Morale laïque : religion et laïcité
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Morale laïque : religion et laïcité
EDITO Morale laïque : religion et laïcité L e président de la République a rappelé le 9 décembre dernier, que la laïcité n'était ni un "dogme," ni "une doctrine" mais un "art de vivre ensemble." En annonçant le même jour, la mise en place de l'Observatoire national de la Laïcité -à la date anniversaire de la promulgation de la loi de séparation de l'Église et de l'Étatle chef de l´État a réaffirmé le rôle fondamental de la laïcité pour "répondre aux enjeux du temps présent" Outre des missions précisées dans le décret de sa création en 2007 -de veille, d'études et d'analyses pour éclairer les pouvoirs publics sur la laïcité-, cet observatoire aura désormais également pour tâche de définir une "morale publique," qui devra être enseignée comme une discipline à part entière à l'école. Porteuse d'une identité religieuse, la communauté juive -comme collectif qui participe à l'espace public et civique- est directement intéressée par la question de la transmission d'une morale laïque ou publique. Dans le contexte particulier de l'après Toulouse qui a libéré les passages à l'acte antisémites, au lieu de les voir diminuer avec l'ampleur du drame, un enseignement -qui prépare les jeunes à faire leur entrée dans l'espace civiquene peut être que bienvenu. Il est révélateur d'un certain malaise ou d'une vraie incompréhension que ce soient des jeunes français, nés en France mais élevés sans les valeurs de la France, qui ont exécuté de sang-froid de très jeunes enfants juifs et un professeur ; assassiné des soldats français ; fomenté un attentat à la grenade dans une épicerie casher ; et très récemment fait exploser une bouteille d'acide aux pieds d'une enseignante qu'ils avaient menacée, parce qu'ils la soupçonnaient d'être juive. Si cette morale laïque peut aider à faire rempart contre l'endoctrinement des esprits qui pousse des jeunes, pourtant éduqués dans les écoles républicaines à commettre des crimes, au nom d'une religion qu'ils instrumentalisent, son objectif sera en grande partie rempli. En PAR JOËL M E R GUI* grande partie seulement parce qu'il ne faudrait pas que cette morale laïque, qu'il reste à définir, cristallise les crispations de tous ceux qui voudraient exclure complétement le fait religieux du champ public. L'instrumentalisation de la religion par certains islamistes radicaux et l'horreur de leurs crimes ont hélas entraîné un regain de méfiance sinon alimenté une attitude de rejet vis à vis des religions. Perçues comme des sources de conflits potentiels dans l'espace public, les Juifs se sont partout, toujours intégrés dans les sociétés où ils ont vécus. Leurs expériences, souvent traumatiques, de l'injustice, de l'exclusion et du meurtre de masse comme du génocide n'ont pas servi de prétexte à exiger des droits particuliers à leur égard. La pauvreté, le barrage de la langue, la différence de culture comme de religion n'ont pas été les instruments de leur insertion et de leur réussite sociale individuelle. Aux statuts de victimes, les juifs ont préféré celui d'acteurs à part La religion intelligemment encadrée n'est pas un facteur d'exclusion mais un élément d'intégration certains demandent à les cantonner exclusivement dans la sphère privée et à renforcer la laïcité, notamment en inscrivant la loi de 1905 dans le marbre de la constitution. Il ne faudrait pas que cette morale laïque ni l'Observatoire de la laïcité -dont la composition n'inclut de droit curieusement aucun représentant des cultes-, renforcent le sentiment déjà prégnant d'une partie de la société que les religions sont des causes de troubles à l'ordre public ou des facteurs d'exclusion. A insister toujours sur la laïcité plus que sur la République, dont elle n'est pourtant qu'un des attributs, à faire porter aux religions le poids de l'échec d'un modèle politique d'intégration et à ne pas fédérer les individus autour de valeurs universelles dans le sens de l'intérêt général, il me semble que l'on prend le risque de cantonner le fait religieux à la marge de nos sociétés, avec le danger de le voir épisodiquement resurgir de façon violente et complètement instrumentalisé. Or, la religion, lorsqu'elle est intelligemment encadrée, n'est pas un facteur d'exclusion comme l'avaient compris les premiers rédacteurs de la loi de 1905, mais bien au contraire un élément d'intégration dans la société et dans l'espace citoyen. Après les différentes catastrophes dont ils ont été les victimes, entière et, en bénéficiant de droits, ils ont accepté le corollaire des devoirs. De même, parce qu'ils étaient à l'aise dans leur identité juive, et que celle-ci ne pose pas problème, ils ont pu s'intégrer tout naturellement dans le tissu social. C'est pourquoi, fort de l'expérience positive de notre communauté, et du dialogue interreligieux dans lequel nous sommes engagés, il m'apparaît aujourd'hui, contrairement aux discours alarmistes de certains que, si on additionne tous les besoins propres de chacun des cultes, et les mettait en œuvre avec concertation, aucun déséquilibre majeur ne viendrait bouleverser notre société. Je suis même persuadé qu'accorder aux personnes engagées dans une démarche spirituelle, des aménagements semblables à ceux que l'on admet par exemple pour les sportifs de haut niveau, les handicapés, les malades, les ultra-marins, les pères et mères de famille ou les étudiants salariés ne porterait aucune atteinte à notre société, ni à la laïcité à laquelle tous, religieux compris, sont profondément attachés. C'est aussi à cela qu'une morale laïque devrait conduite, l'intégration de la religion dans une relation apaisée avec la citoyenneté, pour mieux former demain les futurs acteurs d'un bien vivreensemble. -*Président du Consistoire INFORMATION JUIVE Décembre 2012 5