentabilités des hedge funds : RÉSULTATS DÉTAILLÉS » disponible sur le site http://www.univ-orleans.fr/leo/liensdr/
liendr2007/dr2007241.pdf
n
18
Banque & Marchés nº 96 Septembre-Octobre 2008
1. Dans la suite de l’article, les termes « hedge funds » et « fonds alternatifs »
seront employés de manière interchangeable. Bien que nous luttions contre le
« franglais » et les anglicismes, nous conservons ici le terme fund car l’expression
hedge fond nous semble incongrue.
2. Les termes « autocorrélation » et « corrélation sérielle » sont interchangeables
pour designer le fait qu’il existe un lien statistique entre les rentabilités mensuelles
des hedge funds.
3. Collateralized mortgage obligations (CMO) sont des obligations, en principe sans
risque, car elles sont garanties par un panier de prêts hypothécaires de maturité
fixe. Les règles relatives au remboursement du principal et au paiement de l’intérêt
sont spécifiées dans le prospectus d’émission.
4. Nous remercions le rapporteur anonyme qui nous a signalé ce phénomène.
5. Un autre seuil existe parfois, le hurdle rate, qui est la performance minimale à
atteindre pour que les frais de performance s’appliquent.
6. Ce phénomène de manipulation des comptes a déjà conduit trois hedge funds
(Manhattan, Ballybunion et Volter) à la faillite (Ineichen, 2000).
7. Le lecteur intéressé par une excellente synthèse sur les différents risques courus
par les hedge funds est renvoyé à Bertrand et Boulier (2003).
8. Weisman (2000) appelle narquoisement cette pratique « un support comptable du
marketing ».
9. « Most hedge fund managers are good, honorable people. But there are probably
some engaged in unsavory practices. » (Source : Is your Hedge Fund Manager too
Smooth?, Institutional Investor, Novembre 2002, Vol.36, Numéro 11 p. 9.)
10. Pour un panorama des différents indices de hedge funds existants sur le marché
ainsi que leurs indices, voir Amenc et Martellini (2003).
11. Lo (2002) et Getmansky et al. (2004) proposent une solution pour calculer le ratio
de Sharpe quand les rentabilités ne sont pas indépendantes dans le temps (en
langage technique, quand elles ne sont pas « iid »). Ces deux solutions ont le grand
mérite d’être très simples à mettre en œuvre puisqu’il s’agit de calculer un ratio
de Sharpe « corrigé ». Mais il ne s’agit que de la correction de la conséquence de
l’existence de la corrélation sérielle sur la mesure de performance. Nous préférons
analyser la correction du phénomène lui même.
12. Pour la présentation détaillée de ces deux méthodes, voir Gallais-Hamonno,
Nguyen-Thi-Thanh et Hoang (2007).
13. Sur le plan empirique, en appliquant k = 2 à un échantillon de 909 hedge funds
individuels ayant de 61 à 133 rentabilités mensuelles, GLM obtiennent des résultats
c
satisfaisants – l’estimation converge et les i sont tous positifs sauf un.
14. Néanmoins, nous nous demandons si ce ne serait pas l’explication du fait que les
corrections du modèle de GLM sont en général inférieures à celles de G-OW, même
si – comme nous le constaterons ci-dessous – elles sont très voisines.
15. Par souci de brièveté et compte tenu de leur similitude, ces résultats sur la
moyenne ne sont pas présentés dans cet article. Ils figurent dans le document « La
nécessité de corriger des rentabilités des « hedge funds » : RÉSULTATS DÉTAILLÉS »
disponible sur le site du LEO (cf. références)
16. La kurtosis K d’une distribution normale est égale à 3. En pratique, plusieurs
logiciels statistiques calculent l’excès de kurtosis (EK = K – 3), ce qui centre la
statistique calculée à zéro. C’est le cas de nos résultats.
17. Le Professeur Roger a attiré notre attention sur le fait qu’un calcul de MVAR n’est
licite que si la distribution est proche de la normalité – ce qui n’est pas le cas de
nos indices au vu de leur kurtosis. Après hésitation, cette mesure est finalement
conservée en raison de son utilisation très fréquente par les universitaires et les
professionnels et afin de donner des résultats directement comparables à leurs
travaux.
18. Lors du séminaire du LARGE, le Professeur Roger a raconté qu’en mai 2007 à
Chicago, il a assisté à la présentation d’un travail dans lequel l’auteur comparait
les distributions de rentabilités de hedge funds entre stratégies différentes. Les
distributions n’étant pas statistiquement différentes, l’auteur concluait que si
les hedge funds ont bien une certaine « étiquette », ils ont en fait une très grande
liberté de gestion.
RP - R f
* 12 avec R P la rentabilité mensuelle,
19. En pratique, SHannualisé =
vP
R f le taux sans risque mensualisé, v p l’écart-type des rentabilités mensuelles.
20.Ici et dans ce qui suit, nous analysons davantage la correction de G-OW parce que
c’est elle qui s’éloigne le plus des séries brutes.
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